Cette lettre nous a été transmise par le CIRC, qui en était le destinataire. Les noms, dates et lieux ont été changés.

Messieurs,

Ceci concerne mon fils Franck âgé de 23 ans, vivant sous mon toit, et actuellement demandeur d’emploi. Il y a quelque temps, un trafiquant de drogue a été arrêté. Il a déclaré au juge que la drogue lui avait été vendue par un dénommé Franck, très grand, aux cheveux noirs, et demeurant à Y. Or, il se trouve que mon fils correspond à ce signalement.

Mardi matin, à 6 h 30, on sonne à la porte. Je l’ouvre. Horreur ! sept gendarmes accompagnés d’une personne en civil avec un gros chien rentrent chez moi et me demandent où est Franck. "Nous avons un mandat de perquisition pour trafic de drogue et usage de stupéfiants."

Inutile de vous dire que le ciel nous est tombé sur la tête. Franck est réveillé comme un criminel.Je demande aux gendarmes s’ils ont un mandat de perquisition. On me répond : "ce n’est pas nécessaire, c’est le juge qui nous envoie, si vous n’êtes pas d’accord on appelle vos voisins"...

Ils fouillent la chambre de Franck, ils soulèvent le matelas, ils fouillent partout, le gros chien de la drogue n’aboie pas, car ils ne trouvent rien. Un gendarme a regardé dans ma cuisine, ouvert le buffet de la salle à manger. Mon mari est potier, et son atelier de céramique se trouve au rez-de-chaussée. On a été également regarder dans l’atelier.

J’oublie de vous dire qu’il y avait trois camionnettes devant ma maison, on fait moins de manières pour les terroristes. Un gendarme avait même sorti les menottes. Mon mari a dit : "pas de menottes, il n’a tué personne."

Franck est donc parti en garde à vue avec les gendarmes. Mon mari a été signer le mandat de perquisition à 9 h et n’a pas vu son fils. J’oublie de dire que ma fille de 16 ans a été témoin de cette perquisition. Elle allait en classe et a été traumatisée suite à cette affaire, car elle aime son frère et m’a tout de suite dit : "Maman, Franck n’a rien fait, il est innocent, je connais mon frère." Nous avons tous été traumatisés par cette affaire et nous avons subi un préjudice moral. Depuis, nous faisons des cauchemars et prenons des calmants.

Franck a donc été en garde à vue et attaché. On lui a dit : "Avoue, c’est ta parole contre la sienne." Au début, on l’a traité comme Pablo Escobar. On a vérifié son compte bancaire où n’apparaissent en crédit que mes petits virements mensuels, les virements CPAM et les chèques Manpower. Il a dormi à la gendarmerie, au "trou", sur une planche en bois. Il a été mis en garde à vue 26 heures. Le mercredi matin, on lui a dit : "Soit tu signes que tu fumes du cannabis avec les copains, ou bien on convoque le Républicain lorrain, que tout le monde sache. Et tes parents auront une belle publicité. Signe !" Mon fils a signé. On a téléphoné à mon mari pour qu’il vienne le chercher.

Nous nous posons cette question, pouvez-vous nous répondre ? Peut-on, dans un pays civilisé, agir de cette manière ? La Gestapo agissait comme ça : même heure, menaces...

Nous avons été traumatisés par cette affaire.Pouvez-vous me dire si je peux bénéficier d’une assistance juridique pour les suites à cette affaire, qui pour nous est très grave ?

En France, pays des droits de l’homme, on arrête un innocent sur la dénonciation d’un criminel.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués.

X.


P.S. Au bout de 20 heures de garde à vue, mon fils a réclamé un avocat, on lui a répondu niet : "tu n’en a pas besoin !"...

J’espère que vous comprenez notre état d’âme. Mon mari et moi n’arrivons pas à surmonter ce drame. J’espère que vous pourrez nous aider. Merci encore une fois.