Le petit trafic d’héroïne qui existait à Mogadiscio depuis quelques années s’est notablement accru avec le conflit actuel. On constate en effet que les réseaux commerciaux qui maîtrisent à l’intérieur du pays la distribution des produits alimentaires et du khat, substance licite dans la Corne de l’Afrique (sauf, selon la loi, en Somalie), utilisent leurs contacts internationaux pour développer le trafic d’armes et de drogues dures. Les marchands somaliens sont en contact, grâce en particulier à leurs agents basés à Djibouti, avec les pays du Golfe, mais aussi les pays d’Asie du Sud-Ouest au premier rang desquels le Pakistan. L’intervention militaire américano-onusienne, les bombardements sur Mogadiscio, les tentatives de manipulation des factions en guerre, ne font qu’amplifier le processus de dislocation de la société somalienne et de son économie et le recours à ces financements "alternatifs". Les chefs de guerre du conflit somalien appartiennent à des élites commerçantes qui ont construit leur fortune sur l’exportation de bétail dans les pays du Golfe. Alors que la distribution de denrées alimentaires est aléatoire, le khat continue d’être livré quotidiennement en Somalie (La Dépêche Internationale des drogues n 16). Cette plante, dont le coût est en rapport avec sa fraîcheur et sa qualité, est mâchée régulièrement par une partie de la population civile, mais aussi par les soldats et les miliciens. Sa culture ayant été interdite en 1983, - mais une reprise de la production serait en cours dans la région de Borama au nord/nord-ouest - ce sont les pays voisins qui fournissent quotidiennement le pays en khat : essentiellement, le Kenya (région de Meru), l’Ethiopie (Harar - Jijiga). Depuis la fin des monopoles du commerce du khat en Ethiopie et à Djibouti, cette activité a considérablement progressé dans la région. Le khat kenyan est amené à l’aéroport de Nairobi, chargé dans des avionnettes qui desservent les villes du sud et du centre de la Somalie équipées d’un aéroport : Bardera, Baïdoa, aéroport K-50, Lugh Ganana, Hoddour, Belet Huen, et Galcaio plus au nord. Le khat est aussi transporté à travers la frontière kenyo-somalienne, par véhicules tout terrain ou caravanes. Il transite par les camps de réfugiés somaliens en territoire kenyan (Garissa), mais aussi par la ville frontière de Liboi, ou bien passe plus au nord vers Mandera. Le transport maritime du khat se pratiquerait aussi à partir du port de Mombasa en direction de Kismayo, Brava et Mogadiscio. Le khat éthiopien est essentiellement acheminé de sa région de production Harar et Jijiga, vers l’aéroport de Dire Dawa. De là, il est transporté par avion-cargo sur Djibouti. A partir de Djibouti, où il est fort apprécié et consommé, une partie du khat serait livrée par avion sur les villes du nord de la Somalie : Hargeysa, Berbera. Mais le khat est aussi transporté en quantité importante par voie terrestre (véhicules 4 x 4) de la région de production en direction des villes somaliennes proches de la frontière : Borama, Hargeysa. De là, il est distribué par route dans le nord du pays. On évalue les quantités de khat quotidiennement acheminées sur la Somalie, à partir du Kenya et d’Ethiopie, à treize tonnes environ. La régularité de l’approvisionnement peut s’expliquer par l’apport financier non négligeable que procure le khat aux commerçants. Mais il représente aussi pour leurs alliés, les chefs de guerre, une nécessité car ces derniers, afin de fidéliser leurs soldats, doivent les alimenter quotidiennement en khat. Les deux principaux acteurs du conflit somalien, le président Ali Mahdi et le général Aïdid, qui appartiennent à une élite commerçante au sein de la même grande famille clanique des Hawiye, sont directement concernés par ce phénomène. Osman Atto, grand homme d’affaires soutenant le général Aïdid affirme ne pas être impliqué dans le commerce de khat. Cependant, il est réputé avoir fait aménager l’aéroport K-50 (à cinquante kilomètres de Mogadiscio). Sur cet aéroport arrivent tous les jours des avionnettes chargées de khat en provenance du Kenya. (enquête de la rédaction de La Dépêche Internationale des drogues).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 21