Dans un mémorandum remis à un correspondant de l’OGD, dans le nord de la Thaïlande, l’organisation représentative de la minorité wa, qui contrôle militairement environ 20 000 kilomètres carrés de territoire dans le nord-est de la Birmanie, propose de mettre fin à la culture de pavot en échange d’une aide au développement passant directement par son intermédiaire. L’aide internationale est théoriquement versée via le gouvernement de Rangoon, accusé par les Wa d’être lié au narco-trafic. Plusieurs agences de l’ONU, parmi lesquelles le PNUCID, le PNUD, la FAO et le FIDA, participent au programme lancé par la junte militaire (SLORC) pour le "développement des zones frontières" qui devrait théoriquement bénéficier aux Wa. Ces derniers affirment ne pas en avoir vu la couleur : "les routes et autres travaux dont la réalisation a été claironnée n’existent que dans les colonnes de la presse", souligne le mémorandum. Les Wa affirment exercer leur contrôle sur 70% de la zone productrice d’opium en Birmanie, le premier producteur mondial d’héroïne. Cette ethnie fournissait 80% des troupes du Parti communiste birman (PCB, fort d’environ 15 000 hommes bien armés et principal adversaire du SLORC). Les Wa, en se mutinant, ont été la cause de la disparition, en 1989, du PCB, dont la direction s’est exilée en Chine. Ils ont alors passé un accord avec le SLORC qui leur concédait l’autonomie dans une zone limitrophe de la province chinoise du Yunnan, leur permettait de garder leurs armes, et leur promettait une aide au développement en échange de l’engagement de ne pas s’allier aux autres minorités en lutte comme les Kachin. L’inspirateur du mémorandum est Saw Lu, un Wa, devenu en l992 le principal conseiller en relations internationales de l’organisation politico militaire des Wa, l’UWSA (United Wa State Army). Ancien fonctionnaire de l’Etat birman à Lashio, dans l’Etat shan, fondateur, lors du soulèvement démocratique de l988, de deux partis politiques : le Wa National Development Party et le Lahu National Development Party (sa femme est elle-même une Lahu) et informateur de la DEA à Rangoon, il a été arrêté et torturé, en janvier l992, à la suite de l’interception par la police birmane d’un rapport où il mettait en lumière les activités de narco-trafiquant du major Than Aye, chef du renseignement militaire à Lashio. Saw Lu a été relâché en mars l992, après un ultimatum de Chao Ngi lai, le chef de l’UWSA, qui menaçait de rompre le cessez le feu conclu avec le SLORC. Selon le document de Saw Lu, "l’armée birmane gagne beaucoup d’argent grâce au commerce de l’héroïne. Ce que les Wa obtiennent pour l’opium qu’ils cultivent leur permet à peine de survivre en payant tout juste la nourriture et les vêtements... Nous avons besoin d’une aide extérieure pour nous débarrasser de l’opium au même titre que l’héroïnomane occidental qui veut rompre avec sa dépendance. Il est dans notre intérêt de planter autre chose, mais le SLORC perdrait une grande partie de ses revenus, c’est pourquoi il contrarie nos efforts et dupe la communauté internationale" (envoyé spécial de l’OGD à la frontière birmane).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 21