Au cours de ses investigations, la commission d’enquête a constaté que les logiques présidant à l’octroi de certaines aides ne permettaient pas d’en assurer l’efficacité sur le plan économique.

( D’UNE ACTION AU COUP PAR COUP A UNE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT

Lorsque la commission s’est rendue dans les locaux de l’ADEC, puis dans ceux de l’ODARC, elle a constaté le même type de défaut dans la conception des dispositifs d’aides, alors même que l’objet, les clientèles et les pouvoirs des deux offices diffèrent profondément. Dans les deux cas, le manque de stratégie pénalise durement l’efficacité des actions menées. Plus exactement, étant donné qu’aucun objectif n’est préalablement fixé, il est difficile, voire impossible, d’apprécier si telles ou telles actions ont porté leurs fruits.

Les rapports d’activités annuels que la commission a demandés à chacun des six offices et agences depuis 1994 en témoignent. Se présentant comme des documents administratifs, ceux-ci sont irréprochables quant à leur forme ; ils comprennent en général des séries de chiffres indiquant combien de milliers, ou parfois combien de millions, de francs ont été consacrés telle année à une action définie selon un terme générique parfois très vague ou non explicite.

Par exemple, dans son rapport d’activités pour 1997 transmis en juillet 1998 à la commission, l’ODARC note : " la Commission technique permanente s’est réunie cinq fois au cours de l’année 1997. Elle a examiné 683 dossiers de demandes d’intervention pour un montant de subvention de 82,9 millions de francs. Elle a accepté 661 dossiers pour un montant de subvention de 81,05 millions de francs qui se répartissent en 204 opérations de modernisation et d’équipement des exploitations agricoles, 31 dossiers de réfection de clôtures emportées par les crues, 44 dotations régionales d’installation jeune agriculteur, 124 dossiers de restructuration du vignoble, 48 dossiers concernant les industries agro-alimentaires, 43 dossiers de restructuration de l’arboriculture fruitière, 51 aides au transport du vin, 8 dossiers d’amélioration de la qualité du lait, 22 bénéficiaires d’appuis techniques et de promotion, 33 dossiers forestiers châtaigneraie, 59 dossiers forestiers oliveraie, 2 dossiers de financement des points infos et répertoire à l’installation. "

Ce rapport d’environ cent pages ne permet pas de déterminer véritablement si les actions entreprises correspondent bien à un besoin des exploitations ainsi aidées, ni si un travail de suivi a été effectué par les agents de l’ODARC, et dans l’affirmative, si les actions menées ont finalement été bénéfiques à l’exploitation. Le rapport n’indique pas plus si ce sont toujours les mêmes agriculteurs qui bénéficient des aides ou si l’ensemble de la profession est concerné par ces dispositifs.

La commission d’enquête a, par ailleurs, eu l’occasion de s’étonner devant les responsables de l’office qu’un nombre si conséquent de dossiers puisse être passé en revue en seulement cinq réunions, pour permettre in fine le paiement de plus de 81 millions de francs.

Mais l’exemple de l’ODARC n’est pas le seul intéressant de ce point de vue, même s’il concentre plusieurs défauts caractéristiques d’autres établissements. Premièrement, son conseil d’administration est composé majoritairement de professionnels agricoles et minoritairement d’élus. Deuxièmement, ses prérogatives apparaissent très importantes - c’est par l’ODARC que les dossiers d’aides agricoles transitent, que les fonds concernés soient d’origine nationale, européenne ou régionale - et les contrôles qui s’exercent sur lui sont faibles, voire inexistants. Troisièmement, aucune ligne directrice n’est définie préalablement à l’attribution des aides. Toutes les filières, toutes les activités, tous les éleveurs et les exploitants, tous les porteurs de projets quels qu’ils soient, sont susceptibles d’être retenus par l’ODARC. Rappelons qu’en 1997, sur 683 dossiers examinés, 661 ont été acceptés, ce qui traduit un taux d’acceptation très élevé et manifeste la très faible sélectivité de l’office.

( D’UNE LOGIQUE DE SAUPOUDRAGE A UNE LOGIQUE DE CIBLAGE, D’UNE LOGIQUE D’ASSISTANCE A UNE LOGIQUE D’APPUI

La commission d’enquête considère qu’avant de distribuer la moindre aide publique, les offices et agences de la Collectivité territoriale ou les services de cette dernière doivent impérativement avoir défini des critères d’éligibilité beaucoup plus stricts.

La commission a eu le sentiment, en se rendant dans les locaux de l’ADEC, que pour les responsables de cette agence, le fait pour une entreprise d’avoir sollicité son aide constituait un premier pas très positif à prendre en considération, l’obtention d’une subvention semblant ensuite presque aller de soi. Le montant de l’aide peut, certes, varier selon les projets et les besoins de l’entreprise, mais il ne semble pas dans la culture de l’ADEC de dire " non " ou de conditionner ses aides au respect de critères sévères.

La logique de ciblage qui s’impose paraît antinomique avec cette approche générale. Elle est pourtant la seule qui permette d’obtenir de bons résultats en privilégiant des secteurs porteurs et en focalisant les efforts financiers et de conseil vers ces domaines. La commission a acquis la conviction qu’en répartissant les mêmes sommes de subventions suivant cette méthode de ciblage, les créations de richesses et d’emplois seraient sans commune mesure avec les résultats obtenus aujourd’hui.

Le développement des actions de conseils et de formation des chefs d’entreprise pourrait être organisé dans le cadre et sous l’égide de l’ADEC qui devrait, selon la commission, se réorienter vers des opérations d’ingénierie et d’information. Des propositions en ce sens sont développées dans la partie consacrée aux améliorations institutionnelles.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr