Présidence de M. Alain TOURRET, Président

MM. Stoffel-Munck et Salette sont introduits.

M. le président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, MM. Stoffel-Munck et Salette prêtent serment.

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Je vais commencer par vous présenter très brièvement ce qu’est l’USEM et la situer dans le cadre des mutuelles régionales.

Comme vous le savez le régime étudiant de sécurité sociale est géré par la MNEF et par les mutuelles régionales.

Aujourd’hui, les mutuelles régionales gèrent les prestations santé d’à peu près 55 % de la population étudiante, la MNEF assurant les 45 % restant. L’USEM est une union qui rassemble neuf des onze mutuelles régionales existant à ce jour, les deux autres se trouvant au sein d’une autre union, la MER.

L’USEM est un lieu d’échange d’informations, de concertation et de coordination des actions des mutuelles régionales. Elle a de plus en plus un rôle d’interface dans la mesure où notre fonction est d’aller chercher de l’information pertinente au niveau national et de la faire redescendre vers les mutuelles régionales, et dans l’autre sens, de la faire connaître à nos interlocuteurs institutionnels au niveau national.

Dans cette dernière fonction d’interface vers les institutionnels, le rôle de l’USEM consiste à essayer de faire mieux connaître les SMER, car, de tradition girondine et plutôt discrètes, elles souffrent parfois d’un manque de notoriété au niveau national en dépit de leur importance sur le terrain ce qui entraîne une insuffisante prise en compte de ses problèmes.

L’USEM a toujours joué ce rôle mais il s’est particulièrement développé ces dernières années, notamment vis-à-vis du monde politique - personnellement, je suis président de l’USEM depuis septembre 1995 - en raison des mutations du monde étudiant et de l’assurance maladie, ce qui, contrairement au cas de la MNEF, n’était pas traditionnellement dans la culture des mutuelles régionales.

Depuis environ trois ans, nous nous attachons donc à rattraper notre déficit de notoriété afin de défendre mieux les intérêts de la population étudiante qui nous constitue et qui nous a fait confiance.

Cela a conduit à renforcer les moyens de l’USEM. Elle n’a aucune action économique, car telle n’est pas sa vocation, mais elle dispose désormais, ce qui n’était pas le cas avant, de 2 salariés et demi qui lui permettent de donner plus d’ampleur à son action et plus de permanence à son travail bien qu’elle reste, on peut le dire, une petite structure.

L’existence de cette commission d’enquête sur le régime étudiant est, pour nous, une opportunité extrêmement bien venue car elle nous permet d’exposer les caractéristiques majeures de la gestion du régime étudiant par les mutuelles régionales et d’espérer qu’en seront tirées rapidement, conformément à ce qu’avait dit Mme Martine Aubry, les conséquences juridiques et législatives pour améliorer le système en faveur des étudiants.

Je développerai deux points : d’une part, la légitimité de la gestion par les mutuelles régionales - en essayant de définir en quoi consiste cette légitimité, en rappelant ce qui a fait notre force et en dégageant les éléments qu’il conviendrait peut-être de prendre en compte dans votre réflexion - et, d’autre part, les améliorations du régime qui nous semblent opportunes.

La légitimité de la gestion par les mutuelles régionales est de trois ordres.

C’est, tout d’abord, une légitimité sociale, car, dans la mesure où notre mode de fonctionnement est axé sur l’échelon régional et non pas national, cela nous permet d’être peut-être plus proches des campus et des étudiants. Cette idée de proximité, voire d’osmose, entre les mutuelles régionales et le monde étudiant fait qu’a travers nos structures, si j’en juge par comparaison avec ce que j’ai vu ailleurs, les étudiants se trouvent beaucoup plus impliqués dans la vie de leur mutuelle.

Il s’agit, en outre, d’une légitimité sociale, non seulement en raison de notre composition et de notre échelon, mais également en raison de l’ampleur de notre action car il y a belle lurette qu’un étudiant n’attend plus de sa mutuelle une simple action financière, de remboursement des prestations, mais qu’il exige aussi que la mutuelle régionale s’implique dans tous les aspects de la qualité de vie étudiante, faisant ainsi sienne la définition large de la santé, au sens retenu par l’Organisation mondiale de la santé, à savoir toute cette idée de bien-être, aussi bien physique que moral. Cette conception coïncide avec le principe même de la mutualité puisque le premier article du code de la mutualité donne pour vocation aux mutuelles de s’assurer, entre autres choses, du développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs adhérents.

Cette légitimité sociale s’explique aussi par une forte collaboration avec les associations locales, beaucoup plus qu’avec les associations nationales, ce qui résulte encore du choix que nous avons fait de nous situer à l’échelon régional.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les associations de terrain ce qui fait des mutuelles régionales un élément de structuration important du monde étudiant sur le terrain.

Pour faire une comparaison, je dirai que là où la MNEF a une importance très grande vis-à-vis des syndicats au plan national, traditionnellement le travail des mutuelles régionales a consisté à structurer le terrain associatif à l’échelon local, ce qui leur a permis d’intervenir sur toutes les questions liées à la lutte contre le mal-être étudiant au sens large du terme.

Il s’agit ensuite d’une légitimité économique mais je serai plus bref sur ce point. Le pluralisme de gestion du régime étudiant de sécurité sociale impose l’exigence de la plus grande qualité au moindre coût. En conséquence, nous avons, sans arrêt, dû chercher à faire mieux avec les mêmes moyens ou avec moins de moyens.

Pour reprendre des comparaisons que vous connaissez, je dirai, pour ce qui est, par exemple, de la gestion du régime obligatoire, que le niveau de remises de gestion des mutuelles régionales fut, avant qu’il y ait égalité de traitement, extrêmement faible, ce qui a bridé considérablement leur capacité à bien gérer le régime. Le fait est qu’à l’heure actuelle, le niveau de remises de gestion des mutuelles régionales - comme celui de la MNEF d’ailleurs - est de 320 F. Il est intéressant de rapprocher ce chiffre des niveaux de remises de gestion d’autres régimes délégués, 624 F pour la mutuelle de la fonction publique pour 1994, ou du coût moyen de gestion par une CPAM, 722 F de coût moyen de gestion, chiffre datant également de 1994.

Le niveau moyen des 50 meilleures CPAM s’établissait également autour de 620 F.

Bref, nous avons un chiffre de 320 F en 1998 et nous ne parvenons pas à obtenir des chiffres de comparaison plus récents. Ils nous intéresseraient pourtant et, comme nous n’arrivons pas à en avoir communication, si jamais la commission avait l’occasion de se les procurer, ce serait utile pour nous d’en avoir connaissance, ne serait-ce que pour évaluer où nous nous situons nous-mêmes.

Il s’agit, enfin, d’une légitimité technique dans la mesure où nous avons des délais de remboursement très brefs puisque nous parvenons à rembourser les prestations dans un délai qui va de 48 heures à une semaine maximum, le délai normal étant plutôt de 48 heures.

Voilà ce qu’il y a de bien et je pense d’important dans le fait que les mutuelles régionales soient gestionnaires du régime délégué de sécurité sociale des étudiants !

Mais certaines choses peuvent être largement améliorées.

Je ferai trois séries de propositions qui vont tout à fait dans le sens du rapport de la Cour des comptes.

Premièrement, la simplification.

Il y a des choses à simplifier dans la gestion du régime. C’est un régime qui comprend de nombreux intervenants ce à quoi on pourrait remédier rapidement et j’en prendrai un exemple : les opérations d’immatriculation et d’affiliation.

A l’heure actuelle, lorsqu’un étudiant va s’inscrire dans son université, il rentre dans le bureau de la scolarité, il y remet ses formulaires et il choisit son centre d’affiliation - mutuelle régionale ou MNEF... Par la suite, cette information est collationnée par les universités qui nous la transmette sur support papier ou, plus généralement, sur bande informatique, ce qui prend déjà un certain temps. Mais il convient surtout de noter que ce n’est pas cette opération qui va déclencher l’ouverture de droits parce que l’université transmet également l’information à la Caisse primaire d’assurance maladie, laquelle procède aux opérations d’affiliation et nous envoie, seulement après, les éléments susceptibles de nous permettre d’ouvrir les droits.

Ces opérations prennent plusieurs mois, ce qui fait qu’un étudiant qui a payé sa cotisation à la sécurité sociale et qui s’est normalement inscrit, pendant un délai de latence de trois ou quatre mois, ne percevra pas automatiquement de prestations au motif que nous n’aurons pas reçu de la Caisse primaire d’assurance maladie les éléments nous permettant de lui ouvrir des droits à coup sûr.

S’il nous envoie une feuille maladie, nous nous verrons obligés de la lui renvoyer en lui demandant une copie de son certificat de scolarité attestant son inscription.

Une telle situation entraîne des complications, des désagréments, et ce que nous proposons idéalement serait de faire en sorte que la chaîne se réduise et que ce soit directement les mutuelles étudiantes qui procèdent aux opérations d’affiliation. Nous aurions ainsi immédiatement l’information, sans attendre que les universités ou la CPAM nous la transmettent, mais surtout nous disposerions d’une information sûre, c’est-à-dire que nous saurions immédiatement et pertinemment si l’étudiant est bien affilié chez nous, si ses droits sont ouverts ce qui permettrait de le rembourser sur-le-champ et enlèverait, de surcroît, du travail aux universités qui se plaignent de manière récurrente que les opérations d’affiliation au régime étudiant de la sécurité sociale ne sont pas nécessairement dans leur vocation naturelle, alors qu’elles sont évidemment dans la nôtre.

J’ai donné cet exemple de simplification mais il y en a d’autres : le régime des ayants droit majeurs autonomes, comme l’a très pertinemment relevé la Cour des comptes et comme nous l’avons dit, est un régime qu’on pourrait simplifier.

Parallèlement à la simplification, il est un deuxième axe d’amélioration qui passe par une plus grande implication de la mutualité, et spécialement de la mutualité régionale, auprès des différents intervenants dans les domaines sanitaires et sociaux.

Je vous donnerai, cette fois, un seul exemple : celui de la médecine préventive universitaire (MPU). Au fur et à mesure que nous sentions évoluer le milieu étudiant, au fur et à mesure de ses attentes, nous avons mené de plus en plus d’opérations de prévention et constaté fréquemment combien l’étudiant gérait mal ses différents problèmes de santé qui vont d’un manque d’hygiène alimentaire à une consommation excessive d’antidépresseurs et autres.

Les médecines préventives universitaires travaillent bien en certains endroits et s’endorment un peu en d’autres. Elles ont été remises en cause, l’année dernière, et nous avons dit que nous étions prêts, que nous étions une interface dans le monde étudiant, que nous étions en osmose avec lui, nous avions une capacité à communiquer et à sentir les attentes des campus sans doute plus forte que n’importe qui, parce que, précisément, d’une part, la thématique de la santé est notre vocation et que, d’autre part, eu égard à la manière dont nous sommes organisés, nous travaillons sur le terrain.

Nous avons donc soutenu que si l’on voulait faire des campagnes de communication sur la prévention, il fallait nous y associer du fait de notre expérience et de notre positionnement qui sont de nature à donner un impact beaucoup plus important à la diffusion des messages comme nous avons pu le vérifier dans les endroits où cela s’est fait...

L’idée que nous avions soutenue était donc de dire : " Insérez-nous, d’une manière ou d’une autre, dans le cadre de la médecine préventive universitaire, nous avons la volonté de lui consacrer de l’énergie de manière à l’impulser, à avoir des actions et à mieux adapter sa communication vis-à-vis du monde étudiant ! "

Il y aurait d’autres exemples, notamment concernant les CROUS, l’idée de faire siéger les mutuelles étudiantes de manière systématique dans les Conseils des études et de la vie universitaire (CEVU) mais je reste sur l’exemple des MPU parce que le décret n’est toujours pas publié, alors qu’il a pourtant été rédigé, et qu’il n’a pas pris en compte cette proposition, ce que nous avons regretté dans le cadre des états généraux de la santé que nous avons organisés, il y a quelques semaines, tout comme l’ont regretté les MPU : les mutuelles ne sont pas à l’intérieur du système et c’est regrettable !

Après la simplification et la plus grande implication de mutuelles dans les domaines qui relèvent de leur vocation, je citerai un troisième axe d’amélioration qui suppose - et cette commission témoigne, à mon avis, que l’on va dans le bon sens - une plus grande considération pour l’étudiant dans le régime étudiant de sécurité sociale.

Il y a quelque chose que l’on ne peut pas ne pas souligner, c’est que, très souvent, on a le sentiment que l’étudiant est toujours considéré comme la cinquième roue du carrosse, qu’on s’en occupe quand on en a le temps, qu’on prend en compte les spécificités du rythme de vie universitaire quand on y pense. L’exemple de Sesam-Vitale est patent de ce point de vue : nous avons eu les pires difficultés à obtenir des informations, à faire valoir nos spécificités, et à faire comprendre, notamment, que, pour un étudiant, le régime se déroule par année universitaire et que, par conséquent, la carte valable trois ans, ou un régime d’ouverture de droits calé sur l’année civile ne pouvait pas marcher.

Nous avons rencontré les pires difficultés pour faire passer de tels messages et les mutuelles régionales en particulier, alors qu’elles représentent 55 % de la population étudiante actuelle, ont eu le plus grand mal à rentrer dans le système du répertoire national d’identification de l’assurance maladie.

Il en a été de même vis-à-vis de la CNAM : c’est extraordinaire que l’on fonctionne depuis des années - et cela, la Cour des comptes l’a très heureusement fait remarquer - dans un flou total, avec des remises de gestion qui ne sont pas fixées par un contrat d’objectifs pluriannuels qui vaut pour l’avenir mais par des conventions qui valident parfois rétroactivement la pratique qui s’est instaurée les années précédentes, ce qui n’est certainement, ni une méthode commode, ni le meilleur gage d’une gestion sérieuse, optimale - notamment en matière de gestion prévisionnelle - du régime.

Par conséquent, s’il pouvait ressortir de votre commission d’enquête qu’il faudrait un peu plus de considération pour les spécificités du monde étudiant, et pour les spécificités de l’étudiant, eu égard à son régime de sécurité sociale, ce serait une troisième amélioration, qui, bien que ne pouvant pas être inscrite dans les textes, serait, je pense, très appréciable pour l’étudiant !

M. le Président : Monsieur le président, je vous remercie pour cette présentation très claire, tant sur l’analyse que sur les propositions.

Quels sont vos rapports avec la CNAM ? Sont-il bons et avez-vous l’impression d’être en phase avec la CNAM, avec son directeur et la politique qu’il conduit actuellement ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Nous avons félicité, comme il est normal, le nouveau directeur, M. Johanet, pour sa nomination et demandé à le rencontrer, mais nous n’avons même pas obtenu de réponse. D’une manière générale, les rapports dépendent des interlocuteurs : il y a beaucoup de gens de bonne volonté mais, néanmoins, le sentiment d’être la cinquième roue du carrosse persiste parfois ce qui fait que les relations seraient, à mon avis, largement améliorables.

M. le Président : Hier, le directeur de la CNAM nous a indiqué que la meilleure des solutions serait de supprimer toutes les mutuelles étudiantes, qu’elles coûtaient un argent fou au système général de la sécurité sociale - le chiffre de 400 millions de francs a été évoqué - et que l’une des meilleures solutions consisterait à rattacher le système étudiant au système général de sécurité sociale. Il a estimé, par ailleurs, que les remises de gestion étaient totalement aberrantes, beaucoup trop importantes et ne correspondaient à rien. Quelle est votre appréciation là-dessus ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Cela appelle plusieurs commentaires.

D’abord, tant qu’à avoir ce genre de discours, j’estime qu’il vaudrait mieux le tenir directement aux intéressés. C’est pourquoi je pense qu’il serait bon que cette personne puisse nous recevoir pour que nous lui expliquions.

M. le Président : On peut également admettre qu’il le tienne devant la représentation nationale ...

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Absolument, mais nous aurions été également heureux de pouvoir en discuter directement : cela viendra peut-être...

Dire qu’on simplifiera en supprimant tout est effectivement une solution, mais c’est une solution extrême qui ne serait pas nécessairement bien ressentie par le monde étudiant qu’elle priverait de quelque chose d’utile et pas seulement en termes de politique ou autres.

Le travail de proximité que nous avons mené depuis des années est un travail que les CPAM n’auraient pas engagé.

J’ai été salarié de l’université puisque j’étais en doctorat et, pour avoir relevé du régime général pendant un certain temps, je peux vous dire, par expérience, qu’il y a une très nette différence entre l’accueil dans une CPAM et l’accueil dans une mutuelle étudiante.

Le travail des mutuelles étudiantes répond mieux aux besoins de la population étudiante, du fait qu’elle est effectivement très peu encline aux démarches administratives, qu’elle est mobile, qu’elle se déplace souvent, qu’elle réclame souvent. J’imagine très mal les CPAM s’occuper de cette population et si, sur le principe, elles peuvent se dire preneuses, je me demande si elles ne penseraient pas, au bout d’un certain temps, en voyant vraiment les étudiants débarquer dans leurs locaux, que le cadeau était empoisonné.

Pour ce qui est du coût de gestion, il appelle des comparaisons. Eu égard à la manière dont nous nous sommes organisés, nous sommes contraints d’essayer de faire toujours mieux : les remises de gestion sont donc tendanciellement à la baisse. Si le directeur de la CNAM veut faire des économies, ce qui est à mon avis une bonne chose, il faut qu’il aille là où les économies sont peut-être les plus importantes à faire et, de ce point de vue, je me demande si le choix du régime étudiant de sécurité sociale est un choix très pertinent, car c’est un régime qui me semble économiquement bien géré.

M. le Rapporteur : Toujours sur cette problématique des relations entre la mutualité étudiante et la CNAM, j’aurai plusieurs questions à vous poser.

Premièrement, vous appelez de vos vœux un passage de contrat clair avec la CNAM. Il se trouve que les mutuelles étudiantes ont passé à deux reprises, semble-t-il, des conventions avec la CNAM, lesquelles n’ont pas été respectées par la mutualité étudiante, en particulier en matière de comptabilité analytique et que certaines mutuelles étudiantes n’ont même pas répondu à la CNAM sur ce thème, mais je vous accorde qu’elles n’appartenaient pas à l’USEM.

Je veux bien admettre que vous vouliez des contrats, mais on reste sceptique, lorsque l’on sait que les conventions qui ont été signées n’ont pas été respectées et comme elles ne comportaient pas de clauses contraignantes, les choses sont restées en l’état et l’on entame probablement la négociation d’une nouvelle convention qui risque de rester autant lettre morte que les deux précédentes. J’aimerais avoir votre sentiment sur ce point.

Deuxièmement, sur les remises de gestion, ce que nous explique la CNAM - et nous ne sommes pas ici pour être ses avocats mais pour vous exposer les questions que nous nous posons - c’est que les remises de gestion par affilié ne représentent pas forcément la même chose dans le monde étudiant et dans le régime général puisque ce dernier se caractérise par le fait que, sur un affilié, il y a plusieurs ayants droit, alors que le régime étudiant se caractériserait plutôt par l’inverse, c’est-à-dire que sur un affilié il n’y aurait qu’un ayant droit.

Par conséquent, la remise de gestion calculée par affilié n’est pas tout à fait représentative de la même chose dans les CPAM et dans le régime de sécurité sociale étudiante.

Enfin, toujours par rapport à la CNAM, ne vous semblerait-il pas, finalement, plus licite que le régime obligatoire soit géré par les CPAM et que les mutuelles étudiantes gèrent le régime complémentaire et tout ce qui touche au développement moral, intellectuel et physique de ses adhérents ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Sur le premier point qui se référait au non-respect de la première convention et, notamment sur la question de la comptabilité analytique, je dirai que c’est un problème technique qui est difficile à régler. La CNAM - mais là encore, on retrouve le syndrome de la cinquième roue du carrosse - a souhaité que cette comptabilité analytique soit mise en place et a été chargée de son installation que nous devions assumer en coopération avec elle. Il faut tout de même savoir que c’est elle qui ne nous a pas relancés et que ce sont les opérateurs de la CNAM qui, ayant souvent autre chose à faire, ont peu à peu laissé filer ce dossier effectivement complexe.

La première personne à m’en avoir parlé a été le Directeur adjoint de la sécurité sociale, M. Dominique Libault qui est revenu à la charge en insistant pour que nous mettions en place, avec la CNAM, ce système de comptabilité analytique.

Sur la question des conventions, je reste preneur de conventions plus claires, qui valent pour l’avenir et qui ne valident pas rétroactivement les pratiques de l’année précédente.

M. le Rapporteur : Oui, mais si vous ne les respectez pas...

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Comme je viens de vous le dire, c’était la CNAM qui était chargée de diriger les opérations, de provoquer les groupes de travail, de fixer les calendriers, de nous inviter à telle ou telle réunion mais cela n’a pas eu lieu.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous, après cet entretien, nous faire parvenir les copies des conventions que vous avez en votre possession et qui ont pu être signées entre la CNAM et vous ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Il n’existe pas de conventions entre la CNAM et l’USEM, il n’y a que des conventions passées entre la CNAM et les mutuelles régionales puisque l’USEM, ainsi que je vous l’ai dit, n’a pas d’activités économiques. Cela étant, je le ferai volontiers.

En ce qui concerne la deuxième question, je suis d’accord pour reconnaître que les remises de gestion ne doivent pas être du même niveau, pour les CPAM et pour les mutuelles d’étudiants.

Maintenant, nous ne réclamons pas de passer de 320 F à 620 F : le fait qu’il y ait un décalage nous semble normal !

Ce qui est un peu irritant, c’est cette manière de subir sans arrêt cette pression à la baisse tendant vers le zéro qui donne parfois le sentiment qu’elle cache une volonté de détruire le régime. Je précise, pour tempérer ce propos, que cela ne concerne pas tout le monde : certaines personnes ont assez nettement cette arrière-pensée et d’autres non.

Le fait qu’il existe une différence entre les remises de gestion versées au régime général et celles versées au régime étudiant n’a, je pense, jamais été contesté par personne, en tout cas pas au niveau de l’USEM.

M. le Président : Pour conforter les propos de Monsieur le rapporteur, quelle a été votre réponse à la proposition de ramener à 260 F les remises de gestion comme l’ont suggéré l’IGAS et l’IGF ? Est-ce possible, crédible ? Quelle appréciation portez-vous sur cette proposition émanant du rapport conjoint ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Là, j’avoue que je n’ai pas d’appréciation parce qu’il s’agit vraiment d’une question qui concerne la mutuelle régionale en fonction de sa gestion et de son appréciation économique de la réalité. Dans la mesure où je ne m’occupe que de l’USEM où nous n’avons pas d’activités économiques, je ne peux pas vous répondre.

M. le Rapporteur : Concernant l’utilisation des fonds de remises de gestion, si j’ai bien compris, les recettes des différentes mutuelles qui composent l’USEM proviennent d’une part, des remises de gestion, d’autre part, des cotisations mutualistes.

Il semblerait, d’après les analyses qui ont été faites par l’IGAS et l’IGF, que la concurrence a pu avoir des effets bénéfiques sur le niveau qualitatif des prestations mais qu’elle a surtout eu un effet sur le niveau des dépenses de communication qui ont un peu " flambé " et qui représentent des parts non négligeables des budgets des différentes mutuelles, laquelle communication s’inscrit dans le cadre d’une course à l’affilié en début d’année. Je ne suis pas certain qu’en ce sens, la concurrence ait eu un effet très positif sur l’utilisation de fonds qui appartiennent finalement aux étudiants.

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Le pluralisme se transforme en concurrence, lorsqu’on constate des dérapages sur telle ou telle chaîne d’inscription entre certains représentants des mutuelles étudiantes - la MNEF d’un côté, la mutuelle régionale de l’autre - qui se mettent à " se tirer la bourre ", comme on dit.

