La position des pays d’Asie centrale, situés entre les grandes régions productrices de drogues du Croissant d’or - Pakistan et Afghanistan - et la Russie, l’Ukraine et l’Europe de l’Ouest, les a transformés en zone de transit des opiacés et du haschisch. Cette situation a été aggravée par les tensions inter-ethniques (4,2 millions de personnes se sont déplacées dans la région depuis la fin des années 1980) et surtout les guerre civiles au Tadjikistan - où l’opposition opère à partir de l’Afghanistan et trouve vraisemblablement dans le trafic des opiacés une partie de ses financements - et en Afghanistan dont le leader ouzbek, Rachid Dostom, est suspecté d’exporter de la drogue via l’Ouzbékistan. Le plus souvent, les Etats ne disposent pas des moyens leur permettant de contrôler les passages d’une république à l’autre. Mais dans le cas de l’Ouzbékistan, qui seul dans la région paraît avoir les moyens de son indépendance (contrairement au Tadjikistan qui dépend des Russes pour le contrôle de sa frontière sud), la situation résulte plutôt de l’héritage d’un découpage territorial des républiques qui rend impossible le contrôle des frontières.

Dans les premiers jours de l’année 1997, la télévision ouzbèke a diffusé à diverses reprises les images des opérations coup de poing contre le trafic des drogues menées par la police nationale. Les téléspectateurs ont pu voir des quantités énormes de haschisch et d’opium saisies à la frontière dans le train Douchanbé (Tadjikistan) -Termez -Tachkent (Ouzbékistan), dissimulées dans de grands sacs de jute. L’héroïne, quant à elle, était contenue dans des dizaines de sacs plastiques de 25 cm sur 25 cm. Le même jour, des clandestins afghans et pakistanais ont été arrêtés dans les gares et les aéroports. Les records de 1996 - 12 kg d’héroïne, 500 kg d’opium, sans compter le haschisch et la marijuana - seront donc très largement battus cette année. Un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur a confié à l’envoyé spécial de l’OGD que la drogue montrée à la télévision serait effectivement brûlée, mais qu’il ne pouvait rien garantir pour "le reste".

Les routes des drogues, héritage du passé

Lorqu’en mars 1996, la Douma a voté l’abrogation du décret d’août 1991 qui mettait fin à l’URSS et a proposé une forme institutionnelle de réintégration, seul l’Ouzbékistan a répondu par la négative. Près de 80 % de sa population est ouzbèke ; le pays a presqu’atteint son indépendance énergétique et alimentaire et l’armée compte 150 000 hommes bien équipés contre à peine 25 000 au lendemain de l’indépendance. La vulnérabilité des frontières aux activités du narcotrafic tient surtout à l’imbrication, les unes dans les autres, des républiques tadjike, ouzbèke et kirghize. Ce découpage, voulu par Staline, sous prétexte de respecter les entités ethnolinguistiques (parfois déplacées pour les besoins de la cause), avait pour but d’empêcher toute velléité d’indépendance de ces républiques, et contribue aujourd’hui à rendre incontrôlable leur territoire par le gouvernement. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui chaque capitale d’Asie centrale est adossée à la frontière du pays voisin et "surveillée" par la capitale de ce dernier ou par une ville de garnison. Tachkent, située à plus d’un millier de kilomètres de la province ouzbèke de Khorezm, n’est qu’à 15 km de la frontière kazakhe, elle-même reliée par un excellent cordon routier de 100 km à la garnison kazakhe de Chimkent. Bichkek/Almaty et Douchanbé/Termez présentent la même configuration. Mais l’effet le plus pervers, bien que le moins apparent de cette situation, c’est qu’aucune république n’est en mesure de garantir l’intégralité de son territoire. Une frontière internationale ou une barrière géophysique infranchissable sépare toujours la capitale de la deuxième ville du pays : l’autoroute entre Tachkent et Samarcande traverse 40 km du territoire kazakh ; Khodjend, la deuxième ville du Tadjikistan, est séparée de Douchanbé par deux chaînes parallèles de montagne, et même lorsque les deux cols, à 3 200 mètres d’altitude, sont ouverts, de juin à septembre, il est impossible d’éviter le territoire ouzbek tant sont nombreuses les enclaves tadjikes en Ouzbékistan. La route de Douchanbé à Tachkent change sept fois de pays après le deuxième col, celui de Shahistan. Il existe trois enclaves ouzbèkes en territoire kirghize, au sud de Ferghana. La route normale qu’emprunte un Kirghize d’Osh pour rejoindre la capitale du pays passe obligatoirement par l’Ouzbékistan (Andijan, Ferghana), puis le Tadjikistan (Khodjend), encore l’Ouzbékistan (Tachkent), enfin le Kazakhstan (Chimkent).

La première conséquence de cette situation est de rendre impossible la surveillance de frontières ainsi enchevêtrées. La deuxième est de fournir aux trafiquants un nombre illimité de petits passeurs : dans des pays où le salaire minimum mensuel ne dépasse pas 5 dollars, des fourmis sont prêtes à prendre les risques nécessaires et parcourir de longues distances pour 5 à 10 dollars, tandis que les saisies de la police (une infime partie de la drogue qui transite) alimentent les chroniques d’une presse moralisatrice. La troisième et la plus importante conséquence, dans aux moins deux Etats, des effets conjugués de ce découpage et de la pauvreté c’est d’avoir placé deux provinces dans une situation d’autonomie de fait assortie de l’obligation de s’autogérer : Osh au Kirghizstan et Penjikent au Tadjikistan. Elle sont ainsi devenues un des lieux d’exportation des drogues dans les pays de la région, en particulier l’Ouzbékistan.

Bichkek n’a plus guère les moyens de contrôler Osh et l’Ouzbékistan tout proche n’a aucune raison de faire la police chez son voisin. En toute impunité, et compte tenu de sa situation géographique, Osh est devenu le carrefour le plus commode du trafic d’opium et d’héroïne en provenance d’Afghanistan, des zones de production du Gorno-Badakhshan tadjik (Khorog), mais aussi du Pakistan via le col de Khunjerab et la ville ouïgour de Kashgar (Chine). On sait en effet que, malgré l’altitude du col (4 700 mètres), la Karakoram Highway qui relie le réseau routier pakistanais (Peshawar, Islamabad) à la Chine, par les bourgades de Gilgit et Baltit, est une route carrossable permanente, construite dans les années 1970 par les armées chinoise et pakistanaise. Osh, ville moyenne au caractère très provincial, est devenue la ville d’Asie centrale où le parc des voitures allemandes de grosse cylindrée est proportionnellement le plus important : une voiture sur trois. Depuis Osh, la route des drogues conduit obligatoirement à Tachkent, par Andijan et les dédales frontaliers évoqués plus haut.

Si la ville d’Osh est le carrefour de toutes les routes praticables de moyenne et basse altitude, la situation de Penjikent et de Aïni est radicalement différente : les deux villes tadjikes sont littéralement enchâssées entre les deux lignes de hautes montagnes qui bordent le nord du Tadjikistan. Entre ces deux chaînes coule le Zérafshan qui arrose Samarcande, puis Boukhara, et s’épuise avant d’atteindre l’Amou Darya (Oxus). Le gouvernement de Douchanbé, occupé à contenir tant bien que mal le harcèlement de ses opposants à partir de l’Afghanistan, a d’autres chats à fouetter que de s’occuper de cette vallée autrefois prospère où les paysans pratiquaient la monoculture du tabac. L’Etat tadjik n’a même plus les moyens d’entretenir la ligne aérienne entre la capitale et Penjikent. Quant à la route, elle n’est difficilement praticable que trois mois par an. Une première visite de la vallée en 1993 montrait que, ne pouvant plus écouler leur tabac, les paysans s’étaient sagement reconvertis à la polyculture vivrière et le marché de la ville regorgeait de fruits et de légumes. Deux autres visites, en 1995 et 1996, ont révélé une autre reconversion : le pavot, acheté par "les hommes d’affaires" de Samarcande (à une quarantaine de kilomètres), pousse désormais ouvertement partout et le beau marché d’autrefois est vide. La population citadine se nourrit de plus en plus difficilement : le pain vaut vingt fois plus cher qu’à Tachkent et, signe qui ne trompe pas, les achats se font aujourd’hui en soums ouzbeks et non plus en roubles tadjiks.

Les deux premiers entrepôts de drogues - opium produit sur place (Gorno-Badakhshan et vallée de Penjikent) ou héroïne n°3 (brown sugar) venue du sud (Afghanistan et Pakistan) - sont donc Osh au Kirghizstan et Samarcande en Ouzbékistan. Une partie de la récolte de Samarcande est envoyée en Tchétchénie pour être raffinée, via le Khorezm (où de petits passeurs sont fréquemment arrêtés) et la mer Caspienne. Tout ce qui est collecté à Osh est expédié à Tachkent. De ce fait, les douaniers sont les fonctionnaires dont l’enrichissement subit est le plus spectaculaire : ils achètent des maisons aux allures de palais entre 100 000 et 500 000 dollars et de grosses limousines à 30 000 dollars alors que le salaire mensuel d’un haut cadre de l’Etat ne dépasse pas 150 dollars. Chimkent, carrefour routier et ferroviaire en direction de la Russie, est une sorte d’appendice tachkentois au Kazakhstan dont les activités commerciales paraissent contrôlées par un des trois hommes d’affaires ouzbeks les plus riches, qui contrôle déjà tout le nord de la capitale. On observe qu’à Chimkent, une usine de bioproduits pharmaceutiques officiellement désaffectée fonctionne toujours en réalité, mais il est impossible de s’en approcher et encore plus d’y pénétrer.

Selon des articles parus dans la presse russe (Komsomolskaia Pravda des 5 et 12 mai 1996), il existerait un réseau de trafic entre l’Afghanistan, l’Ouzbékistan et la Tchétchénie dans lequel seraient impliqués des responsables de "haut niveau" dans les trois pays. Mis en place à la fin de 1991, la filière aurait été composée de Russes et de Tchétchènes liés à d’anciens responsables du KGB et au général Dostom, chef des milices ouzbèkes qui combattaient dans les rangs communistes en Afghanistan jusqu’à la chute du régime. L’opium récolté dans le sud de l’Afghanistan (Helmand) traverserait la frontière à la hauteur de Termez, pour être transporté ensuite, sous forme de lots de 2/3 de tonne, par des hélicoptères des troupes de Dostom, jusqu’à Samarcande. Le partenaire de Dostom en Ouzbékistan serait un haut responsable de la lutte antidrogues.

Si ces accusations, qui semblent prises au sérieux par les organisations internationales de contrôle des drogues, n’ont pas été confirmées jusqu’ici, il est par contre avéré que l’Ouzbékistan est également utilisé comme territoire de transit pour les précurseurs chimiques. En effet, depuis les mesures prises en Asie du Sud-Ouest pour renforcer les contrôles de ces substances et la signature d’un protocole d’accord entre l’Iran et le Pakistan, en avril 1994, les trafiquants s’efforcent de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement, entre autres dans les pays de la CEI et utilisent pour cela les routes qui traversent l’Asie centrale. Ainsi, le 30 août 1996, les autorités ouzbèkes ont saisi un chargement de 33 t d’acide acétique (qui auraient pu être transformées en 22 t d’anhydride acétique, de quoi élaborer de 7 t à 10 t d’héroïne) en route pour l’Afghanistan. Le 28 septembre de la même année, l’Ouzbékistan a encore découvert 7 200 litres d’anhydride acétique qui avaient la même destination.

Le transit des drogues dans la région a des retombées locales de plus en plus alarmantes. Une partie de la drogue produite ou acheminée en Asie centrale, surtout celle qui n’est pas élaborée, ne trouvant pas de marché en Europe, est destinée aux marchés intérieurs. La jeunesse d’Asie centrale, en particulier celle qui ne parvient pas à s’intégrer dans les réseaux mafieux d’enrichissement rapide, contemple avec envie, puis amertume, la fièvre de la consommation chez les nouveaux riches (voitures de rêve, femmes à gogo, discothèques à 100 dollars l’entrée). Cette jeunesse sans avenir est la cible idéale des revendeurs de la drogue non exportée. La dose d’opium (khanka) s’achète à quatre dollars la dose dans les quartiers (mahallas) ou même dans les immeubles. Le khanka est dilué avant injection, soit dans de l’alcool, soit dans une ampoule de Dimidrol. La "petite mafia" ouzbèke qui opère dans son pays et au Tadjikistan vend également des ampoules d’un opiacé de synthèse, la Norphine, à 40 dollars les dix (de 2 ml). Les ampoules sont conditionnées dans un emballage douteux sur lequel est simplement scotché une étiquette sur laquelle on lit : Norphin, manufactured in India by Unichem Laboratories (105 roupies la boîte de 10 ampoules).

Privatisations et blanchiment

La presse ouzbèke, qui reflète fidèlement les vues du pouvoir, s’enorgueillit des 45 000 entreprises privées créées en 1995. Ce chiffre doit être envisagé à la lumière des pratiques de petits artisans, comme Anwar le carreleur rencontré par l’envoyé spécial de l’OGD. Employant une demi douzaine d’ouvriers, il a déposé les statuts de 5 sociétés afin d’en faire vivre une seule. Une entreprise en effet n’a pas le droit de posséder en liquidités plus de 150 soums (15 francs au taux officiel, sept francs au noir). Toute trésorerie supérieure à cette somme doit être déposée en banque dans les 48 heures. La banque dont le rôle et les règles n’ont pas été réformés depuis l’époque où l’économie était entièrement étatisée, contrôle les entrées, gère les sorties, taxe les mouvements jusqu’à 40 % et assure ainsi la gestion d’Etat sur les nouvelles entreprises privées qui ne disposent donc d’aucune marge de manœuvre. Anwar a donc créé 5 entreprises : il siège au conseil d’administration de chacune d’elles mais n’en possède qu’une seule. Le fonctionnement du dispositif qu’il appelle avec humour Cascade Limited, c’est d’avoir toujours des factures en recouvrement d’une entreprise à l’autre, afin de faire rouler une trésorerie suffisante et non déposable en banque puisqu’elle ne transite jamais plus de 48 heures dans la même firme.

Ce qu’un simple artisan a su faire est pratiqué à grande échelle par les barons de l’économie ouzbèke privatisée. Ce qui dans ce système marche le mieux, ce n’est pas la production, ni même le commerce, mais le roulement des fausses factures. Un universitaire qui a rejoint une "baronnie" du business, montre des factures en recouvrement au bénéfice d’une entreprise installée au Tartarstan : 1,7 million de soums pour 12 t d’huile de voiture, soit au cours de l’époque, 5 dollars le litre d’huile en vrac.

Lorsque l’on s’étonne de ces prix exorbitants, il montre une liasse de factures vierges pré-tamponnées aux noms de sociétés kazakhs, turkmènes et russes, mais également des bordereaux de banques acquittés, prêts à être remplis à la main. Ainsi le nombre de sociétés installées dans des maisons privées, au cœur des mahallas, se multiplient en toute impunité. Les entreprises les plus transparentes se présentent comme des agences de tourisme. Quelques unes vendent des séjours de luxe aux Maldives, en Grèce et en Turquie où les nouveaux riches ouzbeks investissent dans l’immobilier de la ville "or et paillettes" d’Antalya. D’autres organisent des charters de prostituées pour les Etats du Golfe et le plus grand nombre d’entre elles ne propose aucune destination mais s’est spécialisé dans les délivrances de passeports agrémentés de l’indispensable visa de sortie du territoire, moyennant 500 dollars dont 100 sont reversés sous forme de commission aux fonctionnaires complaisants du ministère de l’Intérieur.

Le pays s’est ainsi gravement corrompu avant d’avoir eu le temps de se réformer. Producteur encore modeste d’opiacés, important pays de transit, il est également une immense lessiveuse des profits illicites de toute la région. Seule une très petite partie de l’argent blanchi est investi sur place, mais il alimente des importations de produits de luxe : parfumerie française, vêtements de luxe et supermarchés d’alimentation hors de portée de l’immense majorité de la population. La force de ce dispositif, outre qu’il favorise l’émergence d’une classe relativement aisée, embauchée dans la nébuleuse des entreprises mafieuses, c’est qu’il s’enracine profondément dans la structure sociale du pays.

Structures sociales et organisations mafieuses

Les villes d’Asie centrale sont traditionnellement découpées en mahallas, quartiers de maisons basses aux rues agrémentées de jardinets et d’arbres fruitiers. Structure de base de l’organisation sociale urbaine, la mahalla est peuplée de gens qui se sont regroupés par affinité de parentèle ou de clientèle. C’est avant tout un lieu de solidarité géré par un comité qui reçoit des contributions volontaires nécessaires aux actions sociales, mais aussi un lieu de regards croisés qu’utilise ordinairement la police pour lutter contre la petite délinquance. Mais le concept de délinquance dans les affaires n’est pas encore inscrit dans la conscience populaire : c’est donc au cœur des mahallas que se multiplient, en toute impunité, les "maisons d’affaires" du réseau mafieux, d’autant qu’il est facile d’acheter sa respectabilité et popularité en finançant la construction d’une mosquée, mais aussi d’une chaïkhana (maison de thé). Tout service rendu en valant un autre, la mahalla assure la plus cimentée des protections et personne ne dira ce que tout le monde sait : tout au long de la journée, la nouvelle chaïkhana reçoit les vieux du quartier, siroteurs de thé et palabreurs infatigables. Le soir, elle accueille des prostituées, des joueurs de cartes et sert de bureau de réception des drogues acheminées par de petits passeurs.

A partir de la mahalla, socle de tout le système, s’érige une pyramide qui monte jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat. Les chefs mafieux s’efforcent de fédérer les quartiers pour élargir la base de leur empire et augmenter la surface de la collecte des drogues. Il existe actuellement en Ouzbékistan trois grandes pyramides connues de toute la population. La guerre des gangs fait rage depuis plus d’un an, celui qui espère faire mieux que les trois caïds et refuse de s’inféoder à l’une des trois pyramides, étant physiquement éliminé. L’Arménien Gaborian (plus connu comme "Gaba"), gérant du plus grand marché d’Asie centrale, "L’hippodrome de Tachkent", a été abattu à la mitraillette au bas des pistes de ski de Chimgan, dans la nuit du 31 décembre 1995, alors qu’il offrait à ses invités une promenade en télésiège au clair de lune. Plus récemment, Abdul Aziz, ouzbek originaire du Kazakhstan, proche des barons de la drogue à qui il fournissait des voitures volées en Allemagne "régulièrement" importées en Ouzbékistan par son réseau de Chimkent a été dénoncé à la police et croupit dans un cul de basse-fosse. Sans qu’il soit nécessaire de remonter jusqu’à certains membres du gouvernement auxquels il avait offert quelques uns des plus beaux modèles de son écurie, les charges contre lui sont suffisantes pour qu’il écope d’une très lourde peine. La télévision a largement relayé cette affaire et la rumeur publique s’attend à une possible condamnation à mort qui équivaudrait à un silence définitif sur les complicités dont il a longtemps bénéficié.

Entre le petit collecteur de drogues des mahallas et le sommet de la pyramide, il existe de nombreux intermédiaires, sous couvert de nouvelles "firmes" (ce mot russe d’origine française a une consonance quasiment magique), fruits des privatisations sauvages, mais il n’y a jamais de lien juridique vertical entre ces entreprises. Le président Karimov, conscient de la situation géopolitique unique de son pays, a su imposer l’Ouzbékistan sur la scène politique internationale avec force et habileté. Mais il semble qu’il ait confié une grande part de la gestion intérieure à son éminence grise, le sulfureux ministre des catastrophes naturelles, M. Djurabékov, qui l’accompagne dans presque tous ses déplacements.