Les redressements fiscaux notifiés aux associations sectaires portent sur trois motifs principaux.
A) L’ABSENCE DE DECLARATION D’ACTIVITES LUCRATIVES
Le caractère lucratif des activités des associations sectaires est déterminé, on l’a vu, selon les critères généraux appliqués à l’ensemble du secteur associatif. La fréquence des redressements prononcés sur ce motif montre l’importance des possibilités d’évasion fiscale offerte aux sectes par le recours au statut associatif. Plusieurs exemples ont été évoqués dans d’autres parties du rapport. Pour mémoire, on précisera que peu de mouvements sectaires ont pu démontrer le caractère désintéressé de leur gestion, et, parmi les vérifications fiscales relatives aux sectes les plus importantes, seul le contrôle des Témoins de Jéhovah n’a pas pu établir le caractère lucratif des activités déployées.
L’absence de déclaration entraîne un redressement qui peut porter, selon le cas de figure, sur un ou plusieurs des principaux impôts commerciaux, à savoir l’impôt sur les sociétés, la TVA et la taxe professionnelle. Le total des rappels et des majorations ou intérêts de retard qui en découlent peut atteindre des montants conséquents. L’ensemble des taxations des revenus tirés de cours, d’entretiens et de la vente de matériel ou de publications réalisées par les associations scientologues contrôlées entre 1981 et 1989 s’établit à 66,4 millions de francs, tous impôts confondus. Intervenu en 1983, le redressement de l’Association internationale pour la conscience de Krishna atteignait 28 millions de francs. Les activités d’hébergement, de stages, de cours et de vente d’objets exercées entre 1987 et 1991 par la Soka Gakkaï ont fait l’objet d’une taxation, à hauteur de 19,4 millions de francs. Le même sort a été réservé aux prestations d’enseignement ésotérique et à distance réalisées, de 1989 à 1991 puis de 1992 à 1994, par l’AMORC, redressé à hauteur de 117,8 millions de francs, avant de bénéficier, on l’a vu, d’une remise de 32,1 millions de francs. Les pratiques commerciales des associations appartenant au mouvement Tradition Famille Propriété (édition de livres, location de fichiers, activités de démarchage) ont été taxées à hauteur de 9,1 millions de francs pour les revenus qui en ont résulté entre 1990 et 1992. Un redressement a également été prononcé, pour le même motif mais pour des montants moindres, à l’encontre des sectes suivantes : le Mouvement raëlien, l’Association des chevaliers du lotus d’or (ancienne dénomination du Mandarom), Au cœur de la communication, Horus et Spiritual Human Yoga (nouvelle dénomination de Human Universal Energy). Un contrôle est actuellement en cours pour l’association Mahikari.
B) L’ABSENCE DE DECLARATION DES DONS MANUELS
L’article 757 du code général des impôts assujettit aux droits de donation " les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel ", et précise que " la même règle s’applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l’administration fiscale ".
Il découle de cet article que les dons manuels sont soumis aux droits de donation lorsqu’ils sont révélés par le donataire à l’administration fiscale, soit spontanément, soit, et c’est le cas le plus fréquent, à la demande de celle-ci.
Les services fiscaux ont utilisé la possibilité de demander l’origine de dons manuels reçus par des associations sectaires dans deux cas : les Témoins de Jéhovah et le Mandarom.
Le contrôle de l’Association Les Témoins de Jéhovah a révélé l’existence d’une recette de 250.579.860 francs reçue sous la forme de dons entre le 1er janvier 1993 et le 31 août 1996. Conformément au code général des impôts, ces dons ont été assujettis aux droits de donation calculés au taux applicable aux mutations à titre gratuit entre personnes non parentes, soit 60 %. Il en est résulté un rappel de 150, 3 millions de francs. L’association n’ayant pas payé ces droits dans les délais, s’y sont ajoutés les intérêts de retard, soit 26,8 millions de francs, calculés en application de l’article 1727 au taux de 0,75 % par mois. En outre, la même association n’a pas déposé, dans un délai de 30 jours suivant une deuxième mise en demeure, une déclaration comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de ces droits. En conséquence la majoration de 80 % (soit en l’espèce 120,3 millions de francs) prévue à l’article 1728.3 du même code a été appliquée. Le total des droits et pénalités émis à l’encontre de l’Association Les Témoins de Jéhovah a donc atteint 297,4 millions de francs, somme mise en recouvrement le 18 janvier 1999.
L’Association des Chevaliers du lotus d’or, à l’époque instance nationale du Mandarom, a fait l’objet d’un redressement similaire qui a atteint 9,8 millions de francs au titre des dons manuels perçus en 1995 et 1996. Cette somme a été mise en recouvrement le 23 décembre 1998.
La Commission s’étonne que la taxation des dons manuels ne concerne que deux mouvements. Elle tient à rappeler que ces dons constituent la principale source de revenus des sectes, et qu’il n’existe aucune raison de les exonérer des droits de donation prévus par la loi. Le code général des impôts trouverait amplement matière à s’appliquer, et par conséquent le Trésor public matière à récupérer des droits qui lui sont dûs, auprès des multiples associations sectaires qui reçoivent des dons manuels dans des proportions souvent importantes. Est-il notamment normal que les différentes instances des Témoins de Jéhovah, autres que l’association précitée, n’aient pas été contrôlées et redressées pour les millions de francs qu’elles ont perçus sous cette forme ?
C) L’ABSENCE DE DECLARATION DES REVENUS DU PATRIMOINE
Les associations sectaires sont souvent détentrices, on l’a vu, de valeurs financières qui leur procurent des revenus. En application de l’article 206-5 du code général des impôts, les associations non soumises à l’impôt sur les sociétés " sont assujetti(e)s audit impôt en raison (...) des revenus de capitaux mobiliers " dont elles disposent. Indépendamment du caractère lucratif de leurs activités, toutes les associations sont donc imposables au titre de leurs produits financiers.
Malgré l’importance des revenus tirés de ses actifs financiers, l’Association Les Témoins de Jéhovah ne se conformait pas, avant son contrôle, à cette disposition. Elle a par conséquent subi un rappel d’impôt de 7,3 millions de francs pour les produits perçus entre septembre 1992 et août 1996.
Là encore, la Commission s’interroge sur l’absence de redressement similaire concernant les nombreuses associations sectaires propriétaires d’un portefeuille. Les services fiscaux n’ont communiqué, outre l’exemple de l’organisation jéhoviste, que le cas de l’Association du Temple de la Pyramide, autre instance du Mandarom, dont les produits financiers ont fait l’objet d’un rappel de 217.000 francs auxquels se sont ajoutés 73.000 francs d’intérêts de retard. Les résultats des contrôles réalisés sur d’autres associations ne mentionnent aucun rappel d’impôts à ce titre. Certaines d’entre elles ont pourtant déclaré à la Commission disposer de revenus financiers. On peut craindre que ces structures, qui affirment le caractère non lucratif de leurs activités, ne paient pas régulièrement l’impôt sur leurs revenus financiers.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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