L’année 2001, la troisième depuis l’institution de la MILS, a été marquée par un acte législatif majeur, l’adoption de la loi About-Picard après une longue phase de consultations tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. On trouvera dans ce rapport une brève analyse des principales dispositions de cette loi dont la particularité est d’avoir été votée à la quasi unanimité du Parlement. Bien loin d’être une "exception française", elle s’inscrit dans des initiatives analogues prises ailleurs, telle en République fédérale d’Allemagne l’abolition du "privilège religieux", porte ouverte aux abus sectaires, votée par le Bundestag avec le soutien des confessions catholique et protestantes allemandes.

S’agissant du droit associatif, le Conseil d’orientation de la Mission a regretté que le centenaire de la loi de 1901 n’ait pas donné l’occasion d’introduire dans ce texte fondateur, pour les associations disposant de la personnalité morale, l’obligation de gestion démocratique (assemblée générale et élection des dirigeants), à l’instar de dispositions analogues qui figurent d’ores et déjà dans de nombreuses législations européennes.

Signe de la vigilance civique de l’opinion à l’égard du sectarisme et des mesures prises par les pouvoirs publics, le prosélytisme sectaire semble continuer à marquer le pas en France. Ce qui semblait une indication positive, mentionnée dans le rapport de l’année 2000, paraît se confirmer à l’examen des informations provenant des cellules de vigilance mises en place par les circulaires de 1997 et 1999 du ministère de l’Intérieur.
Ce constat, pour satisfaisant qu’il soit, demande à être vérifié au cours des années à venir. Le caractère protéiforme du sectarisme incite à la plus grande prudence quant aux aspects sous lesquels il peut apparaître ou réapparaître à tout moment. Il semble, par ailleurs, que les événements gravissimes survenus en septembre aux Etats-Unis rendront à terme cette puissance plus circonspecte à l’égard de mouvements qui ont établi chez elle leurs sièges sociaux et prétendent exercer des activités (qui seraient en Europe pénalement qualifiables) sous couvert d’une interprétation particulièrement laxiste du premier amendement à la constitution américaine.

Au plan de la lutte contre la délinquance économique et financière, si fréquemment observée dans les mouvements à dérive sectaire, la MILS ne peut que se réjouir de la prochaine création de deux nouveaux pôles supplémentaires, à Lille et à Fort-de-France (4 sont déjà opérationnels à Paris, Lyon, Marseille et Bastia).
Il serait opportun désormais de réfléchir à la mise en œuvre d’un dispositif législatif permettant de traiter ces affaires en liaison avec les institutions existantes qui combattent d’ores et déjà la délinquance financière et le terrorisme.
La Mission se félicite, par ailleurs, de l’annonce faite par le Garde des Sceaux de la création prochaine d’un pôle de santé publique à Paris. L’affectation de magistrats spécialisés constitue un pas nouveau et sans doute déterminant pour renforcer l’action de l’autorité judiciaire dans ces domaines sensibles où se côtoient et s’entremêlent charlatanisme et pratiques mafieuses.

Au plan judiciaire, la Mission a noté avec intérêt le premier renvoi en correctionnelle d’un mouvement réputé sectaire (Association spirituelle de l’Eglise de scientologie d’Ile-de-France), en application des dispositions qui, depuis le nouveau Code pénal, permettent d’incriminer aussi bien les personnes morales que les personnes physiques.

S’agissant des menaces de type nouveau, la Mission s’est penchée sur l’emploi des "adwords", mots cachés qui renvoient à un site internet donné. Elle a saisi les ministres compétents à propos d’une fenêtre sectaire ouverte à partir des sites concernant des jeux électroniques pour enfants qui connaissent actuellement un grand succès.
Ces méthodes de propagande qui visent la jeunesse auraient déjà été employées en d’autres occasions, notamment en ce qui concerne le mot "drogue". Il serait souhaitable que les autorités compétentes en matière de protection de la jeunesse procèdent à une enquête et, le cas échéant, examinent la possibilité d’agir contre des procédés inacceptables.

La Mission, informée des tentatives de pénétration des services publics par le biais de marchés informatiques ou de ventes de services proposés par des filiales de plusieurs mouvements sectaires, a saisi les instances gouvernementales compétentes afin que les mesures de précaution qui s’imposent puissent être prises, à l’instar de celles que d’autres Etats européens ont été conduits à adopter, face aux mêmes défis.

Les collectivités locales ont, depuis les lois de décentralisation, des responsabilités particulières en matière sanitaire et sociale, les conseils généraux en particulier dont les présidents exercent, par exemple, la tutelle des enfants retirés par décision de justice à l’autorité parentale.
La Mission ne peut qu’être attentive aux initiatives prises par les collectivités en ce qui concerne la lutte contre les dérives sectaires. Elle a apporté son concours en 2001 à une expérience globale de formation-information des personnels du domaine sanitaire et social du Loiret, expérience conduite par un parlementaire membre de son Conseil d’orientation. Elle a suivi également la structuration d’un réseau d’alerte et d’information mis en place en Seine-et-Marne avec le concours du Conseil général et des grandes villes du département, à l’initiative du CCMM (Centre de documentation, d’éducation et d’action contre les manipulations mentales).

Elle suivra également avec attention la mise en place d’initiatives similaires dans d’autres départements métropolitains, comme la Somme, ainsi que dans certains départements d’Outre-mer où les conseillers généraux et régionaux ont choisi de travailler avec le soutien de l’UNADFI (Union nationale des associations de défense de la famille et de l’individu) et du CCMM.

La Mission, comme par le passé, a entretenu au cours de l’année des relations suivies et fructueuses avec les principales associations tendant à combattre les dérives sectaires.
Elle rencontre régulièrement la FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) qui fédère désormais 37 associations ou délégations en Europe. La composition du bureau de la FECRIS est à l’image de son audience grandissante : présidence belge et vice-présidences anglaise et catalane, secrétariat général français, trésorerie autrichienne.
Les deux principales associations nationales, le CCMM et l’UNADFI ont traversé au cours de l’année une phase délicate avec le renouvellement de leurs présidences. L’une et l’autre ont rappelé leurs spécificités : aide et soutien aux victimes du sectarisme, d’une part, recherches sur le phénomène sectaire et réponses de l’Etat de droit, d’autre part. Elles disposent depuis cette année de sièges nationaux conformes à la croissance rapide de leurs activités. Plusieurs départements ministériels leur ont accordé des subventions, la plupart du temps pour des projets établis en concertation. La MILS a participé à leur congrès, assemblées générales ou séminaires de formation à chaque fois qu’elle en a été sollicitée. Elle a rencontré à chaque mission Outre-mer les délégués locaux des grandes associations nationales, auxquelles elle a communiqué ses propres réflexions.
La MILS observe que ces associations, et quelques autres de moindre envergure ou visant des objets plus circonscrits, exercent désormais une véritable mission de service public et constituent les deux piliers associatifs, indissociables de l’action des autorités agissant dans leur propre domaine de compétence.

Statistiquement, le Conseil d’orientation de la Mission a été réuni 5 fois en 2001, sous l’autorité du président ; le Groupe opérationnel, convoqué le plus souvent par le secrétaire général, s’est réuni , dans la plupart des cas, en formation restreinte.
L’économie générale du Rapport et les étapes de sa rédaction ont été débattues à l’occasion de plusieurs séances du Conseil d’orientation tandis que la coordination de l’action des services a été traitée dans le cadre du Groupe opérationnel, en fonction de questions d’intérêt général mais également selon les nécessités de l’actualité.
L’équipe permanente de la Mission a vu croître sensiblement ses tâches en ce qui concerne les sollicitations internes (ministères, administrations, secteur économique, collectivités territoriales, personnes morales et physiques). Au plan international, le rôle pionnier joué par la France en ce domaine - avec quelques autres Etats de l’Union européenne - a rendu plus nombreuses les demandes d’intervention extérieures (parlements européens, Nations Unies et institutions qui en relèvent, en particulier l’ECOSOC1, OSCE2, séminaires internationaux). La réunion d’une première assemblée informelle des institutions des Etats européens, compétentes en matière de sectarisme a eu lieu en juin à Paris. Elle a rencontré un succès qui laisse présager de semblables initiatives de la part d’autres Etats en 2001.

Enfin, la Mission, conformément aux recommandations de son Conseil d’orientation, a poursuivi une politique active de présence outre-mer, non seulement dans les DOM mais pour la première fois en Nouvelle-Calédonie. Un chapitre spécial du rapport 2001 en rend compte.

S’agissant de ses moyens, la Mission a dû agir cette année avec des moyens financiers moindres que l’an dernier, situation qu’il conviendra de corriger dans le cadre du budget pour 2002. En ce qui concerne ses moyens humains, elle a dû fonctionner sans secrétariat général pendant six mois et le troisième dactylographe prévu au "bleu" ne lui est toujours pas affecté. Cette situation ne saurait être pérennisée sans constituer un handicap sérieux pour les quatorze collaborateurs de la Mission dont les responsabilités s’étendent et qui témoignent d’un dévouement à la hauteur des défis lancés par la diversité des initiatives sectaires.