Présidence de M. Alain TOURRET, Président

Mme Seiler et M. Dahan sont introduits.

M. le président leur rappelle que les dispositions relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du président, Mme Seiler et M. Dahan prêtent serment.

Mme Carine SEILER : Vous enquêtez sur le régime étudiant de sécurité sociale. Ce régime, nos aînés l’ont créé il y a maintenant quelque cinquante ans. C’est donc une œuvre de l’UNEF, une œuvre importante du mouvement étudiant. Ce régime a pour but d’assurer aux étudiants la gestion de leur protection sociale, de leur permettre de maîtriser leurs choix de santé et de garantir leur autonomie quant à ces choix de santé.

Nous sommes attachés au régime étudiant de sécurité sociale, qui, pour nous, constitue la première pierre posée à l’édification d’un statut social de l’étudiant, la première étape de la reconnaissance de son autonomie. A l’heure où nous parlons d’élargir ce statut, notamment dans le cadre du plan social étudiant, nous tenons à affirmer notre attachement à la préservation de cet acquis.

C’est ce que nous avons fait en présentant des listes, avec d’autres organisations et d’autres associations, lors des élections à la MNEF en février dernier. L’idée était de permettre au mouvement étudiant de se ressaisir, de débattre de sa mutuelle - de la principale d’entre elles, en tout cas -de redonner de la transparence et une gestion plus démocratique à ses activités.

Les étudiants sont très attachés à ces deux aspects. Une enquête a été réalisée par l’USEM et le Comité français d’éducation pour la santé, qui montre que 73 % des étudiants interrogés estiment important d’être impliqués dans la gestion de leur régime de protection sociale, principalement pour des raisons d’autonomie vis-à-vis de leurs parents et pour des raisons d’adaptation à leurs besoins. Nous pensons d’ailleurs que c’est aussi ce que les étudiants ont démontré lors des élections à la MNEF, puisque près de 35 000 étudiants ont participé au scrutin. Nous croyons fermement que les étudiants sont fortement concernés par une gestion démocratique de la MNEF.

Pour l’instant, les élections ont été annulées par le Tribunal de grande instance de Paris, mais pour des raisons qui ne portent pas sur le déroulement des opérations. Nous avons bon espoir que cette décision d’annulation sera infirmée en appel.

Quoi qu’il en soit, les étudiants ont montré par leur forte participation à ce vote leur attachement à ce régime. C’est fondamental, parce qu’il en va des mutuelles comme de toute structure, la seule garantie contre les dérives reste le contrôle démocratique. Nous ne croyons pas qu’il y ait de perversités intrinsèques au régime étudiant. À notre avis, il s’est posé un problème de contrôle démocratique. C’est aussi parce que les liens entre le mouvement étudiant et la mutuelle s’étaient distendus que des dérives ont été possibles.

Nous défendons la spécificité du régime étudiant parce qu’avant tout, il permet de réaliser un objectif essentiel, celui de l’autonomie de l’étudiant, notamment vis-à-vis de sa famille dans l’accès aux soins. C’est particulièrement vrai pour une jeune fille qui veut avoir accès pour la première fois à la contraception, mais c’est vrai de façon générale. Pouvoir maîtriser ses choix de santé est une idée importante.

Par ailleurs, le régime étudiant, par sa gestion unique, du régime de base et du régime complémentaire, facilite les démarches des étudiants, qui s’adressent à un organisme unique.

D’autre part, si l’on se réfère à la définition de la santé donnée par l’OMS, qui consiste à dire que les questions de santé sont fonction du bien-être, les mutuelles étudiantes peuvent, et doivent, jouer un rôle dans la définition et la réalisation du bien-être de l’étudiant.

Enfin, le régime étudiant, c’est aussi, pour nous, un enjeu d’éducation et de formation à la citoyenneté sociale.

Nous le savons, les habitudes que l’on prend jeune, à vingt ans, se gardent souvent toute la vie. Un étudiant qui prend l’habitude de voter, d’adhérer à une association ou à une organisation conservera cette attitude tout au long de sa vie, il en va de même pour la citoyenneté sociale. Dans le cadre d’une gestion améliorée du régime étudiant, il y a une occasion d’apprendre aux étudiants qu’ils peuvent et doivent être partie prenante à cette gestion. À cet égard, il est clair que le rattachement au régime étudiant plutôt qu’au régime général garantit plus fortement la participation des acteurs, puisque, dans le régime général, il n’y a plus d’élections depuis 1982, et que, quoi qu’il en soit, le plan Juppé a supprimé l’idée d’élections.

Nous avons la profonde conviction que les étudiants ne peuvent ni ne doivent se retrouver dans un système de masse comme celui du régime général, car ce dernier gère déjà un nombre considérable de dossiers et que cela risquerait d’aboutir à nier les particularités des besoins étudiants, non pas que les étudiants soient la population la plus fragilisée, la plus touchée par les problèmes de santé, mais parce qu’il existe une spécificité des besoins de santé chez les étudiants.

D’après l’enquête que j’ai évoquée tout à l’heure, 33 % des étudiants avouent ne pas savoir dominer, gérer leur stress, 13 % dorment mal, ces pourcentages étant d’ailleurs plus élevés chez les jeunes filles que chez les jeunes garçons. Il existe donc une spécificité des problèmes de santé chez les jeunes, en particulier chez les jeunes étudiants. Dès lors qui mieux qu’un étudiant pourrait s’en faire l’écho ?

Mais le régime étudiant n’est pas qu’un guichet unique, il joue aussi un rôle de prévention. Il y a aussi une spécificité des enjeux de prévention propre aux étudiants. Prendre l’habitude de la prévention est également une habitude que l’on garde toute sa vie. Il nous semble important d’éduquer les étudiants à cette idée de prévention. De ce point de vue, il ne s’agit d’ailleurs pas de maîtrise comptable de la santé, mais bien de permettre une autre approche des problèmes de santé, notamment face à l’usage des médicaments.

L’enquête que je viens de citer montre aussi que 90 % des étudiants souhaitent être destinataires de campagnes de prévention. Nous pensons que la prévention doit aussi être adaptée à la spécificité du public étudiant. Les caisses régionales d’assurance maladie (CRAM), organismes chargés de la prévention dans le régime général, raisonnent plutôt en termes de statistiques par rapport à l’ensemble de la population et ne ciblent pas leurs campagnes de prévention en fonction d’un public étudiant. C’est l’exemple du cancer du sein, qui retient actuellement leur attention alors qu’il ne représente pas un risque majeur chez les jeunes étudiantes. Nous pensons au contraire qu’il est nécessaire de cibler les campagnes de prévention par type de population, les étudiants constituant l’un d’entre eux.

Dans le domaine de la prévention, la participation étudiante constitue un élément important car là encore qui, mieux qu’un étudiant, peut souligner les problèmes de santé spécifiques aux étudiants et servir de relais à ces politiques de prévention des risques ?

En France, de façon récurrente, on déplore l’absence de participation, le manque de cogestion, notamment par rapport à l’Allemagne. Nous croyons fermement qu’il ne faut pas supprimer ce relais démocratique qui existe déjà. L’UNEF-ID a entamé un processus de réunification avec d’autres associations et notamment sa sœur jumelle, adversaire d’hier, l’UNEF-SE, en vue de rendre le mouvement étudiant plus fort et de renforcer cette idée de participation et de cogestion.

L’un des actes fondateurs de ce processus de réunification a d’ailleurs été le dépôt de listes communes lors des élections de février dernier à la MNEF. Ce n’est pas le fruit du hasard. L’idée du contrôle démocratique compte énormément, il y avait la nécessité de ce sursaut, qui ne soit pas partisan, mais qui associe diverses composantes du mouvement étudiant.

Bien sûr, le régime étudiant doit et peut être amélioré. Il ne s’agit pas de se contenter des conclusions de certaines institutions comme la Cour des comptes, qui souligne, d’ailleurs, une relative bonne gestion du régime puisqu’elle porte une appréciation globalement favorable sur la qualité du service rendu par les mutuelles aux étudiants, même si certains aspects mériteraient d’être modernisés. Nous souhaitons l’amélioration de l’offre de soins et de la situation des étudiants en matière de santé, le système est perfectible, plusieurs éléments l’attestent. Tout d’abord, le taux de démutualisation est important en milieu étudiant. Il est difficile de l’apprécier parce qu’il y a aussi le phénomène de mutualisation par les mutuelles familiales, mais il existe.

Quelques rapports publiés évoquent aussi des situations de précarité qui, même si elles ne touchent pas l’ensemble de la population étudiante, existent, avec des conséquences dans le domaine de la santé. Les phénomènes de report de soins sont aussi présents en milieu étudiant. De ce point de vue, des efforts restent à faire. C’est l’idée de faciliter l’accès aux soins dans un contexte d’une plus grande proximité qu’il faut défendre.

Le deuxième aspect, qui a retenu notre attention est qu’une grande part du milieu étudiant n’est pas rattachée au régime étudiant, soit parce que les étudiants sont salariés, soit pour des raisons d’âge. C’était aussi le cas jusqu’à une époque récente des étudiants étrangers, en l’absence de convention de réciprocité.

En fait, le rattachement au régime étudiant ne concerne que 60 % des étudiants et pour certains, notamment les étudiants âgés ou étrangers, cela pose des difficultés. Pour finir, nous estimons qu’il est important d’étendre le régime à l’ensemble de la population étudiante.

La question du coût élevé des cotisations nous préoccupe également. La CMU peut incontestablement constituer une réponse, si les mutuelles étudiantes sont prêtes à relever le défi, ce dont nous ne doutons pas. Mais il faudra aussi que le régime général améliore ses prestations, dans le domaine de la pilule microdosée par exemple, qui s’adresse typiquement à aux étudiantes. Dans le domaine des soins dentaires et des soins d’optique, le régime obligatoire doit aussi améliorer son niveau de remboursement.

Il reste beaucoup à faire, nous attendons des améliorations. Nous serons vigilants. Je pense que ce que notre génération de militants a appris, c’est que la démocratie ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas et que les dérives se produisent plus facilement lorsque le contrôle n’existe pas. Ce fut certainement un des torts de l’UNEF-ID, mais aussi de toutes les organisations étudiantes ces dix dernières années, d’avoir été trop concernée par des préoccupations, strictement syndicales, et de ne pas s’être intéressé aux questions qui concernaient la mutualité étudiante dans son ensemble, et la MNEF en particulier. Nous serons vigilants à l’avenir pour que ce contrôle puisse s’exercer et permettre que les engagements pris devant les étudiants au moment des élections soient véritablement tenus.

M. le Président : Je vous remercie de ce discours très franc et très clair. Nous allons maintenant passer aux questions.

Tout d’abord, quels sont les liens entre l’UNEF-ID et la MNEF ?

Mme Carine SEILER : L’UNEF a créé la MNEF en 1948. Le mouvement mutualiste et le mouvement syndical dans leur ensemble ont toujours eu des relations étroites. Et c’est aussi le cas dans le milieu étudiant. Les liens de l’UNEF-ID avec la MNEF étaient importants. Il est vrai qu’ils se sont distendus depuis une dizaine d’années, pour plusieurs raisons.

Pour ce qui concerne notre génération et ce que nous avons vécu, je puis dire que notre organisation a traversé une crise importante, avec un changement de direction au début des années 90, et une crise interne également, qui l’a poussé à s’occuper plus de ses propres problèmes sans se soucier de ceux des mutuelles.

Cela ne veut pas dire qu’il n’existait plus aucun lien. Des campagnes ont été conduites en commun. Nous avons, par exemple, promu l’idée de la majorité sociale à dix-huit ans. Ce n’est qu’un exemple, des campagnes communes étaient organisées sur un certain nombre de thèmes, notamment des campagnes pour pousser à la mutualisation des étudiants, mais pas seulement.

En même temps, il y avait un lien d’organisation à organisation, mais l’UNEF-ID en tant que telle ne présentait plus de liste pour la gestion de la mutuelle et n’exerçait plus un contrôle réel par ses représentants au sein de la MNEF depuis quelques années.

M. le Président : Sur un plan plus politique, l’UNEF-ID a-t-elle une sympathie politique actuellement ? Se sent-elle plus proche de tel mouvement ou de tel parti ?

Mme Carine SEILER : L’UNEF-ID est une organisation indépendante. Nous sommes très attachés à cette idée. Cela signifie que nous n’avons jamais appelé à voter pour des élections politiques, et que nous ne le ferons pas. À l’inverse, ce que nous faisons, et que nous avons d’ailleurs fait pour les élections européennes, c’est que nous envoyons un questionnaire à la veille de chaque élection à l’ensemble des candidats, que nous rendons public et nous entretenons des relations avec les pouvoirs publics et les gouvernements, quelles que soient leur couleur et leur étiquette politiques.

Cela dit, il est certain que nos militants ont, eux, des sympathies politiques. C’est le cas dans toute organisation et donc dans la nôtre. Un certain nombre de nos militants ont des sympathies, disons, " ancrées à gauche ".

M. le Président : Je ne suis laissé dire que l’UNEF-ID était plutôt dirigée par la gauche socialiste ?

Mme Carine SEILER : Vous avez ici, devant vous, la présidente de l’UNEF-ID et son vice-président, qui tous deux - pour ma part, je ne suis adhérente d’aucun parti politique - traduisent la volonté d’avoir une direction plurielle de l’organisation...

M. le Président : Qu’est-ce à dire " plurielle " ? Il y a la gauche plurielle, mais la direction " plurielle " d’un syndicat, c’est quoi ?

Mme Carine SEILER : C’est tout à fait cela : une direction plurielle. Nous fonctionnons en tendances. La tendance majoritaire, dont nous sommes tous deux issus, regroupe des étudiants qui peuvent se reconnaître dans différentes composantes de partis politiques, pas seulement de la gauche socialiste. Certains n’appartiennent à aucun parti politique.

