On ne rappellera pas ici l’ensemble des moyens juridiques à la disposition des victimes et des pouvoirs publics, qui a été clairement exposé dans le rapport du 22 décembre 1995.

Depuis lors, un certain perfectionnement des dispositifs juridiques est intervenu à plusieurs égards : l’application des dispositions du nouveau code pénal a fait l’objet d’un début de jurisprudence et des infractions nouvelles ont été créées en matière économique et financière. Sans avoir été spécialement conçu à l’encontre des dérives sectaires, l’ensemble de ces dispositifs offre toutefois à l’administration des outils utiles à la lutte contre la fraude sectaire.

A) L’APPLICATION DES DISPOSITIONS DU NOUVEAU CODE PENAL A FAIT L’OBJET D’UN DEBUT DE JURISPRUDENCE

Le nouveau code pénal, promulgué le 1er mars 1994, a introduit deux dispositions particulièrement adaptées à la répression des activités sectaires délictueuses : d’une part l’incrimination d’abus de faiblesse (art. 313-4), d’autre part la possibilité d’engager la responsabilité des personnes morales (art. 121-2).

=> L’ABUS DE FAIBLESSE permet de réprimer des agissements proches de l’escroquerie, commis au préjudice de victimes incapables de se défendre en raison, le plus souvent, de leur âge ou de leur état physique ou psychique.

Ce délit est plus large que celui de l’escroquerie dans la mesure où il permet de prendre en considération l’abstention et le comportement passif de la victime. Ainsi les possibilités offertes au ministère public dans le cadre d’agissements sectaires sont plus étendues et mieux adaptées à la réalité des faits.

À ce jour, une quinzaine de procédures d’abus de faiblesse ont été répertoriées sur le territoire national, certaines d’entre elles pouvant parallèlement donner lieu à une incrimination d’escroquerie. L’abus de faiblesse se situe ainsi au quatrième rang, après l’escroquerie et l’abus de confiance, puis l’exercice illégal de la médecine, des chefs d’infraction les plus souvent retenus dans les procédures mettant en cause des sectes pour des activités économiques et financières.

=> LA POSSIBILITE D’ENGAGER LA RESPONSABILITE DES PERSONNES MORALES présente en matière sectaire une utilité particulière car les responsables des sectes usent très couramment de prête-noms et de changements fréquents de dirigeants, souvent afin de camoufler un gourou qui a déjà fait l’objet de condamnations pénales. Plutôt que de condamner des individus, ce qui n’empêche pas le mouvement de poursuivre ses activités illicites sous d’autres formes et avec d’autres responsables, on peut donc, grâce aux nouvelles dispositions, désigner la secte elle-même.

Pour les atteintes aux personnes, cette responsabilité peut être engagée sur un éventail assez large d’infractions : pour des faits d’homicides et de violences involontaires (art. 221-7 et 222-21), de trafic de stupéfiants et de blanchiment (art. 222-42), de risque de mort causé à autrui (art. 223-2), de proxénétisme (art. 225-12), des conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité de la personne (art. 226-7 et 226-9), de dénonciation calomnieuse (art. 226-12), des atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques (art. 226-24), des atteintes à la filiation (art. 227-14). On peut toutefois regretter que ne figurent pas les infractions d’atteintes à l’autorité parentale (art. 227-5 et suivants) ce qui aurait facilité la poursuite des associations sectaires hébergeant des enfants.

Pour les atteintes aux biens, la responsabilité des personnes morales est admise plus largement encore puisque sont visées la quasi-totalité des infractions prévues par le livre III du nouveau code pénal : le vol (art. 311-16), l’extorsion et le chantage (art. 312-15), l’escroquerie et l’abus de faiblesse (art. 313-4), l’abus de confiance (art. 314-1), le détournement de gages ou d’objets saisis (art. 314-12), les atteintes aux systèmes informatiques (art. 323-6).

Ces dispositions ont déjà démontré leur efficacité, les juges ayant été à plusieurs reprises, depuis leur entrée en vigueur, confrontés à des personnes morales qui s’organisent spécialement pour contourner la loi.

La possibilité consécutivement ouverte au juge de dissoudre la personne morale et d’interdire sa reconstitution en la forme ou de faire saisir ses biens constitue un progrès indéniable dans la poursuite judiciaire des sectes, particulièrement sur le terrain de leurs activités économiques.

Un début de jurisprudence est en train de se mettre en place et la Chancellerie a pu établir dans une circulaire quelques repères méthodologiques sur les cent premières condamnations définitives prononcées contre des personnes morales, mais dont aucune encore n’était une secte. En revanche, une procédure vient très récemment d’être ouverte mettant en cause la responsabilité de l’Eglise de Scientologie de Paris en tant qu’association. L’aboutissement de l’affaire devrait être de nature à susciter, auprès des parquets, un élargissement sensible des moyens de procédure.

B) LES INFRACTIONS NOUVELLES

Depuis 1995, le législateur a créé deux infractions nouvelles qui, sans viser spécifiquement les agissements sectaires, sont de nature à faciliter la répression de leurs dérives, particulièrement en matière économique et financière : l’infraction de travail dissimulé et l’infraction de blanchiment.

( L’infraction de travail dissimulé

Elle a été créée, on l’a vu, par la loi du 11 mars 1997 et, remplaçant la notion de travail clandestin, elle permet une meilleure prise en compte par le juge des pratiques illicites.

En outre, le législateur a considérablement alourdi les peines sanctionnant le travail dissimulé, qui est passé du domaine contraventionnel au domaine délictuel : pour les personnes physiques, les peines peuvent aller jusqu’à 200.000 francs d’amende et deux ans de prison ; pour les personnes morales, elles peuvent être portées à 1 million de francs et être assorties de peines complémentaires telles que la dissolution de l’association ou de la société, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture temporaire ou définitive des établissements, la confiscation des biens qui ont servi à l’infraction (art. L. 362-6 du code du travail).

La panoplie ainsi considérablement renforcée doit permettre dorénavant au juge de sanctionner efficacement le travail illégal. La tendance des mouvements sectaires, que nous avons analysée, à abuser du bénévolat, rencontre donc, sur la base des nouvelles dispositions, un obstacle sérieux à son exercice.

( L’infraction de blanchiment

Elle a été créée par la loi du 13 mai 1996. Ce texte a généralisé une infraction qui, définie par la loi du 12 juillet 1990, était auparavant limitée au blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants.

Cette extension permet de couvrir toutes les hypothèses de blanchiment, dont celles pouvant être en relation avec les agissements internationaux de certaines sectes. Comme on le verra plus loin, avec le travail effectué par TRACFIN, ce nouveau dispositif constitue un progrès notable dans l’appréhension des activités économiques et financières sectaires.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr