Présidence de M. Alain TOURRET, Président
Mme Maillard est introduite.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête parlementaire lui ont été communiquées. A l’invitation du président, Mme Maillard prête serment.
M. le Président : Madame, notre commission a souhaité vous entendre afin de comprendre comment l’opacité des comptes de la MNEF a pu perdurer si longtemps, si opacité il y a, et comprendre également comment des engagements qui ne sont pas forcément dans l’esprit de la mutualité ont pu être entérinés par les instances de la mutuelle.
Je vous donne la parole pour un exposé liminaire au cours duquel vous pourrez présenter votre position sur la question. Nous aurons ensuite un échange.
Mme Corine MAILLARD : J’exerce mon activité de commissaire aux comptes à Marseille. J’ai été nommée commissaire aux comptes de la MNEF en 1993. Mon activité couvrait donc des exercices qui ne s’entendent pas en année civile mais à cheval, avec clôture au 30 septembre - par exemple, pour l’exercice 1993-1994, la clôture était au 30 septembre 1994 - pour six ans, qui est la durée légale de la mission d’un commissaire aux comptes.
Je suis diplômée depuis 1986. Pour ce qui est de mon diplôme d’expertise comptable, j’ai prêté serment près de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en 1988. Je me suis donc installée en tant qu’expert-comptable, commissaire aux comptes à la suite de mes examens.
Le cabinet auquel j’appartiens se répartit entre trois types d’activités assez classiques. Le premier type d’activité est la tenue de comptabilité, c’est-à-dire que nous réalisons la tenue de comptabilité pour des petits commerçants, des artisans, des petites entreprises. Le deuxième est la révision de comptes, c’est-à-dire que nous intervenons plus particulièrement dans des PME ou des associations de taille plus importante qui ont une structure comptable. Le troisième est le commissariat aux comptes. La MNEF entre dans cette activité.
Le chiffre d’affaires du cabinet est d’environ 3 millions de francs hors taxes en année civile et nous sommes neuf personnes salariées.
Pour ce qui est de la MNEF, de façon générale, j’intervenais avec un stagiaire expert-comptable et un chef de mission lui-même expert-comptable. Nous étions relativement souvent trois personnes à intervenir au sein de la MNEF, pour une mission assez classique de commissariat aux comptes.
J’intervenais dans le cadre légal d’une mission de commissariat aux comptes. Le législateur a réglementé notre profession par la loi du 24 juillet 1966. Ma mission auprès de la MNEF entrait plus directement dans le régime des sociétés commerciales. Le code de la mutualité a prévu dans son article 125 la nomination d’un commissaire aux comptes, avec un renvoi à la loi de juillet 1966 quant à la façon dont nous exerçons notre profession.
Nous avons deux types de missions pour ce qui concerne une mutuelle.
La première est une mission générale, c’est-à-dire que nous devons donner notre opinion sur les comptes qui nous sont présentés par les organismes que nous contrôlons. Par cet audit, nous sommes donc amenés à certifier les comptes qui nous sont présentés. Dans ce cadre, nous avons trois possibilités : nous certifions les comptes sans réserves, ces comptes sont présentés en assemblée générale ; nous certifions les comptes avec des réserves que nous exprimons lors de l’assemblée générale ; nous avons la possibilité, si nécessaire, de refuser les comptes qui nous sont présentés.
Ces possibilités doivent être exprimées dans un rapport. Nous rendons compte de notre rapport en assemblée générale. C’est ce qui s’est toujours passé au sein de la mutuelle. C’est le volet " mission générale " de notre profession.
La deuxième partie de notre rapport porte sur les vérifications spécifiques, c’est-à-dire que nous sommes amenés à faire état de toutes les infractions par rapport au code de la mutualité, plus particulièrement par rapport aux dispositions financières du code de la mutualité.
La troisième partie porte sur les missions connexes, qui regroupent la révélation des faits délictueux et la procédure d’alerte. Si nous n’avons pas trop de temps, je ne vais pas m’étendre sur le sujet.
M. le Président : Les exposés théoriques, a priori, nous les connaissons.
Mme Corine MAILLARD : Pour ce qui est de la MNEF, je vous propose de rappeler brièvement les conclusions que j’ai pu apporter sur les six derniers exercices de ma mission, sans vous lire le rapport parce que ce serait beaucoup trop long. Comme vous le savez, notre rapport est normé, y compris l’expression de notre opinion, qui nous est imposée par la Compagnie des commissaires aux comptes.
Je vous livre simplement le développement qui porte sur des points bien précis et techniques concernant la mutuelle.
Pour ce qui est des comptes au 30 septembre 1993, j’avais apporté une réserve qui consistait à demander à la mutuelle de faire figurer en actifs immobilisés les comptes courants Immocampus pour les faire figurer dans les participations financières de la MNEF. Jusqu’alors, ces comptes courants qui s’élevaient au 30 septembre 1993 à 9,29 millions de francs figuraient dans des rubriques de créances à court terme. J’ai donc demandé à la MNEF de les inscrire en actifs immobilisés à long terme.
J’avais également demandé à la MNEF d’affiner son calcul sur le montant des prestations à payer et d’en préciser la méthode dans l’annexe des comptes. Un troisième point concernait une provision pour incertitude, quant au remboursement du crédit TVA qui figurait dans ses actifs pour 1 million de francs. Voilà les réserves que j’avais formulées au 30 septembre 1993.
Le 30 septembre 1994, j’avais formulé également une réserve sur l’absence de provisions quant à la moins-value latente de valeurs mobilières de placement, qui représentaient 5 millions de francs. A cette époque, la MNEF avait des valeurs mobilières de placement et nous étions en pleine période de chute des cours financiers. L’une de leurs valeurs mobilières de placement qui portait sur des actions Tigre Atlas - c’était des portefeuilles de placement asiatiques - avait perdu 5 millions de francs et cela n’avait pas été constaté dans les comptes. J’avais donc été conduite à formuler une réserve sur ce point.
M. Robert PANDRAUD : Des actions asiatiques ?
Mme Corine MAILLARD : Oui, qui s’appelaient Tigre Atlas.
J’avais également formulé une réserve quant au ratio de liquidité qui était de 0,55, alors que les dispositions financières prévoient un ratio à 1.
Le 30 septembre 1995, j’ai, à nouveau, formulé une réserve sur l’insuffisance de provisions concernant les SICAV Tigre Atlas. La provision portait toujours sur 4 millions de francs. Le ratio de liquidité était également insuffisant puisque de 0,62.
Le 30 septembre 1996, j’avais porté une réserve concernant l’absence de comptes annuels qui ne m’avaient pas été produits concernant la participation de la MNEF dans la société Carte Jeunes SA. J’estimais que je n’étais donc pas en mesure de savoir si une provision pour dépréciation s’avérait nécessaire ou non. Une provision forfaitaire avait été constatée à hauteur de 2 millions de francs, mais je m’estimais incapable de savoir si cette provision était suffisante ou non parce que je ne disposais pas à ce moment-là des comptes de la société Carte Jeunes SA. Par ailleurs, le ratio de liquidité était de 0,39.
Le 30 septembre 1997, je n’avais pas apporté de réserve, seulement une observation quant à la constitution d’une provision globale et à court terme de 7,3 millions de francs concernant la mise en œuvre du programme Sésam Vitale qui, à mon avis, ne permettait pas d’avoir suffisamment de détails quant à la méthode de calcul qui était apportée dans les comptes de la MNEF. La simple observation que je faisais portait sur le manque d’information sur le calcul et sur la constitution de cette provision. Le ratio sur cette période était de 1,09. En fait, au 30 septembre 1997, nous nous situons juste après la cession importante de titres qui a eu lieu, dont vous avez certainement eu connaissance. Nous pourrons y revenir.
Le 30 septembre 1998, dernière année de mon mandat, j’ai apporté cinq réserves importantes. La première était d’ordre général et portait sur les procédures de traitement automatisé, en raison des dysfonctionnements qui ont entraîné des anomalies de traitement informatique et des impossibilités de décompte de certains dossiers, en particulier des dossiers d’hospitalisation.
Je relevais, également, une incertitude pour la MNEF quant à la possibilité de recouvrir à court terme le compte courant de sa filiale UES Saint-Michel, compte tenu des engagements pris par cette dernière dans ses propres filiales.
Le troisième point portait sur une absence d’information dans l’annexe quant à la garantie de passif accordé par la Société Nouvelle d’Investissement et de Gestion, qui avait été appelée, à titre conservatoire, à la date du 31 décembre 1998 pour un montant de 30 millions de francs, sachant, d’ores et déjà, que le compte courant d’une filiale semblait recouvrable à hauteur de 4 millions de francs.
Un quatrième point concernait le ratio de liquidités qui s’élevait alors à 0,55.
Un dernier point concernant le respect de l’article 124-6 du code de la mutualité qui limite à 10 % de l’ensemble de l’actif du groupement les créances de toute nature et les actions en parts d’une même société. Cela concernait essentiellement les créances et actions de la société UES Saint-Michel qui dépassaient ce ratio de 10 %.
Telles sont les réserves que j’ai été amenée à faire au cours de mon mandat.
M. le Président : Cette fonction de commissaire aux comptes l’exerciez-vous uniquement auprès de la MNEF ou également auprès des filiales de la MNEF ?
Mme Corine MAILLARD : J’avais été amenée effectivement à exercer des fonctions de commissaire aux comptes dans les filiales UES Saint-Michel et Raspail Participation Développement.
Initialement, j’avais accepté cette mission en 1994, à la date de constitution de l’UES Saint-Michel, sachant qu’en 1994, cela représentait assez peu de choses. Les participations se sont essentiellement développées de façon importante à partir de 1996. J’avais accepté, à cette époque, parce que la MNEF était alors quasiment majoritaire dans cette filiale UES Saint-Michel, dont elle détenait 99 %. Il me semblait judicieux de le faire pour savoir ce qui se passait dans ses filiales et savoir si je serais amenée à apprécier une éventuelle dépréciation des titres dans la MNEF.
J’ai démissionné de ces fonctions de commissaire aux comptes dans les filiales au 31 décembre 1996, parce que la MNEF ne possédait plus 99 % des parts. J’estimais de ce fait que je n’avais plus à rester dans ses filiales, mais également parce que j’ai pu constater qu’il y avait eu une prise de participation assez importante avec de nombreuses filiales et que je n’étais pas à même de suivre les deux missions. Cela me paraissait une charge trop importante pour ce qui me concernait.
M. le Président : La MNEF étant chargée de contrôler les filiales, n’y avait-il pas des incompatibilités d’intérêt à partir du moment où vous étiez le commissaire aux comptes des filiales et de la maison mère ?
Mme Corine MAILLARD : Cela se passe souvent de cette façon. Dans les grands groupes économiques, on retrouve très souvent des commissaires aux comptes qui sont à la fois commissaires aux comptes d’une filiale et de la maison mère.
La Cour des comptes m’a interrogée à ce propos. Je leur ai adressé une réponse évoquant les normes qui nous sont imposées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Celle-ci dit qu’il est très fréquent de retrouver les mêmes commissaires aux comptes dans les grands groupes économiques, pour diverses raisons. Cela permet, notamment, d’avoir une connaissance d’un groupe économique.
Ce qu’ajoute la Compagnie nationale des commissaires aux comptes dans les commentaires de ces normes, c’est qu’il ne faut pas que le commissaire aux comptes se trouve en dépendance économique par rapport à ce groupe. Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais estimé être en dépendance économique par rapport à la MNEF et ses filiales parce que le montant de mes honoraires par rapport à ceux du cabinet n’a jamais représenté plus de 10 %. Ce n’est pas considéré comme étant une dépendance économique.
M. le Président : Travaillez-vous également en tant qu’expert comptable ?
Mme Corine MAILLARD : Bien sûr.
M. le Président : Etes-vous l’expert-comptable de M. Spithakis ?
Mme Corine MAILLARD : La Cour des comptes m’a également posé cette question.
Il est vrai que j’ai eu l’occasion de faire sa déclaration de revenus, mais cela n’a été qu’une aide, non facturée. Je n’avais pas l’initiative de recueillir ses revenus. Cela a simplement été une assistance.
M. le Président : M. Spithakis a eu des activités plus ou moins commerciales, avec des locations dans le midi de la France. Vous ne vous chargiez pas de cela ?
Mme Corine MAILLARD : J’ai tenu une ou deux de ses comptabilités. Mais ce n’était pas du tout lié à la MNEF.
M. Robert PANDRAUD : C’était à titre bénévole ?
Mme Corine MAILLARD : Pour ce qui est de sa déclaration de revenus, c’était à titre bénévole parce que je ne pouvais pas considérer que je maîtrisais les éléments de sa déclaration de revenus. Ce n’était qu’une assistance.
J’ai eu l’occasion de lui facturer des honoraires sur une ou deux activités très accessoires qu’il a pu avoir, effectivement, dans le sud de la France, qui n’étaient, je le répète, pas liées à la MNEF.
M. le Président : Vous avez tout de même entendu toutes les mises en cause de la gestion et de la comptabilité de la MNEF qui ont été faites. En 1999, avez-vous accepté le renouvellement de votre mandat ?
Mme Corine MAILLARD : Oui.
M. le Président : Vous ne vous êtes pas interrogée pour accepter le renouvellement de ce mandat, compte tenu de ce qui était mis en cause ?
Mme Corine MAILLARD : Non. Pas du tout.
M. le Président. Chaque fois que vous faisiez des réserves sur les différents bilans qui vous étaient présentés, avez-vous pu constater, dans le bilan qui suivait, si ces réserves avaient été suivis d’effet ?
Mme Corine MAILLARD : Généralement, c’était le cas, sauf pour les provisions SICAV qui, l’année suivante, n’avaient pas été provisionnées.
Cela dépendait du type de réserves. Ce n’est pas toujours le cas. Pour ce qui est de la présentation du compte courant Immocampus, quand il s’agissait d’une harmonisation comptable qui ne demandait pas beaucoup d’efforts, c’était le cas. Mais, par exemple, la réserve concernant les provisions pour SICAV n’a pas été suivie d’effet l’année suivante, mais deux ans après.
M. le Président : La remise en cause qui a été faite de ces comptes de la MNEF vous paraît-elle légitime ? On a parlé d’opacité. Ce terme vous paraît-il correspondre à la vérité ou est-il faux ?
Mme Corine MAILLARD : Opacité. Il est vrai qu’il n’est jamais très facile de lire les comptes d’un groupement tel que la MNEF, qui a des participations dans plusieurs types de sociétés. Ce n’est jamais très facile à lire parce que l’on n’a pas, en effet, le détail des comptes de toutes les sociétés filiales.
Dans un premier temps, jusqu’en 1994, ces participations étaient directement dans les comptes de la MNEF. L’IGAS a souhaité qu’elles soient centralisées au niveau d’une UES, ce qui a été fait en 1994.
Il est sûr qu’il n’est jamais très facile d’avoir l’ensemble des participations au travers d’une seule participation qui correspondait à l’UES Saint-Michel. Mais, malgré tout, on retrouve ces participations dans les comptes.
M. le Président : De ce que j’entends, vous avez bien lu le rapport de la Cour des comptes. Celle-ci a relevé que la Commission de contrôle des comptes de la MNEF, qui avait pour mission, avec votre aide, d’éclairer le conseil d’administration dans l’examen des comptes qui lui étaient soumis, se contentait en guise de rapport de certifier exacts et sincères les comptes qui lui étaient soumis, sans véritable discussion et sans réel contrôle. Qu’avez-vous à dire là-dessus ?
Mme Corine MAILLARD : La Commission de contrôle pouvait éventuellement me convoquer et demander à ce que l’on ait une réunion de travail. Cela ne s’est jamais passé ainsi. On ne me demandait rien. Je faisais directement mon rapport en assemblée générale.
M. le Président : Avez-vous estimé à un moment ou un autre que des irrégularités graves relevaient d’une transmission au Procureur de la République ?
Mme Corine MAILLARD : Non. Je n’ai pas eu l’occasion de procéder à une révélation de faits délictueux.
M. le Rapporteur : Le commissariat aux comptes de la MNEF est-il la seule entreprise que vous contrôlez dont le siège social soit à Paris ? Avez-vous une activité autre sur Paris ?
Mme Corine MAILLARD : Oui, essentiellement du commissariat. J’ai aussi une mission d’expertise comptable sur Paris.
M. Robert PANDRAUD : Cette société asiatique dont vous parliez,...
Mme Corine MAILLARD : Il ne s’agit pas d’une société. Il s’agissait de SICAV.
M. Robert PANDRAUD : Pourriez-vous me donner quelques explications ?
Mme Corine MAILLARD : C’étaient des placements en SICAV. Si vous souhaitez que je vous apporte les documents correspondants, je peux vous les fournir, bien sûr. Je ne les ai pas là, mais je vous les ferai parvenir.
M. le Président : A propos de documents, je souhaiterais avoir les textes exacts de vos réserves.
Mme Corine MAILLARD : Tout à fait. Je les ai notés là sous forme télégraphique, mais je peux vous les laisser.
M. Robert PANDRAUD : Faisiez-vous partie de la MNEF avant d’être commissaire aux comptes ?
Mme Corine MAILLARD : Comment ?
M. Robert PANDRAUD : En tant qu’adhérente ou au conseil d’administration ?
Mme Corine MAILLARD : Non.
Je veux bien vous dire comment j’ai été amenée à entrer à la MNEF, si vous le souhaitez.
M. Robert PANDRAUD : Je n’osais pas vous le demander.
Mme Corine MAILLARD : Je vais vous le dire.
En fait, j’ai passé mes examens avec l’ancien commissaire aux comptes, qui s’appelait Alain Sécréto, qui était à l’Ecole supérieure de commerce de Marseille. Nous étions de la même promotion, peut-être avait-il un an d’avance sur moi. J’ai passé mes examens avec lui. Quand il a été commissaire aux comptes, il m’a demandé d’intervenir dans le cadre de la MNEF, sur une mission bien spécifique d’aide au chef comptable pour la présentation des comptes, parce que, sur les années très antérieures, la MNEF a eu énormément de difficultés à s’harmoniser avec l’ensemble des règles comptables. On m’a demandé de participer à une présentation des comptes qui portait sur l’année 1992-1993. L’assemblée générale n’a pas renouvelé les fonctions de commissaire aux comptes de M. Sécréto. Comme j’étais déjà dans la maison et que j’avais mon diplôme, on m’a proposé la mission de commissariat aux comptes, que j’ai acceptée. Alain Sécréto était commissaire aux comptes à Carpentras. Il est reparti là-bas. C’était Dominique Lévêque qui, à l’époque, m’avait proposé cette fonction.
M. Jean-Paul BACQUET : C’est celui qui avait négocié le contrat de travail de M. Spithakis.
Mme Corine MAILLARD : Dominique Lévêque ?
M. Jean-Paul BACQUET : Votre cabinet d’expertise comptable fait un chiffre d’affaires de 3 millions de francs par an. Que représente la MNEF dans ce chiffre d’affaires ?
Mme Corine MAILLARD : Sur l’exercice 1997-1998, j’ai facturé 291 000 F HT.
M. Jean-Paul BACQUET : Vous expliquez que vous présentez chaque année votre analyse devant le conseil d’administration.
Mme Corine MAILLARD : Devant l’assemblée générale, en fait.
M. Jean-Paul BACQUET : Vous faites cela depuis un certain nombre d’années.
Mme Corine MAILLARD : Oui.
M. Jean-Paul BACQUET : Considérez-vous que les membres du conseil d’administration et de l’assemblée générale que vous avez en face de vous, sont des personnes capables, suffisamment formées pour pouvoir analyser ce que vous leur présentez.
Mme Corine MAILLARD : Ce sont tout de même les membres de la structure pour lesquels je dois donner mon opinion.
M. Jean-Paul BACQUET : Ce n’est pas le sens de ma question. Le sens de ma question est simple : vous êtes actuellement devant une commission d’enquête et je vous demande simplement si, à votre avis, les gens que vous avez en face de vous sont suffisamment formés et suffisamment compétents pour analyser ce que vous leur présentez.
Mme Corine MAILLARD : Je pense que oui. Ils ont, de toute façon, la possibilité de poser des questions, si bon leur semble.
M. Jean-Paul BACQUET : Un certain nombre de membres du conseil d’administration sont passés devant cette commission : ils ne savaient rien sur rien, et d’ailleurs ne souhaitaient rien savoir.
Mme Corine MAILLARD :C’est possible.
M. Jean-Paul BACQUET : Pensez-vous que ces gens avaient toute capacité d’analyser les éléments que vous leur donniez ?
Mme Corine MAILLARD : Je pense que oui.
M. Jean-Paul BACQUET : Vous avez dit avoir émis des réserves sur la Carte jeunes, sur Sésam Vitale, sur des sommes qui ne sont pas négligeables puisqu’il s’agit de 7,3 millions, de 30 millions, etc. Quelle a été la réaction de l’assemblée générale lorsque vous avait annoncé ces réserves ?
Mme Corine MAILLARD : Les réserves concernant les 30 millions de francs portaient sur la situation au 30 septembre 1998, il y a eu énormément de questions. Il est vrai que, cette fois-ci, beaucoup de questions m’ont été posées.
M. Robert PANDRAUD : Et auparavant ?
Mme Corine MAILLARD : Ce n’était pas le cas.
M. Robert PANDRAUD : Vos comptes étaient approuvés.
Mme Corine MAILLARD : Les comptes étaient approuvés. Ce ne sont pas les miens.
Mme Catherine PICARD : Il ne faut pas confondre. Ce n’est pas un trésorier.
Mme Corine MAILLARD : En fait, le conseil d’administration arrête des comptes qui lui sont donnés par le directeur financier et le directeur général. Et le conseil d’administration présente ensuite ces comptes en assemblée générale. Ceux-ci faisaient l’objet d’un rapport du trésorier. À la suite de la lecture du rapport de ce trésorier, je lisais mon rapport. J’ai toujours assisté aux assemblées générales de la MNEF, au cours des six années de mon mandat.
M. Robert PANDRAUD : Jusqu’à la dernière, il n’y avait pas de questions ?
Mme Corine MAILLARD : Sur la dernière, il y en a eu.
M. Robert PANDRAUD : Mais auparavant ?
Mme Corine MAILLARD : Quasiment pas.
M. Jean-Paul BACQUET : On a entendu dire que la MNEF pouvait être la pouponnière de certains organismes. Sup de Co Marseille aurait-elle été une bonne pouponnière de la MNEF ?
Mme Corine MAILLARD : Je ne sais pas. Je ne connais pas forcément l’origine de tous...
M. Jean-Paul BACQUET : Une bonne pouponnière que ce soit pour les experts-comptables, pour les présidents de conseil d’administration, les membres du conseil d’administration, les directeurs...
Mme Corine MAILLARD : Il est vrai que le directeur général avait fait Sup de Co Marseille. Mais en dehors de lui, je ne sais pas s’il y avait beaucoup de personnes qui sortaient de Sup de Co. Je ne connais pas leur cursus.
M. Jean-Paul BACQUET : Une question m’intrigue. Nous sommes dans une commission d’enquête parlementaire. Il semblerait que d’autres que les parlementaires s’intéressent aussi à la MNEF et il semblerait qu’il n’y ait jamais eu de problème à la MNEF. Aussi, je vous pose la question : pourquoi une telle affaire de la MNEF ? Il n’y a rien ou il y a quelque chose ?
Mme Corine MAILLARD : Je ne sais pas.
M. Jean-Paul BACQUET : Votre avis personnel.
Mme Corine MAILLARD : Je ne sais pas, parce qu’il est vrai que l’IGAS a eu l’occasion de faire des contrôles précédemment. Il est vrai qu’il y a peut-être eu une montée en charge plus importante en matière de participations sur les derniers exercices. Ce n’est pas à négliger en matière d’engagement, mais les comptes étaient été transmis aux autorités de tutelle. Je ne sais pas.
M. Robert PANDRAUD : Avez-vous été interrogée par la Cour des comptes ?
Mme Corine MAILLARD : Oui, je les ai vus. Je leur ai même laissé mon dossier à disposition.
M. Robert PANDRAUD : Par l’autorité judiciaire ?
Mme Corine MAILLARD : Non.
M. le Président : Compte tenu de la perte de 80 000 adhérents, donc de la perte d’un chiffre d’affaires de l’ordre de 24 millions de francs, estimez-vous que la MNEF peut s’en sortir, compte tenu des nouvelles pertes envisageables ?
Mme Corine MAILLARD : Effectivement, je suis très inquiète. Je m’interroge beaucoup. Je leur ai demandé, dans le cadre de la loi du 1er mars 1984, de m’établir dans les dix mois suivant la clôture, c’est-à-dire avant fin juillet, un plan prévisionnel à date de 30 septembre 1999, parce que, effectivement, je suis inquiète.
M. le Président : La MNEF peut-elle s’en sortir sans un plan social dans les prochains mois ?
Mme Corine MAILLARD : Non, je pense qu’elle sera obligée de mettre en œuvre un certain nombre de choses pour redresser ses comptes internes.
M. le Président : Ce redressement porterait sur quelles sommes ? Prenons deux fourchettes : la fourchette actuelle avec ses moins 24 millions stabilisés et une fourchette avec une situation qui n’est pas stabilisée.
Mme Corine MAILLARD : Je manque d’éléments parce qu’il est vrai qu’il y a eu une perte d’adhérents importante. Pour l’instant, avec cette perte d’adhérents mais avec un montant de remise de gestion identique à celui de l’année précédente, le budget présente un résultat déficitaire de 4 millions de francs. Si l’on s’en tient à ces chiffres, la MNEF peut supporter une année déficitaire de 4 millions.
M. le Président : Quand a-t-il été arrêté ?
Mme Corine MAILLARD : Il a été arrêté en début d’année, il y a trois mois. Maintenant, il est vrai que j’ai encore un point d’interrogation quant aux remises de gestion. Je ne sais pas encore quelles remises de gestion seront accordées à la MNEF pour l’année 1999.
M. Jean-Pierre BAEUMLER : 262 F, selon la presse.
Mme Corine MAILLARD : Bien sûr, mais je ne vais pas me contenter d’une information prise dans le journal.
M. le Président : Qu’est-ce que cela donnerait avec une remise de gestion de 260 F ?
Mme Corine MAILLARD : Il faut que je le fasse calculer.
M. le Président : J’aimerais que vous nous fassiez une petite note, en partant sur la base de 262 F.
Mme Corine MAILLARD : Je vais le demander.
M. le Président : Avec cette remise de gestion et les comptes que vous avez, que pouvez-vous prévoir comme chiffres prévisionnels ?
Mme Corine MAILLARD : Quel délai m’accordez-vous pour vous rendre cette note ? Pouvez-vous attendre le délai prévu par la loi de 1984, à savoir jusqu’à fin juillet, ou souhaitez-vous l’avoir avant ?
M. le Président : Madame, il me faut cela sous huit jours.
Mme Corine MAILLARD : Je vais leur demander de le faire, et le vérifier. Tout simplement.
M. le Président : Je souhaiterais que ce soit vous qui nous le fassiez parvenir.
Mme Corine MAILLARD : D’accord.
M. le Rapporteur : Dans son rapport sur la MNEF, la Cour des comptes note une confusion importante dans l’imputation des dépenses de déplacements, de réception, avec des difficultés pour savoir à quelle personne ces dépenses se rattachent. Cela a-t-il attiré votre attention ?
Mme Corine MAILLARD : J’ai effectivement été amenée à faire des contrôles sur les frais de déplacements, et sur l’ensemble des charges de façon générale. En fait, il existe quand même une comptabilité analytique, minimum j’entends, mais qui nous permet de connaître le nom des personnes qui ont pu bénéficier de remboursements de frais de déplacement. Personnellement, je n’ai jamais eu de problème à ce sujet.
M. le Rapporteur : 10 millions de francs de frais pour l’exercice 1995-1996, cela vous a-t-il conduit à poser des questions sur l’intérêt de ces frais ?
Mme Corine MAILLARD : Ce ne sont certainement pas des frais de déplacement des seuls administrateurs...
M. le Rapporteur : Justement, la Cour des comptes disait que ce n’était pas très clair.
Mme Corine MAILLARD : Non, dans la comptabilité, on arrive à avoir le détail entre les frais de déplacement des personnels... et il est vrai qu’il faut savoir que la MNEF est très décentralisée sur l’ensemble des régions et que les responsables de centres de gestion se déplacent relativement souvent à Paris. Cela génère des frais de déplacement relativement importants. Cela a été notamment le cas au cours des derniers exercices du fait de la mise en place du nouveau système informatique Prémuni, parce que toutes les séances de formation se faisaient à Paris, ce qui a généré des frais de déplacements importants.
Mais, dans la comptabilité, on arrive à distinguer les frais de déplacement des personnels et ceux des administrateurs sans difficulté.
M. le Rapporteur : En tant que commissaire aux comptes, vous semble-t-il réalisable de séparer, de façon à la fois comptable et réelle, les comptes des différents types d’activité que peut poursuivre la mutuelle ?
Mme Corine MAILLARD : C’est possible, mais cela demande des moyens comptables qu’ils n’ont pas pour l’instant, en moyens humains et matériels. Il faut le faire à la base de la saisie des pièces comptables, ce qui n’est pas fait pour l’instant. C’est toujours possible, mais il faut s’en donner les moyens.
M. Robert PANDRAUD : Combien êtes-vous dans votre cabinet ?
Mme Corine MAILLARD : Neuf.
M. le Président : La mise en place d’une comptabilité analytique entraînerait des frais de fonctionnement qui pourraient être envisagés sur quelle masse financière ?
Mme Corine MAILLARD : Je ne sais pas. Ce sont des choses à calculer. Je ne peux pas le dire comme ça.
M. le Président : Plusieurs fois, il y a eu l’engagement de mettre en place une comptabilité analytique et l’on ne nous a pas indiqué les conséquences financières que cela aurait pour la mutuelle en termes de fonctionnement.
Mme Corine MAILLARD : Je ne peux pas le dire comme ça. Il faut travailler un peu pour savoir quel coût cela pourrait engendrer.
M. le Président : Je comprends votre réponse, mais...
Mme Corine MAILLARD : Ce qui est vrai, c’est qu’il faudrait pouvoir séparer la comptabilité purement mutuelle et la comptabilité liée au régime obligatoire.
M. le Président : Cela a été demandé à deux reprises.
Mme Corine MAILLARD : Ils envisagent de le faire.
M. Jean-Paul BACQUET : Avez-vous eu connaissance de l’existence d’un bateau dans une filiale de la MNEF ?
Mme Corine MAILLARD : Oui, j’en ai entendu parler, mais il ne s’agissait pas d’une filiale de la MNEF.
M. Jean-Paul BACQUET : C’est cela. Avez-vous déjà été invitée sur ce bateau ?
Mme Corine MAILLARD : Non.
M. Jean-Paul BACQUET : Jamais ?
M. le Président : Madame, nous vous remercions d’avoir accepté de venir devant la commission d’enquête.
Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr
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