Cet atypisme se traduit par un déséquilibre au profit du secteur tertiaire. La deuxième grande caractéristique de l’économie insulaire consiste dans un marché de l’emploi plus dégradé que la moyenne nationale, ce qui n’empêche pas cette région d’enregistrer par ailleurs des niveaux de conditions de vie tout à fait corrects.

( UNE ECONOMIE DESEQUILIBREE

Alors que le secteur tertiaire est très développé, le secteur primaire reste dans la moyenne nationale et le secteur secondaire demeure très limité. Seules quelques filières industrielles sont en effet représentées.

L’économie régionale est donc marquée par la faible présence de l’industrie, la Corse étant la région la moins industrialisée de France métropolitaine. Avec environ 10 % de la valeur ajoutée, dont la moitié provient de la production d’énergie, l’industrie crée moitié moins de richesse que dans le Limousin. Le secteur de la construction est plus présent en Corse, mais son poids est plus important en termes d’emploi que de valeur ajoutée car les salaires y sont restés relativement bas.

Le secteur tertiaire est omniprésent. Il représente plus de 80 % de la valeur ajoutée régionale, contre 70 % au niveau national. Alors que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée est la plus faible des régions françaises, les parts du BTP (11,4 %) et des services non marchands (21,7 %) atteignent les plus fortes proportions des régions françaises. L’agriculture contribue à hauteur de 2 % seulement à la création de la valeur ajoutée en Corse.

Les services marchands, dont la santé, la Poste et France Télécom, ont une importance équivalente à celle observée sur l’ensemble du pays, mais leur contribution au PIB régional est minorée par le fait que ces services sont pour l’essentiel destinés aux ménages et se développent de façon moindre en direction des entreprises. Au sein du secteur tertiaire, il faut relever la part essentielle du tourisme qui fait l’objet de développements plus loin. Les potentialités de ce secteur laissent des marges importantes de développement à l’avenir. A condition de trouver un modèle adapté aux besoins de l’île, le tourisme est en effet susceptible d’enclencher un processus vertueux pour la consolidation d’une économie insulaire encore fragile.

Un quart de la richesse produite provient des services non marchands, composés des administrations de l’État et des collectivités locales. Le poids de ce secteur demeure très supérieur à celui qu’il a sur l’ensemble du pays. L’écart reste sensible même avec des régions comme le Languedoc-Roussillon et le Limousin. La part des entreprises publiques et de l’administration dans la structure de l’économie insulaire explique partiellement une certaine inertie de l’économie régionale face aux variations de la conjoncture nationale.

On compte environ 22.000 entreprises en Corse, dont plus de 90 % emploient moins de 10 salariés.

D’une manière générale, dans tous les secteurs d’activité, les établissements de 50 salariés et plus se caractérisent par leur faible nombre.

( UN SECTEUR TERTIAIRE PREDOMINANT DANS LA REPARTITION DE L’EMPLOI

La répartition de l’emploi est aussi atypique que celle de la valeur ajoutée, avec 7 % d’actifs dans le domaine de l’industrie, 7 % des emplois dans le secteur agricole11, 9,7 % dans le bâtiment et les travaux publics et 77 % environ dans le secteur tertiaire. La part de l’emploi public y est considérable : près de 20 % des emplois sont des emplois d’agents de l’État, de la Poste et de France Télécom. Les collectivités locales emploient pour leur part environ 7.000 personnes. En additionnant les emplois de l’État, des collectivités territoriales et du secteur public hospitalier, il apparaît que l’emploi public représente un tiers de l’emploi salarié de l’île, soit environ 27 % du total.

( Un bon niveau d’équipement chez les ménages

Le niveau de vie se situe dans une moyenne acceptable. Le revenu disponible brut par an et par habitant représente 90 % du revenu métropolitain moyen12. Les ménages disposent en moyenne d’un bon niveau d’équipement. Dans une note en date de juin 1997, M. François Cailleteau, inspecteur général des finances alors en charge de la Corse, notait : " des taux d’équipement proches des maximums régionaux sont enregistrés pour les lave-vaisselle ou les camescopes, qui sont plutôt des signes de haut niveau de vie. Mais c’est dans l’automobile que l’on trouve les records : 725 automobiles pour 1.000 habitants pour une moyenne nationale de 478, la seconde région la mieux équipée étant la région PACA (Provence Alpes Côte d’Azur), avec 515 soit un tiers de moins que la Corse. (...) Au demeurant, la qualité du parc frappe l’observateur mais, faute de disposer de données chiffrées, on n’en tirera pas d’autres conclusions. "

( Un marché de l’emploi plus dégradé que la moyenne nationale

Des faiblesses subsistent cependant. Le taux de chômage ne s’améliore guère. La proportion de la population exerçant en Corse une activité professionnelle est nettement inférieure à la moyenne nationale, alors que la part de la population en âge de travailler est du même ordre qu’en métropole. Le taux d’activité reste faible, notamment celui des femmes. Les salaires sont inférieurs à la moyenne nationale, mais les écarts sont plus importants dans le secteur de la construction que dans celui de l’industrie, et surtout que dans le tertiaire.

En 1996 et 1997, la situation de l’emploi s’est détériorée en Corse de manière plus importante que sur l’ensemble du pays. Touchant autant les femmes que les hommes, le chômage concerne principalement les employés et semble atteindre relativement moins les jeunes que leurs aînés. En décembre 1997, le taux de chômage en Corse s’élevait à 13,2 % contre 12,2 % dans la France entière. Ce taux est supérieur à la moyenne nationale depuis 1995. Notons qu’en 1993 et 1994, il se rapproche de la moyenne nationale. Même si les deux taux ont connu une baisse en 1997, l’écart, qui avait commencé à se creuser entre les résultats corses et nationaux en 1996, et surtout à la fin de 1997, ne s’est pas réduit depuis.

Entre 1993 et 1997, le nombre de demandeurs d’emploi durable à temps plein a augmenté de 18 % sur l’île. Au début de 1993, on comptait 12.400 demandeurs, et 14.500 demandes à la fin 1997. Durant ces cinq dernières années, ce nombre s’est élevé régulièrement. Cette progression s’accéléra entre la fin de 1995 et le début de 1996, période pendant laquelle le taux de chômage en Corse s’est éloigné de la moyenne nationale. Au 31 décembre 1997, sept demandeurs sur dix avaient entre 25 et 49 ans. Un peu moins de deux demandes sur dix émanaient d’un jeune de moins de 25 ans. Les demandeurs inscrits à l’ANPE sont surtout des employés en recherche d’emploi : de 1993 à la fin de 1997, l’augmentation de leurs demandes a été constante ; au quatrième trimestre 1997, sept demandes sur dix étaient déposées par des employés. Ce sont ensuite les ouvriers et les manœuvres qui s’inscrivent à l’ANPE. Quant aux demandes émanant de cadres, de techniciens ou d’agents de maîtrise, elles sont peu élevées mais en légère augmentation. Il est vrai que les grandes entreprises qui emploient généralement beaucoup de cadres sont peu nombreuses dans l’île.

Sur la période 1993-1997, ce marché a connu beaucoup de mouvements, les demandeurs d’emploi s’inscrivant et ceux sortant des fichiers de l’ANPE étant toujours plus nombreux. Les soldes trimestriels (qui mesurent la différence au cours des trois mois de ces entrées et de ces sorties) se caractérisent par une forte périodicité, ce qui s’explique notamment par la saisonnalité du marché de l’emploi. En effet, l’activité estivale nécessite une main d’œuvre supplémentaire recrutée au cours du printemps. L’INSEE Corse explique ainsi le phénomène14 : " Le premier trimestre de chaque année est toujours un trimestre " neutre " pour l’emploi. D’un même ordre de grandeur, le nombre des entrées et celui des sorties sont aussi les plus faibles des quatre trimestres. Lors du deuxième trimestre, les sorties, en hausse, sont bien plus nombreuses que les entrées, en baisse à ce moment-là. C’est le seul trimestre où les personnes qui sortent des fichiers de l’ANPE sont plus nombreuses que celles qui s’inscrivent. C’est l’inverse aux troisième et quatrième trimestres, avec des demandes enregistrées en forte augmentation, plus nombreuses que les demandes sorties. Ainsi, les demandes d’emploi entrées augmentent et atteignent, lors des deux derniers trimestres, un niveau beaucoup plus élevé que celui des sorties. Les soldes trimestriels redeviennent positifs.

Sur l’année, il y a toujours plus d’entrées que de sorties. Durant l’année " charnière " 1996, il y a eu 22 776 entrées et 21 725 sorties. Ce solde de 1 051 demandes est redescendu à 479 demandes en 1997. "

En juillet 1998, le taux de chômage enregistré en Corse était d’un point supérieur à la moyenne nationale (13,2 % en Haute-Corse et 13,3 % en Corse-du-Sud) pour la France métropolitaine. Ce taux apparaît plus élevé que celui observé dans les départements ruraux peu peuplés (Hautes-Alpes, 9 % ; Ardèche, 10,7 % ; Alpes de Haute-Provence, 11,6 %), tout en demeurant inférieur à ceux enregistrés dans les départements littoraux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Alpes-Maritimes, 13,9 % ; Var, 16,3 %, Bouches-du-Rhône, 17,2 %). Le pourcentage des chômeurs de longue et de très longue durée (31,9 %), de six points inférieur à la moyenne nationale, ne distingue pas la Corse des départements de structure comparable.15


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr