A) UNE FERMETE NOUVELLE

Ce renouvellement est surtout intervenu depuis l’assassinat du préfet Erignac et s’accompagne d’une politique pénale plus ferme36(*). Le nombre de comparutions immédiates au tribunal d’Ajaccio a augmenté fortement puisqu’il est passé de 39 en 1990 à 159 en 1997, et le port d’arme relève souvent d’un tel mode de comparution.

Les délais de jugement sont de dix mois pour le TGI et de dix à dix-huit mois pour la Cour d’appel, ces délais pouvant apparaître comme normaux.

S’agissant des vols à main armée et de la délinquance pour usage d’armes, le traitement des affaires à Ajaccio serait assez " rapide et efficace, (...) par rapport à d’autres points du territoire " selon les propos d’un haut magistrat entendu lors du déplacement en Corse. Citant une affaire de double braquage dont les faits remontaient à un peu plus d’un an, ce dernier a indiqué que le délai de jugement correctionnel pour une affaire de cette nature était raisonnable et que l’auteur des faits, multirécidiviste, et plaidant la relaxe, a été condamné à sept ans d’emprisonnement, ce qui témoigne de la sévérité des juges d’Ajaccio.

Le parquet semble également témoigner d’une fermeté nouvelle à l’égard de tous les délits, et plus particulièrement des infractions au code de la route. S’agissant de la délinquance routière grave (conduite en état d’ivresse avec ou sans accident), le traitement des infractions se fait en direct, le parquet étant avisé et donnant des orientations de procédure immédiatement.

Le procureur de la République d’Ajaccio a témoigné de cette sévérité en indiquant à la commission qu’un chauffard en état d’ivresse avait été récemment condamné à trois ans de prison ferme, le parquet ayant requis cinq ans.

La nouvelle détermination des magistrats est apparue dans une autre affaire. En décembre 1998, des éléments du syndicat des travailleurs corses, le secrétaire général en tête, se sont attaqués à un bureau de la DRASS, et se sont même retournés contre son directeur. Le meneur a été interpellé, placé en garde à vue, a comparu immédiatement et a été sévèrement condamné. En dépit de multiples pressions exercées sur le juge d’application des peines, la peine a été exécutée.

B) DES PRATIQUES PENALES NOVATRICES

Par ailleurs, une pratique pénale spécifique est désormais fréquemment appliquée en Corse : la mise sous mandat de dépôt à l’audience. D’après les propos d’un haut magistrat entendu en Corse, cette procédure " musclée " serait moins systématique ailleurs. Si les règles de la détention provisoire peuvent apparaître fluctuantes, le tribunal correctionnel entend afficher une ligne de conduite stricte. Dès lors que les peines prononcées dépassent deux ans d’emprisonnement, le tribunal délivre un mandat de dépôt à l’audience et fait procéder à l’arrestation immédiate. Cette pratique est à ce point admise par la population corse qu’un magistrat a affirmé à la commission avoir vu certains prévenus arriver à l’audience avec leur valise !

C) VERS UNE PROTECTION DES JURES ET DES TEMOINS

S’agissant de la nécessaire sécurisation des jurés et des témoins, un dispositif a été mis en place depuis la nomination du procureur général Legras. Dans chacune des juridictions, une structure d’accueil leur permet d’être soustraits aux menaces et aux pressions. Cette amorce de sécurisation de la population qui vient en aide à la justice doit être saluée.

L’exemple ci-après, porté à la connaissance de la commission, témoigne de cette nouvelle évolution.

A la fin du mois de septembre 1999, un prévenu comparaissait devant la cour d’assises pour tentative de meurtre. Il a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle, trois jurés s’étant par ailleurs manifestés pour expliquer qu’on avait tenté d’exercer sur eux des pressions. Ces jurés ont désigné les auteurs de ces menaces et l’un d’entre eux a été placé en garde à vue.

Ce verdict traduit " une véritable révolution ", comme l’a signalé un magistrat entendu par la commission, car " jamais depuis dix ans une cour d’assises en Corse n’avait condamné un individu de ce profil pour les faits pour lesquels il était poursuivi ".

Une amélioration du fonctionnement de la justice en Corse est donc perceptible, y compris par les membres de l’institution judiciaire comme en témoigne l’augmentation du nombre de candidatures pour la Corse. A la fin de l’année 1997, seulement quatre candidats s’étaient manifestés pour un poste de conseiller à Bastia, alors qu’aujourd’hui on dénombre une vingtaine de candidatures pour un poste disponible.


Source : Sénat. http://www.senat.fr