Madeleine Albright avait assuré le président Clinton que le bombardement de la Yougoslavie contraindrait Milosevic à abdiquer. Ce devait être " une question de jours, pas de semaines ". Elle avait aussi assuré que cette campagne aérienne serait de peu d’incidences sur les relations internationales. Aujourd’hui chacun peut vérifier que ces pronostics tenaient plus de l’opinion que de l’analyse.
La Grèce a considéré que cette guerre, si elle ne se menait pas contre elle, la menaçait. Elle a vécu le bombardement de son allié historique serbe comme une atteinte à sa sécurité, et le rapprochement turco-albanais comme un danger direct. Même si l’OTAN a limité le contingent turc au Kosovo et ne l’a mis en place qu’avec retard et discrétion, l’armée turque assure aujourd’hui l’encadrement de la Garde nationale albanaise et prend en charge la restructuration de la marine de guerre albanaise. Pour se protéger, la Grèce vient d’annoncer la signature, le 12 juillet prochain, d’un pacte tripartite de Défense avec l’Iran et l’Arménie. Cette triplice paralysera la Turquie en l’encerclant. Ce dispositif logique déstructure complètement l’OTAN puisque la Grèce et la Turquie en sont membres, et ruine les efforts d’élargissement de l’Alliance dans le Caucase.
Si l’Union européenne vient d’accorder à la Grèce le siège de l’organisation de reconstruction des Balkans (qui sera basée à Thessalonique), les États-Unis vont devoir trouver à leur tour un lot de compensation.
Par ailleurs, la punition infligée à la Yougoslavie pour avoir pratiqué l’épuration ethnique suscite des interrogations sur le laxisme vis-à-vis de la Turquie qui déporte ses populations kurdes et occupe le nord-est de Chypre. Après le G8, le Conseil de sécurité vient de rouvrir le dossier chypriote.
La désintégration de la Yougoslavie se prolonge par une agitation en Vojvodine. Le Premier ministre hongrois soutient publiquement les indépendantistes, soulevant des craintes d’extension du conflit en Roumanie et en Slovaquie. Les déclarations du général Clark, selon lesquelles les principes du Traité de Trianon (1920) sont " dépassés ", ont jeté un peu plus d’huile sur le feu.
En attendant, les sanctions commencent à poindre à Washington. Le directeur adjoint de la CIA, Jack Downing, et le chef du département Eurasie de l’Agence, John Bender, ont été suspendus, tandis que, dans les milieux proches de la Maison-Blanche, on évoque l’éviction de Madeleine Albright au cours de l’été. Le président Clinton souhaite désormais changer de politique et stopper le processus de désintégration de la Yougoslavie. Il devrait s’opposer à l’indépendance du Monténégro et favoriser une sorte de refédéralisation de la Yougoslavie, voire la création d’une Confédération balkanique. Une volte-face qui ne peut effacer les dommages de la guerre et se heurte au maintien au pouvoir de Slobodan Milosevic.
Thierry Meyssan
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