Présidence de M. Alain TOURRET, Président

M. Plantagenest est introduit.

M. le président lui rappelle que les dispositions relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Plantagenest prête serment.

M. le Président : Nous avons souhaité vous entendre en raison des fonctions importantes que vous avez exercées à la MNEF, pendant sept années, ainsi qu’en raison des responsabilités qui ont été les vôtres au sein de la filialisation et de la diversification de la MNEF.

Au cours d’un exposé liminaire, vous allez nous décrire vos anciennes fonctions, les raisons pour lesquelles vous avez quitté la MNEF, et les propositions que vous pouvez nous faire dans le cadre d’une éventuelle réforme de la mutualité étudiante.

M. Philippe PLANTAGENEST : Mon introduction sera extrêmement brève. J’ai été salarié de la MNEF de 1988 à 1996. J’ai occupé plusieurs fonctions : attaché de direction, chef ou directeur de cabinet pendant quelques années, et ensuite responsable des services aux étudiants. A ce titre, mes fonctions s’apparentaient à celle d’un directeur de cabinet dans un ministère, pour prendre une référence administrative ou à celles d’un secrétaire général dans une entreprise, c’est-à-dire que j’étais chargé de la coordination des services et des relations avec les élus étudiants, administrateurs nationaux et locaux, et des relations avec les pouvoirs publics.

Au titre de la coordination, j’ai assuré l’animation d’un certain nombre de filiales commerciales de la MNEF, pendant cette période.

Je suis resté à la MNEF environ sept années. J’en suis parti de façon inopinée, à la suite d’un licenciement décidé en 1996.

De cette expérience je pourrais tirer deux conclusions. La première est que ce sont les mutuelles étudiantes qui gèrent la sécurité sociale étudiante et qu’il y existe un grand flou dans la répartition des missions, entre leurs activités propres, qui sont des activités de droit privé, et leurs missions de service public, de gestion des prestations du régime obligatoire de base d’assurance maladie.

Les mutuelles étudiantes vont au-delà du service des prestations, en raison du système de concurrence et de l’évolution des besoins des étudiants. Depuis qu’elles assurent ces missions de service public, ce problème de la distinction des activités des mutuelles étudiantes n’a jamais été réglé ni de façon interne, ni par la réglementation.

La deuxième chose est que la MNEF a suivi, sans doute, le mouvement général de diversification entrepris par bon nombre de mutuelles. La MNEF avait des spécificités parce qu’à la différence des autres mutuelles, elle s’est surtout intéressée aux problèmes concernant le milieu universitaire. Mais même à ce niveau, son action n’a sans doute pas été, sur le fond, indépendamment même de la façon dont les choses ont été dirigées, suffisamment précisée, encadrée et organisée.

Je ne peux en dire beaucoup plus à cette étape. Je suis à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

M. le Président : Selon vos déclarations, le directeur général avait un cabinet. Combien de membres le composaient et quelle était leur rémunération moyenne ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Il y avait une douzaine de collaborateurs, plus des secrétaires. Cela constituait un service à l’intérieur de la MNEF.

M. le Président : Douze collaborateurs, c’est énorme !

M. Philippe PLANTAGENEST : Oui, c’est beaucoup.

M. le Président : Que faisaient-ils ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Certains travaillaient dans le service juridique. Deux collaborateurs étaient les juristes de la MNEF. D’autres membres s’intéressaient aux aspects universitaires, ils s’occupaient notamment des relations avec les universités. Certains étaient chargés des relations avec les autres mutuelles, car la MNEF entretient de nombreuses relations avec d’autres mutuelles. D’autres enfin avaient la responsabilité des relations avec les caisses de sécurité sociale.

M. le Président : Quelle était la rémunération moyenne d’un membre du cabinet ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Elle allait de 15 000 à 25 000 F par mois.

M. le Président : Tout le monde travaillait ou bien y avait-il des emplois fictifs parmi ces douze personnes ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Je n’ai vu aucun emploi fictif.

M. le Président : Vous nous avez parlé de votre départ. Il nous a été indiqué que les salariés de la MNEF étaient des gens exceptionnels qui restaient en général très longtemps, au moins quinze ans. Or, nous avons noté qu’un certain nombre de cadres importants ont quitté la MNEF entre 1996 et 1998, dont Mme Obadia, M. Zwirn, M. Delmas et vous-même. Cela en fait déjà quatre.

Pourquoi ces cadres supérieurs ont-ils quitté la MNEF entre 1996 et 1998 et dans quelles conditions financières ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Je peux répondre en ce qui me concerne. J’ai travaillé sept ans à la MNEF. Pendant cinq années, je peux dire que j’ai travaillé dans un climat satisfaisant. Les relations, notamment avec le directeur général de la MNEF, se sont dégradées et les choses se sont terminées, comme le plus souvent dans une entreprise, par le départ du salarié qui ne correspond plus à ce que l’on souhaite à ce moment-là. J’ai donc été licencié, sans indemnités.

M. le Président : Pour faute ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Tout à fait.

M. le Président : Il y a la faute grave et la faute lourde.

M. Philippe PLANTAGENEST : Faute grave. On m’a accusé d’avoir engagé la MNEF de façon abusive, dans une diversification qui avait donné de mauvais résultats, notamment dans le domaine du logement étudiant.

M. le Président : Vous savez que la faute grave doit être invoquée dans les deux mois de sa réalisation. Une politique générale de diversification n’a jamais été considérée comme une faute grave. J’imagine donc vous avez dû négocier votre départ...

M. Philippe PLANTAGENEST : Je n’ai pas négocié mon départ.

M. le Président : Vous n’avez touché aucune indemnité ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Je n’ai pas eu cette occasion. Je le regrette vivement, mais c’est ainsi.

M. le Président : Vous êtes-vous fait conseiller là-dessus ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Très franchement, à cette époque, la chose m’a tellement dégoûté, si je puis m’exprimer ainsi, que je n’ai rien fait. A posteriori, je me dis que j’ai sans doute été léger.

M. le Président : Lorsque vous avez travaillé avec le directeur général de la MNEF, comment s’est organisé votre travail avec lui ? Quel était, en particulier, le rôle des organismes représentatifs, à savoir le conseil d’administration et le bureau du conseil d’administration ? Quel était le rôle du président et du trésorier ?

M. Philippe PLANTAGENEST : La MNEF fonctionnait, si je me réfère à ce que j’en comprenais à cette époque, exactement comme une entreprise avec un directeur général chargé de régler non seulement l’ensemble des questions quotidiennes, mais aussi l’ensemble des questions importantes qui se posaient.

Le conseil d’administration existait. Il prenait des décisions, mais composé d’étudiants exerçant pour peu de temps cette fonction et relativement jeunes, - fait inéluctable pour une mutuelle ayant des adhérents du même âge - le conseil d’administration jouait plus un rôle de contrôle moral que d’animation effective de la mutuelle. De ce point de vue, la mutuelle des étudiants avait un fonctionnement différent de celui d’autres mutuelles où les administrateurs sont présents depuis beaucoup plus longtemps et ont un pouvoir beaucoup plus fort.

Les membres du cabinet se réunissaient toutes les semaines, le mardi autant que je me souvienne. On traitait notamment toutes les questions de relations avec les pouvoirs publics. La MNEF, à cette époque, avait un volume important de projets en cours, avec le ministère de l’Education nationale et le ministère des Affaires sociales. L’essentiel du travail était là.

Cette réunion associait, en présence du directeur général, les membres du bureau du conseil d’administration, c’est-à-dire le président, le secrétaire général et le trésorier et parfois, selon les cas, d’autres membres du bureau, ainsi que les membres du cabinet. Ce fonctionnement m’apparaissait assez logique, bien qu’assez lourd.

M. le Président : Quels étaient les rôles du président et du trésorier à la MNEF ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Dans le cadre de son activité quotidienne, le président travaillait essentiellement sur des problèmes de représentation et de liaison avec les autres mutuelles. Il présidait le conseil d’administration qui se réunissait tous les deux mois, et l’assemblée générale, une à deux fois par an. La participation des élus étudiants, au travail quotidien de la maison, était en fait relativement faible.

M. le Président : N’y avait-il pas une certaine fiction, dans la présence à ces conseils d’administration, d’un président et d’un trésorier, qui normalement doivent non seulement définir toute la politique à venir, mais aussi contrôler tous les comptes, préparer les délibérations et en discuter au sein du conseil d’administration ? Selon vos indications, le rôle de ces représentants se situait plutôt sur le terrain de l’intervention sociale ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Leur rôle n’était pas fictif. Le président, le secrétaire général et le trésorier étaient présents et associés à l’ensemble des décisions. Par ailleurs, ce fonctionnement était très atypique, au regard de ce qui se passe dans la majorité des mutuelles où les administrateurs sont beaucoup plus présents.

M. le Président : Le commissaire aux comptes était-il un étudiant ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Non, le commissaire aux comptes était choisi à l’extérieur, de la même façon que tous les commissaires aux comptes des entreprises.

M. le Président : Ce commissaire a-t-il alerté, à quelque reprise que ce soit, vous-même, le conseil d’administration ou les pouvoirs publics sur certains dysfonctionnements qu’il aurait pu remarquer ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Non, il ne l’a pas fait, à ma connaissance. Pendant les deux années où j’assumais certaines fonctions, il a certifié les comptes avec des réserves. Ces dernières tenaient notamment au fait que la MNEF avait connu, une dizaine d’années auparavant, une situation financière préoccupante et que sa marge financière de sécurité n’était pas encore atteinte.

Le commissaire aux comptes certifiait donc ces comptes avec réserve et les a, autant que je me souvienne, certifiés sans réserve, la troisième fois où j’ai eu à connaître de ces questions.

M. le Président : Qui choisissait le commissaire aux comptes ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Il était en place depuis un certain temps. Il avait été nommé par le conseil d’administration. J’imagine qu’il avait été choisi, à l’époque, par le directeur général.

M. le Président : Vous êtes resté environ pendant sept ans, en qualité de responsable du cabinet.

M. Philippe PLANTAGENEST : Oui.

M. le Président : Y a-t-il eu la mise en place d’une politique visant à assurer la formation des élus étudiants ? On se trouve dans la situation d’avoir de très jeunes étudiants - 22 ou 23 ans - qui sont mis soudainement à la tête d’un organisme qui compte 400 millions de francs de ressources, sept cents salariés... Ce sont des responsabilités énormes. Qu’avez-vous entrepris pour les aider à exercer leurs fonctions ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Je n’ai connaissance d’aucune mise en place, au sens classique, d’une formation professionnelle. Néanmoins, il y avait une volonté en ce sens du bureau, notamment du président et du secrétaire général, et un grand nombre de réunions quasi mensuelles ont associé la plupart des élus étudiants au niveau local.

En effet, la MNEF avait un conseil d’administration national, mais également et surtout des conseils d’administration locaux qui animaient la vie des sections. Autant au niveau national, les élus étudiants jouaient un rôle faible, autant au niveau local, ils étaient beaucoup plus présents dans la vie quotidienne des sections locales de la MNEF qui étaient le lieu où les étudiants se rendaient. Les deux situations coexistaient.

D’assez nombreuses réunions de formation des élus étudiants ont donc eu lieu qui portaient sur la politique mutualiste. Il convient de souligner qu’il n’y en a pas eu, à ma connaissance, sur les questions ayant trait à la vie classique d’une entreprise.

Je suppose que votre question sous-tendait l’idée que les étudiants, chargés notamment de contrôler les comptes, auraient dû suivre une formation spécifique. Cette formation spécifique, sur les questions économiques, n’a pas eu lieu.

M. le Président : Certains de ces étudiants, qui étaient administrateurs, nous ont dit qu’ils travaillaient dix à douze heures par jour pour la MNEF, qu’ils se consacraient totalement à leurs responsabilités. Quel était, pour vous qui les avez connus, le temps moyen passé par un président, trésorier ou simple administrateur de la MNEF ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Le président avait au moins le niveau d’activité et de présence d’un salarié. Il exerçait une activité à plein temps, pour le compte de la MNEF, essentiellement de représentation dans les milieux de l’économie sociale. Son activité était extrêmement soutenue. Il en allait de même du secrétaire général. Les trésoriers, car il y en a eu plusieurs, avaient une présence effective plus inégale.

Quant aux autres administrateurs, leur activité était beaucoup plus faible. La plupart d’entre eux se contentaient d’assister aux réunions des conseils d’administration. Les membres du bureau, hormis le président, le secrétaire et le trésorier, passaient au moins un tiers de leur temps au service de la mutuelle.

Le bureau du conseil d’administration était composé d’une dizaine de membres : un président, des vice-présidents, un secrétaire général, un secrétaire général adjoint... Une équipe existait dont tous les membres consacraient une grande partie de leur temps, si ce n’est même un plein temps, à leurs fonctions.

M. le Président : Nous avons entendu les responsables de la MGEL qui estiment que les administrateurs, y compris le président, ou le trésorier, qui ont les postes de direction, ne doivent pas être rémunérés et aucun ne l’est à la MGEL. En revanche, on a pu constater que le président du conseil d’administration de la MGEL n’était pas étudiant et qu’il était âgé d’environ 32 ou 33 ans. Je voudrais que vous nous fassiez part de vos réflexions sur une éventuelle ou nécessaire indemnisation des membres du conseil d’administration et sur le fait que des membres non étudiants soient administrateurs.

M. Philippe PLANTAGENEST : Quand je suis arrivé à la MNEF, l’ensemble de cette mutuelle était acquise à l’idée qu’il fallait rompre avec le passé. Après 1968, la MNEF a beaucoup tangué en liaison avec les difficultés du syndicalisme étudiant. Tout le monde, y compris les pouvoirs publics à l’époque, avaient estimé que la valse des dirigeants, des administrateurs, des présidents était trop fréquente, et tout à fait incompatible avec la mise en place d’une politique durable.

L’idée qui prévalait était celle d’une nécessaire stabilité. Elle a été, à tort ou à raison, incarnée par la montée en puissance d’une direction générale professionnelle et non soumise à des élus étudiants.

Dans le même ordre d’idée, la MNEF a tenté, indiscutablement, de stabiliser deux ou trois responsables de la mutuelle qui étaient rémunérés, en utilisant une disposition du Code de la mutualité, pour en faire des représentants semi-professionnels. C’est extrêmement difficile. Les mutuelles étudiantes régionales ont une politique différente, qui varie selon les mutuelles.

Certaines avaient des administrateurs qui changeaient très souvent, d’autres les maintenaient très longtemps. Le mode de fonctionnement des mutuelles étudiantes ne peut, en raison de la qualité de ses adhérents, être calqué strictement sur celui des autres mutuelles, où l’âge des administrateurs est assez élevé. Certains sont même restés trente ou quarante ans administrateurs dans une mutuelle.

Les deux écueils lorsque les administrateurs sont étudiants, sont les suivants. Soit ils ne restent que trois ans, ce qui ne favorise pas la continuité d’une politique, soit ils sont stabilisés et ils deviennent en fait des professionnels. Je comprends que l’on puisse imaginer qu’ils ont ensuite trop d’intérêts communs avec les dirigeants salariés de la mutuelle, et que ceci soit contraire à leur indépendance.

Il y a sans doute un compromis à trouver, mais je ne suis pas sûr que la MNEF l’ait trouvé. Toutefois, je suis certain que la mise en place de cette forme d’organisation découlait d’une volonté, très présente à l’époque, d’une stabilisation d’une maison qui avait beaucoup tangué dans le passé. Peut-être a-t-on été trop loin.

M. le Rapporteur : Vous étiez donc directeur de la diversification et des filiales.

M. Philippe PLANTAGENEST : Oui, à un moment donné.

M. le Rapporteur : Quelle était la décision politique à l’origine de cette diversification et aviez-vous l’impression, au poste qui était le vôtre, de connaître l’ensemble des filiales et sous-filiales qui se dissimulent derrière des unions économiques et sociales ?

M. Philippe PLANTAGENEST : La diversification avait commencé avant mon arrivée. Elle s’est beaucoup développée pendant la période où j’étais à la MNEF. En réalité, j’ai eu très peu de temps le titre de directeur de la diversification. Ensuite, je suis devenu directeur des services aux étudiants, poste quelque peu différent car je ne m’occupais pas de l’ensemble des filiales. Je connaissais leur existence sur le papier et à travers les organigrammes, mais je ne connaissais pas le détail de l’ensemble des filiales.

Je travaillais notamment avec les filiales qui s’intéressaient aux problèmes d’aménagement universitaire, de logement étudiant et de restauration universitaire.

