Le bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur recense près de 470 associations cultuelles dont une centaine émanent du culte catholique, 150 ont été créées par des protestants, 12 par des orthodoxes et 7 par des arméniens, tandis que 140 concernent le culte israélite, 10 les cultes bouddhistes et une cinquantaine la religion musulmane.

C’est le préfet qui, consulté par un service public, est chargé de vérifier si une association remplit les deux critères fixés par le Conseil d’Etat pour bénéficier des avantages de l’association cultuelle, à savoir la poursuite d’un objet exclusivement cultuel et le respect de l’ordre public. Cette règle est notamment appliquée par l’administration des impôts qui n’accepte de consentir les avantages fiscaux liés au statut d’association cultuelle qu’après avoir pris l’avis des services préfectoraux territorialement compétents. C’est notamment sur la base de tels avis que la Direction générale des impôts a demandé que tous les édifices cultuels des associations locales des Témoins de Jéhovah soient assujettis à la taxe foncière.

La position de la Direction générale des impôts repose sur une lecture stricte de la loi de 1905. Elle considère que les associations de Témoins de Jéhovah n’ont pas pour objet exclusif l’exercice public d’un culte et n’entrent par conséquent pas dans la catégorie des associations cultuelles. Elle juge par ailleurs que sa position est conforme à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit la sphère des convictions personnelles et des croyances religieuses. En se fondant sur cet article, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu aux Témoins de Jéhovah le droit de manifester leur religion, notamment dans son arrêt " Kokkinakis ". Cependant, l’administration fiscale considère que cette jurisprudence ne confère pas le statut cultuel aux associations jéhovistes, statut régi par des dispositions spécifiques et demandant le respect de conditions particulières.

Les préfets n’ont pas adopté une position aussi claire. Nonobstant la jurisprudence du Conseil d’Etat qui, comme on va le voir, considère que les Témoins de Jéhovah ne respectent pas l’ordre public, les préfets consultés par l’administration fiscale ont rendu des avis divergents. Contrairement à la décision de la Haute juridiction, les préfets de la Guyane et de la Saône-et-Loire ont considéré que les associations locales des Témoins de Jéhovah respectaient l’ordre public, et pouvaient par conséquent se prévaloir d’un statut cultuel. D’autres ont refusé de se prononcer en ne prenant pas position ou en renvoyant l’administration fiscale vers le bureau central des cultes, qui n’est pourtant pas habilité à apprécier la situation particulière d’une association.

La position de l’administration sur le statut d’association cultuelle est donc loin d’être homogène, et l’on observe, pour la même secte, de telles divergences d’appréciation que la loi de 1905 apparaît aujourd’hui comme d’interprétation aussi ambiguë qu’aléatoire.

La Commission considère qu’il est urgent de rappeler, par la voie d’une circulaire, les principes qui fondent la séparation des églises et de l’Etat. Ce dernier n’est pas habilité par la loi à reconnaître quelque culte que ce soit, sauf dans la situation particulière de l’Alsace-Moselle, et ses services ne sont donc pas compétents pour se prononcer sur le caractère cultuel de telle ou telle secte.

S’agissant par ailleurs de l’octroi des avantages prévus par la loi de 1905, il est indispensable que les conditions fixées par le Conseil d’Etat soient appliquées de manière homogène sur l’ensemble du territoire. Il est donc nécessaire de rappeler aux préfets les critères de l’association cultuelle tels qu’ils ont été fixés par la Haute juridiction, et l’application qu’elle en a faite dans le cas particulier des Témoins de Jéhovah


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr