La chaîne qatarie Al-Jezeera diffusa le 12 septembre une interview par téléphone satellitaire d’un proche de Ben Laden. Celui-ci indiquait qu’apprenant la nouvelle des attaques, le leader d’Al-Qaeda " avait loué le Dieu tout-puissant et s’était prosterné devant lui ", mais " qu’il n’avait aucune information, ni connaissance préalable des attaques ". L’agence Afghan Islamic Press (proche du pouvoir taliban) diffusa, le 17 septembre, un communiqué d’Oussama Ben Laden lui-même. Il y indiquait : " J’ai prêté un serment d’allégeance [au mollah Omar] qui ne me permet pas de faire de telles choses depuis l’Afghanistan. On nous a attribué des responsabilités par le passé, mais nous ne sommes pas impliqués aujourd’hui ".
La plupart des alliés pressèrent alors les USA d’étayer leurs accusations. Le président français, Jacques Chirac, et le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, donnèrent une conférence de presse commune, au Palais de verre, le 19 septembre, pour rappeler qu’il ne pouvait y avoir d’action militaire tant que les terroristes ne seraient pas identifiés et que des preuves de l’implication de pays ou de groupes ne seraient pas apportées (cf. ci-après Les Fondements juridiques de la guerre en Afghanistan).

Le 23 septembre, le général Colin Powell, secrétaire d’État, invité de Meet the Press (NBC), calmait leur inquiétude. Il déclarait : " Nous travaillons durement pour synthétiser toutes les informations judiciaires et les renseignements. Et je pense que, dans un futur proche, nous pourrons publier un document qui décrira clairement les preuves dont nous disposons de ses liens avec cette attaque " [1]. Nul ne doutant de la bonne foi américaine, les alliés joignirent donc leurs efforts à ceux des USA pour préparer la riposte, sans attendre l’imminente publication. Malheureusement, celle-ci fut retardée et n’est toujours pas venue.
Le 4 octobre, Tony Blair présenta aux Communes un rapport intitulé Responsabilité des atrocités terroristes commises aux États-Unis. Pour tout argument, on peut y lire que : " Aucune autre organisation n’a à la fois les motivations et la capacité de conduire des attaques comme celles du 11 septembre, sinon le réseau Al-Qaeda dirigé par Oussama Ben Laden " [2].
Le même jour, le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Riaz Muhammad Khan, déclarait que les " preuves " américaines transmises à son gouvernement " fournissaient une base suffisante pour traduire [Ben Laden] en justice ". Ces " preuves " étant classées secret Défense n’ont jamais été rendues publiques.
Le 7 octobre, les ambassadeurs états-uniens et britanniques informaient l’ONU de l’action militaire que leurs pays avaient engagée en Afghanistan. John Negroponte (USA) écrivait : " Mon gouvernement a obtenu des informations claires et indiscutables que l’organisation Al-Qaeda, qui est soutenue par le régime taliban en Afghanistan, a joué un rôle central dans les attaques " [3]. Ces informations " claires et indiscutables " n’ont jamais été transmises au Conseil de sécurité.

Le 10 novembre, le Sunday Telegraph révélait l’existence d’une vidéo-cassette (enregistrée le 20 octobre) dans laquelle Oussama Ben Laden aurait revendiqué les attentats : " Les tours jumelles étaient des cibles légitimes. Elles constituaient un pilier de la puissance économique américaine. Ces événements ont été grandioses à tout point de vue. Ce qui a été détruit, ce ne sont pas seulement les tours jumelles, mais les tours du moral de ce pays ". Ben Laden y aurait également menacé le président américain et le Premier ministre britannique : " Bush et Blair ne comprennent rien d’autre que les rapports de force. À chaque fois qu’ils nous tuent, nous les tuons, afin qu’un équilibre des forces soit atteint ". Ces révélations ont été confirmées le jour même par Tony Blair, qui a indiqué aux Communes avoir pris connaissance d’une retranscription. Cette mystérieuse cassette est citée dans la version actualisée du rapport Blair [4]. Elle n’a jamais été rendue publique.

Coup de théâtre : le 9 décembre, le Washington Post révélait à la " une " l’existence d’une nouvelle cassette vidéo [5]. Enregistrée par un proche de l’ennemi public n° 1, le 11 septembre, elle montre les réactions d’Oussama Ben Laden aux événements et certifie définitivement sa responsabilité dans leur planification. Selon Reuters, citant un officiel anonyme, le leader d’Al-Qaeda y indique même que la plupart des pirates de l’air n’étaient pas des kamikazes et ignoraient qu’ils seraient sacrifiés.
Invité de This Week (ABC), le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, a commenté : " C’est répugnant. Je veux dire, voilà un homme qui s’enorgueillit et prend plaisir à tuer des milliers d’êtres humains innocents. Cela confirme tout ce que nous savions déjà sur lui. Il n’y a rien de nouveau ou de surprenant là-dedans. C’est simplement une confirmation. Et j’espère que cela va faire taire définitivement les insanes théories conspirationnistes selon lesquelles d’une certaine manière les États-Unis ou quelqu’un d’autre seraient les coupables. " [6].

Cette vidéo cassette a été déclassifiée par le Pentagone le 13 décembre. Les aveux filmés d’Oussama Ben Laden attestent de sa responsabilité et mettent fin à une longue période d’incertitude. Mais contrairement aux affirmations de Paul Wolfowitz, ils n’infirment pas l’existence de complicités dans l’appareil militaire américain.

[1Meet the Press, NBC, 23 septembre 2001 http://www.state.gov/secretary/rm/2...

[2Responsability for the Terrorist Atrocities in the United States, 11 September 2001, by Tony Blair (1ère version). http://www.number-10.gov.uk/evidence.htm

[3Lettre de l’ambassadeur Negroponte au président du Conseil de sécurité. Document ONU S/2001/946. Voir aussi la lettre de l’ambassadeur Eldon, document ONU S/2001/947.

[4Responsability for the Terrorist Atrocities in the United States, 11 September 2001, by Tony Blair (2ème version) http://www.pm.gov.uk/file.asp?filei... (Pdf : 172 Ko).

[5New Tape Points to Bin Laden, by Walter Pincus et Karen DeYoung, in The Washington Post, 9 décembre 2001.

[6This Week, ABC, 9 décembre 2001.