M. le Rapporteur : Nous avons interrogé plusieurs membres du conseil d’administration qui nous ont indiqué que, lors des conseils d’administration, ils décidaient du montant des fonds qui iraient à l’UES Saint-Michel ou à la filiale Raspail Participations et Développement, mais qu’ensuite ils n’en connaissaient pas l’emploi.

Vous qui avez exercé des fonctions au sein de la direction générale, du côté de la technostructure, vous ne connaissiez pas réellement les montages entre les différentes filiales ou sous-filiales. Nous en avons dénombré, pour notre part, environ 60 ou 70.

M. Philippe PLANTAGENEST : Je n’irai pas jusque là. J’ai dit que je ne connaissais pas l’ensemble du détail de l’activité de chacune de ces filiales. A moins que des éléments m’aient échappé ou que je n’ai pas tout su, j’avais l’impression, à l’époque du moins, de connaître les flux financiers existant entre la maison-mère et les filiales. Me suis-je trompé, je ne le sais pas encore.

M. le Rapporteur : Lors de votre passage au cabinet du directeur général de la MNEF, avec des responsabilités importantes, avez-vous vu fonctionner, hormis le conseil d’administration, l’association les Amis de la MNEF et le comité national consultatif ?

M. Philippe PLANTAGENEST : S’agissant de l’association les Amis de la MNEF, non. C’est une association à laquelle je ne participais pas. Elle organisait un certain nombre de colloques avec des personnalités qui étaient d’ailleurs considérées comme devant jouer un rôle dans la formation des élus étudiants. Quant à son fonctionnement propre, je n’en ai pas été le témoin.

Le comité national consultatif a été mis en place, autant que je m’en souvienne, peu de temps avant mon départ. Je ne l’ai jamais vraiment vu fonctionner, mais on en parlait. Peut-être n’était-il pas encore actif lorsque j’étais à la MNEF ou que je n’en ai pas été le témoin direct.

M. le Rapporteur : L’objet de ce comité national consultatif était-il d’éclairer la mutuelle sur tel ou tel point de décision politique à prendre ou était-ce simplement un instrument de lobbying ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Honnêtement, les deux. La MNEF a ceci de particulier que nombre de personnes ont été ses administrateurs pendant leurs années d’études, et ont eu par la suite des carrières diverses. La MNEF avait donc le souci légitime de maintenir des liens avec eux et de voir en quoi ces personnalités pouvaient lui être utile. A cette époque, cela ne me paraissait pas anormal.

M. le Rapporteur : A titre personnel, avez-vous exercé d’autres fonctions, rémunérées ou non, dans les mutuelles dites " sœurs ", dans les différentes filiales ou sous-filiales à statuts divers, SARL, SA, UES ? A titre personnel, avez-vous exercé des responsabilités dans d’autres structures ou chez des prestataires de services de la MNEF ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Chez des prestataires de services, jamais. A titre personnel, j’ai été directeur général d’une des holdings de la MNEF qui s’appelait Raspail Participations et Développement. Je ne détenais aucune part du capital de cette société.

M. le Rapporteur : Lorsque vous avez été licencié de la MNEF, avez-vous également été licencié de Raspail Participations et Développement ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Je n’avais pas à être licencié, j’étais directeur général. Il suffisait qu’une assemblée générale me remercie. On m’a demandé de démissionner de toutes les fonctions que j’exerçais le jour où j’ai été licencié. Peut-être à tort, j’ai accepté, mais cela n’avait pas beaucoup d’importance puisque c’étaient des fonctions de directeur général d’une SA. Il suffit qu’une assemblée générale change de directeur général, cela n’est qu’un problème purement formel. Je ne disposais d’aucune action de cette société.

M. le Rapporteur : Dans le cadre de vos fonctions, avez-vous vu des personnes membres du conseil d’administration, ou appartenant aux services administratifs de la MNEF, exercer d’autres fonctions dans d’autres filiales ? Si oui, quand elles s’adressaient à vous, le faisaient-elles en qualité de représentant de la MNEF ou à un autre titre, et lequel ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Très franchement, non. A cette époque, je n’ai pas eu le sentiment d’une interpénétration abusive. Ai-je eu tort ou raison, je ne le sais pas encore.

