Présidence de M. Alain Tourret, Président

Mme Delpas et M. Lab sont introduits.

M. le président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, Mme Delpas et M. Lab prêtent serment.

Mme Karine DELPAS : Je présenterai, rapidement, tout d’abord l’Union nationale des étudiants de France - UNEF - dont je suis la présidente. Ce syndicat existe depuis 1907, il a connu, au cours de son histoire, un certain nombre de recompositions, notamment avec la scission de 1971 qui a conduit à la création d’un autre syndicat : l’UNEF-ID - UNEF indépendante et démocratique.

Nous sommes héritiers de cette histoire et nous avons aujourd’hui repris notre place au sein d’une mutuelle qui s’est créée à la Libération avec le mouvement étudiant, à savoir la MNEF - Mutuelle nationale des étudiants de Franc - où nous n’avions plus de représentants étudiants depuis 1984.

Nous avons fait ce choix - et cela rejoindra la question posée sur le régime étudiant - parce que nous avons le sentiment qu’aujourd’hui, à travers les questions de santé et de protection sociale, les mutuelles jouent un rôle déterminant, à la fois dans la structuration du mouvement étudiant et dans la qualité de vie et d’études d’une grande majorité des étudiants.

L’UNEF avait contribué avec d’autres, et en tout cas avec le mouvement étudiant, à la création d’une mutuelle au moment de la mise en place d’un régime étudiant de sécurité sociale spécifique.

Nous avons le sentiment qu’il faut préserver aujourd’hui parce qu’il présente un certain nombre d’atouts pour le monde étudiant et permet, en tout cas, de prendre en compte en termes de santé et de protection sociale toute une série de spécificités de la vie des étudiants. C’est également lui qui a permis, dans l’histoire, de mobiliser les étudiants et d’obtenir un certain nombre d’acquis en matière d’accès aux soins, que ce soit la création de centres de soins et d’hôpitaux pour les étudiants, ou le remboursement de l’IVG, qui s’inscrivent dans l’histoire du mutualisme et du régime étudiants.

Aujourd’hui, avec 2 millions d’étudiants, on a bien pris conscience qu’en dix ans l’enseignement supérieur s’est considérablement massifié et qu’avec l’arrivée à l’université de nouvelles couches sociales et d’étudiants vivant dans des milieux très défavorisés, les besoins en termes de santé et de protection sociale ont évolué par rapport à ceux qui pouvaient s’exprimer à la création de ce régime étudiant et de la MNEF notamment.

A l’origine, la MNEF a dû faire face à des défis dans l’enseignement supérieur qui correspondaient à ceux de l’époque. Aujourd’hui, les enjeux ne sont plus les mêmes et des difficultés nouvelles se sont substituées aux anciennes. Elles sont dues à l’arrivée à l’université d’étudiants issus de couches sociales défavorisées et sont déjà liées à la possibilité d’avoir accès à une protection sociale. La question ne se pose pas tant pour le régime de sécurité sociale puisqu’il est obligatoire dès l’âge de 18 ans, que pour les régimes sociaux complémentaires dont sont dépourvus un nombre croissant d’étudiants - actuellement de 15 % - comme chaque rentrée universitaire permet de le vérifier.

Il est donc difficile pour certains étudiants d’avoir accès à la protection sociale. A cela vient s’ajouter toute une série d’autres problèmes relatifs à l’accès aux soins, à la fréquence des visites médicales, aux soins dentaires, optiques etc.

Des besoins nouveaux s’expriment donc en matière de santé mais également, et de plus en plus, en matière de restauration et de logement.

Pour ce qui nous concerne, nous estimons qu’aujourd’hui, le régime étudiant peut répondre à ces enjeux en dépit d’une série de faiblesses dont la première est son coût.

Si je parlais des difficultés liées à la possibilité d’avoir accès au régime de protection sociale, c’est qu’il faut savoir que, depuis 1984, la sécurité sociale étudiante est payante. Aujourd’hui, l’étudiant paie 1 050 F de sécurité sociale qui ne comprennent pas les frais d’accès à un régime complémentaire. Cette somme dont l’étudiant doit s’acquitter à chaque rentrée universitaire équivaut à la moitié des frais d’inscription.

Sans être très experte en matière de protection sociale, je dois dire que nous avons également le sentiment que le régime étudiant de sécurité sociale ne va jusqu’au bout du rôle qui devrait être le sien et qu’il se repose trop sur les régimes complémentaires pour pallier ses déficiences.

Pour résumer brièvement mon propos, je soulignerai que nous sommes très attachés à ce que le régime étudiant, même s’il doit être amélioré, soit maintenu, car il répond à un besoin.

A la fois par le biais de la sécurité sociale et des mutuelles, il peut être directement géré par les étudiants - même si cela n’a pas été sans poser de difficultés ces dernières années, comme on a pu le vérifier avec les récentes affaires liées à la MNEF - et il permet aux étudiants d’avoir directement prise sur les choix qui sont faits concernant leur régime de protection sociale. Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il y a lieu de le préserver, de le renforcer et de l’améliorer.

Au nombre des priorités en faveur de l’amélioration de la protection sociale étudiante, nous mettons en avant les questions de coût puisque nous sommes depuis des années fortement engagés dans la défense de la gratuité de la sécurité sociale étudiante. Même si nous avons conscience des dépenses énormes que cela représente, nous estimons qu’il convient de s’interroger sur le rôle de l’Etat en la matière. Il nous semble tout à fait contradictoire, en effet, de demander aux étudiants de financer leur régime de sécurité sociale et de mutuelles car nous partons du fait - auquel nous sommes très attachés - que ce ne sont pas des travailleurs, mais des jeunes de 18 à 30 ans en formation, qui représentent l’avenir de la société, envers lesquels il faudrait engager des moyens financiers conséquents.

Il y a également besoin d’améliorer l’accès aux régimes complémentaires mais cette question relève aussi de la responsabilité des mutuelles.

Pour ce qui nous concerne, sentant qu’il était important pour les étudiants de reconquérir - puisque les choses se posent en ces termes - une mutuelle qu’ils ont contribué à créer, il y a cinquante ans, nous avons fait le choix de reprendre pied dans la MNEF avec la volonté de pouvoir œuvrer à la transparence et à la démocratie et de placer cette mutuelle au service des étudiants.

Nous commençons à découvrir certaines choses. Comme tout le monde nous avons suivi les événements récents à travers la presse et nous nous efforçons, aujourd’hui, de jouer notre rôle de syndicat en permettant aux étudiants d’être informés et de maîtriser les questions qui se posent au niveau de la gestion de la MNEF, de sa politique mutualiste, et de faire en sorte d’avoir assez de poids pour que cette mutuelle redevienne une mutuelle au service des étudiants.

M. le Président : Je vous remercie de ce très bon exposé liminaire, mais je voudrais maintenant aller un peu plus loin.

Sur cette protection sociale des étudiants vous venez de nous dire que vous étiez essentiellement attachée à la diminution de son coût mais sur la qualité des prestations, avez-vous un certain nombre de propositions à formuler ?

On a, par exemple, beaucoup parlé du logement social étudiant et d’un certain nombre de prestations complémentaires qui peuvent être apportées aux étudiants par le biais des mutuelles : au nom de votre syndicat pouvez-vous nous faire quelques suggestions sur ce point ? Pensez-vous, par exemple que le logement social doit constituer une obligation de l’Etat, qu’il doit être pris en charge par les étudiants ou qu’il doit l’être par les mutuelles, par les sociétés d’HLM ? Quelle est votre appréciation sur le sujet ?

Mme Karine DELPAS : J’ai envie de dire qu’il doit être pris en charge par tous s’il le faut. Nous avons regardé quelles étaient les prérogatives des mutuelles et il est vrai que, dans le Code de la mutualité, aujourd’hui, trois missions incombent aux mutuelles étudiantes au nombre desquelles les œuvres sociales. Elles peuvent donc s’occuper des questions de logement, de restauration, de services complémentaires, au-delà des stricts services de santé.

A l’UNEF, nous ne sommes pas opposés au fait que les mutuelles étudiantes prennent en charge une série de questions au-delà des affaires de santé, mais tout dépend de la façon dont elles le font. Or, aujourd’hui, la MNEF a décidé d’avoir un pied dans le logement et la restauration mais par le biais de filiales qui ne sont donc pas directement sous la tutelle des étudiants. C’est surtout ce à quoi nous souhaitons nous attaquer avec l’idée que la MNEF - je parle d’elle parce que c’est sur cette mutuelle que nous avons décidé de nous engager, mais c’est valable pour d’autres - puisse s’engager dans d’autres domaines que ceux de la santé mais en le faisant en partenariat avec les CROUS et avec l’Etat et, en tout cas, en décidant que son conseil d’administration et ses instances de direction aient les moyens d’assurer la gestion de ces questions pour qu’elles ne relèvent pas de filiales qui échappent totalement aux étudiants.

Nous avons envie de nous attaquer à ce problème, tout en sachant que nous ne réglerons pas la question du logement en confiant aux mutuelles étudiantes le soin de la gérer. Je pense que la solution n’est pas de laisser les mutuelles gérer, seules dans leur coin, mais qu’elle passe par la création de partenariats nouveaux entre les CROUS et les sociétés HLM pour que plusieurs organismes réfléchissent ensemble à des mesures d’aide sociale, à des mesures de financement du logement social étudiant et que les choses se passent en termes de complémentarité et non de concurrence.

Aujourd’hui, beaucoup de logements sont gérés par des mutuelles avec des loyers finalement beaucoup plus élevés que ne pourraient en demander des HLM, des particuliers, voire le CROUS.

Quoi qu’il en soit, tout en restant dans le giron du service public, il y a besoin de renouer des partenariats différents de ceux qui existent actuellement.

M. le Président : Au cours de toutes les auditions auxquelles nous avons procédé, il a été souligné que, globalement, la santé des étudiants était de plus en plus déficiente : souscrivez-vous à cette analyse ? Sachant que l’on nous a beaucoup parlé de stress, de peur de l’avenir, de suicides, que pourrait-on envisager, selon vous, en matière de prévention et y a-t-il, selon vous, des actions urgentes à mettre en œuvre ?

Mme Karine DELPAS : Avec 2 millions d’étudiants, c’est actuellement un jeune sur deux qui traverse les établissements d’enseignement supérieur. En termes de santé, cela se traduit par le fait que l’enseignement supérieur est confronté aux mêmes problèmes que ceux qui se posent à l’ensemble de la jeunesse ce qui exige la mise en place de politiques de prévention, notamment sur les risques liées à la consommation de tabac et d’alcool, sur les maladies sexuellement transmissibles etc.

Il y a donc effectivement besoin d’une part, de donner aux mutuelles les moyens de jouer complètement leur rôle en matière de prévention, d’autre part, de se reposer la question du rôle des médecines préventives dans les établissements universitaires qui sont souvent méconnues des étudiants.

Dans le cadre du plan social étudiant, un débat vient d’avoir lieu sur la suppression de la visite médicale obligatoire en première année, au cours duquel nous sommes parvenus, avec d’autres, à obtenir qu’elle demeure obligatoire, au moins une fois pendant le DEUG, ce qui nous paraît essentiel pour que les étudiants, au moins, connaissent les lieux. Ce n’est pas une chose qui va de soi, dans de nombreuses universités les locaux de médecine préventive sont excentrés et méconnus parce qu’au moment des inscriptions, ils ne sont pas présentés aux étudiants au même titre que les autres services. Il y a donc besoin de redonner aux médecines préventives et aux mutuelles les moyens d’assurer complètement leur rôle sur tous les risques que j’ai évoqués et sur les problèmes liés au stress qui, les conditions d’études se dégradant et la peur de l’avenir lié au chômage faisant son chemin dans la tête des étudiants, se multiplient rapidement. Au lieu de les régler à coup de cachets et de consultations de médecins généralistes, il serait effectivement intéressant de réserver aux soins psychologiques une place dans les universités ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

M. le Président : Je souhaiterais vous poser une question relative à la maternité dans le monde étudiant car c’est un sujet qui m’inquiète, compte tenu de tout ce qui nous a été dit. Nous avons notamment entendu parler de désirs forts de maternité chez certaines jeunes femmes qui n’y donneraient pas suite faute de bénéficier d’une protection sociale satisfaisante.

Est-ce, selon vous, une réalité et des réflexions sont-elles menées à ce sujet au sein de votre syndicat ?

Mme Karine DELPAS : Je n’ai pas en tête de chiffres précis !

M. le Président : D’après ce qui nous a été indiqué, il y a un désir de maternité évalué à 2,9 enfants dont pas même une moitié ne se concrétise en raison des difficultés inhérentes à la situation étudiante...

Mme Karine DELPAS : Un bon nombre d’équipements, tels que les crèches, qui étaient mis par les universités à la disposition des jeunes femmes avec un enfant pour leur permettre de poursuivre leurs études, ont été supprimés : je peux citer l’exemple de l’université de Toulouse, où j’ai suivi mes études et où la crèche a été fermée ; celle de Paris VIII se trouve, elle, menacée de suppression, ce qui donne lieu à un débat. Dans ce domaine, il y a donc effectivement des choses à faire, d’une part pour préserver les structures là où elles existent, d’autre part pour en créer là où elles n’existent pas, car si on met en relation le nombre de jeunes femmes qui arrêtent leurs études et celui des jeunes femmes qui ont en charge un enfant, ils ne coïncideront pas exactement mais illustreront le fait que beaucoup de jeunes mères arrêtent d’étudier faute d’espaces et de lieux de prise en charge d’enfants.

Des difficultés d’ordre financier se posent aussi, mais il est indéniable que lorsque des crèches existaient au sein des universités, elles permettaient au moins de résoudre une partie du problème.

M. le Rapporteur : Tous les chiffres dont nous disposons montrent le faible taux d’adhésion aux mutuelles, qui tirent la plupart de leurs revenus de l’affiliation au régime étudiant de sécurité sociale et la concurrence importante qui s’exerce entre elles.

Cette concurrence a entraîné avec le temps une flambée des dépenses de communication Je comprends bien qu’au niveau des mutuelles un rôle primordial soit réservé à l’assurance complémentaire, à la vie étudiante et à tout ce qui figure dans le Code de la mutualité mais, selon vous, est-il encore pertinent, aujourd’hui, que le régime de base de la sécurité sociale et les remises de gestion soient toujours affectés aux mutuelles étudiantes et ne doit-on pas leur demander de se consacrer essentiellement à leur rôle d’intervenants en matière de prestations complémentaires et à l’amélioration matérielle et morale de la situation de leurs adhérents, comme le prévoit le Code de la mutualité ?

Mme Karine DELPAS : Si la question porte uniquement sur les dépenses de communication et de mise en concurrence entre les mutuelles, je pense effectivement qu’il n’est pas bon que les mutuelles, comme c’est le cas depuis des années, se mettent en concurrence sur un régime qui, étant obligatoire, servira les mêmes prestations quel que soit le choix des étudiants.

En même temps, si les mutuelles dépensent autant pour avoir des affiliés c’est parce qu’ils représentent leur principale source de financement : c’est là que se situe le principal problème ! Aujourd’hui, les mutuelles devraient avoir des moyens pour exister en-dehors des remises de gestion accordées par le régime général de sécurité sociale, ce qui m’amène à me poser des questions sur la manière dont l’Etat décide de se réengager ou non dans les questions de protection sociale étudiante et donc sur les moyens qu’il octroie aux mutuelles. Même si je ne suis pas convaincue qu’il faille poursuivre cette mise en concurrence, je reste néanmoins attachée au maintien du régime étudiant de sécurité sociale : il y a donc une formule qui reste à trouver entre les mutuelles et on pourrait y réfléchir ensemble. Pour ma part, je ne suis pas opposée à ce que les différentes mutuelles étudiantes se retrouvent autour d’une table, avec la CNAM, pour réfléchir à la question du régime étudiant de sécurité sociale.

M. le Rapporteur : Tout à l’heure, vous avez évoqué la MNEF dans laquelle l’UNEF s’est réinvestie, en faisant état de filialisations à plusieurs étages sur lesquelles les étudiants n’avaient aucune prise.

Selon vous, quelles réformes seraient de nature à améliorer le fonctionnement démocratique des instances des mutuelles étudiantes de façon à ce que les conseils d’administration puissent exercer toutes leurs prérogatives, ce qui ne semble pas avoir été le cas, d’après nos différents renseignements, en particulier à la MNEF ?

Mme Karine DELPAS : Pierre-Henri Lab pourra répondre à cette question certainement beaucoup mieux que moi, qui ne maîtrise pas totalement le poids que peuvent avoir les décisions parlementaires pour modifier les questions de fonctionnement.

M. Pierre-Henri LAB : Je me dois de préciser que, depuis le 2 avril, je suis membre du conseil d’administration de la MNEF et Secrétaire général adjoint du bureau de la mutuelle.

C’est une tâche qui n’est pas aisée car, ainsi que le disait Karine Delpas tout à l’heure, en tant que militant de l’UNEF, notre expérience dans le mutualisme s’était seulement bornée à des échanges notamment avec la FMF - Fédération des médecins de France - et la mutuelle familiale sur les questions de santé étudiante avec une approche qui n’avait rien de gestionnaire. Depuis le 2 avril, j’exerce à la MNEF des responsabilités nouvelles et je m’attache essentiellement à découvrir les dossiers et à comprendre comment les choses fonctionnent.

Je constate, en tout cas pour la MNEF car j’ignore comment cela se passe ailleurs, que le contrôle réel des étudiants sur leur mutuelle est difficile du fait que la santé est devenue un métier, que la gestion de l’assurance maladie requiert des gens qualifiés qui ont suivi des études appropriées et qui ont une expérience. Il faut savoir que la MNEF regroupe 700 salariés qui ont des compétences, des savoir-faire, ce qui n’est pas nécessairement le cas des étudiants, qui n’en sont qu’au stade de la formation.

On se heurte donc à ce type de difficultés et je crois qu’il ne faudrait pas oublier un point qui n’est peut-être pas primordial par rapport au sujet qui nous occupe aujourd’hui mais qui a son importance : la formation des adhérents et, en tout cas des militants mutualistes, pour leur permettre d’avoir tous les outils nécessaires à la maîtrise des dossiers.

Par ailleurs, je pense qu’il convient aussi de réfléchir à la manière de mettre fin au système de filialisation ou, pour le moins, à la façon dont il se pratique. D’après ce que j’ai découvert à la MNEF il s’agit d’une nébuleuse de sociétés anonymes, avec en leur sein des représentants du conseil d’administration, qui parviennent finalement à vivre sans obligatoirement rendre de comptes au conseil d’administration de la MNEF, lequel est pourtant majoritaire dans leur financement. J’estime que cela pose problème et que la difficulté tient en grande partie au type de structures qui se mettent en place pour développer certaines activités.

Je pense aussi qu’il y a un problème de démocratie interne s’agissant du lien existant entre le conseil d’administration et l’adhérent de base de la mutuelle. Au fond, actuellement, presque rien ne contraint le conseil d’administration d’une mutuelle à rendre régulièrement compte de façon approfondie à ses adhérents sur l’orientation de la politique de la mutuelle et de l’utilisation de l’argent de ses adhérents ou de l’argent du régime de base pour la mutuelle étudiante.

S’il y a un effort à faire - et d’après ce que je comprends, cela vaudrait pour l’ensemble du mouvement mutualiste - il doit vraiment viser à instaurer un lien plus régulier entre élus et adhérents de la mutuelle et à interdire cette forme d’indépendance prise par les filiales et sociétés anonymes, qui conduit la machine à devenir incontrôlable et à s’emballer complètement, au point d’aboutir aux situations que l’on connaît aujourd’hui.