Premièrement, c’est un phénomène qui est pathologique et qu’en tant que président de l’USEM, soutenu en cela par le conseil d’administration, je regrette profondément parce que la manière dont les choses se passent sur les chaînes d’inscription, ne correspond pas à nos souhaits.

Nous nous en sommes émus et nous avons tenté à plusieurs reprises avec la MNEF de dire qu’il y avait des choses qu’il ne fallait pas faire, sans d’ailleurs rejeter toute la responsabilité sur la MNEF car il s’agit de dérapages, à mon avis, humains, sur le terrain, et non pas de dérapages structurels correspondant à une politique agressive : ce sont des dérapages d’hommes, dont ni, la MNEF, ni les mutuelles régionales ne sont à l’abri.

On tente de gérer la question au mieux. Une convention s’était tenue l’année dernière, sur la région lyonnaise avec la MNEF, ce qui avait permis d’établir véritablement une charte de bonne conduite à laquelle les intéressés se sont tenus, visant à éliminer les pratiques qui sont incompatibles avec l’éthique mutualiste, et à ce que ces dérapages, qui ne sont pas systématiques, soient vraiment restreints au pur niveau accidentel humain afin qu’ils ne puissent plus être exploités contre nous.

Voilà donc quelle est mon analyse de la suractivité sur les chaînes d’inscription que l’on constate de temps à autre.

Maintenant, pour ce qui trait à la communication en général, le chiffre que j’ai vu m’a surpris parce qu’étant aussi dans une mutuelle régionale, je vois comment les choses s’y passent.

Cela étant, il faut s’entendre sur ce que l’on appelle " communication " : si par communication on entend la conception et la diffusion de la brochure où l’on présente les prestations, les affiches qui présentent la mutuelle, je suis d’accord pour dire qu’à la limite il s’agit de communication ; en revanche, si on fait entrer les actions de prévention dans la communication, je trouve que l’on s’éloigne de la notion de communication au sens mercantile du terme.

Quand nous organisons une opération de prévention, nous sommes dans notre objet social au sens noble du terme, c’est-à-dire que c’est une opération qui correspond à notre vocation et qui est une opération de sécurité sociale. J’aimerais donc savoir si, dans ces chiffres, on a intégré, par exemple, les opérations de type colloques : est-ce que les états généraux de la santé sont considérés comme une opération de communication ? Est-ce que le questionnaire qui a été distribué partout en France au sein des mutuelles régionales de l’USEM pour savoir quelles étaient les préoccupations des étudiants dans les campus sur les questions de santé est considéré comme de la communication ?

Si l’IGAS et l’IGF considèrent qu’il s’agit de communication, je prétends que c’est de la bonne communication, puisque c’est de la communication sur la sécurité sociale et qu’elle rentre dans notre vocation de gestion de la sécurité sociale et de promotion du bien-être social.

Quand on fait de la communication sur le mal-être étudiant, sur le stress, sur les manières d’avoir une hygiène alimentaire équilibrée, si l’IGAS et l’IGF appellent cela de la communication, soit mais, dans ce cas, j’appelle les lecteurs des rapports à faire la part des choses entre communication promotionnelle et communication sur la sécurité sociale car ce n’est pas la même chose !

M. le Rapporteur : En l’absence de comptabilité analytique, je ne suis pas certain que l’on soit tout à fait en mesure d’établir la distinction. Par ailleurs, puisque vous parlez de promotion de l’hygiène alimentaire, par exemple, considérez-vous que des actions de partenariat avec certaines grandes chaînes nord-américaines de restauration rapide, font partie de la vocation des mutuelles ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Effectivement, le partenariat Mac Donald’s ou Quick n’est pas idéal, mais comme il répond aussi à une demande des étudiants, il s’est fait naturellement. Or, ce sont les étudiants qui fréquentent régulièrement ce genre d’établissements qui ont demandé à avoir des réductions et un service moins cher, quitte à ce que ce soit un service type " restauration rapide ". Cette question nous a donc posé un problème.

Comme, par ailleurs, nous promouvons également une opération avec les CROUS qui doit se dérouler l’année prochaine, pour une semaine de l’équilibre alimentaire, cela nous interpelle et fait partie des divers points qui figureront à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration de l’USEM. Là aussi, nous devons nous entendre avec la MNEF afin d’arrêter une politique. C’est un problème qui a été soulevé et qui, selon moi, n’est pas un faux problème.

M. le Président : Vous poursuivez ce genre de partenariats ou vous les avez suspendus compte tenu des observations des organismes de contrôle qui s’en sont fort étonnés ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Savoir s’ils ont été arrêtés ou pas, je n’en sais rien, mais qu’il y ait une réflexion à mener sur l’opportunité de leur maintien, j’en conviens tout à fait !

M. le Rapporteur : Dans la politique de communication, il semble également qu’il y ait une forme de subventionnement d’organisations, soit associatives étudiantes, soit syndicales étudiantes, à travers les placards publicitaires des différentes mutuelles, que ce soit la MNEF ou les mutuelles régionales, et les publications de ces différentes instances. Quel est votre sentiment sur ce point ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Les opérations d’aide aux associations étudiantes ou de partenariat avec telle corporation locale sur telle ou telle opération ne devrait pas, non plus, à mon sens, être intégrées dans la communication, au sens publicitaire du terme, puisque ce n’est pas un logo qui vous donne un impact particulièrement fort.

En revanche, c’est quelque chose que je considère comme absolument nécessaire et faisant partie de notre vocation de structuration du monde étudiant et d’animation de la vie étudiante. Encore une fois, tout dépend de la conception que vous avez de la lutte contre le mal-être étudiant.

L’une des choses - pour avoir vu différentes facultés, je peux en témoigner personnellement - qui est quand même dommageable et qui constitue l’une des causes du mal-être étudiant, c’est le problème de la solitude, l’absence de vie sociale. Or, tout le travail associatif vient lutter contre cela. Prenons l’exemple de la région Ile-de-France où arrivent des étudiants qui ne connaissent personne sur le site : s’ils arrivent sur un campus où l’on vient juste prendre ses cours avant de retourner dans leur chambre en ville ou en cité, certains d’entre eux, déjà fragiles, se trouveront l’être encore plus. Le tissu associatif est là pour animer le campus et décloisonner les gens.

En conséquence, j’estime que l’action des associations est une action saine pour l’étudiant et pour la qualité de vie étudiante.

Je prends en compte l’hypothèse d’un étudiant qui est en situation de difficulté pour lutter contre ce sentiment de mal-être qui se développe chez des gens qui sont généralement déjà fragiles mais, de surcroît, isolés.

Par ailleurs, il existe des subventions destinées à des opérations festives et à des associations dont certaines étaient invitées aux états généraux de la santé que nous avons organisés récemment, qui ne sont pas des associations étudiantes au sens où elles ne se présentent pas à des élections, mais qui aident les étudiants. C’est le cas de l’association Cassiopée à Angers qui est une association d’étudiants en psychologie qui s’occupe précisément de récupérer des jeunes dont on voit qu’ils sont en situation de souffrance morale ou qu’ils commencent à perdre un peu pied, et qui cherche à prévenir les dégâts en tentant de les réinsérer et de les aider à évacuer leurs problèmes.

M. le Président : Permettez-moi de vous interrompre mais de ce problème du mal-être étudiant, nous en avons beaucoup entendu parler.

Hier, le directeur de la CNAM nous a dit que, par rapport aux autres couches de la population, la situation était loin d’être beaucoup plus grave qu’ailleurs. Il nous a dit que l’angoisse, le stress de perdre son travail étaient sans doute beaucoup plus forts que celui de ne pas en trouver : on peut discuter sur tout ce que l’on veut...

Cela étant, est-ce que votre observation qui a été formulée par de nombreux autres intervenants est fondée sur des données chiffrées par rapport à d’autres périodes, car c’est ainsi qu’il faut poser le problème puisque vous faites état d’une aggravation.

Nous écoutons et nous entendons bien que des couches de population arrivent de plus en plus nombreuses à l’université même si le milieu étudiant continue à ne pas être totalement représentatif de la population française dans la mesure où il est plus favorisé, mais avez-vous, sur ce point, des indications précises à nous fournir ?

M. Vincent SALETTE : Le Comité français d’éducation à la santé - le CFES - qui fait des études statistiques sur l’état de santé de la population française, et en particulier des jeunes avec une catégorisation par tranches d’âge, détient des chiffres qui prouvent notamment - ce qui est une donnée fréquemment reprise - que c’est en France qu’il y a le plus fort taux de suicides des 18-25 ans, en Europe.

M. le Président : J’ai justement des chiffres là-dessus : sur les 20-24 ans, en 1980, on enregistrait 685 suicides en France - ce sont des chiffres terribles - on enregistrait le même nombre en 1985, 552 suicides en 1990 et 600 en 1995.

Autrement dit, en quinze ans, le taux a baissé de façon importante même si je sais bien que ce chiffre s’applique à tous les jeunes en France et que je n’ai pas celui qui ne concerne que les étudiants... Mais il faut faire la différence - Monsieur le rapporteur vous le dira - entre les tentatives de suicide et les suicides réussis. Ces chiffres se rapportent à la mortalité par suicide : j’attire votre attention sur ce point !

Si vous en possédez, je souhaiterais avoir des indications précises en termes, par exemple, de tentatives de suicides, année par année, sur les différents campus.

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Si vous me le permettez, je ferai, Monsieur le président, une remarque méthodologique : si les chiffres baissent, c’est précisément parce que nous agissons. Nous ne sommes pas là en train de dire : " Nous voudrions faire ceci ou cela ".

L’action des mutuelles étudiantes, précisément pour limiter le mal-être étudiant, existe et se développe depuis des années. Donc l’une des raisons, peut-être, pour lesquelles les chiffres ne sont pas mauvais - et on aimerait qu’ils soient meilleurs - c’est qu’à tous les niveaux et pas seulement à celui de la rapidité du remboursement des soins, nous ne nous croisons pas les bras.

Nous pensons qu’il y a des marges d’amélioration qui sont encore importantes, mais je ne suis pas là pour faire du catastrophisme sur le monde étudiant parce que, justement, je considère que nous ne faisons pas trop mal notre travail, même s’il est vrai que nous pourrions encore mieux le faire.

Nous vous transmettrons les chiffres que nous avons collectés à partir d’une enquête qui a porté sur 14 500 personnes - nous n’avions pas les moyens de réaliser un sondage BVA - prises au hasard, ce qui est un échantillon, à mon avis, suffisamment important pour être quand même intéressant et représentatif. Il en ressort qu’il y a quand même pas mal de gens stressés.

Pour moi, 100 % des étudiants sont stressés, notamment du fait de l’angoisse des examens, de la mauvaise orientation, etc. Or, ce n’est pas tant le chiffre du stress qu’il convient de prendre en compte que celui des gens qui arrivent mal à surmonter leur stress, car ceux-là sont en train d’entrer dans une spirale descendante. Ce chiffre est important - personnellement il m’a beaucoup frappé - puisqu’il est supérieur au tiers de la population étudiante. C’est quelque chose qui ne me fait pas plaisir.

Que les étudiants soient stressés est normal puisque c’est un phénomène qui touche tout le monde, ainsi que le disait le directeur de la CNAM, mais le fait de ne pas réussir à gérer son stress et de s’enferrer dans une spirale est beaucoup plus inquiétant, surtout pour un jeune qui a fait un investissement dans une formation et qui voit que son investissement et celui de sa famille déboucheront sur un grand néant économique. C’est une situation particulièrement problématique !

M. le Rapporteur : J’entends bien vos propos sur le mal-être et les façons de lutter contre mais, a contrario, le fait qu’il soit extrêmement difficile de parvenir à séparer les fonds mutualistes et les remises de gestion amène à se demander s’il est complètement légitime que des fonds appartenant à la sécurité sociale servent à subventionner des équipes de football étudiantes ou un certain nombre d’activités de ce genre. Cela pose le problème de savoir si l’argent de la sécurité sociale doit servir à cela.

Le fait qu’il n’y ait pas clairement séparation des différentes activités sur le plan comptable conduit à se poser la question.

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Il faut parvenir à cette comptabilité analytique même si je pense, pour m’être penché sur la question, qu’il ne s’agit vraiment pas de quelque chose de simple, ni surtout d’objectif. Il faut pourtant réussir à l’avoir parce que ce débat sur l’utilisation de l’argent de la sécurité sociale est irritant pour qui a le sentiment de bien faire son travail et de le faire au meilleur coût en consentant des efforts pour cela.

Il faudra donc en venir à cette comptabilité analytique, même si les critères de répartition sont arbitraires. Quand j’utilise un stylo en tant que salarié, je voudrais savoir quel est le pourcentage de sécurité sociale et de complémentaire dont il relève : ce n’est pas évident à déterminer... Or, que je ne fasse que de la sécurité sociale ou que de la complémentaire, j’aurai besoin du même stylo. Où se situe le début de la sécurité sociale et celui de la complémentaire ? C’est la même chose pour un investissement informatique. L’exemple du stylo est bien sûr ridicule, mais il peut être projeté sur des domaines beaucoup plus importants. Si vous faites de la complémentaire et de la sécurité sociale, vous n’investissez pas en informatique comme si vous ne faisiez que de la complémentaire mais vous ne savez pas, si tel était le cas, quel investissement vous auriez fait.

M. le Président : C’est un problème qui se pose à tout entreprise qui a deux activités.

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Peut-être, mais je veux dire que les choses ne sont pas simples à discriminer. S’il faut un discrimant arbitraire, on peut décréter que l’on prend 75 % ou 50 %, par exemple, sans autre justification que le fait d’avancer un chiffre : à la limite, pourquoi pas ? Le tout, c’est que le chiffre soit négocié par les opérateurs et qu’il paraisse acceptable, réaliste aux uns et aux autres. Mais alors, il ne s’agit plus d’une appréciation objective des coûts : on revient à un système de négociation.

Que l’on y parvienne serait, cependant, une bonne chose, ne serait-ce que pour évacuer ce débat qui fait un peu mal au cœur.

M. le Président : J’en arrive maintenant à des questions sur les administrateurs dont on a beaucoup parlé, notamment à propos de leurs rémunérations. Est-ce que tous les administrateurs doivent être étudiants puisqu’on en a vu qui ne l’étaient pas ? Est-ce une obligation ou une condition purement facultative ? Est-il normal qu’ils soient indemnisés et, si oui, estimez-vous indispensable de fixer un plafond ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Je parle pour les mutuelles régionales : je ne veux pas dire du mal des autres et je parle de ce que je connais.

Pour ce qui les concerne, leurs conseils d’administration sont composés d’étudiants. Il existe aussi ce qu’on peut appeler des membres honoraires : je viens de finir ma thèse et l’année prochaine, si tout va bien, je ne serai plus étudiant mais maître de conférence. Pour autant, je ne vais pas quitter, du jour au lendemain, le conseil d’administration d’une mutuelle régionale ou la présidence de l’USEM et je basculerai donc dans l’honorariat.

M. le Président : Cela dure combien de temps ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Premièrement, il existe un nombre maximum de membres honoraires ; deuxièmement, ils ne le restent pas durant des siècles, puisqu’ils sont appelés à développer leur vie professionnelle à l’extérieur de la mutualité régionale. Dans les mutuelles régionales, l’hypothèse de membres honoraires de cinquante ans, ne se rencontre pas ; troisièmement, dans notre vision des choses, nous ne pouvons, de toute manière, pas fonctionner autrement qu’avec des étudiants et de vrais étudiants, faute de quoi, nous nous coupons du terrain. Toute notre légitimité et toute notre capacité à nous adapter au terrain tiennent justement au fait d’avoir des conseils d’administration et des assemblées générales qui sont proches des facultés et du siège social.

Par conséquent, pour nous, mutuelles régionales, l’animation du conseil d’administration par les étudiants est un phénomène réel, qui correspond à notre tradition et qui est, de toute façon, rendu nécessaire par l’échelon local où notre action s’exerce.

Pour ce qui est de l’indemnisation, il n’est pas fréquent que les administrateurs soient indemnisés. Là encore, cela répond à notre doctrine en tant que mutuelle régionale : il y a des mutuelles régionales qui en font un interdit jugeant que c’est malsain et il y a d’autres qui estiment que si un étudiant s’est particulièrement dévoué sur un dossier ou une action particulière, que cela lui a fait perdre du temps pour la préparation de ses examens, ou qu’il est en difficulté, cela mérite d’être pris en compte.

Cette indemnisation, dans les marges légales, n’atteint pas nécessairement le maximum et reste, à notre niveau, quelque chose d’assez peu fréquent.

M. le Président : Et quelles sont les marges légales, selon vous ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Vous n’avez pas le droit d’indemniser un administrateur au-delà d’un SMIC annuel net. Il nous est arrivé, par exemple à la mutuelle des étudiants de Provence, d’indemniser à hauteur de 50 000 F, peut-être trois fois en cinq ans : c’est le plafond que nous avons retenu.

La réflexion sur l’indemnisation des administrateurs est en cours à la FNMF. Il y a un équilibre à trouver : si quelqu’un est engagé dans la vie professionnelle, qu’il est trop pris par cette dernière pour assurer correctement son mandat, la technostructure prend alors un poids trop important ; si, à l’inverse, vous voulez rémunérer les administrateurs ou ne serait-ce que les membres du bureau, vous changez l’esprit de la mutualité dans un sens qui n’est pas nécessairement souhaitable. En tout cas, cela me déplairait et déplairait aux mutuelles régionales mais cela renvoie à la réflexion de la FNMF et nous sommes curieux de voir comment elle va avancer sur ce sujet et trouver un équilibre entre ces positions.

Maintenant, pour répondre précisément à votre question, je dirai qu’au niveau des mutuelles régionales, ce n’est pas une pratique fréquente. Ces versements sont de l’ordre de l’indemnité exceptionnelle - c’est ainsi que le code de la mutualité les appelle - pour des montants qui n’arrivent pas au maximum, hormis quand il s’agit d’un investissement pérenne d’une personne qui a sacrifié certaines opportunités dans sa propre vie étudiante et qui, le plus souvent, jouent sur des petites sommes destinées à des personnes qui se sont investies, très ponctuellement, dans un projet particulièrement lourd, difficile, qui s’est avéré réussi et pour lequel tout le monde lui doit de la reconnaissance.

M. le Rapporteur : Vous soulignez que l’un des soucis des mutuelles régionales est d’être au plus près du terrain et donc que leurs conseils d’administration soient l’émanation de la population étudiante.

Pouvez-vous nous expliquer comment sont organisées les élections au niveau des assemblées générales et du conseil d’administration ? Fonctionnez-vous en listes associatives, syndicales ou s’agit-il de candidatures spontanées ? Quel est le système électoral qui permet d’obtenir une représentation ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Pour ce qui est de la représentation, il y a deux choses dont il m’apparaît qu’elles doivent être évoquées sans " langue de bois ".

Premièrement, il y a la représentation de l’assemblée générale, du conseil d’administration qui se fait par voie d’élections et celle qui se fait par voie de cooptation.

Certaines cooptations sont fréquentes et elles ont lieu précisément parce que tel président d’association, d’une " corpo " par exemple, s’est intégré au groupe humain et veut faire quelque chose qui cadre avec nos vocations.

Il y a aussi un renouvellement des instances qui se fait par le biais de la cooptation au niveau des conseils d’administration et que l’assemblée générale ratifie ou ne ratifie pas.

Deuxièmement, pour ce qui est des processus électoraux, ils sont réglés par le code de la mutualité ou par les statuts types qui sont respectés : en certains endroits, il n’y a qu’une liste, en d’autres, il y en a plusieurs. Il y a parfois des luttes électorales - cela avait été le cas pour la SMEREP, il y a quelques années - entre des fractions qui ne s’apprécient pas ce que, à titre personnel, je trouve un peu regrettable, l’esprit de la mutualité visant à atteindre le consensus et non pas l’affrontement : c’est en tout cas, ainsi que je vois les choses.

C’est pourquoi le fait d’avoir des listes - la liste UNEF-ID, la liste FAGE, la liste UNI, la liste UNEF, la liste PDE comme à l’élection du CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) - est quelque chose que j’essaie de ne pas trop encourager et les interlocuteurs associatifs en sont d’ailleurs assez d’accord.

M. le Rapporteur : Oui, mais en pratique, cela se passe bien comme cela ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Non, en pratique, la plupart du temps, les syndicats étudiants ne présentent pas une liste syndicale pour les élections. Ce qui s’est passé à la MNEF, où l’on a quand même vu se présenter des listes syndicales de différentes tendances, est quelque chose que nous ne connaissons pas et qui n’est pas nécessairement très heureux car la syndicalisation de la mutualisation n’est pas une bonne chose, de même que la mutualisation des syndicats n’est pas nécessairement une bonne chose.

M. le Rapporteur : Vous me parliez de la cooptation dans les conseils d’administration. Quelle est la part des personnes cooptées dans un conseil d’administration standard d’une mutuelle régionale ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : Je n’ai pas fait d’études sur chaque mutuelle régionale, je vous parlerai donc de la mienne : il y a une vingtaine d’administrateurs dont trois sont cooptés par an, sachant que le conseil d’administration est, de toute manière, renouvelé par tiers chaque année. Donc cela fait une moyenne de trois sur vingt. Le dernier cas que je peux vous citer en exemple est celui d’un étudiant parti travailler en Irlande, que l’on avait pris parce qu’il était un responsable associatif particulièrement actif et que l’on a remplacé par son successeur dans la mesure où il s’entend bien avec l’équipe, fait également preuve de dynamisme et semble plaire aux étudiants... Voilà : c’est aussi simple que cela !

M. le Rapporteur : L’accent a été mis, depuis quelque temps, sur les problèmes de diversification et de filialisation qui ont eu cours dans la mutualité étudiante avec, en particulier des activités qui entraient très largement dans le champ commercial. Or, il n’est pas sûr que ces modalités de diversification de la mutualité étudiante soient conformes au développement moral, intellectuel et physique prévu par le législateur de 1948. Qu’en pensez-vous et est-ce que cette pénétration dans le champ économique et assurantiel vous semble une évolution normale ou une pratique devant être maîtrisée et encadrée ?

M. Philippe STOFFEL-MUNCK : La création de filiales qui font des opérations commerciales s’éloignant de plus en plus de l’idée de participer et de contribuer au bien-être de l’étudiant sur son campus est quelque chose qui concerne très faiblement les mutuelles régionales de l’USEM.

J’ai posé la question aux uns et autres avant de me rendre à votre invitation, et l’on m’a indiqué que la politique de filialisation et de diversification commerciale aussi bien pour la SMEBA, la SMEREP, la SMECO, la MEP, la SMENO ou la SMERAG n’avait pas été relevée comme étant importante ou problématique si ce n’était en raison de la cascade de contrôles qui s’est abattue sur nous par un phénomène d’attraction, au cours de cette année.

Donc, en tant que mutuelles régionales, nous ne nous sentons pas très concernées par ce phénomène.

Quant à savoir si c’est quelque chose qui doit être maîtrisé, je répondrai : oui ! Si quelqu’un se diversifie - et je parle peut-être pour les autres - dans des opérations qui sont très éloignées du bien-être étudiant, à mon avis, il n’est plus vraiment dans son objet social, ce qui n’a pas lieu d’être en vertu du principe de spécialité qui vaut pour nous aussi. Les imprimeries et autres activités commencent à devenir très éloignées du bien-être étudiant, ce n’est donc pas quelque chose vers quoi nous souhaitons évoluer. C’est là un sentiment qui est quand même partagé par les étudiants et donc par nos administrateurs et les membres de nos bureaux : au sein du conseil d’administration de l’USEM, il n’y a pas vraiment de débat sur ces questions.

M. le Président : Je vous remercie, Monsieur le président, pour ces échanges qui ont été très francs et qui nous ont permis de mieux comprendre la situation de la sécurité sociale étudiante.

Je vous rappelle que je souhaiterais que vous nous fassiez parvenir l’enquête que vous avez mentionnée car il nous semble important, pour parfaire notre information, d’avoir des données chiffrées. Par avance, je vous en remercie.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr