Témoignage de Bob

(Source : Entrevue)


L’EX-MILICIEN : "LE FN A RECOURS A UNE VRAIE POLICE SECRETE ARMEE"

Bob fut l’une des chevilles ouvrières des Unités mobiles

d’intervention, la milice du FN. Leur devise : Sans foi ni loi.

Rémy Vincent : Avant de rejoindre la milice du FN, tu as appartenu à son

service d’ordre ?

Bob : Oui, j’ai d’abord été approché par le DPS, Département protection securité qui est le service d’ordre du FN. Au début, j’assurais la sécurité pendant les réunions et les déplacements de personnalités.

Comment finit-on à la police secrète du Front national ?

Je voulais rejoindre les UMI [Unités mobiles d’intervention, NDLR], c’est-à-dire la police secrete du Front national. A l’époque, j’étais planqué dans les rouages de l’administration

municipale en tant qu’employé à Toulon. Un DPS doit garder son sancg-froid. Lors d’une manifestation du FN, quand les événements degénèrent, les UMI arrivent..

Quelles sont les relations entre les politiques du FN et les UMI ?

Quand les DPS ne suffisent plus au maintien de l’ordre,on fait appel à d’autres anonymes, plus entrainés aux techniques de combat. Il n’y a aucune hiérarchie au-dessus. En cas de coup dur, les grosses huiles nieront votre existence. Les UMI sont autonomes, ils se reconnaissent entre eux grace au badge qu’ils accrochent à leur blouson et qu’ils dévoilent en cas d’urgence.

Les UMI sont armées ?

La milice utilise des manches de pioche, battes de base-ball, gants Plombés, poing americains. Les hommes sont équipés d’anciennes tenues de CRS qu’ils achètent sous le comptoir, dans des magasins spécialisés. Et dans les manifs les plus dangereuses, la milice du FN se sert d’électrocuteurs 70 000 volts sans ampère, de grenades offensives, de matraques électriques. A Carpentras, lors de la manifestation de Le Pen, nous avons violemment cassé la ggueule à certains contre-manifestants.

C’est quoi, le pire ?

.J’ai vu des services d’ordre de la droite extrême, officiels ceux-là, pactiser à Marseille et Toulon avec les UMI. Oui, le FN a recours à une vrai milice secrète armée.


Témoignage de Bob

(source : Charlie hebdo, 12-02-97)


LES MILICES DE LE PEN SONT PRETES POUR LA GUERRE CIVILE

Ils ont des tenues de flics et des flingues. Le DPS et les UMI sont organisés en groupe paramilitaires.

EN OCT0BRE DERNIER, France 2 diffuse un reportage tourné à Montceau-les-Mines. Des manifestants venus protester contre un meeting du Front national se font assaisonner de gaz lacrymo et de coups de matraque par des CRS en tenue.

Un détail : le préfet n’a pas envoyé de CRS.

C’est le Front national qui a dépêché son service d’ordre, déguisé en CRS pour cogner des manifestants.

On découvre en images ce qu’on soupçonnait depuis longtemps. Que le service d’ordre du Front, le DPS (Département protection sécurité), compte bien autre chose que les gusses en blazers chargés d’escorter gentiment les journalistes dans les meetings et de faire régner au Front une douce atmosphère de salon de thé.

À l’origine du DPS, la DOM, Défense organisation des meetings, créée en 1984 par Roger Holeindre, ancien de l’OAS. Transformée en DPS en 1986, l’organisation est aujourd’hui sous l’autorité directe de Jean-Marie Le Pen et de Bemard Courcelle. Elle compte environ 9000 membres. Qui ne sont pas tous frontistes pur globule.

"On recrute aussi dans les sociétés de gardiennage ", confirme une permanente du Front. Pour quelques kilos de barbaque et une bonne expérience de vigile, on consentira même à oublier des origines ethniques un peu floues : " Certains ne sont même pas des nationaux."

Seule condition : fournir un extrait de casier judiciaire et montrer un dévouement en béton au parti. Mais toutes les occasions sont bonnes pour rameuter des lutteurs. Un exemple : Gilles, autrefois SDF, est au DPS depuis mai 1996. Il a été repéré par Fraternité française, l’association caritative FN, au cours d’une distribution de vivres.

Le DPS compte aussi des femmes. Juste assez pour palper-fouiller les autres femmes lors des meetings et accompagner les journalistes. C’est Martine Staleans, adjointe du patron de la DPS - blonde queue de cheval, catho tendance Loden -, qui reçoit les impétrantes. " Si on recrute des femmes, ce n’es pas par plaisir, parce que quand même, c’est pas leur place, la rue ", déclarait-elle récemment à une candidate.

La formation ? Conviviale. On se refile des astuces entre camarades de combat : l’un connaît la lutte, l’autre la détection des explosifs... En échange, on trouvera aux recrues un petit boulot.

Bob, trente-quatre ans, est passé par là. Aujourd’hui il parle : " J’ai été recruté parce que j’étais bien bâti et bien galbé. " Il a fait deux ans de taule pour avoir, à l’armée, balancé un camarade du 3e étage. Cela n’a dérangé apparemment personne au sein du Parti. Sitôt qu’il a été embauché, on lui a même refîlé un poste d’agent d’entretien à la police municipale de Toulon : " Si un mec voulait un boulot, on lui donnait n’importe quoi, gardien de cimetière, agent de la circulation. Tout ce qu’on pouvait. A condition que, le soir, il redevienne DPS. " À Toulon, ils sont ainsi cinquante, du DPS. Dont une vingtaine à bénéficier d’un boulot de la mairie (sur l’argent du contribuable, oui ... ).

" Entre nous, on s’appelle les miliciens".

Pour sa part, Bob a été chargé en mai 1996 de mettre sur pied des " UMI ", unités mobiles d’intervention. La milice secrète. Celle qui fait fantasmer les jeunes DPS.

Explication de l’un d’eux, prénommé Olivier, à un jeune qui se prétendait candidat : " Ce n’est pas une structure officielle, elle n’existe sur aucun papier et, quand ça castagne, elle frappe fort. "

Olivier se vante d’être membre du très fermé " Ordre des chevaliers NotreDame ". Un organisme fondé en 1945 pour venir en aide aux victimes de l’épuration, qui a notamment aidé Touvier.

Il est aussi UMI. Comme environ un millier de membres, implantés dans presque toutes les grandes villes de France. Entre eux, ils s’appellent " les miliciens ". Organisés en cellules autonomes, chacune composée de dix membres placés sous la responsabilité d’un chef, et dépendant de l’autorité du FN local.

Seul le chef est connu des instances du Front. Les autres restent anonymes, connus de leur seul responsable.

Les UMI opèrent en civil, badge de reconnaissance planqué à l’intérieur du blouson , pour se fondre dans la foule des manifestants. Mais, avec quelques panoplies et bonnets bleus récupérés dans des surplus, ils peuvent pousser le vice jusqu’à jouer aux vrais policiers. Voir Montceau-les Mines. Rien ne les empêche même d’opérer, demain, sous des uniformes de surplus, des contrôles d’identité...

Pour cogner, des pelles, des manches de pioche, des battes de base-ball. Et, pour achever, des matraques électriques crachant 1 000 V. Mais, selon un membre du DPS, les UMI de Toulon et d’Orange sont aussi fournies en armes à feu, 11/43 et 9 mm... Prêtes pour la guerre civile.

Après les événements de Montceau-les-Mines, le député socialiste François Mathus a demandé à Jean-Louis Debré quelles mesures il comptait prendre contre ces milices privées. Le ministre de l’Intérieur a eu cette réponse : " Je suis sidéré par voire hypocrisie à l’égard du Front national. Vous me faites penser à l’arroseur arrosé. " Les UMI peuvent continuer à matraquer en paix.

Anne Kerloc’h et Fiammetta Venner

Dossier du Réseau Voltaire

"Le DPS : une milice contre le République"