L’accord de paix, s’il entre effectivement en vigueur, sanctionnera la suppression du statut d’autonomie du Kosovo, par le président Milosevic en 1989. Or, la décision de 1989 ne concernait pas seulement le Kosovo, mais aussi la Vojvodine. En toute logique, le Conseil de sécurité et l’OTAN devraient donc garantir identiquement l’autonomie de la Vojvodine. S’ils ne le font pas aujourd’hui, ils ne pourront pas ne pas le faire demain.

Les Américains croyaient pouvoir régler la question yougoslave avec les Accords de Dayton. Ils ont fait la paix en Bosnie et oublié le Kosovo. Ce ne fut que partie remise. Aujourd’hui, à Kumanovo ou ailleurs, ils peuvent faire la paix au Kosovo en oubliant la Vojvodine. La Vojvodine se rappellera à eux.

Dans trois ans, un référendum d’auto-détermination sera organisé au Kosovo autonome. Il accédera alors à l’indépendance, soit en totalité, soit après avoir été divisé en deux. Mais le Kosovo, même entier, n’étant pas viable, il faudra le rattacher à l’Albanie. De même, lorsque l’on aura entériné l’indépendance de la Vojvodine, il faudra la rattacher à la Hongrie.

Ce processus est inévitable, depuis cette funeste journée de 1991 où le Saint-Siège puis l’Allemagne reconnurent unilatéralement l’éclatement de la Yougoslavie et l’indépendance de la Slovénie et de la Croatie.

C’est pourquoi, au moment exact où nous fêtons le 79 anniversaire du Traité de Trianon, les Hongrois de Vojvodine se tournent vers la Hongrie. En rêvant de leur unité, ils éveillent les revendications de leurs " frères ethniques " de Slovaquie et de Roumanie.

La semaine dernière les intellectuels hongrois de Transylvannie et de Batna ont publié un manifeste pour l’autonomie de leur région au sein d’une Roumanie fédéralisée. A la suite du séparatiste Sabin Gherman, ils font valoir que la Transylvannie ne saurait être ralentie dans son accession à l’Union européenne par le reste du pays, économiquement moins développé. Le 5 juin, le président Emil Constantinescu leur a signifié une fin de non-recevoir, déclarant que cette autonomie ouvrirait la voie à l’émiettement de la Roumanie, exactement comme on vient de le voir pour la Yougoslavie.

Le 6 juin, six formations politiques, représentatives de la Grande Hongrie, ont publié un manifeste pour l’autonomie de la Vojvodine au sein de la Serbie.

En réaction, les 5 et 6 juin, la ville de Cluj (Roumanie), fief du Parti de l’Alliance, a été le théâtre de pogroms anti-Hongrois, à la suite de la victoire de l’équipe de football roumaine sur l’équipe hongroise invitée.

Nouvelle Pandore, Madeleine Albright a annulé lundi la visite qu’elle devait effectuer en Roumanie...

Thierry Meyssan