La chambre a examiné l’évolution du budget principal, hors le budget annexe de l’eau et de l’assainissement qui obéit en principe à ses propres règles de gestion. Les éléments concernant ce budget annexe seront mentionnés lorsque sera examiné ce service et ne figurent à ce stade de la lettre d’observations que s’ils sont susceptibles d’apporter un éclairage utile. Il n’a pas paru utile à la chambre de procéder à une analyse consolidée, ainsi que le demandait le district, car la consolidation n’infirme en rien ses observations dès lors que le budget annexe doit, par définition, être équilibré. De même, la chambre n’a pu examiner la situation financière en 1999 faute de disposer des documents correspondants, contrairement aux engagements pris par le district au moment des auditions pour justifier une amélioration de cette situation.

1. LES CONDITIONS DE FORMATION DE L’EPARGNE DU DISTRICT SE SONT DEGRADEES EN RAISON DE DEPENSES DE FONCTIONNEMENT IMPORTANTES QUI CROISSENT DESORMAIS PLUS VITE QUE LES RECETTES DE FONCTIONNEMENT

Le taux d’épargne - rapport entre l’épargne et les recettes réelles de fonctionnement - s’est amélioré au cours de la période avant de s’effondrer en 1997 et 1998 : de 8,3 % en 1990, il atteint 23,3 % en 1994 avant de chuter à 2,8 % en 1998. Il est incontestable que des efforts de maîtrise de la dépense ont été faits entre 1992 et 1995 mais cet effort n’a pas perduré. La fin de la période sous examen est caractérisée par un " effet de ciseau ", les dépenses augmentant plus rapidement que les recettes.

Au district de Bastia, comme le montre le tableau n° 1 en annexe, les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) ont représenté en moyenne 66 % des 985 MF dépensés par le district de 1990 à 1998. Il s’agit d’une proportion plus importante que la moyenne des autres districts selon les données de la direction générale de la comptabilité publique du ministère de l’économie et des finances (les finances des établissements publics locaux, publication annuelle depuis 1995).

Les DRF (dépenses totales corrigées des dépenses d’ordre), ainsi que le montre le tableau n° 2 en annexe, sont passées au cours de la période examinée de 59 MF à 89 Mf, soit une progression en francs courants de 50 % et de 26 % en francs constants. Il est ainsi possible de souligner que " le service rendu " (ratio de DRF/population), mesuré en terme exclusivement financier place le district de Bastia très au-dessus de la moyenne des districts en France (et le rapproche davantage de la moyenne des communautés urbaines).

L’augmentation de ces charges (voir tableau n° 2 en annexe) est due à :

 une multiplication par cinq des charges à caractère général (qui passent de 5 à 27 MF) et dont la part relative dans les charges de fonctionnement a triplé (en passant de 10 à 30 %). Trois raisons principales expliquent cette hausse. L’augmentation des primes d’assurance due à une révision des contrats : le district s’est garanti des risques auxquels sont exposés ses agents - ce qui est normal - mais le district a choisi une couverture des risques comme si tous ses agents étaient des sapeurs pompiers. Cela a un coût : 0,450 MF environ entre 1990 et 1993, 2,3 MF en 1997. Il faut ajouter à cela un doublement des frais d’entretien des bâtiments : 1,5 MF en 1990 et 1993, 2,6 et 3 MF en 1996 et 1997. Enfin, la charge du traitement des ordures ménagères a considérablement augmenté passant de 3 à 16 MF ;

 un quasi doublement des transferts versés, qui représentent, en moyenne, plus du quart des charges de fonctionnement. En l’espèce, l’essentiel est consacré au versement de la subvention d’équilibre du budget principal au budget annexe de l’eau et de l’assainissement ainsi qu’à la compensation allouée à la SAB. Ces deux versements représentent 20 MF en 1997 ;

 une augmentation de 50 % sur la période des charges de personnel, alors même que l’effectif n’a augmenté que de 8,8 %. Les charges de personnel représentent désormais 40 % des charges totales alors qu’en moyenne les districts en France consacrent 20 à 25 % de leurs dépenses au personnel (Voir Les finances des établissements publics locaux, en 1995 et 1996 - Direction de la comptabilité publique).

Certes, face à ces hausses, on observe une diminution spectaculaire des charges financières qui ont été divisées par deux entre 1990 et 1997 (de 17 à 8,5 MF).

En réalité, cette baisse résulte d’une illusion : il s’agit de la conséquence de la création d’un budget annexe de l’eau et de l’assainissement en 1993 qui a repris une part importante des emprunts mobilisés par le district (95,5 MF de dettes au 1er janvier 1998 et 8,7 MF de charges d’intérêts).

Cette orientation à la hausse des DRF n’est cependant pas compensée par une hausse des produits. En effet, les produits de fonctionnement (voir tableau n° 3 en annexe), progressent de 41 % en francs courants soit une hausse de 23 % en francs constants 1990, taux inférieur à celui observé pour les dépenses de fonctionnement. Or, ces recettes sont, en moyenne, deux fois plus importantes rapportées au nombre d’habitants que celles de la moyenne des districts en France, du fait de la part prépondérante prise par l’Etat dans l’origine des financements du district de Bastia.

Alors que les transferts reçus de l’Etat (dotations versées par l’Etat - DGF, DGD- attributions des fonds de la TP, subventions fiscales) représentaient 27 % des recettes de fonctionnement en 1990, ils représentent, en 1998, 52 % de celles-ci. Ainsi en 1997, le district a bénéficié de 263 F par habitant de DGF alors que la moyenne pour les districts en 1996 a été de 102 F par habitant (tableau n° 4 en annexe).

Par contre, s’agissant du produit de la fiscalité directe, il a diminué en 8 ans de 0,1 %. Ce résultat provient d’un effet base puisque les taux des quatre taxes sont restés inchangés durant la période. Il n’en reste pas moins que, même stabilisés, les taux d’imposition du district de Bastia sont, en moyenne, très élevés comparés à ceux en vigueur dans d’autres districts :

Cela est confirmé par le coefficient de mobilisation fiscale ( CMPF = rapport entre le produit des contributions directes et le potentiel fiscal. Le potentiel fiscal étant le résultat du produit des taux d’imposition moyens nationaux par les bases) du district qui est d’ores et déjà supérieur à deux, alors qu’un niveau supérieur à 1 constitue un niveau critique selon le réseau d’alerte de la DGCP (direction générale de la comptabilité publique).

La conjugaison de taux élevés et d’une forte mobilisation fiscale fait que le district de Bastia ne dispose que de peu de marges de manœuvre fiscales.

Enfin, en ce qui concerne les recettes autres que les impôts directs et les transferts de l’Etat, elles restent anecdotiques rapportées à l’ensemble des recettes :

 faiblesse des droits d’entrée et d’utilisation des équipements sportifs : moins de 0,5 % des recettes totales ;

 charge nette des services concédés alors que sans doute ces services pourraient générer des revenus pour le district .

En conclusion, sur la section de fonctionnement, les résultats, traduits en terme d’autofinancement brut, révèlent une certaine tension. Une forte progression des transferts de l’Etat reçus a favorisé une stabilisation de la pression fiscale relativement plus élevée que la moyenne des autres districts, mais bloquée à ce niveau par la progression soutenue des charges de fonctionnement. Le district doit donc à l’avenir compter sur deux éléments pour accroître son aisance financière : améliorer ses produits du domaine et limiter impérativement le coût de ses services délégués.

2. L’ENDETTEMENT RESTE CONTENU DANS DES LIMITES QUI PEUVENT NEANMOINS SE REVELER INQUIETANTES

Jusqu’en 1997, le district disposait encore d’une capacité d’endettement réelle : sa durée de désendettement mesurée en années d’autofinancement était proche de 5 années, très éloignée des 15 années habituellement considérées comme un seuil. Cette barre est désormais dépassée depuis 1997 et 1998 (voir tableau n° 5 en annexe). Il est vrai que ces chiffres sont davantage liés à la chute de l’autofinancement qu’à une augmentation de la dette.

Cela ne doit cependant pas tromper : d’une part, la situation deviendrait préoccupante si l’autofinancement devait continuer à s’effondrer et, d’autre part et surtout, ce ratio de désendettement ne prend en compte que le seul endettement du budget principal. En ajoutant la dette du budget annexe de l’eau et de l’assainissement (qui ne dégage pas d’épargne), la durée de désendettement s’élève, alors, à 71 années, la dette du district en 1998 s’élevant à 182 MF. Le district ne doit donc pas se laisser abuser par la durée résiduelle de remboursement de ses emprunts qui s’établit à 13 ans.

Par ailleurs, ainsi que le montre le tableau n° 6 en annexe, même si la dette du budget principal au 1er janvier des exercices 1990 à 1998 a diminué de 47 %, évaluée en francs par habitant, cette dette se situe très au-dessus des ratios nationaux pour les districts.

Cette dette se caractérise par un âge moyen de 8 ans, mais avec une ancienneté maximale de 28 ans, ce qui impose au district des taux d’intérêts trop souvent élevés car supérieurs à deux chiffres. Il n’est ainsi pas surprenant que le coût d’emprunt reste plus élevé que la moyenne nationale comme en atteste le taux moyen d’intérêt de la dette qui est de 8,8 % en 1998 (avec un taux minimum de 1,05 % et un taux maximal de 15,5 %).

