Trois mouvements sectaires importants, l’Anthroposophie, la Scientologie et le Mouvement raëlien, se sont attachés à créer ou à prendre le contrôle d’établissements d’enseignement privés hors contrat, du primaire et du secondaire. Là encore, au-delà du prosélytisme, les enjeux financiers ne sont pas à négliger.

On compte en France une trentaine d’écoles se réclamant de la pédagogie de Rudolf Steiner, fondateur et inspirateur de l’Anthroposophie qui se veut l’héritière de sa doctrine.

S’il est clair que toutes ces écoles ne revêtent pas un caractère sectaire, plusieurs mériteraient cependant une investigation approfondie. La Commission a, en effet, eu connaissance de dérives. Les méthodes pédagogiques particulières à certaines écoles ont été critiquées notamment par l’Inspection de l’Education nationale. Ainsi, les apprentissages du langage structuré, de l’écrit et du calcul ne seraient pas engagés avant l’âge de 7 ans. En outre, les enfants inadaptés à la méthode Steiner seraient soumis à des sévices et beaucoup ne seraient pas à jour de leurs vaccinations.

Alors que les tarifs de la scolarité affichés peuvent être considérés, pour certaines familles, abordables (entre 14.000 et 18.000 francs par an), l’Inspection de l’Education nationale a repéré des établissements où les tarifs pratiqués étaient si élevés que des parents d’élèves, afin de pouvoir les honorer, s’étaient trouvés contraints de travailler pour l’Anthroposophie.

La Scientologie compte également, parmi ses filiales, cinq écoles privées. Les plus remarquables d’entre elles sont l’École de l’Éveil et l’Ecole du Rythme.

L’histoire de l’Ecole de l’Eveil est particulièrement éclairante quant aux méthodes employées. Cette école s’était déclarée agréée par l’Éducation nationale et avait été condamnée le 12 novembre 1997 par le Tribunal correctionnel de Paris, avec un autre établissement de la Scientologie, l’Ecole du Mont-Louis, pour publicité mensongère sur plainte du ministère, ce qui avait entraîné sa fermeture. La Scientologie l’a ensuite transposée en rachetant l’Institut Aubert, une école privée déjà ancienne de Vincennes, tout à fait traditionnelle mais qui connaissait de graves difficultés financières. Alerté par l’Education nationale, le propriétaire a contesté, en mars dernier, la validité du bail, au motif qu’il avait été trompé sur l’identité et les activités de son locataire. Cette école est, depuis novembre 1998, sous le coup d’une plainte de parents d’élève pour " présentation mensongère des objectifs suivis et des méthodes pratiquées par cette institution et application de principes sectaires à l’enfant ".

L’Ecole du Rythme est une école de musique qui a été ouverte en 1981 pour appliquer les découvertes de Ron Hubbard dans " les domaines de l’art, de la communication et de l’enseignement ". Ses dirigeants ont été condamnés le 15 mai 1997 à indemniser plusieurs élèves qui s’étaient estimés trompés en ignorant que derrière l’école se cachait la Scientologie, malgré les dénégations des intéressés.

La Scientologie contrôle également neuf organismes de soutien ou de rattrapage scolaire, ainsi que quelques structures d’accueil et de loisirs pour enfants.

Le Mouvement raëlien dispose lui aussi d’une école privée, installée à Villebon-sur-Yvette dans l’Essonne et appelée Enixia, où l’on sélectionne les élites, en facturant 500 francs des tests de quotient intellectuel, et où l’on enseigne la doctrine de la secte, composée essentiellement de méditation sensuelle et d’hostilité à la démocratie. Les Raëliens préconisent également l’initiation à la sexualité dès le plus jeune âge.

L’école accueille des enfants dont le QI est supérieur à 130 et flatte leurs parents d’avoir engendré la future élite de la société, ce qui justifie, là encore, des tarifs élevés, de 2.200 francs par mois pour un élève de classe maternelle à 3.000 francs par mois pour un élève de classe élémentaire. L’enseignement va jusqu’à la sixième. Jusqu’à ce jour, des enquêtes diligentées par l’Éducation nationale n’ont pas permis de faire la preuve de pratiques illégales. Les nouvelles dispositions de la loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire devraient faciliter son action. À cet effet, le décret du 23 mars 1999 prévoit en son article 4 :

" L’enfant doit acquérir les principes, notions et connaissances qu’exige l’exercice de la citoyenneté, dans le respect des droits de la personne humaine définis dans le Préambule de la Constitution de la République française, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention internationale des droits de l’enfant, ce qui implique la formation du jugement par l’exercice de l’esprit critique et la pratique de l’argumentation ".

Le ministère de l’Éducation nationale estime qu’aujourd’hui, sur un total d’un peu plus de 1 000 établissements d’enseignement privés hors contrat, une cinquantaine environ pourrait abriter des pratiques ou des doctrines sectaires.

Les sectes ne sont pas non plus absentes de l’enseignement supérieur, même si leur pénétration y paraît, pour le moment, sensiblement plus limitée.

La Commission a été alertée par le fonctionnement de la Faculté privée des Sciences humaines de Paris. Plusieurs témoignages d’étudiants ont fait état de pratiques qui leur évoquaient les mouvements sectaires. On ne peut, bien sûr, se risquer à porter des accusations sans preuve. Il n’en demeure pas moins que l’absence de locaux fixes, le fait que les cours n’aient lieu que le week-end et que le droit d’entrée soit de 20.000 francs, mériteraient une investigation particulière.

La Commission a également eu connaissance d’universités privées, associations en sommeil depuis parfois des décennies, qui auraient été réactivées par certains mouvements sectaires. Des enquêtes étant en cours, il n’est pas possible, ici, d’exposer davantage les faits qui lui ont été communiqués.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr