Au-delà de cet indispensable complément de notre arsenal juridique se pose la question de l’utilisation effective par les pouvoirs publics des dispositions légales et réglementaires existantes. Il ressort, en effet, clairement des analyses précédentes que le DPS a pu bénéficier d’un certain attentisme de la part de nos institutions. C’est à une véritable vigilance républicaine qui se traduise également dans les actes qu’appelle aujourd’hui la Commission.

A) PROFESSIONNELS DE LA SECURITE ET DEONTOLOGIE : DES MOTS AUX ACTES

Les capillarités préoccupantes entre le DPS et les professionnels de la sécurité, publics ou privés, doivent être dénoncées et combattues. Sans doute n’ont-elles pas la même dimension selon qu’elles concernent des employés de sociétés de surveillance ou des agents dotés de prérogatives de puissance publique, tels que les policiers ou les gendarmes. Les passerelles existantes entre ces différents secteurs conduisent néanmoins à plaider pour une approche déontologique globale.

Telle est d’ailleurs la perspective dans laquelle se situe le projet de loi portant création d’une Commission nationale de la déontologie de la sécurité, évoqué ci-dessus. La Commission se réjouit que le Gouvernement dote nos institutions d’une nouvelle autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République. L’approche large retenue par le Gouvernement et l’Assemblée nationale69 doit également être saluée, en ce qu’elle permet " d’unifier les pratiques des acteurs de la sécurité sur la base de valeurs communes "70.

Sans doute les personnes remplissant des missions de sécurité, du moins lorsqu’elles appartiennent au secteur public, sont-elles déjà soumises à des obligations et à un contrôle, disciplinaire notamment, liés à leur statut. Toutefois, certains des dysfonctionnements observés par la Commission pendant son enquête n’entrent malheureusement pas dans ce champ. Les représentants des syndicats de policiers n’ont-ils pas souligné qu’en dehors de ses heures de service, un policier était libre de ses activités, y compris d’aller assurer des missions de sécurité privées ? Et même lorsque des sanctions disciplinaires sont susceptibles de s’appliquer, elles ont paru à la Commission souvent trop indulgentes. D’où la nécessité d’un organisme dont les compétences dépassent le seul contrôle du respect des normes juridiques : " les règles déontologiques s’attachent à définir pour une profession ou une activité donnée un ensemble de valeurs qui dépassent à la fois le cadre des seuls actes accomplis par les individus et celui des seules normes juridiques applicables. La déontologie régit, en conséquence, le comportement professionnel, mais tend également à créer un état d’esprit ".

" Créer un état d’esprit ". A cet égard, la Commission recommande :

 que la future autorité porte une attention particulière à la confusion entre police, gendarmerie et DPS, notamment lors de manifestations, afin de mettre fin à ce qui a pu être ressenti comme un partage des rôles peu conforme aux valeurs républicaines ;

 que la participation de policiers ou de militaires à un service d’ordre dont les agissements dvoient ou mettent à mal les règles et les symboles républicains soit dénoncée avec force et ne bénéficie d’aucune " loi du silence " ;

 qu’un suivi attentif du développement des syndicats d’extrême-droite dans la police nationale soit instauré, sans toutefois porter atteinte à la liberté syndicale. Le précédent malheureux du Front National de la Police montre en effet que l’entrisme de l’extrême-droite dans la police nationale est une réalité constante et que les autorités en charge de la police nationale se sont montrées pusillanimes face à une violation flagrante du code du travail ;

 qu’au sein de la gendarmerie, même si ce problème d’entrisme se pose de façon moins cruciale du fait de l’existence d’un statut beaucoup plus contraignant en matière de liberté d’expression, la diffusion de magazines ou de toute publication émanant d’associations de retraités ou de réservistes notoirement extrémistes fasse l’objet d’une surveillance particulière, non seulement par la direction générale de la gendarmerie nationale, mais également au niveau du commandement de légion ;

 qu’enfin, s’agissant des sociétés de sécurité, la future commission de déontologie porte une attention soutenue aux sociétés manifestement liées à l’extrême-droite.

B) POLICE NATIONALE ET DPS : SANCTIONNER DAVANTAGE ET MIEUX CONTROLER

S’agissant plus spécifiquement de la police nationale, la Commission préconise une meilleure application des sanctions disciplinaires. Deux voies doivent être notamment suivies, afin de lutter contre l’entrisme malsain de l’idéologie du Front National au sein de la police nationale et contre la participation de policiers au DPS, corollaire rare, mais néanmoins réel.

. Les sanctions disciplinaires doivent être systématiques : des auditions qu’elle a menées, la Commission recueille l’impression que seules les affaires les plus graves sont sanctionnées, tandis que beaucoup ne vont pas jusqu’au terme de la procédure disciplinaire, voire sont purement et simplement classées. Le fait que M. Jean-Paul Laurendeau, fonctionnaire de police, se soit rendu à une manifestation du Front National, pendant ses heures de service, avec un véhicule administratif, sans avoir été sanctionné, est totalement inadmissible. Ne disposant pas des enquêtes de commandement ni du témoignage de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la Commission ne peut toutefois étayer son argumentation de statistiques précises.

Plus encore, les sanctions prises contre les fonctionnaires fautifs doivent être plus sévères. Il semble, par exemple, à la Commission, que le CRS qui, au vu des caméras de télévision, a bafoué son devoir de réserve dans l’exercice de ses fonctions, aurait dû être plus lourdement sanctionné. Que dire, enfin, de la réintégration de M. Philippe Bitauld, aujourd’hui Président de la FPIP, qui siège, à ce titre, dans les instances paritaires de la police nationale et y tient des propos racistes ? La Commission s’étonne que son exclusion de l’institution n’ait pas été définitive.

. Une plus grande vigilance doit également être apportée aux affectations des fonctionnaires de police. Même s’il est sans doute exceptionnel, le cas de M. Frédéric Jamet est néanmoins symptomatique d’un laissez-faire regrettable. Sans doute sa nomination à la direction des renseignements généraux à la préfecture de police est-elle antérieure à l’exercice de ses fonctions syndicales. On peut toutefois douter que la direction des renseignements généraux de la préfecture de police ait pu ne pas connaître les sympathies politiques d’un de ses fonctionnaires, d’autant que ce service avait été confronté à ce genre de problème dans les années 197071. Quant à son reclassement à l’OCTRIS, il s’est fait en connaissance de cause.

Enfin, de manière plus générale, la Commission souhaite que les acteurs de l’institution accordent une vigilance accrue aux activités du DPS elles-mêmes. Les professions de foi sont insuffisantes. Les policiers et notamment leurs représentants syndicaux, ont donc le devoir de recenser et de faire remonter à leurs supérieurs hiérarchiques les actes du DPS susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales. Ils doivent également veiller à dissocier leurs actions de celles du DPS lorsqu’ils doivent travailler en présence de ce service d’ordre, sur le terrain.

C) POLICES MUNICIPALES ET DPS : LES NOUVELLES RESPONSABILITES DES PREFETS ET DES PROCUREURS

La Commission se félicite qu’avec l’intervention de la loi 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales ait été mis fin au cadre juridique très insatisfaisant qui régissait les polices municipales. Car, comme l’illustre le cas de Vitrolles, le risque était bien de voir ces forces, dont le développement s’est fortement accru depuis quelques années " représenter, dans le meilleur des cas, une amorce de remise en cause de l’unité de la République et dans le pire, ni plus ni moins qu’une vulgaire garde prétorienne "72.

Le nouveau statut juridique des polices municipales apporte cinq innovations essentielles à un meilleur encadrement de ces forces :

 Désormais, une convention de coordination doit être conclue entre le maire et la commune et le représentant de l’Etat dans le département, après avis du procureur de la République, dès lors qu’un service de police municipale comporte au moins cinq agents de police municipale (article 2). " Cette innovation essentielle, pierre angulaire du projet de loi, est la traduction juridique de la complémentarité "73 entre l’ensemble des forces qui participent à la sécurité. L’Etat dispose ainsi d’une compétence d’ensemble dans la définition de leurs missions ;

 En outre, l’Etat se voit doté d’un véritable pouvoir de vérification des services de la police municipale, ce qui met fin à un vide juridique regrettable. La multiplicité des autorités compétentes pour demander au ministère de l’intérieur de vérifier l’organisation et le fonctionnement d’un service de police municipale - maire, représentant de l’Etat ou procureur de la République - fait de la vérification un contrôle efficace d’autant plus qu’elle peut être opérée par les services d’inspection générale de l’Etat ;

 S’agissant de la composition des services de police municipale, une innovation majeure est également apportée par l’introduction du double agrément. Alors que, jusqu’à maintenant, les candidats recrutés étaient nommés, après un stage d’un an et l’agrément du procureur de la République - dont la délivrance n’était soumise à aucun critère précis -, ils doivent désormais recevoir le double agrément du procureur de la République et du préfet. Plus encore, le retrait d’agrément de l’un ou de l’autre vaut retrait global.

On observera cependant que, si la nouvelle procédure d’agrément devrait permettre un contrôle effectif des agents recrutés par concours, elle ne règle pas pour autant le problème de l’encadrement, officiel ou officieux, de la police municipale, problème que le cas vitrollais pose avec acuité. Sur ce point, la Commission recommande l’application systématique du pouvoir de vérification du ministre de l’intérieur, en cas de doute sur les pratiques déontologiques mises en oeuvre ;

 En ce qui concerne l’équipement des agents de la police municipale, la loi du 15 avril 1999 apporte deux modifications majeures. En premier lieu, l’armement des policiers municipaux est, désormais strictement réglementé : en principe, les agents de police municipale ne sont pas armés. Toutefois, si " la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, [ils] peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme ", sous réserve de l’existence de la convention de coordination précitée (article 8). En second lieu, les tenues des policiers municipaux sont également réglementées : d’une part, elles ne doivent pas être de nature à entraîner une confusion avec celle de la police nationale ou de la gendarmerie ; d’autre part, il est prévu qu’un décret en Conseil d’Etat fixe les caractéristiques et les normes techniques des équipements, tenues, etc. utilisés par les agents de police municipale ;

 Enfin, un code de déontologie doit être établi par décret en Conseil d’Etat, le contrôle de son respect incombant, en principe au maire et, en cas de vérification, aux inspections diligentées par le ministre de l’intérieur.

L’ensemble de ces dispositions devrait permettre de mettre fin aux dérives constatées précédemment, à Vitrolles notamment. A cet égard, la Commission recommande que soit apportée une attention particulière aux missions et à la tenue des agents de la police municipale de Vitrolles et que soit rapidement mis fin à tous les facteurs de confusion avec les autres forces de sécurité.

D) ARMEE ET DPS : DES MARGES DE MANOEUVRE A UTILISER

Sans doute les liens entre le service d’ordre du Front National et l’institution militaire en tant que telle sont-ils assez faibles. Il n’en demeure pas moins que, ne serait-ce qu’au regard du passé militaire des membres du DPS entendus par la Commission, le monde militaire intéresse, voire fascine les membres du DPS et que des liens existent bel et bien.

De manière générale, on observera que le statut général des militaires limite ces dérives, puisqu’il interdit l’adhésion à un parti politique et n’autorise la participation des militaires à des manifestations de partis politiques que dans la mesure où les militaires ne font pas mention de leur état. Dans cette perspective, les rares cas de militaires d’active " pris en flagrant délit " d’activités au sein du service d’ordre ont été sanctionnés, d’après les éléments recueillis par la Commission.

La question du lien entre l’armée et le DPS ne saurait toutefois se limiter à ce cas de participation directe, ni aux seuls militaires d’active. Dans le cadre de la professionnalisation des armées entreprise dans le cadre de la loi de programmation militaire, le problème de la seconde carrière des militaires se pose avec acuité. Faut-il rappeler qu’entre 1997 et 2002, les flux supplémentaires de départ de sous-officiers s’élèvent à 2 500 effectifs par an ? Faut-il encore souligner que le développement des contrats courts augmente le taux de renouvellement des personnels ainsi que le nombre d’anciens militaires entrant sur le marché du travail ? Déjà, en 1997, au tout début du processus de professionnalisation, ce sont près de 18 000

 2 066 officiers, 10 031 sous-officiers et 5 855 militaires du rang - qui ont quitté l’armée, contre 14 712 en 199674. Sans doute, notamment grâce à la mise en place de mesures d’incitation financières et d’un dispositif de reconversion, le ministre de la défense a mis en place une politique active de gestion de ses personnels qui leur permette de diversifier leur seconde carrière au-delà des professions de sécurité.

On observera cependant que, d’après les renseignements fournis par le ministère de la défense, qui reposent sur des déclarations volontaires et n’ont pas, à ce titre, de valeur exhaustive :

 78,36 % des personnels s’orientent vers le secteur privé, dont 25 % dans les catégories des services aux personnes et à la collectivité, commerciaux et administratifs. La Commission ne dispose pas d’analyses socio-professionnelles plus fines ;

 la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui constitue un vivier privilégié de recrutement du DPS ou du DPA, est la troisième région d’installation après l’Ile-de-France et la Bretagne (14,07 % contre respectivement 20,12 % et 14,54 %).

A la lumière de ses travaux, la Commission souhaite donc attirer l’attention du ministre de la défense sur deux domaines d’action : les règles régissant la seconde carrière des militaires et la gestion de la réserve.

 La seconde carrière des militaires

S’agissant, tout d’abord, des personnels devant cesser ou ayant définitivement cessé d’exercer leurs fonctions par suite de leur radiation des cadres ou devant être placés en situation de disponibilité, la Commission rappelle que le ministère de la défense dispose d’un levier d’action au travers du dispositif créé par le décret du 11 janvier 199675. Ce décret dispose en effet que les militaires doivent, dans un certain nombre de cas, informer l’administration militaire de la nature de l’activité privée lucrative qu’ils se proposent d’exercer. Sont notamment concernés les militaires de carrière demandant à être placés en disponibilité ou en congé sans solde, ainsi que certaines catégories d’officiers ou d’ingénieurs en retraite depuis moins de cinq ans. Plus encore, le ministre de la défense dispose d’un pouvoir élargi qui lui permet de demander aux autres catégories de militaires de l’informer de leurs fonctions. Il lui revient ensuite de décider de la compatibilité de ces activités, après consultation d’une Commission de déontologie.

Si ce dispositif s’insérait essentiellement dans le cadre de la lutte contre la corruption, rien n’interdit cependant qu’il s’applique au cas de militaires souhaitant exercer les activités dans une société de gardiennage. Plus encore, dans un cas comme celui du capitaine Jean-Pierre Fabre qui, en tant que dirigeant du DPS, était rémunéré, le ministre de la défense dispose là d’un moyen d’action efficace.

En conséquence, la Commission recommande qu’une attention particulière soit apportée à la reconversion des militaires dans les sociétés de sécurité et de gardiennage, qui se révèlent être un vivier de recrutement du DPS. Elle souhaite, en outre, que les motivations de demandes de disponibilité fassent l’objet d’un examen attentif. Il est pour le moins malvenu que le capitaine Jean-Pierre Fabre, qui a obtenu d’être placé en disponibilité de ses fonctions au sein de la gendarmerie nationale le 3 mai 1993, ait été nommé directeur national du DPS au mois de juillet suivant. On notera toutefois que, d’après les informations recueillies par la Commission, le capitaine Jean-Pierre Fabre n’avait pas mentionné ce projet à sa hiérarchie.

. Ce dispositif est-il suffisant ? Votre rapporteur ne le pense pas. C’est pourquoi, afin de le renforcer, il propose que, de la même manière que l’article 35 du statut général des militaires réglemente l’accès des militaires aux entreprises ayant été en relations avec le ministère de la défense, l’accès des militaires aux sociétés privées de surveillance et de gardiennage soit strictement réglementé. Complétée par un renforcement du régime juridique de ce type d’entreprises, tel qu’il a été exposé précédemment, cette mesure permettrait de lutter contre l’établissement de réseaux d’amitié et de sociabilité dont, à l’évidence, a profité le DPS.

En outre, il convient de noter que ce dispositif concerne seulement les " activités lucratives ". Cependant, il semble difficile de conférer au ministère de la défense un pouvoir d’appréciation en matière d’activités bénévoles, la qualification des critères de refus posant problème, notamment au regard du principe constitutionnel de liberté d’opinion.

 La gestion de la réserve

La suspension de l’appel sous les drapeaux en 2002 impose de modifier l’organisation de la réserve, qui sera privée de son fondement légal et de son mode de recrutement principal. C’est à cette fin qu’a été déposé au Sénat, le 28 janvier 1999, un projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de la défense.

. Le dispositif prévu par ce projet de loi devrait permettre au ministère de la défense de disposer d’un levier d’action fondamental dans le choix des futurs réservistes, du moins pour la première réserve, ensemble opérationnel mobilisable rapidement en tant que de besoin. Cette première réserve concerne en effet deux catégories de personnes :

 des volontaires dont l’engagement est soumis à l’agrément de l’autorité militaire et qui doivent avoir reçu une affectation ;

 des anciens militaires ayant reçu une affectation.

Ces deux procédures d’agrément et d’affectation confèrent à l’autorité militaire un pouvoir de choix dans la composition de cette première réserve, dont la Commission ne peut que se réjouir. Elle s’interroge cependant sur l’absence de détermination par la loi des critères d’agrément : dans quelle mesure peut-on être certain qu’il ne s’agira pas d’un agrément formel, qui se limite à un rapide contrôle du casier judiciaire ou des conditions d’âge et de nationalité ? Or, dans le cas du DPS, c’est bien davantage l’instauration de réseaux d’influence ou de sociabilité qui est en cause. La qualification juridique des critères pourrait cependant se révéler moins efficace que le dispositif actuel, qui donne un large pouvoir d’appréciation à l’autorité militaire. Par conséquent, la Commission plutôt qu’une qualification des critères d’agrément, recommande que l’autorité militaire prenne en compte la participation des candidats à des structures telles que le DSP ou à des sociétés de sécurité. Il faut espérer que le nombre de candidats sera suffisant pour que l’autorité militaire puisse réellement exercer son pouvoir de choix.

. La Commission souhaite enfin appeler l’attention du ministre de la défense sur le problème des associations de réservistes qui peuvent représenter un vecteur d’influence de l’extrême-droite et, en dernière analyse, de recrutement pour le service d’ordre. La problématique se pose, d’ailleurs, dans des termes similaires pour les associations de retraités. Votre rapporteur, pour avoir spécifiquement travaillé sur ce sujet, ne méconnaît pas le rôle de lien entre la Nation et son armée que jouent ces associations, rôle d’ailleurs réaffimé, en ce qui concerne les associations de réservistes, par l’article 1er du projet de loi précité. La Commission préconise néanmoins un strict contrôle de ces associations ; il serait pour le moins fâcheux que des associations, relais d’idéologies extrémistes sécuritaires et xénophobes, bénéficient de financements publics de la part du ministère de la défense. Il serait donc souhaitable que seules les associations agréées par le ministère de la défense bénéficient d’un traitement privilégié, cet agrément se fondant notamment sur le respect des principes républicains.

E) AUTORITE JUDICIAIRE ET DPS : APPLIQUER LES SANCTIONS PENALES AVEC PLUS DE VIGUEUR

Compte tenu du faible nombre d’infractions mettant en cause le DPS sanctionnées par la justice, la Commission estime nécessaire de rappeler aux responsables du parquet de faire preuve d’une vigilance particulière en la matière. S’ils sont maîtres de l’opportunité des poursuites, les procureurs de la République doivent toutefois avoir à l’esprit le contexte général dans lequel peuvent s’inscrire des faits mettant en cause des membres ou supplétifs du DPS.

Quelques événements peuvent être rappelés.

 A Carpentras, ni l’occupation de la voie publique par le DPS, ni l’interpellation d’une personne par l’un de ses membres n’a donné lieu à poursuite.

 A Montceau-les-Mines, le bilan judiciaire fut bien maigre. S’agissant du port d’un uniforme et d’un équipement qui a prêté à confusion dans l’esprit du public avec des gendarmes mobiles, il y aurait eu matière à sanction pénale sur la base de l’article 433-15 du code pénal. Tel est notamment le sentiment exprimé devant la Commission par M. Jean-Marie Delarue, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’intérieur.

 Suite à la manifestation illégale organisée sur la place de l’Etoile après la réunion publique de la salle Wagram, il n’y a pas eu de poursuites judiciaires alors qu’un policier dans l’exercice de ses fonctions a été bousculé et que la manifestation n’était pas autorisée (ce dont M. Bruno Gollnisch a dit devant les caméras qu’il " se fichait complètement ").

Des recommandation plus générales peuvent aussi être faites.

Le port d’armes est difficile à caractériser comme infraction : souvent les intéressés, qui détiennent des armes de 4ème catégorie (armes à feu de défense), sont inscrits à un club de tir sportif et peuvent donc les détenir. Mais il va de soi que le fait de porter de telles armes ou de les avoir dans sa voiture quand on assure le service d’ordre d’une manifestation a une signification particulière. Les forces de sécurité - de police ou de gendarmerie - sont habilitées à demander la justification d’un port d’armes. En l’absence de justification et d’autorisation, on se trouve en présence d’un port d’armes illégal. Dans ce cas, le fonctionnaire de sécurité, s’il a la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) doit constater l’infraction et, s’il ne l’a pas, appeler immédiatement un OPJ en vue de faire établir la procédure et de saisir la justice.

L’autorité judiciaire peut également infliger, en vertu de l’article 18 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, une peine complémentaire d’interdiction de participer à une manifestation pour une durée maximum de trois ans à l’encontre de toute personne qui a commis des violences lors d’une manifestation se déroulant sur la voie publique.

Enfin, le parquet devrait requérir plus souvent les peines complémentaires d’interdiction des droits civiques, civils et de famille, particulièrement adaptées lorsqu’il s’agit de sanctionner les manquements de membres du service d’ordre d’un parti politique participant au processus électoral et démocratique.