Depuis plusieurs mois, la drogue fait quotidiennement la "une" des journaux philippins. Pour la première fois, en effet, l’affaire qui défraie la chronique dépasse le cadre de l’habituelle corruption de fonctionnaires subalternes. Elle est plus sérieuse car elle met directement en cause des hommes politiques et de hauts dirigeants de l’administration. Les faits remontent au 4 juillet dernier, lorsque onze trafiquants de nationalité indienne sont arrêtés dans la banlieue de Manille. La police découvre dans les locaux qu’ils occupent un laboratoire de méthaqualone (un sédatif aux effets hypnotiques et euphorisants), connue aux Philippines sous le nom de Mandrax, et de Quaalude aux USA et y saisit 6,9 tonnes de cette drogue. Inculpés le 29 juillet, les onze Indiens risquaient la peine de mort. Pourtant, le 12 août, ils étaient autorisés à quitter le pays pour Bombay. Les différents services concernés (justice, immigration, police, sécurité) se renvoient la responsabilité de cette "bavure". Le sénateur Ernesto Herrera Maceda, président de la Commission antidrogues, crie au scandale et critique le Narcotics Command, ce service de police ayant eu en main, selon lui, les preuves de l’appartenance des inculpés à un réseau international. La méthaqualone saisie arrivait d’Inde et du Pakistan sous forme de poudre pour être conditionnée aux Philippines, avant d’être distribuée essentiellement en Afrique australe et de l’est (voir article page 7). L’affaire des trafiquants indiens a eu pour conséquence directe les démissions du directeur des services d’immigration, Zafiro Respicio, suspecté d’avoir touché pour leur élargissement une somme de 20 millions de pesos (4 millions de francs) et de deux de ses adjoints. Ont été également accusés de corruption : Epimaco Velasco, responsable des services de renseignement (National Bureau of Investigation) ; le numéro 2 du NBI, Ramon Esguerra ; le vice-ministre de la Justice, Reynaldo Lugtu ; un procureur de la République ; et Silvestre Bello III, ancien Ministre de la Justice et porte - parole (démissionnaire) du Lakas - NUCD, le parti du président Fidel Ramos. Ce dernier, qui cherche à donner de son pays une image rassurante pour y attirer les capitaux européens, comme en a témoigné sa récente visite officielle en France, a vivement réagi à cette affaire. Il a exigé que toutes les personnes impliquées soient traduites en justice. Quel que soit le résultat final de cette annonce publique d’un "coup de balai", le fait que des personnalités politiques de premier plan et des hauts fonctionnaires soient suspectés laisse supposer que les réseaux de trafiquants aux Philippines bénéficient d’appuis au plus haut niveau et que des sommes d’argent très importantes sont mises en jeu pour y couvrir de telles opérations (correspondant de l’OGD aux Philippines).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 36