Le 23 janvier, 500 ex-rebelles du Front national du Tchad (FNT), las d’attendre leur intégration dans l’armée, se sont soulevés à Abéché, dans la région est du pays. Après avoir tué une cinquantaine de soldats et s’être emparé de leurs armes, ils auraient franchi la frontière soudanaise. L’existence dans le pays de 50 000 personnes armées, appartenant à une dizaine de clans, dont cinq au moins sont militairement actifs, ne peut que conduire à une aggravation de la situation créée par les drogues. Le Tchad est, en effet, un important pays producteur de cannabis et ses frontières avec six pays - la Libye, le Soudan, la République Centrafricaine, le Niger, le Cameroun et surtout le Nigéria - en font également une des plaques-tournantes du trafic de l’héroïne. Le cannabis est cultivé à l’ouest, le long des rives du lac Tchad ; au sud-ouest, dans le Mayo Kebbi et le Tandjilé ; dans l’extrême sud, aux frontières du Cameroun et de la Centrafrique ; enfin à l’est, à la frontière du Soudan, dans la région du Ouaddaï dont la capitale est Abéché. Dans cette dernière, les paysans bénéficient d’un marché important de l’autre côté de la frontière, au Soudan, où l’usage de l’herbe est généralisé. L’extension des cultures s’explique également par le climat d’insécurité que font régner les différentes bandes armées dont certaines se livrent à des incursions à partir du pays voisin. On a même pu observer que certains agriculteurs ont commencé à cultiver du cannabis sur des parcelles qui étaient d’habitude réservées au mil. Avant la dévaluation du franc CFA, un sac de 100 kilos de mil se vendait 6Ê000 francs CFA (120 francs) et 100 kilos de chanvre indien 250 000 francs CFA (5 000 francs). Dans la région du Ouaddaï, les activités agro-pastorales sont également perturbées par les menaces de razzias après l’hivernage. Dans le Logone oriental, les violences politiques ont provoqué l’exode de 50 000 personnes en République centrafricaine au début de l’année dernière. Ceux qui n’ont pas fui se sont cachés pour ne pas être massacrés. La tranquillité étant rétablie, des milliers de réfugiés sont rentrés pour les récoltes de septembre 1993. Dans ces deux régions, il est tentant pour les paysans de semer du cannabis qui demande peu de soins et dont la vente permet d’acheter les vivres qui n’ont pu être produits. Les productions répondent à la demande intérieure où la consommation de la marijuana touche tous les milieux, en particulier l’armée, du simple soldat aux officiers. Les premières saisies d’héroïne, sur une échelle relativement importante, ont eu lieu en l989, année où fut créée la Brigade des stupéfiants. La drogue est originaire soit du sud-est soit du sud-ouest asiatique. Dissimulée dans des marchandises (par exemple des tissus ou des vêtements), expédiées par fret aérien sur la compagnie Ethiopian Air Lines, elle part de Bangkok dans le premier cas, de Bombay dans le second, et emprunte la route Addis-Abeba (ou Nairobi) pour gagner ensuite N’Djamena. Les marchandises sont déchargées et des commerçants nigérians viennent en prendre livraison et l’acheminent par la route, via le Cameroun, jusque dans leur pays. Parvenue au Nigeria, la drogue est "conditionnée" pour être réexpédiée par une myriade de passeurs en Europe ou aux États-Unis. Il est à noter qu’au cours des émeutes qui, en décembre l990 ont abouti à la chute d’Hissène Habré, 92 kilos d’héroïne, représentant les saisies au cours de l’année précédente, ont "disparu". Les soupçons se sont portés sur le chef d’un des services secrets (Direction de la documentation et de la sécurité - DDS) de Hissène Habré. La responsabilité de "la gestion" de la drogue saisie était en effet confiée à cet organisme (correspondant de l’OGD au Tchad).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 29