En résumé, s’agissant de l’endettement, il convient d’indiquer que le district de Bastia ne voit sa situation s’améliorer, en termes absolus, que par le jeu du transfert vers le budget annexe de l’eau et de l’assainissement de masses financières conséquentes. L’insuffisance ponctuelle d’autofinancement brut rend cette dette lourde, en situant la capacité nette de désendettement du district au-delà des quinze ans, durée généralement considérée comme un seuil limite.

3. LA MARGE D’AUTOFINANCEMENT EST DE NOUVEAU NEGATIVE

La marge d’autofinancement courant représente l’excédent dégagé par la section de fonctionnement et utilisable pour le financement des dépenses réelles d’investissement après remboursement en capital des emprunts.

L’examen du tableau n° 8 en annexe permet de constater que la marge d’autofinancement courant est négative sur la période précédant la création d’un budget annexe de l’eau et de l’assainissement (1993) et qu’elle redevient négative en 1997. La section de fonctionnement dégage donc des résultats trop limités pour permettre la couverture du remboursement du capital des emprunts et participer au financement des investissements.

4. LES INVESTISSEMENTS ET LEUR FINANCEMENT

Le niveau des investissements directs (comptes 21 et 23) a été extrêmement erratique au cours de la période ainsi que le montre le graphique n° 1 en annexe. Il semble obéir au même rythme électoral que celui observé dans les communes de plus de 10 000 habitants : accélération du rythme dans les années encadrant les élections, creux à mi-mandat.

En moyenne, l’effort annuel d’équipement du district est de 27 MF par an. Rapporté aux communes de la même strate membres d’un district ou d’une communauté de communes, il s’agit d’un effort d’investissement important par habitant. Le tableau n°9 confirme l’importance de cet effort d’équipement mesuré en taux d’équipement (dépenses d’investissement direct rapportées aux recettes réelles de fonctionnement).

Cet effort a cependant été extrêmement concentré puisque les principaux investissements réalisés sur la période sont les suivants :

 19,6 MF pour la construction et l’équipement de la caserne des pompiers ;

 27 MF pour les travaux sur les stations et les réseaux d’assainissement avant la mise en place d’un budget annexe ;

 87 MF pour le stade Armand CESARI.

Cette simple énumération montre que 65 % des principaux investissements financés sur le budget principal, donc par le contribuable, ont concerné le stade ARMAND CESARI, et non des équipements publics généraux nécessaires à une population plus large que les seuls amateurs de football.

En ce qui concerne les ressources de financement des investissements, le tableau n° 10 qui figure en annexe montre clairement, qu’en moyenne sur la période, elles ont trois origines à peu près équivalentes en masse : l’épargne, les subventions et l’emprunt. Dès lors, il en résulte que le district de Bastia doit impérativement reconstituer son épargne s’il veut maintenir son niveau moyen d’investissement à 27 MF par an.

En conclusion, sur la section d’investissement, il faut retenir les observations suivantes :

 l’effort d’investissement du district de Bastia sur la période est relativement important mais concentré en majorité sur le stade A. CESARI ;

 cette politique d’investissement a reposé jusqu’à dernièrement sur un financement équilibré de subventions, d’emprunts et d’épargne. Il convient donc de reconstituer l’épargne pour maintenir un niveau important d’investissement vers d’autres domaines que celui presque exclusivement sportif.

5. TRESORERIE ET FONDS DE ROULEMENT

Enfin, en ce qui concerne le solde du compte au Trésor le 31 décembre, il représentait trois mois de dépenses en 1997 et sur la période examinée, ce ratio a été assez élevé comme le montre le tableau n° 11 en annexe. De même, le fonds de roulement représente encore deux mois et demi de dépenses en fin de période examinée (cf. tableau n° 12 en annexe).

Dans sa réponse, le district conteste l’approche " trop purement technique et comptable " de la chambre, mais force est de constater que les analyses qu’il présente ne contredisent que peu celles de la juridiction. Le district avance que sa situation financière préserve l’essentiel : la chambre indique seulement que des risques de tension peuvent apparaître si les grandes masses du budget continuent à présenter des signes de rigidité et donc des marges réduites d’évolution ou de correction. Le district mentionne que 167 MF d’investissements ont été financés par autofinancement sur la période 1993/1999 : ces données sont exactes, mais la chambre a souligné que l’effort d’investissement réel était, à la fois, supporté par trois origines de financement dont l’une, l’autofinancement, devait croître pour réduire la part de l’emprunt et concentré sur un seul type d’opération.

Par ailleurs, le district souligne l’augmentation du service rendu, ce que la chambre n’a pas méconnu, de même que la stabilité de la fiscalité que la chambre a constatée, tout en analysant les taux élevés de cette fiscalité et son absence de marge d’évolution.

Enfin, le district indique qu’une amélioration de son autofinancement est apparue en 1999 : la juridiction ne peut faire sienne cette analyse en l’absence de données précises que le district s’était pourtant engagé à lui fournir à l’issue de l’audition de son président.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc