Un problème difficile est plus aisément résolu lorsqu’on parvient à en fragmenter les principaux éléments. Seule cette méthode d’analyse prévient le risque majeur de favoriser des amalgames inacceptables.

S’agissant des sectes implantées, en France, telles que, pour la plupart, elles figurent dans les rapports parlementaires de 1995 et 1999, et dans diverses études universitaires ou associatives, trois groupes principaux peuvent être distingués. Un quatrième est constitué des associations ou structures pouvant être l’objet de rumeurs d’origine diverses que des investigations sérieuses peuvent révéler infondées.

1) Les mouvements dont le fondement philosophique ou religieux est incontestable mais dont certains comportements sont attentatoires aux libertés, aux droits de l’homme ou encore aux principes constitutionnels et aux lois.

Selon le caractère particulier de ces mouvements, et d’une manière générale en tenant compte de leur désir B au moins affiché B de dialogue, il ne doit pas être impossible de définir les points qui font difficulté et de tendre à éliminer les "irritants" inutiles. De fait, une bonne connaissance de l’histoire de ces mouvements montre qu’en de nombreuses occasions, l’unanimisme et la pérennité de certaines affirmations dogmatiques ne sont que de façade, ou du moins ne rendent pas nécessairement illusoire l’idée d’une évolution positive. Par ailleurs, un certain nombre de difficultés à venir pourraient être décelées et, partant, prévenues.

Certes, le caractère fréquemment transnational de plusieurs grands mouvements présentant des aspects sectaires ne facilite pas le dialogue et la recherche du martyre incite certainement plusieurs d’entre eux à le rendre inopérant. Il semble cependant que l’expérience puisse être prudemment tentée, en évitant tout débat dérivant en direction du contenu idéologique ou religieux de ces mouvements.

2) Les groupes sectaires agissant en permanence aux marges de la légalité et disposant (mais pas toujours) d’une organisation forte.

Ce sont, en dépit des apparences, les plus nombreux et les plus divers, leur seul ciment véritable étant constitué par le charisme personnel et plus ou moins transmissible du gourou-fondateur. Ils sont fréquemment soutenus par des effets de mode incontrôlables (tel le *new age+). C’est dans ce groupe que se situent la plupart des sectes d’origine française.

L’action de la MILS consiste en une surveillance de ces mouvements et procéde, non par une sorte de désignation photographique de leur caractère sectaire (comme c’est le cas dans les "listes" qui ne constituent guère que des instantanés), mais par un suivi constant de leur évolution. En particulier, la Mission se doit d’exercer sa vigilance sur leur insertion, presque universellement observée, dans les "gisements" privilégiés d’influence et de ressources que constituent la formation professionnelle et les psychothérapies, domaines que la loi et le règlement encadrent insuffisamment à ce jour. La stratégie des pouvoirs publics pourrait être de contenir leur expansion par une réglementation pertinente, puis d’exercer à leur égard une pression globale pour les contraindre soit à se dissoudre, soit à se transformer et à respecter l’ordre républicain.

3) Les sectes absolues qui rejettent les normes de la démocratie et propagent une anti-culture fondée sur le primat d’une élite formée dans le dessein de dominer le reste de l’humanité et, pour certaines, sur la préconisation ouverte du racisme.

Ces groupements d’essence et de comportement totalitaires ne revendiquent (mais avec quelle véhémence) les libertés démocratiques que parce qu’ils sont hors d’état d’imposer encore leurs vues et d’éliminer ceux qui les contestent ou, qui plus simplement, ne partagent pas leurs ambitions.

Fort peu nombreuses, les sectes absolues présentent la caractéristique d’organisations multinationales disposant de sanctuaires dans des États sans législation appropriée, de réseaux d’information clandestins, de polices privées dotées des moyens de communication les plus sophistiqués. Elles s’appuient financièrement sur des réseaux bancaires situés dans des paradis fiscaux, en Europe, dans la zone caribéenne ou en Asie. Elles tendent en permanence, parfois avec un certain succès, à infiltrer les institutions démocratiques et les organisations internationales, officielles ou non gouvernementales.

Ces groupements se situant résolument hors du champ démocratique, la Mission estime qu’ils doivent être rigoureusement dénoncés. Leurs organisations de droit français, comme toute personne morale depuis 1994, sont susceptibles de sanctions pénales pour leurs manquements à la législation répressive. Elles pourraient, en outre et à l’instar des mesures prises en 1982 à l’encontre du Service d’action civique (SAC), être dissoutes et interdites de reconstitution comme le préconisent des législateurs en nombre croissant (parmi les initiatives les plus récentes : la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat par M. Nicolas About, et adoptée en première lecture à l’unanimité, le 16 décembre 1999) [1] .

4) Les mouvements qui sont l’objet d’une suspicion dont l’origine n’est pas toujours aisément décelable mais dont les effets nocifs perdurent en dépit du caractère négatif ou peu probant des investigations demandées.

Ces mouvements, assez rares, doivent être soigneusement distingués de la masse des associations sectaires qui ne cessent de crier à la persécution pour dissimuler les infractions dont elles sont l’auteur. Lorsque le suivi du comportement des adhérents de ces mouvements peut entraîner un doute, vérification faite des éléments d’information portés à la connaissance de l’autorité publique, il incombe aux autorités compétentes de prendre, le cas échéant, toute mesure utile dans le cadre de la loi.

Ainsi une "rumeur" se propageant, par exemple, en matière d’éducation devrait-elle pouvoir être anéantie, soit par le jeu de l’action publique si des éléments de preuve sont fournis, soit par le rapport négatif des services de l’éducation nationale habilités désormais à contrôler aussi bien les établissements privés sans contrat et l’enseignement dispensé au sein des familles que les établissements publics et privés sous contrat. D’où la nécessité d’approfondir certains textes législatifs ou réglementaires lorsqu’à l’évidence, le défaut d’encadrement permet toutes les dérives et favorise la persistance de douteuses polémiques.

Les chapitres qui suivent distinguent formellement :

 l’état des relations de la Mission avec plusieurs départements ministériels particulièrement concernés par le sectarisme,

 les problèmes actuels posés au plan international par le développement des activités illégales des sectes,

 un premier constat de la situation qui prévaut dans les départements d’outre-mer en matière de sectarisme,

 les problèmes aigus posés par les tentatives de pénétration des milieux économiques par le sectarisme.

Par ailleurs, le rapport suggère une définition de la secte, telle qu’elle ressort à l’examen des comportements sectaires, définition appuyée en matière juridique par une série d’éléments de droit positif.

Enfin, sous le titre prévenir, mais aussi agir, la Mission souligne l’urgence d’une politique à l’égard de mouvements sectaires dont le comportement, bien que sanctionné à de nombreuses reprises au travers d’agissements répréhensibles de personnes physiques, donne à l’opinion l’impression d’une impunité incompréhensible.


[1] Cette proposition de loi doit être soumise en première lecture à l’Assemblée nationale au cours de l’année 2000