M. le Président : Donc, vous-même en tant que présidente et vous, en tant que vice-président, vous ne vous reconnaissez pas dans ce que j’ai dit de votre sensibilité politique, ai-je tort ?

M. Mickaël DAHAN : Personnellement, je n’appartiens pas à la gauche socialiste. A vrai dire, je pense que c’est la politisation de l’UNEF-ID à une certaine époque qui a conduit à la crise interne du début des années 90. A la fin de l’année 1994, au moment du changement de direction, des militants syndicalistes ont fait un pari, syndical, qui est un peu exceptionnel dans le mouvement syndical français étudiant, enseignant ou appartenant à d’autres confédérations syndicales, de se doter d’un projet syndical commun au-delà de leurs divergences politiques, qui pouvaient se poser ailleurs, au-delà de leur engagement syndical.

M. le Président : Donc, vous ne vous définissez pas par rapport à des choix politiques, mais par rapport à un choix syndical ?

Mme Carine SEILER : Absolument.

M. Mickaël DAHAN : Aujourd’hui, nous ne nous engageons pas vis-à-vis d’un organisme extérieur sur la base de son appartenance politique.

M. le Président : Vous estimez que c’est quelque chose de nouveau ?

Mme Carine SEILER : Oui.

M. Mickaël DAHAN : C’est nouveau, et c’est salutaire pour le mouvement étudiant aujourd’hui.

M. le Président : La MNEF verse-t-elle une subvention à votre syndicat ? Quel est son montant ?

Mme Carine SEILER : Cette subvention, versée par la MNEF à notre syndicat, s’élevait, en 1996-1997, à 760 000 F.

M. le Président : Sur un budget global de combien ?

Mme Carine SEILER : J’avoue ne pas pouvoir vous répondre exactement. Entre 3,5 millions de francs et 4 millions de francs pour cette période.

M. le Président : D’autres syndicats touchent-ils une subvention de la part de la MNEF ?

Mme Carine SEILER : Oui, c’est le cas de la FAGE ou de l’UNEF-SE mais d’autres associations, dont je n’ai pas connaissance, bénéficient peut-être, elles aussi, d’une subvention.

M. le Président : Mme Karine Delpas, la présidente de l’UNEF-SE, vos cousins germains si je comprends bien, a déclaré que son syndicat n’avait jamais été en mesure jusqu’aux dernières élections de pouvoir présenter une liste. Pourriez-vous nous donner des explications sur cette affirmation ?

Mme Carine SEILER : Je peux vous donner mon sentiment, mais il vaudrait mieux poser la question soit à Karine Delpas, soit à l’ancienne direction de la MNEF.

Nous n’avons pas, sauf aux dernières élections, présenté nous-mêmes de liste. Il existait une liste unique, celle de l’ancienne direction, qui devait être constituée dans des conditions assez draconiennes. Si j’ai bonne mémoire, d’après ce que m’en ont dit mes prédécesseurs, les conditions de dépôt de la liste étaient enserrées dans une période très limitée. Je pense que c’est à cela que Karine Delpas faisait référence.

M. Mickaël DAHAN : Il est clair que les élections étudiantes qui se déroulaient au sein de la MNEF étaient confidentielles. Par rapport au nombre d’adhérents, qui oscillait entre 120 000 et 200 000 selon les années universitaires, le nombre de votants ne devait pas dépasser, selon les chiffres communiqués, les 1 500 à 2 000 sur toute la France, avant le scrutin de février 1999.

M. le Président : Sur toute la France ? Les chiffres que vous donnez sont bien en dessous des 3,5 % de participation que l’on nous a avancé.

M. Mickaël DAHAN : Je n’ai jamais personnellement lu les procès-verbaux des élections, mais c’est ce que l’on m’a dit.

M. le Président : Il faudrait vérifier.

Mme Carine SEILER : Je pense que les procès-verbaux doivent être disponibles.

M. Mickaël DAHAN : Je voulais souligner qu’il s’agissait d’un taux de participation extrêmement faible, lié au fait qu’aucune information ne circulait, aucune affiche ou plutôt, parce que je suis adhérent à la mutuelle, je me rappelle qu’à l’époque, les affiches restaient dans les agences. Il n’y avait aucune information aux étudiants dans les universités ou dans les grandes écoles.

La direction de l’époque n’avait pas de véritable politique d’annonce d’un renouvellement des bureaux étudiants locaux de la MNEF.

M. le Président : On justifie souvent la MNEF par la démocratie étudiante, mais peut-on réellement parler de démocratie étudiante avec 1 % de participants aux élections ?

Mme Carine SEILER : L’UNEF-ID a le sentiment que, jusqu’aux précédentes élections, il n’existait pas véritablement de démocratie à la MNEF, parce qu’il n’y avait pas de participation. Les élections étaient jouées d’avance, une seule liste était présentée, si l’on peut dire, composée par la direction sortante.

M. le Président : Qui composait cette liste à votre connaissance, le directeur général ou la direction sortante ?

Mme Carine SEILER : Je pense qu’elle faisait l’objet d’un regard attentif du directeur général.

M. le Président : C’est très diplomatiquement dit.

Mme Carine SEILER : Je pense qu’effectivement, il contrôlait, pour une bonne part, la composition de la liste.

M. le Président : Je suis un peu surpris que ,dans toutes les propositions des syndicats étudiants que nous avons entendues, il n’y ait aucune proposition concernant les problèmes de maternité chez les étudiantes. Cela me préoccupe parce que, après tout, les jeunes femmes sont faites pour avoir des enfants... En tout cas, c’est une éventualité qu’on ne peut exclure, et je ne vois aucune proposition à ce sujet dans tous les programmes qui nous sont proposés.

M. Jean-Paul BACQUET : Le mot maternité n’a, en effet, jamais été prononcé.

Mme Carine SEILER : J’avoue que nous n’avons pas beaucoup réfléchi à cette question, pour les jeunes femmes, la question principale qui se pose est plutôt celle de la maîtrise de la maternité. La question se pose plutôt en termes d’accès à la contraception.

Les organisations étudiantes, syndicats et mutuelles, ont beaucoup débattu, car elles n’étaient pas toutes d’accord, sur la question du droit à l’avortement, de son remboursement et sur la question de la contraception. Nous faisons de nombreuses propositions sur les pilules, l’accès à la contraception, sur le préservatif aussi, bien sûr. Pouvoir maîtriser sa maternité est une question importante en milieu étudiant.

Faire des études, c’est aussi repousser d’une certaine façon l’âge potentiel de la maternité. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’étudiantes mères, il en existe, mais nous envisageons leur situation plutôt d’un point de vue syndical, en réclamant notamment dans les universités la création de crèches, que du point de vue de la santé.

M. le Président : On nous a expliqué que les crèches ont fermé dans le consensus le plus total.

Mme Carine SEILER : Pas dans le consensus total.

M. le Président : Il n’y a pas eu de fortes protestations. Les universités ne se sont pas mises en grève parce que l’on fermait les crèches.

Mme Carine SEILER : A Chambéry, il y a deux ans, nous avons mené une bataille importante contre la fermeture de la crèche. Mais il en va de ces questions comme d’autres, elles ne concernent que très peu de cas. Un phénomène de solidarité existe au sein de l’université et nous parvenons à faire signer des pétitions, mais déclencher une grève sur des thèmes tels que celui-ci est plus difficile, parce que les personnes concernées sont peu nombreuses.

M. Jean-Paul BACQUET : Madame la présidente, j’ai cru comprendre que dans votre engagement syndical, votre engagement dans la protection sociale, il avait deux aspects, celui qui touche à la santé publique de l’étudiant et un autre, celui de la formation citoyenne.

Au passage, je veux vous dire, pour votre formation citoyenne, que des affiches n’ont jamais fait voter personne. Lors des dernières élections, à la MNEF, le taux de participation était de 15 %. Vous avez parlé plusieurs fois de forte participation. C’est certainement vrai par rapport aux 1 ou 2 % précédents, mais peut-on considérer comme un scrutin démocratique un scrutin avec 15 % de participation ? Des personnes élues avec 15 % des voix ont-elles, à votre avis, une légitimité électorale ? Je remarque d’ailleurs que quelque 30 000 à 35 000 votants, cela ne fait pas 15 %.

Mme Carine SEILER : Par rapport aux adhérents, oui.

M Mickaël DAHAN : Par rapport aux adhérents, cela représente plus de 20 % de participation.

Mme Carine SEILER : Vous avez raison. Nous ne nous satisfaisons pas de ces résultats. C’est vrai de la mutuelle mais, de façon plus générale, des élections étudiantes, dont les taux de participation oscillent entre 10 et 15 %.

Néanmoins, nous relevons deux points, que nous considérons encourageants. D’une part, 15 % par rapport à 1 %, la progression est énorme. Je ne sais pas si les affiches font voter, elles ne font certainement pas tout, néanmoins, la campagne qui a été menée par l’ensemble des organisations parties prenantes du processus électoral auprès des étudiants a compté et a permis d’atteindre ce résultat de participation.

Cela n’est pas pour autant satisfaisant. Mais il en va d’un vote dans une mutuelle comme de tout vote, on vote lorsque l’on pense que son vote sera utile et efficace. C’est ensuite à la MNEF de démontrer que ce résultat de 15 % n’est qu’une étape, que de réels changements sont possibles grâce à ce vote.

Nous expliquons la faiblesse du taux de participation aux élections universitaires en partie par ce fait car nous avons remarqué que dans les universités où les élus étudiants avaient du poids et avaient pu changer concrètement des choses, le taux de participation avait augmenté lors des élections suivantes. L’inverse existe et les étudiants ont alors le sentiment que cela ne sert à rien.

La nouvelle équipe de la MNEF a décidé de lancer une consultation nationale par le biais d’un questionnaire, envoyé à tous ses adhérents, concernant l’amélioration des prestations, etc. Ce questionnaire a été distribué en plusieurs envois. Or, alors que tous les envois n’avaient pas encore été faits, la MNEF avait déjà reçu plus de 30 000 réponses. Si la MNEF obtient près de 50 000 réponses, cela montrera que le processus de participation est engagé. Il me semble que c’est une bonne chose et nous avons bon espoir.

M. Jean-Paul BACQUET : Pensez-vous que l’affaire de la MNEF ait sollicité et incité les étudiants à voter plus nombreux et à s’intéresser davantage à la protection sociale qui les concerne ?

Vous avez parlé tout à l’heure de formation citoyenne, aussi bien dans le cadre du syndicalisme étudiant que dans celui de la mutualité étudiante. Pensez-vous que le syndicalisme étudiant ou que les organismes de protection sociale puissent être de bonnes pouponnières, non pas pour un parti politique, mais pour la démocratie en général et le monde représentatif ?

Mme Carine SEILER : Je pense que les affaires de la MNEF ont été un élément qui a fait voter. En même temps, lorsque nos militants ont fait campagne puisque nous soutenions une liste, certes nous entendions les étudiants s’interroger sur la réalité des affaires - " C’est vrai ce qu’on raconte ? " - mais la question qui revenait le plus souvent était celle du remboursement, des délais et des retards pris. Je pense que ce problème des remboursements a été le principal sujet d’inquiétude pour les étudiants. Dès lors, il n’est pas surprenant de constater le relatif succès qu’a obtenu la liste " SOS-remboursement ". Cela témoignait bien de ce que nous appelons le " vote de ses pieds ", qui consiste à dire que cela suffit et qu’il faut apporter des améliorations.

Sur le deuxième aspect, des études ont été faites par des sociologues ou des chercheurs, dont une bonne part sont d’ailleurs des anciens des UNEF, sur le parcours des anciens responsables étudiants, tant au niveau local qu’au niveau national. Beaucoup d’entre eux adhèrent à des syndicats de salariés et conservent une tradition de la participation à la vie associative. Bien sûr, cet engagement est plus fort pour un militant que pour un étudiant simple électeur.

La question de la participation nous préoccupe, parce qu’il est vrai que dans le milieu étudiant le taux de participation est assez mauvais, de l’ordre de 10 %. L’un des objectifs que nous souhaitons atteindre, indépendamment des questions de mutuelle, est l’accroissement de la participation étudiante et le développement du comportement critique qui existe à l’université,

Cependant, il faut relativiser. L’université de Montpellier III avait fait l’année dernière une étude mettant en relation le taux de participation des étudiants et le nombre d’étudiants qui étaient passés ce jour-là sur le campus. Si l’on ramène le nombre de votants à ce nombre, le taux de participation est tout de même bien plus élevé, on peut le multiplier par deux. Cela reste encore insuffisant, mais relativise la faiblesse du chiffre.

M. Jean-Paul BACQUET : En tant qu’étudiants responsables et élus, comment avez-vous vécu ces affaires de la MNEF ? Aviez-vous un pressentiment ? Avez-vous été scandalisés d’apprendre que la MNEF avait travaillé avec des entreprises telles que Vivendi ou autres ? Vous avez parlé de l’inquiétude des étudiants que vous avez rencontrés pendant les campagnes électorales, à propos des remboursements mais vous, comment avez-vous vécu cela ?

Mme Carine SEILER : Comme j’ai essayé de le dire dans mon propos liminaire, nous nous sommes peu occupés de mutualité étudiante pendant très longtemps, tout d’abord, parce que nous étions traversés par d’autres préoccupations, d’autres débats, il fallait redresser la barre.

Aujourd’hui, nous sommes incontestablement la première organisation étudiante. A l’époque du changement de direction de 1994, nous étions devancés par la FAGE, et surtout, notre organisation était confrontée à un réel manque de crédibilité. Nous nous sommes avant tout occupés de remettre le navire à flot.

