Dans les Balkans, le développement de la production et du trafic des drogues paraît, tout particulièrement en Albanie, constituer une réponse à la crise économique. Elle s’inscrit par ailleurs dans la logique de la guerre civile de l’ex-espace yougoslave. La route des Balkans concerne désormais l’ensemble des pays de la région. Des routes alternatives traversant la Bulgarie, la Macédoine, la Grèce et l’Albanie se sont ajoutées à son axe central qui traversait traditionnellement la Serbie et qui avait été perturbé par la guerre. Comme dans les régions voisines du Moyen-Orient et du Caucase, le trafic des drogues a mis à profit les embargos, pour se diluer dans celui, plus respectable, des produits de première nécessité, du pétrole, des armes et de la main-d’œuvre clandestine. En Albanie, ce trafic a permis une longévité exceptionnelle aux sociétés bancaires informelles tout en facilitant la jonction des clans albanais avec des organisations criminelles italiennes. En Bosnie et en Croatie, des chefs de guerre, très impliqués dans le trafic des drogues, dans un premier temps simplement pour répondre aux besoins locaux d’une toxicomanie guerrière, ont vu leur rôle se renforcer. Ils sont désormais très impliqués dans le trafic de dimension internationale. En Serbie, ce sont des réseaux des services secrets qui se sont recyclés dans cette activité illicite. Le fait que les protagonistes de ces trafics ont été partie prenante du conflit, que certains d’entre eux contrôlent des régions entières (surtout en Bosnie) et ont des relations privilégiées avec le pouvoir, rend leur éviction par les forces de l’ordre quasi impossible. Par ailleurs, le manque de volonté politique des grandes puissances, en particulier de l’Europe, à mettre fin aux violations des Droits de l’homme, aux malversations financières et aux activités illicites (Kosovo, Macédoine, Albanie), qui ont permis leur développement, perdure.

La production locale des drogues (cannabis, pavot), quasi inexistante avant les conflits dans la région, est désormais une réalité en Bosnie (Mostar), en Albanie (tout le sud du pays) et en Macédoine (vallée du Vardar, nord de Skopje). Quand à la Grèce, elle devient l’espace idéal pour le blanchiment de l’argent des trafics balkaniques. Cette explosion de la production des drogues, nourrie et escamotée par les enjeux géopolitiques régionaux, a déjà eu des conséquences très graves dans l’ensemble des pays balkaniques qui connaissent une explosion de la consommation. Les amphétamines et la cocaïne touchent tout particulièrement la Croatie, la cocaïne la Grèce et l’héroïne la Macédoine.