Il y a, en outre, sans doute également besoin de redéfinir les domaines dans lesquels peut intervenir une mutuelle. Je pense qu’une mutuelle doit avant tout améliorer la santé de ses adhérents, que la mission première de la MNEF est la santé des étudiants et non pas d’investir, comme elle a pu le faire, dans des filiales d’assurances automobiles ou autres et dans différentes activités dont je n’ai pas encore pu prendre connaissance...

M. le Rapporteur : Ma dernière question sera multiple : avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui, d’une part le conseil d’administration auquel vous participez a les moyens de connaître ce qui se passe en aval au niveau des filiales - je comprendrai que compte tenu de la date à laquelle vous avez été élu, vous ne puissiez pas répondre de façon exhaustive - et, d’autre part que dans la composition actuelle du conseil d’administration, il serait judicieux que puissent entrer, outre des étudiants, des représentants de la CNAM qui est l’un des grands financeurs du système de sécurité sociale étudiante et, éventuellement, des représentants de l’université en tant que représentants de l’Etat ? Cela vous semblerait-il une bonne chose ou plutôt une formule de nature à diminuer l’intervention des étudiants ?

Enfin, avez-vous des propositions à formuler sur le fonctionnement de la Commission de contrôle des mutuelles et sur ses prérogatives actuelles, qui ne lui permettent pas d’aller voir ce qui se passe précisément au niveau des filiales ?

M. Pierre-Henri LAB : Pour ce qui concerne le conseil d’administration de la MNEF, il y a une volonté de prendre connaissance de l’ensemble des dossiers portant sur les affaires dans lesquelles elle est investie. Il y a également une volonté de se mettre en accord avec la législation, à la suite des critiques qui ont été formulées, notamment sur la gestion de la mutuelle.

Le conseil d’administration s’est donné les moyens d’avoir une réelle prise sur le fonctionnement de la mutuelle - il faut dire qu’il a été pas mal aidé en cela par M. Delpy, le nouveau directeur général qui se cantonne à son rôle et qui laisse au conseil d’administration le soin de prendre les décisions politiques sans chercher à influencer le contenu desdites décisions. Les choses se sont donc trouvées facilitées par rapport à la façon dont elles fonctionnaient auparavant.

Des premiers changements ont d’ailleurs été opérés puisque l’association les Amis de la MNEF a perdu de son poids : cela s’est vu notamment lors des décisions relatives au licenciement du directeur général, puisque l’assemblée générale a procédé à une modification statutaire pour supprimer certaines prérogatives de l’association.

Des modifications sont donc en train d’intervenir. Pour l’instant, ces changements ne vont sans doute pas assez loin, je ne pense pas qu’il s’agit d’une volonté politique de ne pas les mener à leur terme mais d’une question de temps, pour permettre d’abord de les réaliser, ensuite, de voir quelle direction prendre.

Sur la question de la présence d’un administrateur de la CNAM ou du ministère de tutelle au sein du conseil d’administration de la mutuelle, je ne pense pas que ce soit une bonne chose en soi mais je considère, en revanche, qu’il conviendrait de réfléchir sur les responsabilités des ministères de tutelle car si la MNEF en est arrivée là où elle en est aujourd’hui, cela relève de la responsabilité des élus précédents mais aussi de celle des ministères de tutelle - mais la justice fera son travail - qui ne sont pas beaucoup intervenus jusqu’alors - en tout cas, ce n’est pas apparu publiquement - pour formuler des observations sur le fonctionnement de la mutuelle et " remettre de l’ordre dans la maison ".

A mon avis, il serait utile de développer les liens avec la CNAM, peut-être en permettant aux étudiants d’assumer pleinement la gestion de leur régime et d’accéder à une forme de représentation au sein de la CNAM puisqu’elle prend des décisions - elle émet, par exemple, un vote sur le montant de la cotisation à la sécurité sociale étudiante - sans que les étudiants soient associés au débat.

Il y a besoin de débats et, puisque vous m’interrogiez précédemment sur la façon pour les étudiants de se réapproprier le régime étudiant et de le faire vivre, j’estime que le régime de base doit, bien sûr, rembourser les soins mais aussi déterminer comment les cotisations doivent être utilisées dans le cadre de la prévention. On réfléchit avec la CNAM à la mise en place de campagnes de prévention sur les campus, concernant le sida, les problèmes d’optique, les problèmes dentaires etc. Il y a toute une réflexion à engager là-dessus !

Pour ce qui est du contrôle du fonctionnement démocratique des mutuelles et de leur développement dans le cadre du Code de la mutualité, il est sans doute nécessaire de renforcer le pouvoir de la commission de contrôle des mutuelles, mais, pour ce qui est du développement du régime étudiant et des activités qui sont en phase avec les attentes et les besoins de santé des étudiants, il s’agit de renforcer les liens entre les étudiants, la CNAM et les ministères de tutelle de façon à ce que les premiers puissent exprimer leurs problèmes et que chacun, en fonction de ses prérogatives, prenne ses responsabilités et, si je puis dire, " mette la main à la pâte ".

M. Bruno BOURG-BROC : J’ai quatre questions à vous poser auxquelles vous venez d’ailleurs de répondre partiellement.

Pourriez-vous nous rappeler chronologiquement la nature institutionnelle des relations de votre organisation avec les mutuelles, et, en particulier, avec la MNEF ?

Est-ce que, pour autant que vous le sachiez, vos prédécesseurs avaient les moyens, s’ils étaient observateurs attentifs, de déceler les dérives qui auraient eu lieu et quels étaient leurs éléments d’appréciation pour ce faire ?

Vous avez dit, tout à l’heure, que la MNEF était en fait une sorte de nébuleuse de sociétés anonymes : il s’agissait donc d’un système commercial, capitalistique qui n’avait plus rien de social ?

Quelles seraient, à votre avis, les grandes lignes d’un statut social étudiant idéal ?

Mme Karine DELPAS : Je pense pouvoir répondre en partie à ces questions.

Sur la nature de nos liens institutionnels, même si je ne maîtrise pas toutes les données, je sais qu’effectivement des représentants de l’UNEF étaient membres des instances dirigeantes de la MNEF jusqu’en 1984. A partir de cette date, il nous a été impossible - car cela ne relève pas d’un choix - de nous présenter à des élections, compte tenu du fait que les critères pour pouvoir déposer une liste n’étaient pas rendus publics et que c’était un vrai parcours du combattant que d’arriver à se présenter, à telle enseigne que, tant localement que nationalement , il est arrivé un moment où nous n’avons plus été en mesure de déposer des listes pour reprendre notre place dans cette mutuelle

M. Bruno BOURG-BROC : Certains ont pourtant pu le faire !

Mme Karine DELPAS : Visiblement oui, certains ont pu se présenter, puisqu’il y a eu des élus étudiants, souvent d’ailleurs avec une liste unique... C’est bien ce que nous avons trouvé problématique ces dernières années !

Plus tard, la chose est redevenue possible parce qu’après toutes les " affaires ", le processus électoral est reparti sur des bases un peu plus transparentes et démocratiques. Nous nous sommes d’ailleurs battus, au moment où toute cette affaire a éclaté, en faveur de la nomination d’un administrateur provisoire et nous avons fait partie des rares organisations qui se sont mobilisées pour obtenir une mise sous tutelle, considérant que les choses avaient été trop loin et jugeant surtout aberrant - et c’est peut-être là qu’il y aurait aussi besoin de redonner plus de poids à la Commission de contrôle en la matière - qu’avec toutes les affaires qui avaient été rendues publiques, ce soit le conseil d’administration incriminé dans lesdites affaires qui mette en place le processus électoral pour renouveler les instances dirigeantes. Vous avouerez qu’il y a là un gros problème de transparence et de démocratie !

Nous n’avons pas très bien compris pourquoi nous sommes passés d’un moment où il y aurait pu y avoir un administrateur provisoire à un moment où il n’y en pas eu mais, quoi qu’il en soit, c’est à ce moment-là que nous avons décidé de nous présenter. Sur la nature de nos liens avec la MNEF, je dirai que notre présence dans les directions s’est arrêtée en 1984, et a repris avec les dernières élections. Localement, il existe quelques académies où nous avons été présents plus longtemps, jusqu’en 1989 parfois, notamment à Limoges et à Toulouse. Ensuite, nous avons eu avec cette mutuelle des échanges de nature publicitaire pour des publications. Il s’agissait de liens financiers contractuels très clairs concernant la présence d’une publicité dans la publication du guide de l’étudiant qui paraît une fois par an.

Nos rapports se sont limités à cela et à quelques discussions sur le fond pour échanger nos appréciations sur les questions de protection sociale comme on aurait pu le faire avec n’importe quelle autre mutuelle ou organisme universitaire, ou pour prendre quelques initiatives dans les universités en vue d’organiser ensemble des parcours santé ou de sensibiliser les étudiants à des questions de protection sociale.

Nos prédécesseurs avaient-ils les moyens de déceler des dérives ? J’ignore à quel moment elles ont commencé mais compte tenu du fait que nos derniers représentants ont siégé dans les instances dirigeantes jusqu’en 1984, très honnêtement, je dois dire que je ne sais pas qui se trouvait à l’époque à la direction de l’UNEF. Donc je ne suis pas en mesure de répondre à cette question mais je ne pense que nos prédécesseurs syndicaux, étant donné la nature de leurs liens avec la MNEF, n’étaient pas aptes à déceler quoi que ce soit.

Peut-être ont-ils eu à connaître de financements accordés à des syndicats étudiants, et des millions de francs attribués à l’UNEF-ID car tout le monde était au courant. Ni la MNEF, ni les syndicats étudiants ne se sont jamais cachés de ces opérations dont je pense qu’elles se sont faites dans la légalité... Au-delà, je ne crois pas qu’ils aient eu les moyens de déceler quoi que ce soit, même s’ils se sont inquiétés, sinon des dérives, du moins de la manière dont la MNEF gérait les logements étudiants et les questions de restauration mais sans avoir aucune information au fond sur la manière dont les choses se déroulaient.

Pour les autres questions, je laisserai répondre Pierre-Henri Lab.

M. Pierre-Henri LAB : La MNEF système capitalistique ? Oui, malheureusement, la MNEF l’est devenue partiellement. Je ne pense qu’elle l’ait été totalement parce que c’est une mutuelle qui est tout de même tenue de gérer le régime étudiant et, en même temps, de rembourser ses adhérents et de leur servir des prestations en termes de soins, ce qui fait qu’il y avait un minimum de services requis.

Dans beaucoup de sections locales de la mutuelle, des étudiants mutualistes continuaient de s’investir et d’intervenir quotidiennement sur des questions de santé en organisant dans les universités des initiatives de prévention et de sensibilisation. En conséquence, je dirai qu’il y avait un peu de MNEF. Sur le terrain, il y avait une mutuelle qui avait une certaine efficacité et une certaine présence et qui, finalement, intervenait sur ses missions premières et il y avait une MNEF très opaque sur laquelle, jusqu’au début du mois, nous n’avions pas d’autres informations que celles publiées par la presse et qui s’apparentait davantage à une sorte de trust de gros groupes financiers qu’à l’image que l’on se fait, peut-être naïvement, d’une mutuelle étudiante, ou d’une mutuelle en général.

Vous décrire comment cela fonctionne précisément, j’en serais incapable parce que je commence seulement à le comprendre ! La seule chose que je sais, c’est qu’il existe une filiale apparemment un peu plus importante que les autres, l’UES Saint-Michel qui, en gros, est chargée de contrôler pour la MNEF - d’après ce que je comprends mais je peux me tromper - la gestion de ses parts dans une autre série de sociétés anonymes qui touchent quasiment à tous les domaines d’activité, y compris des domaines très éloignés de la santé tels que celui des communications, des assurances - ce qui est particulier pour une mutuelle - et différents secteurs d’activité.

Ce système de filiales ne devrait pas, à mon sens, continuer très longtemps puisque le conseil d’administration a décidé d’y mettre fin en se séparant de toutes les filiales qui n’ont rien à voir avec les étudiants ou, pour le moins, avec leurs problèmes, et en réorientant celles qui peuvent être intéressantes pour eux, notamment celles qui concernent le logement et la restauration, dans un autre cadre, avec la volonté - en tout cas c’est celle de l’UNEF et je pense de la majorité du conseil d’administration - que ces filiales se développent dans un partenariat avec les CROUS et le ministère de l’Enseignement supérieur, de façon à leur conférer le caractère social qu’elles n’avaient pas jusqu’à présent.

Cela se traduira certainement par une modification des structures qui gèrent le logement, qui gèrent la restauration et, sans doute, par la disparition des sociétés anonymes.

Pour donner un exemple plus précis, je sais que le ministère de la Jeunesse et des Sports ambitionne de travailler sur le dossier Carte Jeunes et de lui donner un autre contenu puisque, apparemment, la MNEF, qui est actionnaire majoritaire de Carte Jeunes SA n’a pas rempli ses obligations dans la convention. Il semble que ce ministère veuille reconsidérer l’avenir de la Carte Jeunes afin de la rendre plus performante, la MNEF, quant à elle, n’envisage pas de se maintenir dans l’ancien système, c’est-à-dire dans le cadre d’une société anonyme à but lucratif.

On voit donc naître une volonté, là où il peut être utile de s’investir, de le faire dans un cadre à caractère social et non plus lucratif.

M. Bruno BOURG-BROC : Et sur le statut social ?

Mme Karine DELPAS : C’est un vaste sujet de définir le statut étudiant idéal !

M. Bruno BOURG-BROC : J’aimerais que vous en définissiez juste les grandes lignes.

Mme Karine DELPAS : Pour aller très vite, nous avons le sentiment que le statut social de l’étudiant idéal devrait répondre à deux questions.

Premièrement, on attend qu’il s’intéresse à la justice sociale et à l’égalité des chances en permettant réellement, par le biais du logement étudiant et de l’attribution de bourses, c’est-à-dire par des aides directes, de combler les différences entre étudiants.

Nous sommes donc très attachés à demeurer dans un système d’aides inégalitaires distribuées en fonction des ressources et des besoins de chacun.

Deuxièmement, on attend qu’il réponde aux aspirations des deux millions d’étudiants.

Aujourd’hui, avec un jeune sur deux qui passe par l’université, il est impossible de concevoir un statut social comme on l’aurait fait il y a trente ans puisqu’il y a besoin de prendre en compte toute une série d’exigences en termes de qualité de vie.

On parle beaucoup de la question de l’autonomie et de l’indépendance des étudiants mais, pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas favorables à l’idée d’accorder un revenu minimum étudiant à tous les étudiants. Nous préférons que chacun bénéficie d’une aide que ce soit une aide aux transports ou un accès à la culture et aux loisirs à coûts réduits.

Nous insistons également pour revoir la question du logement puisqu’actuellement moins de 10 % des étudiants sont logés par le CROUS : nous voyons donc là une urgence, à la fois en termes d’aide sociale, de justice sociale et de prise d’autonomie et d’indépendance des étudiants. Il faut en effet parvenir à donner plus de moyens aux étudiants pour leur permettre d’acquérir un logement indépendant, que ce soit par le biais du CROUS ou celui de sociétés HLM ou autres.

Nous attendons donc du statut étudiant qu’il réponde à ces deux enjeux et nous sommes inquiets en voyant le plan étudiant qui se met en place, car nous trouvons que si les objectifs affichés sont bons, ils ne vont assez loin au vu des besoins.

Nous relevons notamment que l’un de ses buts est d’atteindre 30 % d’étudiants boursiers en quatre ans. Quand on sait que 40 % des étudiants sont salariés et que 70 % d’entre eux sont salariés au moins une fois dans l’année et employés pour des travaux saisonniers ou autres pour payer leurs études, nous trouvons que ce n’est pas ambitieux, notamment au vu des urgences et des conditions de vie et d’études de milliers d’étudiants...

Si nous devions tout de suite pointer des urgences en matière de statut social étudiant, nous mettrions l’accent sur les questions de logement, sur celles des bourses de manière à obtenir des bourses pour la moitié des étudiants et nous demanderions, enfin, de répondre à une série d’exigences en émettant, pourquoi pas, l’idée d’un passeport étudiant favorisant l’accès à la culture, qui pourrait passer par une révision et une extension de la Carte Jeunes qui n’est actuellement accessible qu’aux adhérents de la MNEF, ce qui n’est pas juste ! Bref, nous nous attacherions à tous les aspects de la vie étudiante qui ne se résument pas à une aide sociale directe.

M. le Président : Avez-vous mené une réflexion spécifique sur les étudiants étrangers ?

Mme Karine DELPAS : Nous sommes favorables à ce qu’ils puissent avoir accès au régime de sécurité sociale et aux mutuelles et à ce que la carte d’assuré social leur donne droit à un titre de séjour : c’est une revendication qui porte sur la carte d’étudiant. Pour caricaturer nous demandons qu’une carte d’assuré social égale une carte de séjour, comme une carte d’étudiant, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

M. le Président : Sans limitation du nombre ?

Mme Karine DELPAS : Sans limitation du nombre.

M. André ANGOT : M. Lab a, en partie, répondu aux questions que je m’apprêtais à poser. Notre commission d’enquête a été mise sur pied, d’une part, pour analyser un certain nombre de dérives qui se sont produites dans certaines mutuelles étudiantes et, d’autre part, pour faire un certain nombre de propositions.

On a bien vu - et vous l’avez rappelé - que le Code de la mutualité permettait aux mutuelles de s’investir dans un certain nombre d’activités d’œuvres sociales : c’est ainsi que les mutuelles étudiantes ont investi dans des filiales qui concernaient l’assurance, les voyages, le logement, la restauration, dans des entreprises de communication, voire dans des imprimeries.

J’aimerais, quand on constate que les entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, se recentrent sur leur activité de base et délèguent à des entreprises privées tout ce qui est périphérique comme la restauration, le transport, parfois le nettoyage : c’est le cas à Air France ou à la SNCF, par exemple, connaître vos souhaits sur ce point.

Ne pensez-vous pas que nous pourrions préconiser, d’une part, une séparation des activités pour vous permettre de vous recentrer sur la couverture maladie et tout ce qui touche à la santé, d’autre part, le dessaisissement d’un certain nombre d’activités exercées par des filiales plus ou moins contrôlables ?

Mme Karine DELPAS : Je pense qu’effectivement, il faut supprimer les filiales ou mettre fin aux activités de celles qui n’ont rien à voir avec le monde étudiant mais qui touchent à des questions d’informatique, d’imprimerie et autres, bref, à celles qui ne concernent pas les questions de santé et d’œuvres sociales.

Pour les autres, il y a déjà besoin de les réorienter, ainsi que le disait Pierre-Henri Lab, avant d’en confier directement la gestion à la mutuelle pour que les étudiants puissent avoir une prise dessus. On peut également décider de les supprimer, mais alors il convient de renforcer le rôle de l’Etat, ainsi que celui des CROUS car on ne réglera pas la question en confiant les affaires de restauration et de logement à des sociétés privées où les étudiants n’auraient aucun poids.

Donc, soit on décide que la MNEF continue à œuvrer, que les mutuelles étudiantes continuent à prendre en charge tout cet aspect des choses mais on se pose la question de savoir comment faire en sorte que les étudiants pèsent réellement sur les choix de gestion ; soit on décide directement d’y mettre fin auquel cas on doit renforcer les missions des CROUS et des services publics qui existent déjà et qui ont ces prérogatives.

M. André ANGOT : Je ne prétendais pas qu’il fallait tout déléguer à des entreprises privées : il peut s’agir d’associations - par exemple, en matière de logement, d’offices d’HLM - au sein desquelles les étudiants seraient fortement représentés, notamment pour tout ce qui concerne la conception et le fonctionnement des résidences universitaires, de façon à ce qu’il y ait une nette séparation entre le rôle de protection sociale et les activités annexes qui n’ont, a priori, rien à voir avec la protection sociale.

M. Pierre-Henri LAB : Si vous me permettez d’intervenir sur cette question, je dirai que si une mutuelle comme la MNEF s’investit dans des questions de logement et de restauration, dans des conditions autres que celles qui ont prévalu jusqu’à présent et avec l’idée de répondre aux exigences étudiantes, c’est une bonne chose.

En effet, si on prend les problèmes dont souffrent les étudiants, on s’aperçoit que la malnutrition augmente, que certains étudiants ont recours à des banques alimentaires - même si cela concerne une minorité d’entre eux, c’est un phénomène relativement nouveau - et que pour d’autres, qui ne font pas même un repas par jour, le choix se pose de manger ou d’acheter un livre.

A mon avis, si on ne donne pas à l’étudiant accès à un logement décent, à un logement de qualité, mais qu’on lui octroie seulement, comme c’est souvent le cas en région parisienne, un logement très éloigné de son lieu d’études, on augmentera indirectement chez lui le stress et, par voie de conséquence, les problèmes de santé.

Donc, qu’une mutuelle participe, peut-être pas en termes de financement - encore que cela puisse se discuter puisque le mutualisme c’est aussi la solidarité, et qu’il peut être souhaitable que cette solidarité étudiante s’exprime aussi sur les questions de logement et de restauration - et qu’elle ait son mot à dire sur la façon dont sont définis ce logement et cette restauration me paraît important, puisqu’elle est directement concernée par les dégâts qu’ils peuvent provoquer sur la santé. Mais je crois savoir qu’en application des prochaines directives européennes, le système va devoir être modifié.

M. le Président : La directive européenne va être lourde de conséquences : c’est évident !

Il me reste une question à vous poser. Puisque vous êtes un syndicat appelé à représenter les étudiants, non seulement de France métropolitaine, mais également des DOM-TOM, êtes-vous au courant de problèmes qui leur sont spécifiques ?

Mme Karine DELPAS : Très sincèrement, non !

M. Pierre-Henri LAB : Non !

M. le Président : Ce n’est pas un piège : ne le prenez pas comme tel.

M. Joël GOYHENEIX : J’ai été un peu inquiet à la suite de l’une des affirmations de M. Pierre-Henri Lab quand, après avoir expliqué, judicieusement je crois, que dans une mutuelle comme la MNEF employant 700 professionnels, le rôle du conseil d’administration était peut-être plus théorique qu’autre chose, il a été amené à déclarer qu’actuellement le conseil d’administration de la MNEF avait un véritable pouvoir parce qu’on avait changé son directeur général et que la personne qui avait pris sa place laissait faire le conseil d’administration.

Avez-vous donc d’éventuelles propositions à formuler pour que le conseil d’administration d’une mutuelle puisse effectivement jouer son rôle ? En effet, la question que l’on peut se poser est de savoir si, finalement, une mutuelle peut répondre aux enjeux qui sont aujourd’hui ceux de la protection sociale.

M. Pierre-Henri LAB : Personnellement, je pense que le conseil d’administration d’une mutuelle peut jouer son rôle à deux conditions.

Premièrement, il faut que les élus au sein de ce conseil d’administration aient un lien avec les adhérents. Le lien qui pouvait unir précédemment les élus et les adhérents à la MNEF avant ces élections, existait peut-être mais ne m’est pas apparu. Ce que je constate aujourd’hui, c’est que nous avons un conseil d’administration auquel participent des étudiants qui ont prouvé depuis des années qu’ils étaient aptes à siéger dans des conseils d’administration d’université, à siéger dans les CROUS. Leur expérience de gestion a besoin d’être renforcée dans le cadre de la formation des élus mutualistes, des relais militants et des organisations qui travaillent avec eux, mais le lien avec l’adhérent de base existe.

M. Joël GOYHENEIX : Entendons-nous, dans les CROUS et ailleurs, les étudiants participent et participent bien à la gestion, mais dans une mutuelle, ils gèrent seuls.

M. Pierre-Henri LAB : Dans les CROUS, des réformes sont prévues puisque le ministre de l’Education nationale propose d’en confier la présidence à des élus étudiants et que dans les universités on mette en place des vice-présidences étudiantes qui ont souvent des compétences, notamment concernant la vie étudiante, la vie de l’université, le contenu des diplômes, l’élaboration de maquettes de diplômes et également la gestion budgétaire de l’université.

S’il y a un mouvement, c’est parce qu’il y a aussi une demande des étudiants. Lorsque, pour amener les étudiants à croire en leurs représentants au sein des conseils d’administration des universités, à croire en leur capacité à peser réellement sur les décisions, le ministre prône le renforcement des prérogatives des élus étudiants, il lance sans doute une dynamique susceptible de permettre à un plus grand nombre d’étudiants de participer, par exemple, aux élections parce qu’il y aura une clarification des compétences de chacun.

Si on dresse le constat, au niveau des CROUS et des universités, qu’il y a besoin d’associer davantage les étudiants et de leur confier de lourdes responsabilités - parce qu’être président d’un CROUS ce n’est pas une mince affaire, c’est une charge qui était assumée jusqu’à présent par les recteurs d’académie - c’est parce qu’ils sont en mesure de le faire. Si les étudiants sont capables de gérer un CROUS, ils seront capables de gérer une mutuelle.

En revanche, il conviendrait peut-être de réfléchir, dans le cadre des règlements intérieurs des mutuelles et des statuts de la mutualité, sur le lien qui existe entre salariés et élus qui n’est pas toujours très clair puisqu’on a parfois l’impression que les élus se comportent comme des salariés. Comme c’est une occupation permanente, de ce point de vue-là, on court peut-être le risque que la gestion d’une mutuelle devienne une affaire de professionnels et que cela nuise à la démocratie. Il est donc sans doute nécessaire de réfléchir à la façon d’empêcher ce genre de dérives et de garantir, pour le mutualisme étudiant, que les responsabilités sont bien dans les mains d’étudiants réels et non pas d’étudiants qui n’en auraient que le statut.

M. le Président : Qui doit diriger : l’administrateur ou le directeur ?

M. Pierre-Henri LAB : Personnellement, je pense que c’est l’administrateur, qui est élu sur le base d’une orientation.

M. le Président : Il doit diriger, gérer ou surveiller ?

M. Pierre-Henri LAB : Il doit diriger et surveiller, encore que tous les salariés n’aient pas forcément besoin d’être surveillés. Il doit s’intéresser à la gestion de la mutuelle pour vérifier que les décisions politiques prises par le conseil d’administration sont appliquées.

M. le Président : Quand je parle de surveillance, je fais référence au conseil de surveillance et non pas au terme tel qu’on l’entend en parlant de l’activité d’un surveillant de collège.

M. Pierre-Henri LAB : Bien sûr ! Je pense que l’on a également besoin d’administrateurs qui s’impliquent dans la mutuelle au-delà d’une simple prise de décision ou du simple contrôle de leur application.

M. Joël GOYHENEIX : Il faut donc que les administrateurs y consacrent du temps. Devraient-ils être rémunérés ?

M. Pierre-Henri LAB : Non, car être élu n’est pas un travail. On peut admettre une indemnité proportionnelle au nombre d’heures que l’élu passe dans sa mutuelle. Il conviendrait, en tout cas, de l’indemniser de façon à ce qu’il ne perde pas d’argent ; il est tout à fait normal de rembourser un billet de train...

M. le Président : Ce sont les frais réels !

M. Pierre-Henri LAB : On peut concevoir une indemnité lorsque l’administrateur s’investit de façon importante mais ce sont des choses auxquelles nous n’avons pas encore eu le temps de bien réfléchir, et je vous livre là mon point de vue personnel.

M. le Président : En tant qu’administrateur quel est votre système de rémunération, d’indemnisation ?

M. Pierre-Henri LAB : Je perçois une indemnité qui a été proposée à l’assemblée générale et qui se monte à 7 000 F nets par mois.

Actuellement, je passe entre onze et douze heures par jour à la mutuelle, ce qui me laisse peu de temps pour étudier !

M. le Président : Sans vouloir être taquin : êtes-vous encore étudiant ?

M. Pierre-Henri LAB : Je suis encore étudiant, même s’il est vrai que ce n’est pas facile. Cette année, je suis inscrit en maîtrise d’histoire et en première année d’économie et si mes études sont parfois chaotiques parce que je ne parviens pas toujours à mener les deux choses de front, petit à petit j’avance et je me considère donc comme étudiant. Mes parents n’ont pas la possibilité de m’aider à la hauteur de mes besoins et donc...

M. le Président : Permettez-moi de vous interrompre : les 7 000 F que vous percevez, c’est la mutuelle qui vous les verse ?

M. Pierre-Henri LAB : Oui, sur décision de l’assemblée générale.

M. le Président : C’est le cas pour chaque administrateur ?

M. Pierre-Henri LAB : Non, uniquement pour les membres du bureau.

M. le Président : C’est-à-dire le président, le vice-président, le trésorier et le secrétaire général, sans doute ?

M. Pierre-Henri LAB : Exactement !

M. le Président : Il y a donc quatre personnes qui perçoivent une indemnité d’environ 7 000 F. Les autres administrateurs touchent-ils quelque chose ?

M. Pierre-Henri LAB : Pas à ma connaissance, mais je ne peux vous répondre avec certitude.

M. le Président : Pouvez-vous occuper deux postes d’administrateur, par exemple l’un au titre de l’UNEF, et l’autre dans une des filiales de la MNEF ?

M. Pierre-Henri LAB : Et percevoir à ce titre une indemnité ? Non, je suis appelé à représenter la MNEF par délégation du président dans différentes structures...

M. le Président : La MNEF vous désigne-t-elle pour la représenter en tant que membre du conseil d’administration dans un certain nombre de filiales ?

M. Pierre-Henri LAB : J’ignore s’il est possible de percevoir une indemnité supplémentaire, à ce titre. Ce que je sais, c’est que, personnellement, je le refuserais parce que je le ferai en tant qu’élu de la MNEF et non pas en tant que salarié, porteur de parts d’une société privée ou défenseur des intérêts de tel ou tel groupe.

M. le Président : Et, à votre connaissance, est-ce que cette pratique a pu avoir lieu auparavant ?

M. Pierre-Henri LAB : Pour l’instant, je n’en ai pas eu connaissance.

Mme Karine DELPAS : J’aimerais formuler une observation.

Cette question de l’indemnité est compliquée. Le débat se pose également à l’université puisqu’il est proposé de valoriser les expériences associatives dans le cursus : la chose n’est pas encore nettement tranchée et pose problème. J’ai envie de dire, dans l’absolu, que si l’on pouvait parvenir à un système idéal où des élus ou des étudiants pourraient s’engager dans le tissu associatif, syndical, mutualiste ou autre sans qu’il soit besoin de dégager des moyens financiers de la part de ces organisations, ce serait très bien. En même temps, nous sommes dans une société où 40 % des étudiants sont obligés de se salarier pour payer leurs études, donc à moins de dessiner un étudiant idéal pouvant se permettre d’accéder à des postes de responsabilité sans besoins d’argent, il serait discriminatoire de supprimer les systèmes de rémunération ou d’aides. En conséquence, comme ce n’est pas très juste, je serais tentée de dire : élevons la proportion des étudiants boursiers à 50 % et nous pourrons supprimer, dans une série d’organisations et de mutuelles, les systèmes d’indemnités qui répondent aux besoins de ceux qui s’engagent et s’investissent !

Cela étant, le débat n’est pas simple parce que nous avons un peu l’impression d’être pris en otages entre ce qui serait bien dans l’idéal et ce qui se passe dans la réalité où il n’est pas forcément évident pour tous ceux qui souhaitent s’engager d’en trouver le temps et les moyens.

M. le Président : En tant que présidente de l’UNEF, touchez-vous une indemnité comparable ?

Mme Karine DELPAS : Je touche une indemnité mais qui n’est pas comparable. Je suis indemnisée par l’UNEF, ce qui n’est pas le cas de tout le monde puisque l’attribution des indemnités fonctionnent, pour dire les choses rapidement, un peu comme un système de bourses : il est proportionnel à ce dont chacun dispose déjà. Pour prendre un exemple, si un secrétaire national de l’UNEF est aidé par ses parents ou occupe un emploi salarié - ce qui est le cas pour beaucoup ; il y a fort peu de personnes indemnisées - il ne perçoit pas d’indemnités.

M. le Président : On étudie donc la situation au cas par cas mais le plancher est de combien ?

Mme Karine DELPAS : De 4 500 F

M. le Président : Je vous remercie pour la clarté de vos explications et la qualité de vos exposés.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr