Enjeu majeur pour le développement de l’île dans les années à venir, l’application des règles de l’urbanisme rencontre en Corse de lourdes difficultés mettant en danger les règles de protection du littoral et des espaces montagneux.

( L’ETAT DOIT DEFINIR UNE DOCTRINE CLAIRE EN MATIERE DE PROTECTION DU LITTORAL

Il est essentiel que l’État définisse une doctrine en ce qui concerne les différentes responsabilités dont il a la charge : l’application des lois littoral et montagne et, à travers celles-ci, la préservation des espaces agricoles, sites et paysages, les modalités d’extension de l’urbanisation et la prévention contre les risques naturels (inondations) ou non (incendies de forêt). En effet, l’application moins laxiste de la loi littoral et la définition précise de modalités d’application adaptées aux particularités géographiques locales constitueraient un puissant moyen pour éradiquer les opérations immobilières et touristiques suspectes ou douteuses.

Sans méconnaître les compétences de la Collectivité territoriale en matière de schéma de mise en valeur de la mer, l’État ne doit pas s’interdire d’élaborer sa propre doctrine, quitte à la confronter ensuite avec les autorités territoriales. C’est pourquoi la commission d’enquête préconise de s’inspirer de ce qui a été fait en Martinique ou à la Réunion, où l’État a prêté une assistance technique et juridique forte pour aider ces régions à élaborer leur schéma.

En effet, la mise au point des dispositions du schéma d’aménagement valant schéma de mise en valeur de la mer connaît des difficultés. Après consultations des divers ministères, le préfet de Corse a en effet, en janvier 1998, fait savoir au président du Conseil exécutif, qui les lui avaient transmises en novembre 1997, qu’il ne pouvait les avaliser. Il a estimé que le projet ne comportait aucun périmètre concret en ce qui concerne sa partie terrestre, que des éléments importants d’orientation manquaient et que certaines dispositions apparaissaient contraires à l’esprit de la loi littoral. La position du préfet était confortée par les avis négatifs rendus, chacun de leur côté, par le conseil des sites de la Corse et le Conseil économique, social et culturel de la Corse en décembre 1997.

En matière de documents d’urbanisme, l’État devra également, sur la base des modalités d’application de la loi littoral qu’il se sera fixées, modifier ou réviser ces documents après mise en demeure faite auprès des communes de les mettre en compatibilité, comme le lui autorise le code de l’urbanisme.

Préalable à cette définition des modalités d’application de la loi littoral, l’État doit achever la délimitation du domaine public maritime partout où celle-ci s’avère essentielle, notamment sur les plages303.

( L’ETAT DOIT REPENSER LA MISE A DISPOSITION DES COLLECTIVITES LOCALES DE SES SERVICES

Il importe également que l’État se montre attentif aux conditions dans lesquelles ses services sont amenés à exercer leurs missions pour le compte des collectivités locales, notamment en matière de délivrance des permis de construire304.

On sait que les directions départementales de l’équipement instruisent les dossiers de demandes de permis de construire, soit de droit dans les communes dépourvues de POS, soit dans le cadre de conventions qui peuvent être passées avec les communes lorsque celles-ci sont couvertes par un POS

Cette situation peut être source de difficultés et d’ambiguïtés en raison de la proximité qui en résulte entre les services instructeurs d’une part, et les services chargés du contrôle hiérarchique au sein des directions départementales et ceux chargés du contrôle de légalité d’autre part. Il est évident que la crédibilité de l’État peut être entamée et sa responsabilité engagée si un permis de construire, délivré après instruction par ses services, est contesté lors du contrôle de légalité et annulé en justice.

( L’ETAT DOIT DEFINIR UNE POLITIQUE PENALE DE L’URBANISME

Aujourd’hui, le contentieux de l’urbanisme, et en particulier le contentieux pénal, présente de graves dysfonctionnements : nombre relativement faible de procès-verbaux, non-recouvrement des astreintes, non-exécution des décisions de justice - notamment des décisions de démolition, de remise en état des lieux ou de mise en conformité avec la loi -, même si ce dernier point n’est peut-être pas spécifique à la Corse.

Cette politique pénale concerne un grand nombre de services de l’État, qu’il s’agisse de la direction de l’équipement, de la direction de l’environnement, des services d’architecture, des directions de l’agriculture, de la gendarmerie, des comptables publics. Ceux-ci doivent donc être étroitement coordonnés à un niveau qui ne peut être que celui de la préfecture.

L’exécution des décisions de justice en ce domaine, qu’il s’agisse du recouvrement des astreintes ou de la démolition effective des constructions jugées illégales, est une impérieuse nécessité.

De ce point de vue, la commission d’enquête se félicite des mesures prises par les deux préfets de mener, au besoin à l’aide de moyens militaires, la destruction de quelques unes des constructions305 les plus exemplaires et dont la survie constituait, à l’évidence, une provocation connue de tous.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr