L’Amérique du Sud continue d’exercer le monopole mondial de la production de cocaïne. Cependant on assiste, depuis deux ans, à une redistribution des cartes sur le continent : alors que les trafiquants colombiens ont développé leur production de matière première (feuilles de coca et base de cocaïne), leurs homologues péruviens et surtout boliviens ont considérablement accru la fabrication du produit fini : le chlorhydrate de cocaïne. Quant aux productions d’opiacés, il semble qu’elles ne se soient enracinées qu’en Colombie où l’on observe également un renouveau de celles de marijuana. D’autres évolutions sont perceptibles au niveau du trafic. Tandis que les organisations mexicaines se sont emparées, par la force ou la négociation, d’une partie des activités commerciales en direction des Etats-Unis de leurs homologues colombiennes, le Brésil est devenu une importante plaque-tournante de la cocaïne bolivienne, principalement à destination de l’Europe et du Moyen-Orient. D’autres pays comme le Chili, l’Argentine ou l’Uruguay, sont également devenus des routes alternatives du trafic des drogues produites dans les pays andins. Au niveau géopolitique, s’est encore manifestée, en 1996, toute l’ambiguïté de la politique des Etats-Unis à l’égard de l’Amérique latine : tandis que se poursuivaient le bras de fer entre la Colombie et les Etats-Unis et les pressions exercées par ces derniers sur la Bolivie, le Pérou, bon élève des institutions financières internationales (tout comme le Mexique du fait de son appartenance à l’accord de libre-échange nord-américain - ALENA), bénéficiait d’une surprenante mansuétude.

De même, alors que les guérillas marxistes colombiennes et péruviennes sont dénoncées pour leur participation au narcotrafic, les Etats-Unis passent sous silence les liens de l’armée colombienne et des paramilitaires également impliqués dans cette activité. Le Brésil n’ayant pas manifesté l’intention de placer les problèmes de drogues dans le cadre de ses relations bilatérales avec les Etats-Unis, les Américains n’entendent pas accorder d’attention à la montée en force des narco-activités dans un pays qui représente pour eux un enjeu considérable. Le Brésil est, comme d’autres pays du continent (en particulier le Venezuela, la Colombie, le Chili et l’Uruguay), un important centre de blanchiment. Les activités liées au narcotrafic entraînent enfin un développement très important de la consommation de cocaïne, sous toutes ses formes - base, crack, chlorhydrate - dans de nombreux pays dont les marchés internes constituent d’ores et déjà un enjeu économique de premier ordre.