M. Jean-Paul BACQUET : Est-ce la presse qui vous a informé des affaires de la MNEF ou bien, en tant que salarié, aviez-vous déjà quelques doutes, quelques inquiétudes, quelques suspicions légitimes, par rapport à certains problèmes et attendiez-vous, en quelque sorte, que des événements de ce type soient portés sur la place publique ?

Considérez-vous aujourd’hui que votre licenciement a été une chance dans votre vie ou au contraire est-ce un handicap pour vous ?

M. Philippe PLANTAGENEST : Tout d’abord, ce n’est jamais agréable d’être licencié d’une entreprise, quelles que soient les situations. A cette époque, j’estimais que la MNEF se trompait puisque j’avais la faiblesse de croire que j’avais raison, c’est humain. Très franchement, je ne subodorais pas qu’un scandale allait arriver.

Aujourd’hui, c’est facile. A cette époque, on parlait plutôt, dans les milieux qui côtoyaient la MNEF, de la bonne gestion à la MNEF. C’est ce que l’on entendait, je suis obligé de le dire. On parlait du redressement de la MNEF.

Il est indiscutable que les comptes de la MNEF, entre le moment de mon arrivée et celui de mon départ, sont passés d’une situation désastreuse, où la MNEF avait quasiment six mois de chiffre d’affaires de déficit, à une situation où elle gagnait un peu d’argent.

L’ambiance, à la MNEF, n’était pas aux scandales, mais plutôt à la nécessité de passer dans une extrême urgence d’une situation économique désastreuse à un régime de croisière pour sortir de cette situation critique. C’était exactement l’état d’esprit à l’époque.

M. Bruno BOURG-BROC : A votre connaissance, quels étaient, quand vous exerciez des fonctions à la MNEF, les rapports institutionnels entre la structure, les dirigeants et différentes organisations politiques ou syndicales ? Le système des remises de gestion, tel qu’il a été pratiqué durant la première partie de votre fonction, vous paraissait-il équitable ? Ensuite, durant la période où vous étiez aux affaires, qu’avez-vous pensé de l’évolution de ce système ?

M. Philippe PLANTAGENEST : La MNEF est une organisation qui, comme de nombreuses mutuelles, a des attaches politiques relativement fortes. C’est une évidence. C’est son passé, c’est ainsi depuis qu’elle existe.

Pendant la période où j’étais salarié de la MNEF, tout était fait pour essayer de la dépolitiser. Ceci ne faisait pas obstacle à ce que nombre de ses dirigeants aient, eux-mêmes, des attaches politiques extrêmement fortes, mais il est indiscutable que l’on voulait faire en sorte que la MNEF se comporte comme une entreprise, avec ce que cela implique de neutralité. Cela ne signifie pas qu’il n’y avait aucune interférence politique, mais plus que de la politique, la MNEF faisait du lobbying, quel que soit d’ailleurs le gouvernement qui était aux affaires. Elle défendait ses intérêts ou ce qu’elle estimait être, à l’époque, ses intérêts.

Elle avait également - c’était un peu différent - des relations suivies avec les organisations étudiantes, en particulier avec l’UNEF-ID, qui jouait un rôle relativement important dans son conseil d’administration. Il est certain que la MNEF était très implantée dans le milieu étudiant syndicaliste, ce qui a toujours été le cas.

J’ai cru, peut-être à tort, à une neutralisation progressive de la MNEF sur le terrain politique. C’était tout au moins le discours qui était généralement émis et qu’à l’époque, je trouvais positif, non pas pour s’éloigner du milieu universitaire et de ses représentants car c’est une donnée inéluctable pour une mutuelle, mais parce qu’il m’apparaissait que c’était le seul moyen de faire en sorte que la MNEF puisse se développer. Voilà mon opinion sur cette époque.

Le système des remises de gestion a beaucoup évolué. On est passé d’un système uniforme, il y a une dizaine d’années, c’est-à-dire X francs par affilié pour toutes les mutuelles, à un système différencié qui avantageait la MNEF. Ce système existait quand je suis arrivé.

Comme salarié de la MNEF, très honnêtement, je ne me suis pas employé à le remettre en cause puisqu’il avantageait la MNEF. En tant que l’un de ceux qui participaient aux négociations avec les pouvoirs publics à cette époque, j’avoue que j’ai plutôt défendu des dossiers pour conserver cette situation.

Nous pensions, d’ailleurs la réalité l’a montré, que c’était une situation transitoire. Nous sommes revenus à une situation où non seulement il y a eu égalité de fait et de droit entre les différentes mutuelles, mais où on a également aligné les remises de gestion en les calculant par référence à l’activité des caisses primaires d’assurance maladie. Cet élément, à l’époque, m’avait semblé très important, c’est-à-dire que les mutuelles étudiantes, notamment la MNEF qui était une mutuelle nationale, soient jugées sur le terrain budgétaire par la sécurité sociale, sur les mêmes critères que ceux que la CNAM utilisait vis-à-vis des caisses primaires.

M. Bruno BOURG-BROC : Dans un premier temps, vous vous êtes dit avec d’autres : le système est probablement transitoire, mais profitons-en tant qu’il dure.

M. Philippe PLANTAGENEST C’est un fait, ce système n’était pas égalitaire. La raison donnée n’était pas entièrement fallacieuse. Vous aviez une mutuelle, comme la MNEF, qui existait depuis fort longtemps, avec un glissement vieillesse technicité (GVT) des salariés relativement élevé, face à des mutuelles étudiantes régionales de création beaucoup plus récente. Le poids de la longévité des salariés jouait beaucoup. La MNEF a interprété cette réalité indiscutable au mieux de ses intérêts.

M. le Rapporteur : Vous avez parlé de lobbying avec tous les pouvoirs en place. Comment s’exprimait-il ? Certains articles de presse faisaient allusion à une expression qui était " pouponnière du parti socialiste ". Cette expression semblait-elle pouvoir s’appliquer à la MNEF à l’époque où vous y avez travaillé ?

M. Philippe PLANTAGENEST : La MNEF avait un lobbying axé sur deux questions fondamentales : d’une part, le montant des remises de gestion qui étaient négociées avec la CNAM, le ministère des Affaires sociales et le ministère des Finances ; d’autre part, le périmètre du régime étudiant de sécurité sociale et la question de ce que l’on a appelé la majorité sociale, c’est-à-dire le fait que les étudiants soient tous dans le régime étudiant, alors que jusqu’en 1995, seuls les étudiants à partir de 20 ans s’y trouvaient.

La MNEF avait un intérêt évident à ce que tous les étudiants soient dans le régime étudiant de sécurité sociale. Ça lui permettait d’accroître son volume d’activité, mais cela paraissait aussi logique et cohérent. C’étaient les deux questions fondamentales sur lesquelles la MNEF faisait porter ses efforts.

Elle travaillait également, avec le ministère de l’Education nationale, sur les questions du développement universitaire, très important à cette époque. Nous étions dans des années où le nombre d’étudiants augmentait de 10 à 15 % par an. On a connu un doublement des effectifs. La MNEF travaillait sur toute une série de mesures d’accompagnement social liées au développement du nombre des étudiants, ainsi que sur le terrain sanitaire et dans des domaines comme celui du logement et de la restauration des étudiants.

La MNEF s’est occupée de ces questions dans un esprit qui est resté le même, quels que soient les gouvernements. La preuve en est que la principale revendication de la MNEF concernant la fixation de la majorité sociale à dix-huit ans a été satisfaite en 1995, alors que le précédent gouvernement s’y était refusé. Cela ne concernait pas que la MNEF, mais également les autres mutuelles étudiantes. C’est une mesure d’ordre général.

Si j’ai parlé de neutralité, c’est parce que j’ai constaté que la MNEF faisait du lobbying au mieux de ses intérêts, avec les gouvernements quels qu’ils fussent, ce qui était d’ailleurs la seule solution pour elle.

Par ailleurs, vous mentionnez l’expression journalistique " pouponnière du parti socialiste ". Encore une fois, les attaches politiques de la plupart des étudiants dirigeants de la MNEF étaient très fortes. " Pouponnière du parti socialiste " est sans doute une expression quelque peu exagérée. Mais il est indiscutable que la MNEF avait une culture politique, chez ses élus étudiants, très développée.

Si je reviens sur le passé, la MNEF a sans doute été beaucoup plus politisée il y a une vingtaine d’années, que lors de la dernière période.

M. le Président : Monsieur, la commission vous remercie.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr