L’Etat est représenté en Corse par deux préfets, le préfet de Corse-du-Sud, qui est en même temps préfet de la région Corse, et le préfet de Haute-Corse. Ces préfets ont les mêmes attributions en matière de sécurité que l’ensemble des préfets continentaux.

Le III de l’article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, dans sa rédaction résultant de la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, prévoit que, sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l’exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l’Etat dans le département " anime et coordonne la prévention de la délinquance et de l’insécurité " et que, sans préjudice des textes relatifs à la gendarmerie nationale, " il fixe les missions et veille à la coordination des actions, en matière de sécurité publique, des différents services dont dispose l’Etat ". Il précise enfin que " les responsables locaux de ces services et forces lui rendent compte de l’exécution des missions qui leur sont ainsi fixées " et que le préfet " s’assure du concours de la douane à la sécurité générale dans la mesure compatible avec les modalités d’exercice de l’ensemble des missions de cette administration ".

Ainsi les préfets, en Corse comme ailleurs, assurent-ils la direction et le contrôle de la police nationale, ainsi que la coordination opérationnelle de l’ensemble des forces participant à la sécurité, y compris la gendarmerie.

La Corse diffère cependant des autres départements du fait de l’existence du préfet adjoint à la sécurité, d’une part, et de l’attribution au préfet de région des pouvoirs d’un préfet de zone de défense, d’autre part.

A) LE PREFET ADJOINT A LA SECURITE

En Corse, est institué un préfet adjoint à la sécurité chargé d’assister le préfet de chaque département en matière de sécurité publique.

Au terme d’une évolution assez complexe, ce préfet adjoint se trouve être le seul existant en France. Ses pouvoirs sont moins importants que ceux des préfets délégués à la sécurité et à la défense chargés d’assister les préfets de zones de défense, et bien entendu de ceux du préfet de police à Paris.

(1) Un historique complexe

Le décret n° 72-880 du 29 septembre 1972 institue les préfets délégués pour la police qui reçoivent de la part des préfets de départements une véritable délégation de pouvoirs en matière de police. A la même date a été nommé un préfet délégué pour la police auprès du préfet du Rhône.

Le décret n° 83-11 du 5 janvier 1983 étend le nombre de préfets délégués pour la police, à l’époque dénommés " commissaires de la République délégués " aux départements des Bouches-du-Rhône et du Nord ainsi qu’aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, en précisant toutefois, que dans ces deux derniers départements, ces fonctions peuvent être exercées par le même préfet.

Le même jour, le commissaire Robert Broussard est nommé commissaire de la République délégué pour la police en Corse-du-Sud et en Haute-Corse.

Une instruction du 16 mai 1983 fixant le rôle et les attributions du commissaire délégué pour la police précise le cas de la Corse en limitant l’étendue de la délégation de pouvoir pouvant y être consentie au commissaire délégué par rapport à celle dont peuvent bénéficier ses collègues.

Le décret n° 89-666 du 13 septembre 1989 transforme les préfets délégués à la sécurité en préfets adjoints pour la sécurité chargés d’assister le préfet en matière de sécurité et ne disposant plus que d’une simple délégation de signature.

Le décret n° 89-743 du 2 octobre 1989 fixe la liste des départements dans lesquels peuvent être nommés des préfets adjoints pour la sécurité et précise que cette fonction peut être exercée par la même personne dans les deux départements corses.

Le décret n° 93-377 du 18 mars 1993 institue les préfets délégués pour la sécurité et la défense auprès des préfets de zone de défense, pouvant recevoir délégation de signature en matière de sécurité civile, de défense non militaire et, en l’absence de préfet adjoint à la sécurité, en matière de sécurité publique. Ce décret ne laisse subsister le préfet adjoint à la sécurité que dans les départements corses et dans celui des Bouches-du-Rhône. Par la suite, hormis en Corse, l’ensemble des emplois de préfet adjoint à la sécurité ont été remplacés par des emplois de préfet délégué.

Le préfet adjoint à la sécurité en Corse reste donc le seul de son espèce.

Une instruction en date du 31 octobre 1994 fixe les responsabilités et les pouvoirs de ce préfet, en le dénommant d’ailleurs improprement " préfet délégué pour la sécurité en Corse ".

Depuis la nomination de Robert Broussard, en 1983, se sont succédés treize préfets délégués ou adjoints à la sécurité en Corse :

M. Robert BROUSSARD

Janvier 1983

M. Georges BASTELICA

Février 1985

M. Francis LEBLOND

Avril 1986

M. Marcel MORIN

Janvier 1987

M. Jean THIEBLEMONT

Décembre 1988

M. Bernard BONNET

Janvier 1991

M. Jean FEDINI

Octobre 1992

M. Jean-Pierre LACAVE

Juillet 1993

M. Antoine GUERRIER de DUMAST

Juillet 1995

M. Gérard BOUGRIER

Février 1996

M. Bernard LEMAIRE

Décembre 1997

M. Francis SPITZER

Mai 1998

M. Ange MANCINI

Octobre 1999

(2) Un régime actuel ambigu

En application de l’article 5 du décret n° 82-389 du 10 mai 1982 dans sa rédaction résultant du décret n° 89-666, le préfet adjoint à la sécurité assiste chaque préfet de département dans la direction et le contrôle des services de police ainsi que dans la coordination opérationnelle de l’ensemble des forces participant à la sécurité.

A cet effet, il peut, en application de l’article 17-1 du même décret, recevoir du préfet de chaque département une délégation de signature (et non, comme l’avait mentionné le rapport de l’inspecteur général Limodin, une délégation de compétence).

En cas d’absence ou d’empêchement du préfet de l’un des départements, le préfet adjoint à la sécurité est chargé d’assurer l’intérim en application de l’article 2-1 du décret n° 50-722 du 24 juin 1950 dans sa rédaction résultant du décret n° 93-377.

L’instruction du 31 octobre 1994 précisant ces dispositions législatives érige le préfet adjoint comme acteur de premier plan en matière de sécurité. Elle le considère en effet comme le " responsable sous l’autorité des deux préfets de département de la sécurité et, partant, le représentant privilégié du Gouvernement en la matière ". Elle énonce qu’il lui revient de " diriger les services de la Police nationale et de coordonner l’action de tous les services, dont celle de la gendarmerie nationale et celle du service de surveillance des douanes, qui concourent à la sécurité dans l’île ". Elle lui enjoint enfin d’assurer une étroite coordination avec les autorités judiciaires, par l’intermédiaire du parquet, de manière " à obtenir dans le respect des règles judiciaires, la meilleure cohérence des activités de renseignements avec celle de la prévention et de la répression ".

Le préfet adjoint à la sécurité dispose en pratique de délégations de signature des deux préfets de départements dans les domaines déjà prévues dans l’instruction du 16 mai 1983 :

 maintien du bon ordre, de la sûreté et de la tranquillité publique ;

 interdiction des manifestations sur la voie publique ;

 réquisition des forces de gendarmerie et des forces armées ;

 ordre de consigne et d’utilisation des compagnies républicaines de sécurité.

Aucun service de la préfecture ne lui est rattaché. Il dispose en propre d’une équipe de huit personnes, dont un chef de cabinet, commissaire de la police nationale et un officier de liaison de la gendarmerie nationale.

On verra plus loin que dans les faits, le préfet adjoint à la sécurité, M. Spitzer, était de son propre aveu en position " très significativement subordonnée " par rapport aux préfets des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, principalement du préfet Bonnet qui avait gardé la haute main sur les questions de sécurité.

(3) Une institution critiquée

L’institution du préfet adjoint à la sécurité a été très critiquée devant la commission.

Certains, comme les préfets Lemaire et Bonnet, ont estimé qu’elle était inutile. Le préfet Bonnet a ainsi qualifié le préfet adjoint de " greffier de l’insécurité ". Le préfet Lemaire a indiqué à la commission que cette fonction trouvait ses limites dans l’impossibilité où se trouvait le préfet adjoint de gérer les affaires judiciaires et qu’il s’était lui-même beaucoup ennuyé en tant que préfet adjoint.

D’autres, comme l’inspecteur général Limodin, ont souligné que l’institution du préfet adjoint ne pouvait qu’être, de par son positionnement, une source de tension entre les deux préfets de département.

Cependant l’ensemble des chefs de service de sécurité en Corse ont insisté sur l’intérêt pour eux d’avoir un seul correspondant spécialisé en la matière pour les deux départements.

Compte tenu de l’acuité des questions de sécurité en Corse, il a semblé à la commission que, dans le cadre institutionnel actuel d’une région bi-départementale, il était indispensable qu’une coordination entre les deux départements soit opérée en matière de sécurité. Il est apparu que cette coordination ne pouvait s’effectuer que de deux façons :

 soit par le renforcement des pouvoirs du préfet de région au détriment du préfet de Haute-Corse qui perdrait ainsi une part de ses pouvoirs de police ;

 soit par l’intervention d’une personne compétente sur les deux départements.

La deuxième solution est apparue plus opportune à la commission, à la condition que les rôles soient bien fixés et que cette personne puisse réellement exercer ses pouvoirs. Il lui a en effet semblé plus judicieux de dégager autant que possible le préfet de région Corse des questions de sécurité.

Sans remettre en cause le principe de la délégation de signature, la commission a considéré que les attributions du préfet adjoint à la sécurité pourraient être élargies. Il est actuellement envisagé de lui transférer certaines compétences de gestion exercées par le Secrétariat général d’administration de la police de Marseille, en matière de formation, notamment. Des compétences en matière de sécurité civile pourrait lui être également déléguées, à l’image de celles revenant aux préfets délégués pour la sécurité et la défense sur le continent. Enfin il pourrait être envisagé de donner autorité au préfet adjoint sur certains services préfectoraux chargés de la réglementation de police.

Il reste clairement établi que la conception actuelle du préfet adjoint ne peut fonctionner efficacement que si, du fait d’un accord entre tous les intervenants, les préfets de département lui laissent la latitude suffisante dans le cadre de la délégation de signature et que la personnalité et la compétence du préfet adjoint lui permettent de s’imposer à l’égard des deux préfets.

B) LES POUVOIRS D’UN PREFET DE ZONE DE DEFENSE

L’article 5-1 du décret n°82-389 du 10 mai 1982 résultant du décret n° 96-619 du 11 juillet 1996 permet au ministre de l’intérieur de désigner le préfet de zone de défense afin de coordonner l’action des préfets de département en cas de crise menaçant gravement l’ordre public affectant plusieurs départements.

Par décret n° 98-438 du 3 juin 1998, cet article a été complété afin de permettre au préfet de Corse de disposer des pouvoirs d’un préfet de zone de défense.

Cette disposition n’a jamais été appliquée. Le préfet Bonnet aurait cependant souhaité la voir mettre en oeuvre le 13 octobre 1998, à la suite de l’intervention de trois attentats commis en fin de semaine contre des bâtiments dépendant de l’administration des finances. Le ministre de l’intérieur par intérim, M. Queyranne, n’a pas donné suite à cette demande, estimant que la situation de crise n’était pas caractérisée.


Source : Sénat. http://www.senat.fr