Certes, nous entretenions des relations avec la MNEF, nous menions régulièrement des campagnes avec elle, au moment des inscriptions, par exemple, mais également sur des thèmes comme que celui que j’ai cité tout à l’heure, de la majorité sociale à dix-huit ans. Mais la façon dont la MNEF fonctionnait, dont elle était gérée, tout cela ne nous intéressait pas ; nous avions d’autres priorités. Si nous avons eu un tort, c’est certainement celui-ci.

Nous avons recommencé à nous intéresser à ces questions au lendemain des dernières élections au CROUS, en mars 1998, parce qu’avec la campagne sur la reconnaissance d’un statut social de l’étudiant, nous avions le sentiment que les mutuelles étudiantes devaient aussi participer à la définition de ce statut.

Avons-nous vu venir les affaires ? En avions-nous le pressentiment ? Non, parce que nous n’étions pas présents. Lors des réunions de notre bureau, de collectif national ou même de congrès, je pense que le terme MNEF n’apparaissait pas ou quasiment pas. La MNEF ne faisait pas partie de nos sujets de discussion.

Avons-nous été surpris ? Oui et non, parce que, malgré tout, l’UNEF-ID avait des relations avec la mutuelle et que nous savions qu’un directeur général gérait tout. Nous savions aussi, pour les rencontrer parfois au niveau local, que le conseil d’administration étudiant ne jouait pas complètement son rôle , ce qui rendait possible des dérives.

M. Jean-Paul BACQUET : Vous avez évoqué plusieurs fois le problème de la transparence et de la nécessité d’une gestion démocratique. Vous venez d’y faire référence à l’instant. Pensez-vous que le système de fonctionnement d’une mutuelle, avec un conseil d’administration composé d’étudiants qui seront a priori étudiants à titre temporaire bien que l’on ait vu des étudiants à titre quasi définitif, et une direction formée de professionnels, permette au conseil d’administration de jouer pleinement son rôle, étant donné que les étudiants n’ont pas de formation spécifique en matière de protection sociale et de gestion ?

Je vous demande à cet égard votre appréciation sur le conseil d’administration sortant, en particulier sur sa présidente, Mme Linale.

Mme Carine SEILER : Cette question est une vraie question. Elle ne se pose pas que dans le domaine de la mutualité.

M. Jean-Paul BACQUET : Tout à fait.

Mme Carine SEILER : Nous sommes à la veille de l’application du plan social étudiant dans lequel on parle beaucoup de citoyenneté étudiante et du projet de généraliser les vice-présidences étudiantes des CROUS, et même de créer des présidences étudiantes des CROUS. Pour ma part, je suis aussi vice-présidente de mon université. Nous assistons à une multiplication des vice-présidents étudiants d’université qui participent au bureau de l’université et ont accès à des informations importantes concernant la gestion d’un établissement public, ces derniers sont amenés à prendre des décisions, même s’ils ne le font pas seuls.

Je suis fermement persuadée qu’un étudiant est compétent pour prendre des décisions concernant une mutuelle, une université, un CROUS, le sport universitaire. Les organisations étudiantes existent depuis longtemps. L’UNEF existe depuis 1907, et si tel est le cas, c’est parce qu’une des vocations de ces organisations a été de renforcer cette idée de participation et de cogestion, et parce que les étudiants se sont montrés capables.

M. le Président : Ce terme de cogestion est une référence allemande à certains systèmes économiques. C’est quoi, pour vous, la cogestion ?

Mme Carine SEILER : Dans une université, nous avons un vrai rôle de cogestion, un pouvoir de décision aussi. C’est encore plus vrai dans un CROUS, où existe le principe d’une gestion paritaire entre étudiants et administration. Cette parité a été rompue. On revient à une participation étudiante. C’est important. Dans un certain nombre de domaines, il est nécessaire de décider en commun.

Il arrive parfois, dans certaines universités, que nos militants, nos élus, qui sont des gens compétents, connaissent mieux certains textes de loi, certains règlement ou arrêtés que certains présidents d’université enseignants ou élus du corps enseignant. Ces étudiants reçoivent des formations et nous considérons que c’est l’un des principaux rôles de notre syndicat, même si ce n’est pas le seul.

Par ailleurs, un élu n’est généralement pas un étudiant de première année, qui ne connaît pas l’université. On est élu quand on est en licence, en maîtrise, quand on est un peu plus avancé dans son cursus universitaire. De même, un élu étudiant peut décider d’avoir un pouvoir réel dans un conseil d’administration. A mon avis, le conseil d’administration actuel de la MNEF et son assemblée générale nationale sont composés d’élus étudiants compétents et aptes à prendre des décisions importantes.

M. Jean-Paul BACQUET : Vous pensez que ceux qui composaient le conseil sortant étaient des gens de grande qualité ?

M. Mickaël DAHAN : Concernant le conseil d’administration sortant, au vu des diverses réformes statutaires de la mutuelle ces dernières années, il est de notoriété publique que le directeur général, par délégation donnée par la présidente du conseil d’administration de la mutuelle, exerçait l’ensemble des pouvoirs. Le conseil d’administration s’était souvent transformé en chambre d’enregistrement. Le conseil d’administration durait une demi-heure ou trois quarts d’heure et les décisions étaient prises ailleurs. Je ne sais pas si c’était un conseil d’administration véritablement compétent.

La plupart des membres du conseil d’administration nouvellement élu ont une certaine expérience en tant qu’élus étudiants, soit dans des conseils centraux d’université, soit dans des CROUS, soit au sein du CNESER, le conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, et ont souvent participé à des négociations tant au niveau local et régional qu’au niveau national avec le cabinet du ministre. Ils ont acquis au fil des années une certaine formation.

Sur les questions de santé, les nouveaux membres du conseil d’administration ont une réelle volonté d’agir. Ce ne sont pas de simples pions. Ce sont des militants qui ont une expérience syndicale et qui aujourd’hui s’intéressent très fortement aux questions de santé et de mutualité étudiantes. Ils ne sont pas seuls, ils travaillent avec une équipe de professionnels - la MNEF compte 700 à 750 salariés ; au siège administratif de la MNEF à Gentilly, il y a des directeurs de la communication ou des réseaux, chargés des relations avec la mutualité française et avec la CNAM. Le conseil d’administration et son président travaillent donc avec des professionnels de la santé qui connaissent leur métier, mais les décisions politiques et les orientations mutualistes sont effectivement prises par lui.

A mon avis, le problème qui se posait auparavant était que les étudiants n’avaient plus le droit de prendre des décisions concernant la mutuelle.

M. Jean-Paul BACQUET : Pour préciser ma question, cet ancien conseil d’administration, qui se réunissait une demi-heure et était devenu une simple chambre d’enregistrement, était-il composé de gens totalement incompétents, mal formés, cooptés ? Pensez-vous qu’un conseil composé d’administrateurs mieux formés, plus compétents, puisse être apte à discuter le contrat de travail du directeur général ?

Mme Carine SEILER : Il y a plusieurs questions. Tout d’abord, je pense que l’ancien conseil d’administration n’était pas suffisamment compétent et bien formé. C’est une donnée.

Je considère aussi que lorsqu’on a fait ses armes dans une organisation étudiante, on a acquis une certaine compétence, une certaine indépendance d’esprit et une capacité à réfléchir sur les problèmes.

Mais la façon dont on est élu joue aussi. Ce n’est pas seulement une affaire de compétences précises. Pour répondre brutalement, je ne pense pas que Marie-Dominique Linale était moins intelligente que le nouveau président ou les membres de son conseil d’administration. Les dernières élections ont été soutenues par des organisations étudiantes sur la base d’un programme définissant des objectifs. Ce programme définit le mandat des élus étudiants, leur donne des responsabilités, un devoir de rendre compte aux étudiants et aux organisations étudiantes, UNEF-SE, FAGE, UNEF-ID, au moins à celles qui composent la MNEF.

A qui Marie-Dominique Linale rendait-elle compte ? Peut-être était-elle prisonnière d’un système dans lequel elle était elle-même enfermée ?

Cela veut-il dire que les membres du conseil d’administration sont entièrement compétents sur toutes les questions de protection sociale et connaissent-il par cœur le Code de la mutualité ? Je suis à peu près sûre que non. Mais qui le connaît par cœur ? Il va falloir qu’ils l’apprennent, le comprennent, qu’il maîtrisent les questions de santé. Mais, qui mieux qu’un étudiant connaît les problèmes spécifiques qui peuvent se poser en milieu étudiant, les questions de santé, de prévention sur lesquelles il faut mettre l’accent.

M. le Président : Le président de la MNEF se retrouve à la tête d’une entreprise dotée de 400 millions de francs de ressources, de 700 salariés, d’un directeur général qu’il doit diriger. Il pèse sur lui une responsabilité pénale pour tout ce qui se passe non pas en termes de politique de santé, mais en termes de finances, de bilans, d’engagements financiers, de participations, de cession de parts et de contrôle de filiales. C’est cela la question qui vous est posée. Et vous répondez en termes de politique de santé.

Mme Carine SEILER : J’allais y venir. Je suis tout à fait consciente de tout cela.

Il y a effectivement des salariés, qui ont des compétences particulières et précises. Le rôle du conseil d’administration est aussi de prendre des décisions sur la base des informations que présentent les salariés, les différents directeurs de la MNEF. Je suis convaincue qu’une équipe d’étudiants est en mesure de prendre des décisions parce qu’elle n’est pas seule et qu’elle travaille avec des professionnels, sur lesquels elle s’appuie.

Il faut éviter d’une part que les professionnels décident de tout, ne rendent compte de rien et que les étudiants se contentent d’approuver et de valider les décisions.

Il faut aussi que les étudiants n’aient pas la prétention de penser qu’ils peuvent décider de tout et qu’ils sont compétents sur tout. Cela ne peut pas être complètement le cas, il faut parfois faire appel à des professionnels.

Je pense qu’il y a un équilibre à trouver en collaboration avec les professionnels, afin que les étudiants aient un véritable pouvoir de décision et une véritable capacité d’appréciation. Il existe, bien sûr, des questions techniques, mais je ne pense pas que celles-ci soient incompréhensibles pour un élu étudiant qui doit rendre compte. J’en suis convaincue.

M. le Président : Savent-ils que leur responsabilité pénale est engagée en cas de cession partielle d’actifs ?

Mme Carine SEILER : Il serait préférable de leur poser la question, mais j’en suis convaincue.

M. le Président : Comme ces élus étudiants viennent de votre syndicat, vous avez dû en discuter ensemble.

Mme Carine SEILER : Quand le conseil d’administration de la MNEF a décidé de se porter partie civile, c’était une décision importante, qui a été mesurée, dont nous sommes satisfaits. Mais je pense que vous avez dû les interroger. D’autres questions importantes se posent, notamment en termes de filiales, avec toute la filialisation et la diversification qui existent maintenant. Que va-t-il advenir de ces filiales ? Faut-il les conserver ou pas ? Voilà des sujets importants sur lesquels ils devront prendre des décisions.

M. le Président : Quel est votre sentiment sur la question ?

Mme Carine SEILER : Ma réponse se place sur un plan de politique générale.

Je considère qu’il y a eu un processus de diversification à outrance sur lequel il faut revenir. Faut-il se séparer de toutes les filiales ? Ce n’est pas certain parce que certaines se justifient dans le cadre d’une mutuelle étudiante, comme l’idée d’avoir un secteur logement, par exemple. Là où cela ne se justifie plus du tout, c’est quand la filiale logement pratique des loyers supérieurs à ceux du marché privé dans certaines villes universitaires. Un certain nombre de filiales pensent jouer un rôle social.

M. Jean-Paul BACQUET : Vous avez dit que les élus actuels - avant d’être invalidés - avaient été élus parce que portés par des organisations syndicales. Est-ce à dire que les précédents ne l’étaient pas ? Le faible taux de participation prouve en tout cas que s’il y avait portage, celui-ci était très faible.

Je vous demande cela parce que j’ai cru comprendre que M. Spithakis avait dépolitisé la MNEF. Considérez-vous qu’il a au moins réussi dans ce domaine ?

Mme Carine SEILER : Pour une part, certainement. La MNEF n’a pas vocation à être politisée, c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas fait de liste UNEF-ID, ce que nous aurions pu faire d’ailleurs ; une telle décision pouvait se justifier. Mais nous nous sommes attachés, lors de sa composition, à avoir une liste commune avec UNEF-SE, et à ce que d’autres organisations étudiantes soient également partie prenante.

M. Jean-Paul BACQUET : D’accord, mais les prédécesseurs étaient-ils soutenus par des organisations syndicales ?

Mme Carine SEILER : Non. Il y avait une liste unique portée par la direction.

M. Jean-Paul BACQUET : Qui cooptait donc un conseil d’administration.

Mme Carine SEILER : Non, ce n’était pas une cooptation. La direction préparait la liste, ensuite, il y avait un envoi.

M. Jean-Paul BACQUET : C’était une pratique démocratique fort discutable.

Mme Carine SEILER : Disons que la composition de la liste n’était pas très démocratique.

M. Jean-Paul BACQUET : Si je comprends bien : la liste était préparée par la direction, élue par 1 à 3 % des étudiants, faiblement soutenue par les organisations syndicales étudiantes et, une fois élue, elle contrôlait l’action du directeur ?

Mme Carine SEILER : Oui, cela peut se résumer un peu à cela.

M. Jean-Paul BACQUET : C’est une pratique démocratique tout à fait remarquable !

Tout à l’heure, vous avez dit que vous touchiez 760 000 F de subvention de la MNEF. Est-ce une politique de la MNEF de subventionner le syndicalisme étudiant ou est-ce en contrepartie de quelque chose ?

Mme Carine SEILER : Non. Une convention est passée entre nos organisations, nous menons des campagnes communes, notamment à la veille et pendant les inscriptions universitaires, aux mois de juillet et de septembre.

M. Jean-Paul BACQUET : On peut appeler cela une récompense pour du lobbying.

Mme Carine SEILER : Ce n’est pas du lobbying, c’est un travail auquel nous croyons beaucoup, qui est de favoriser, de valoriser l’idée de la mutualisation chez les étudiants.

M. le Président : C’est la seule mutuelle qui vous finance ?

Mme Carine SEILER : Oui et non. Il y a dans nos publications des encarts qui proviennent parfois d’autres organisations.

M. Jean-Paul BACQUET : Ce n’est pas accusateur.

Mme Carine SEILER : Je comprends tout à fait.

M. Jean-Paul BACQUET : Je constate simplement qu’il existe une relation directe entre la subvention que verse la MNEF à l’UNEF, et si le terme lobbying vous gêne - il n’est pas de moi, il est de quelqu’un qui est passé ici avant vous - je peux dire que la contrepartie est que vous êtes le vecteur de l’adhésion à la MNEF.

Mme Carine SEILER : Ce que nous faisons, c’est de l’adhésion à des mutuelles étudiantes. Par ailleurs, lorsque des étudiants nous posent la question...

M. Jean-Paul BACQUET : Vous ne donnez qu’une publicité, en faveur de la MNEF.

Mme Carine SEILER : Dans le guide que nous distribuons au moment des inscriptions, il y a une publicité de la MNEF. Dans le guide des droits que nous avons édité à 15 000 exemplaires, il y avait une publicité de la MNEF.

Il y a des encarts publicitaires insérés dans nos diverses publications qui concernent les campagnes menées en commun sur la prévention ou la majorité sociale à 18 ans.

M. le Président : Donner 760 000 F pour obtenir 1 % de participation ; il nous semble qu’il y a une certaine distorsion entre l’argent donné et son rapport.

Mme Carine SEILER : Je ne vois pas le rapport.

M. le Président : La MNEF vous donne de l’argent afin que vous l’aidiez à obtenir un certain nombre d’affiliés.

Mme Carine SEILER : Pas seulement pour des adhérents, mais pour voir l’idée de mutualisation se répandre dans le milieu étudiant.

M. Mickaël DAHAN : Il n’y a pas de contrepartie en tant que telle. Nous ne devons pas, en échange de telle ou telle somme, répondre à tel et tel critère dans telle ou telle université.

M. le Président : La contrepartie ne se fait pas sur l’affiliation ?

M. Mickaël DAHAN : Mais il n’y a pas de contrepartie.

M. Jean-Paul BACQUET : Bien sûr, on sait très bien que cela ne peut se faire proportionnellement au nombre d’adhésions faites, c’est interdit.

M. Mickaël DAHAN : En fait, la MNEF, pour nous, militants syndicalistes, représente la mutualité étudiante, le régime étudiant de sécurité sociale. Nous avons un attachement historique, identitaire parce que nous apprenons que dans l’histoire de l’UNEF, il y a la période de la MNEF qui avait été gérée par les étudiants dans les années 40, 50 et 60. Toute cette histoire, nous l’avons en tête. Donc, en effet, lorsque l’on est militant syndicaliste à l’UNEF-ID, on a plus un attachement à la MNEF qu’aux SMER.

Ensuite, il n’y a pas de contrepartie au versement de la subvention de la MNEF. Nous ne sommes pas là pour faire du chiffre d’affaires. Nous n’étions pas les petits soldats de la MNEF dans les universités.

M. Jean-Paul BACQUET : Considérez-vous qu’un directeur de la MNEF qui donnerait 760 000 F de subvention à un syndicat étudiant ne serait pas en droit d’en attendre quelques retombées sur le nombre de ses adhérents, quand on sait qu’aujourd’hui, la baisse de celui-ci risque de poser des problèmes majeurs pour la survie de la MNEF ?

Mme Carine SEILER : Les relations entre le syndicalisme et la mutualité existent, elles n’existent pas que dans le milieu étudiant. Elles existent pour les mutuelles de fonctionnaires, etc. et elles ne se traduisent pas en termes commerciaux ou en retombées financières.

Ce que l’UNEF promeut, c’est l’idée d’un régime étudiant spécifique et l’idée d’une mutualisation pour avoir une bonne couverture sociale.

Nous avons, par exemple, obtenu récemment que les étudiants étrangers puissent être affiliés au régime étudiant de sécurité sociale. Cela fait partie des éléments qui font progresser la protection sociale des étudiants et, de ce fait, l’idée même du régime étudiant et de l’affiliation dans les mutuelles en général.

C’est parce que des relais existent dans le milieu étudiant que l’idée de la santé existe, a un sens et se traduit dans le milieu étudiant. Les organisations étudiantes, l’UNEF-ID mais aussi l’UNEF-SE, les associations locales, les corpos, la FAGE, PDE et même l’UNI sont autant de relais de l’idée d’un régime étudiant de sécurité sociale.

A la question précise que vous posiez de savoir si un directeur général ou un président est en droit d’attendre concrètement que son taux de mutualisation ne baisse pas, je répondrai oui, mais de façon générale, pas en termes de contrepartie précise, marchande, mais parce que les syndicats étudiants se reconnaissent toujours dans l’idée de la mutualité étudiante et la défendent.

M. Jean-Paul BACQUET : Seriez-vous choqués par un directeur qui souhaiterait que la subvention qu’il vous octroie soit proportionnelle au nombre d’adhésions que vous amenez ?

Mme Carine SEILER : Oui, je pense que ce ne serait pas dans la logique des rapports que nous souhaitons engager.

M. Jean-Paul BACQUET : J’en ai fini de mes questions. Je ferai simplement une remarque concernant la maternité étudiante dont parlait tout à l’heure Monsieur le président. J’ai été étudiant à une époque où la contraception n’était pas encore en vente libre, avant les lois Neuwirth. A l’époque, les maternités dans le monde étudiant n’étaient jamais bien vécues parce qu’elles étaient rarement choisies. Je suis médecin, j’ai des enfants et je trouve que, dans ce domaine, votre langage n’a pas beaucoup changé. C’est bien, cela me rajeunit, mais c’est un peu triste parce que je pense que le problème de la maternité n’est pas abordé. Les femmes font des enfants de plus en plus tard. Les études se poursuivent plus longtemps et je trouve qu’incontestablement, la fermeture des crèches en est un signe. A mon époque, la maternité était souvent vécue comme un drame et elle était prise en charge par les CROUS, seule structure qui apportait quelque chose. Je me suis retrouvé dans le langage que vous teniez tout à l’heure. Je pense que vous auriez pu nous apporter quelque chose de nouveau.

Mme Carine SEILER : Il existe déjà des choses : des adaptations horaires, une facilité d’emploi du temps pour les étudiantes mères...

M. le Président : J’ai enseigné pendant dix ans à l’université, je n’ai pas vu beaucoup d’avantages accordés à ceux qui avaient des enfants. En dehors des couples mariés pour lesquels des travaux dirigés étaient organisés le samedi matin. Il n’y a pas eu grande évolution.

Mme Carine SEILER : Je parlais de paternité, mais en fait la question de la parentalité, de façon plus large, est un vrai handicap lorsque l’on est étudiant. Cela fait partie des points que nous mettons en avant dans le statut social de l’étudiant. Par exemple, un étudiant ou une étudiante qui a charge d’enfant et qui va faire une demande de bourse va devoir présenter les revenus de ses parents pour savoir s’il a droit à une bourse. Cela nous paraît aller particulièrement à rebours. Le système d’aide sociale n’a quasiment pas évolué depuis soixante ans. Le moins que l’on puisse demander, c’est que les situations d’autonomie soient reconnues au moins dans ce cas.

M. Jean-Paul BACQUET : Personnellement, je considère que mes enfants aujourd’hui n’ont rien de nouveau à dire par rapport à ce que je disais étant étudiant. Vous ne nous apportez pas suffisamment. Nous avons des propositions à faire. Comme vous l’avez dit à juste titre, personne ne peut mieux parler de la santé étudiante que les étudiants. Apportez-nous ces éléments.

Mme Carine SEILER : D’accord.

M. le Rapporteur : Je suis désolé de revenir sur des aspects plus matériels et immédiats qui concernent la vie démocratique au sein de la mutualité étudiante.

Il apparaît que les modalités d’organisation du vote à la MNEF soulèvent un certain nombre de questions. Tout d’abord, le vote par correspondance est-il réellement mobilisateur ? Ensuite, le fait qu’il n’y ait qu’une seule section avec une liste obligatoirement nationale, pas forcément représentative de l’ensemble des étudiants et empêchant la présentation de listes par des gens qui ne seraient implantés que sur une ou deux régions, pose problème.

En jouant sur ce chapitre des modalités électorales, peut-on espérer améliorer le fonctionnement démocratique de la mutualité étudiante en général et de la MNEF en particulier ?

M. Mickaël DAHAN : Par rapport à ce que je connais de l’histoire électorale de la mutuelle sur plusieurs générations étudiantes, je peux dire que les élections de février 1999 ont fait l’objet d’un consensus auprès des représentants étudiants des organisations syndicales et des représentants des bureaux étudiants, donc des étudiants présents localement et nationalement. La procédure électorale qui a été mise en place, le vote par correspondance et une seule circonscription nationale avaient pour objet de permettre de prendre en compte un ensemble territorial et de pouvoir représenter de nombreux étudiants, pas seulement sur une région.

Je ferai un parallèle avec les élections étudiantes aux conseils centraux des universités. Il est important de ne pas mettre n’importe quel étudiant, car il faut, à mon sens, qu’il soit représentatif de son milieu, c’est-à-dire dans une université pluridisciplinaire, filière juridique, économique et littéraire...

M. le Rapporteur : C’est aux électeurs de choisir.

M. Mickaël DAHAN : Oui, mais il y a des règles, des modalités électorales. Dans ces modalités, il y avait une section de vote au niveau national et une section pour les étudiants à l’étranger.

Le vote par correspondance n’est pas seulement une modalité, mais aussi un moyen électoral que l’on donne pour qu’il y ait une véritable participation, pour que l’on puisse exercer un réel mandat, porteur d’une orientation mutualiste à proposer aux étudiants. Dès lors, cela a été le fait de listes composées de représentants d’organisations syndicales, d’organismes associatifs, ayant une connaissance du milieu étudiant, qui sont présents dans les universités, qui ont une certaine légitimité auprès des étudiants, même si ce n’étaient pas des listes d’organisations étudiantes en tant que telles. En tout cas, la liste que l’UNEF-ID a soutenue était composée de représentants d’UNEF-ID, d’UNEF-SE et d’autres associations, et répondait à la volonté d’avoir le cadre le plus large possible.

Nous avons alors mené une action en termes électoraux, parce qu’il y avait un projet mutualiste, que nous avons défendu. Ce n’était pas le cas lors des anciennes élections. Là, il y avait un projet électoral, une profession de foi. Nous avons fait du porte-à-porte dans les cités universitaires, nous avons fait les sorties d’agences de la MNEF, nous avons fait des interventions dans les amphis, nous distribuions des tracts, nous allions discuter avec les étudiants.

Avec le nouveau système qui a été mis en place, avec une réelle représentation des étudiants, je pense que nous nous sommes donnés les moyens d’avoir la plus forte participation possible.

Le système de vote par correspondance est-il le meilleur système ? Je ne sais pas, on peut toujours améliorer, mais, comme pour les élections étudiantes, c’est une question de moyens. C’est une question de communication, une question de volonté politique. Il y a eu un début de volonté politique pour que cela change. Aujourd’hui, il y a une nouvelle direction. Pour l’instant, elle est mise entre parenthèses par la justice, nous verrons ce qu’il en adviendra en appel. En tout cas, il y a une réelle volonté étudiante de prendre en main la destinée de la mutuelle, afin que celle-ci soit gérée par les étudiants.

Mme Carine SEILER : J’ajouterai quelques éléments.

Une seule circonscription de vote sur la France, c’est la seule solution pour que les élections se déroulent de façon démocratique, pour qu’un adhérent à Rennes, à Marseille, à Lyon et à Paris ait le même poids. Ce choix a rencontré le consensus. Nous sommes donc favorables à une seule circonscription de vote.

Le vote par correspondance est, je pense, un bon système. Il doit être contrôlé. Rien n’est d’ailleurs contesté sur le déroulement des élections. C’est un système qui permet une participation car, dans les élections étudiantes, devoir se déplacer pour voter, cela signifie que tous les étudiants n’ont pas accès au vote. Nous pourrions développer cela assez longuement, parce que nous avons beaucoup réfléchi à cette question, mais la massification du monde étudiant conduit à ce que moins d’étudiants soient présents régulièrement sur les campus parce que beaucoup sont salariés, même si ce n’est pas forcément à plein temps ; les délocalisations universitaires se multiplient. Donc, le vote par correspondance, s’il est contrôlé, ne nous paraît pas en lui-même choquant.

M. le Rapporteur : L’objet de cette commission d’enquête n’est pas de faire écho à ce que fait la justice, mais de comprendre les fonctionnements. La question que je vous posais concernant le vote par correspondance n’était pas liée à ce que peut ou ne pas dire un tribunal, mais simplement au fait que lorsque nous avons examiné les procédures, des failles nous ont semblé susceptibles d’être utilisables.

Mme Carine SEILER : S’il y avait eu une condamnation de justice sur le déroulement des élections, il y aurait plus d’inquiétudes à avoir et la nécessité de modifier les modalités électorales. A mon sens, l’idée d’organiser ces élections sur ces deux principes ne me semble pas condamnable en soi. Il faut que les modalités de contrôle existent.

M. le Président : Laissez-nous vous remercier de cet entretien qui a été très fructueux pour notre commission. Si vous avez par ailleurs des propositions à formuler, adressez-les nous.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr