Présidence de M. Louis MERMAZ, Président

M. Pierre PRADIER est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Pierre Pradier prête serment.

M. le Président : Je vous invite, Monsieur Pradier, à faire un exposé sur votre mission et sur le rapport que vous avez fait sur les questions de santé dans les établissements du programme 13 000 avant que nous ne vous posions quelques questions.

M. Pierre PRADIER : J’ai en effet été amené à faire un rapport sur la gestion de la santé dans les établissements 13 000. Au moins au départ tel était le texte même de la mission que m’avait confiée Mme la ministre de la Justice et le secrétaire d’Etat à la Santé. Pour pouvoir dire des choses relativement exactes sur ce sujet, il convenait d’avoir un minimum de comparaisons avec les établissements en gestion directe, ne serait-ce que pour pouvoir relativiser le propos.

Je ne suis pas du tout un expert. Médecin, j’étais à l’époque parlementaire européen et j’ai une relative expérience de la santé publique pour avoir travaillé avec les organisations internationales sur l’organisation de la santé publique, en particulier dans les territoires occupés par Israël. J’avais donc au moins une relative connaissance de la santé publique

Le monde carcéral ne m’était pas du tout connu et, pour dire vrai, je me suis engagé dans cette affaire un peu en traînant les pieds. Déjà au Parlement européen, il me semblait que la législature précédente n’avait pas rédigé de textes sur la condition carcérale

Une des premières questions que je me suis posée portait sur le point de savoir où en étions-nous, nous, Français, par rapport à nos partenaires européens. Sommes-nous en situation réellement déficitaire ? Sommes-nous dans le peloton ou en queue ? Au bout du compte, force est de reconnaître que, dans un certain nombre de domaines, les Français ont fait des progrès tout à fait considérables alors que dans d’autres, nous sommes manifestement plutôt retardataires.

Quels sont les éléments sur lesquels nous avons effectivement progressé ? Manifestement, la santé a été un vrai point d’avancée tout à fait spectaculaire et tout à fait substantiel par rapport à la situation des années 80. Deux éléments sont intervenus.

Le premier est, en 1990, la naissance des établissements à gestion partiellement déléguée. Ces établissements ont vu l’administration pénitentiaire lâcher une bonne part des tâches qui incombaient aux responsables des établissements pénitentiaires, notamment au plan de la santé, au profit d’un certain nombre de sociétés.

Autant jusqu’à présent on pouvait imaginer que dans d’autres grandes collectivités - les casernes, les hôpitaux... - une part était déléguée ou passée sous forme de marchés, autant dans les prisons, la santé était apparue comme un élément extrêmement inquiétant. Il faut dire que l’administration pénitentiaire s’est défait de cette responsabilité en traînant un peu les pieds, encore que le terme soit peut-être un peu vif. Voilà que, tout d’un coup, les personnels médicaux et infirmiers étaient recrutés par une société privée et échappaient complètement au contrôle de l’administration pénitentiaire. Pendant les quatre ou cinq premières années, la chose a été vraiment difficile. Il s’est tout d’un coup instauré une relation, inconnue jusqu’alors, du détenu malade avec son médecin. Le " colloque singulier ", cette espèce de capacité qu’a eue le détenu d’arriver dans une pièce où il ne parle plus à quelqu’un qui l’emprisonne mais à une personne qui veut le soigner a été un élément tout à fait frappant.

Cinq ans après, l’irruption de l’hôpital public à l’intérieur des établissements pénitentiaires a complété quelque peu ce dispositif et donné lieu à quelques passes d’armes qui n’ont pas été toujours des plus tendres. Le personnel de surveillance en particulier a dû remettre en cause un statut, une façon de faire, un software, en quelque sorte, qui l’a conduit à une reconversion. La chose a été difficile au moins au départ. Progressivement, la connaissance mutuelle des uns par les autres a facilité les choses et un brin d’estime est né de la part des uns et des autres, tenant aux servitudes du travail de chacun.

Qu’en est-il donc aujourd’hui de la santé ? Ce matin, 54 000 personnes se sont réveillées en prison. Il n’est pas possible de passer sous silence le fait que depuis mai 1999 ce sont les délinquants et criminels, auteurs de délits ou de crimes à connotation sexuelle, qui sont les plus nombreux, représentant plus de 20 % du nombre des détenus. Jusqu’à présent, les toxicomanes ou les incarcérés pour infraction à la législation sur les stupéfiants ou pour des vols simples arrivaient en tête du nombre de détenus.

Aujourd’hui près de 40 % des détenus sont en prison soit pour infraction à la législation sur les stupéfiants, soit pour délit ou crime à connotation sexuelle et cela amène un fantastique changement dans la " clientèle " des établissements pénitentiaires. La personne qui aurait quitté la France voici vingt-cinq ans et qui reviendrait brusquement dans le même établissement ne le reconnaîtrait pas ! Aujourd’hui, le vol qualifié ou même le vol avec violence - le pain quotidien voici quelques années - est tout à fait minoritaire dans la population pénale.

La santé de ces hommes est très importante et je veux mettre l’accent sur deux éléments : la santé somatique et la santé mentale.

S’agissant de la santé somatique, il faut dire qu’aujourd’hui, en France, les prisonniers sont probablement parmi les mieux traités en Europe. Par exemple, s’agissant de séropositivité et du sida, pathologies qui avaient fait trembler le monde entier dans les années 80, les progrès ont été incontestables. En 1985, 6 % des détenus étaient séropositifs ou porteurs d’un sida évolutif. C’était un chiffre énorme mais qui est retombé au cours de l’année 1999 à 1,5 point. C’est dire qu’il y a eu là une baisse tout à fait considérable qui n’est pas liée à la santé dans les prisons mais à la santé tout court, aux grandes campagnes de prévention qui ont été faites. Aujourd’hui on ne " mégote " pas pour le traitement de ces malades : un malade porteur d’un sida en prison bénéficiera du même traitement que s’il était à l’extérieur. La trithérapie pose un gros problème de servitude d’abord du malade pour s’y soumettre mais aussi de coût pour la société. En tout cas, elle est mise en _uvre de façon tout à fait convenable. Je n’ai pas vu un seul malade dans les 13 000 ni dans un établissement à gestion directe, qui ait été " abandonné " ou négligé. Les traitements sont de bonne qualité et la situation est relativement satisfaisante.

Si l’on peut, sinon lever le pied, mais du moins être un peu moins inquiet pour ce qui est des problèmes du sida, en revanche l’hépatite C devient une véritable inquiétude. Actuellement dans les visites d’entrée, on ne fait pas cet examen sérologique sans que le malade en soit d’accord. Généralement, les malades sont d’accord et le plus souvent il n’y a pas de résistance majeure pour qu’ils acceptent cet examen. Le chiffre de séropositivité est supérieur à 20 % et même 28 % dans un certain nombre d’établissements. Lorsque l’on sait que, s’agissant de l’hépatite C, il s’écoule une période " silencieuse " d’environ une dizaine d’années entre l’apparition de la séropositivité et l’explosion de la maladie, on peut considérer que nous avons, dans nos prisons, une bombe à retardement. Il y a là véritablement motif à une grande inquiétude !

Aujourd’hui encore, le traitement des hépatites que l’on commence à faire est extrêmement onéreux mais aussi extrêmement lourd pour le malade. Avant de démarrer le traitement, on est obligé de faire des ponctions biopsie de foie ; la ribavérine et l’interféron sont deux médicaments efficaces mais qui secouent considérablement les malades. C’est une maladie très dure ! L’hépatite C restera donc un souci !

Nous avons eu quelques graves difficultés avec la tuberculose. Dans les dernières années, on a vu monter en flèche le nombre de tuberculeux. En l’espace de moins de cinq ans, d’une part le nombre de malades porteurs de souches multirésistantes a considérablement diminué. Aujourd’hui la tuberculose reste toujours un problème mais surtout un problème de mauvaise information, en particulier s’agissant des personnels de surveillance. Ces derniers considèrent le tuberculeux, même s’il est traité et qu’il n’est plus porteur de bacilles, comme un danger toujours inquiétant.

Il faut insister sur un deuxième élément qui est à mon sens franchement dramatique : la santé mentale.

Sur ce point, manifestement, il y a dans les établissements pénitentiaires français un nombre considérable de grands psychotiques délirants, chroniques, connus, suivis, traités, qui n’ont manifestement pas leur place dans un établissement pénitentiaire. C’est là une certitude ! Je citais dans le rapport le cas de Lannemezan, centrale de sécurité, maison " difficile " où sont incarcérés 150 détenus " longues peines " et il y a au moins 10, pour ne pas dire 12, détenus malades. Le psychiatre de l’établissement avoue qu’il ne peut pas continuer à traiter ces malades dans ces conditions-là. Le cas de Lannemezan n’est pas unique mais il m’a beaucoup frappé car la proportion est énorme : 10 sur 150 ! Les codétenus et les personnels de surveillance sont ainsi placés dans une situation impossible. Quelles que soient les retenues que l’on puisse avoir à l’égard des surveillants, n’oublions pas qu’ils font un métier extrêmement difficile et qu’ils se trouvent, là encore, en situation beaucoup plus difficile, avec des détenus qu’on ne sait pas très bien comment prendre !

Peut-on trouver des causes ? Peut-être ! Il me semble qu’il y a au moins deux éléments à prendre en considération et sans doute ne me ferai-je pas que des amis auprès de mes confrères psychiatres.

Premier élément, les hôpitaux psychiatriques publics ferment très progressivement - mais de façon implacable - les services fermés. Au demeurant, c’est aussi au nom d’un certain respect que l’on porte au malade ! Mais en même temps voilà que les experts-psychiatres rendent auprès des cours d’assises des avis d’expert qui, en l’espace de quinze ans, se sont radicalement modifiés.

Au bout du compte, on se retrouve avec des gens qui sont en situation de maladie mentale grave, évolutive, sévère et pour lesquels la prison est le seul endroit qui va finalement les " accueillir " ! A cet égard, il faudra parler non pas tellement de la psychiatrie en prison mais de la psychiatrie tout court tant il est vrai qu’on ne peut parler de la psychiatrie en prison sans parler de l’évolution de cette discipline elle-même !

Il me semble que les Etats Généraux de la psychiatrie seraient une nécessité.

Dieu sait pourtant si " je suis de gauche ", comme l’on dit, et j’ai passé toute ma vie dans l’hôpital public. J’y ai appris et exercé ma médecine ! Mais, pour être clair, ce sont les psychiatres du secteur privé qui sont, et de loin, ceux qui travaillent le mieux à l’intérieur des établissements pénitentiaires.

Qu’avons-nous comme suggestion à faire ?

Des Etats Généraux ou du moins des rencontres entre les représentants de la discipline psychiatrique et ceux qui sont très directement en cause dans le déroulement du processus, c’est-à-dire les magistrats, seraient hautement souhaitables. Il est un élément auquel on ne pense jamais assez : les directeurs d’établissement n’ont absolument aucune maîtrise ni de leurs " stocks " ni de leurs flux ! Ils prennent qui on leur envoie et ce n’est pas à eux à décider quoi que ce soit ! Ce sont quand même les magistrats qui sont les " pourvoyeurs ", lesquels ont, quand même, depuis quelques années également considérablement alourdi les peines : elles ont doublé en vingt ans sur des crimes ou des délits comparables.

Tous ces éléments pèsent également d’un poids extrêmement lourd sur l’équilibre mental.

Deux ou trois éléments méritent encore qu’on s’y arrête.

Nicole Maestracci qui m’a précédé devant votre commission a déjà évoqué les problèmes de la toxicomanie. Il faut le dire, ces problèmes sont extrêmement " lourds " en prison et malgré des textes qui semblent relativement sans équivoque, les religions ne sont pas encore faites. La façon dont un toxicomane est traité en prison dépend énormément et des humeurs et des appartenances et des opinions d’un directeur d’établissement, d’un médecin-chef. C’est un flou artistique dont il conviendrait de sortir !

Deuxième élément, les suicides en prison : un suicide en prison est toujours un coup de tonnerre dans l’établissement et pour tout le monde : pour celui qui en est victime, pour ses codétenus, pour le personnel de surveillance qui reçoit toujours le suicide comme une gifle, comme une atteinte très mal ressentie. Les personnels de surveillance et les directeurs d’établissement ont aussi une sensibilité, une conscience et un suicide les atteint forcément.

En ce domaine, nous, Français, nous sommes particulièrement mauvais. Pourquoi ? Certes, la France est le pays où, dit-on, tout le monde rêve de venir vivre ! Mais c’est aussi en France qu’on se suicide le plus, et de beaucoup, en tout cas au sein de l’Europe des quinze. En termes d’usage de médicaments et de suicide, la France est très loin en tête et sans doute les sociologues pourraient-ils tenter de nous en expliquer les raisons. Mais, une fois encore, la prison n’est pas autre chose que la vie dehors caricaturée !

En France, le taux de suicide dépasse les 20 pour 100 000 !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Notamment chez les jeunes !

M. Pierre PRADIER : En effet !

En Suède, par exemple, ce taux est à 7 ! En France, je le répète, il est de 20 !

Qui se suicide et quand se suicide-t-on ? Ce sont les jeunes. Quand ? Tout de suite après l’incarcération, dans les quinze jours. Ensuite, quand l’incarcération a duré et qu’un jugement est intervenu, on se suicide dans les jours qui précédent et dans les jours qui suivent la comparution à l’audience. Tels sont les deux pics les plus importants.

Sur ce plan également, il est très difficile d’en vouloir à qui que ce soit. Dans une maison centrale située à côté d’Annecy, à Aiton, établissement 13 000, une expérience intéressante a été tentée. Dans le questionnaire d’entrée du détenu, des questions-piège essayent de repérer le profil du déprimé ou du suicidaire et en même temps un entretien est prévu. Or entre cet entretien et ce questionnaire, on a essayé de repérer la population à risque maximum et les individus visés ont été surveillés de plus près. A Aiton, en une année, cinq suicides ont été enregistrés ! Chiffre énorme ! Or pas un seul des malades qui se sont suicidés n’était porté sur la liste ainsi établie.

Ce n’est pas parce que le travail avait été mal fait et probablement avait-il même été très bien fait ! La compétence et la conscience de quiconque ne sont pas à mettre en cause mais c’est qu’il s’agit là d’un problème extrêmement difficile et pour lequel nous n’avons probablement pas de recette ! Sinon peut-être, quand même, la capacité qu’il va falloir développer, de contact des détenus, à l’intérieur même, avec les unités médicales et socio-éducatives et avec l’extérieur.

Je viens de dire " avec l’extérieur " et sur ce point je veux apporter un élément qui me paraît important. On a gardé dans nos prisons françaises un folklore, une culture qui est actuellement vraiment déraisonnable ! Je pense en particulier à l’utilisation du téléphone par les détenus déjà condamnés. On leur accorde - bien sûr sous la réserve qu’ils payent leur carte de téléphone - six minutes par semaine, ou dix-sept minutes par mois pour téléphoner et le temps varie selon les établissements. Cette pratique me paraît franchement déraisonnable. Il s’agit là d’une " punition " et bien sûr on peut " punir ", d’autant qu’on a longtemps cru que la prison était faite pour cela ! Mais l’utilisation du téléphone pour le maintien d’un contact avec l’extérieur est importante. Naturellement, toutes les communications sont enregistrées et les détenus le savent très bien ! En tout cas, cette " punition ", sous la forme d’une petitesse, d’une mesquinerie est porteuse de graves conséquences dans le lien qu’un détenu peut garder avec l’extérieur.

Certes, des réformes sont à l’_uvre à l’échelon institutionnel et structurel. Mais il faut aussi faire la réforme de nos esprits.

M. le Président : Je vous remercie et je souhaite vous poser trois questions.

Comment gérez-vous les urgences médicales en milieu pénitentiaire ?

Est-ce que la création d’unités hospitalières spécialisées interrégionales vous semble une bonne solution ?

Quelle appréciation portez-vous sur le fonctionnement de l’établissement public mixte de la santé à Fresnes ?

M. Pierre PRADIER : Monsieur le Président, vous êtes maintenant chirurgien, si je puis dire, et vous savez où " çà fait mal " ! En effet, ce sont là trois points qui méritent notre attention.

Comment se passent les urgences aujourd’hui dans un établissement ? Soyons clairs : cela se passe mal pour diverses raisons.

Première raison, il y a une sorte d’imperméabilité entre les personnels pénitentiaire et policier en particulier pour ce qui est de l’urgence à hospitaliser.

A l’intérieur de la prison d’abord, les personnels de surveillance sont confrontés à des problèmes insolubles ! Je prends le cas d’un établissement de moyenne importance, dépourvu d’une permanence médicale et infirmière, laquelle existe dans les très grands établissements. Dans un des 150 établissements concernés, il est vingt-trois heures, le médecin est parti et un détenu se plaint de maux de ventre très douloureux. Que fait-on ? On va chercher le surveillant de nuit lequel peut être confronté à des gens qui ont une certaine habitude d’un peu simuler et d’un peu mentir. Il ne faut pas être angélique mais il ne s’agit pas non plus de conclure qu’ils sont constitutionnellement mauvais mais c’est la seule arme qu’ils ont. Le surveillant de nuit peut être d’un naturel anxieux et il appelle le médecin alors que le cas ne le mérite pas ! Ou bien il a un esprit sécuritaire ou plus punitif et il risque de connaître un épisode grave avec la perte du malade ! Il est confronté en tout cas à des responsabilités de santé pour lesquelles il est mal armé.

Une suggestion avait été faite pour que la décision relève finalement du médical : un téléphone portable, porteur d’une seule ligne, en direction du SAMU de l’hôpital dont dépend l’établissement. Le surveillant passerait le médecin - régulateur dont le métier est de comprendre le sens d’un appel, d’analyser une situation et de prendre une décision médicale, libérant un personnel qui n’en peut mais. Il est vrai qu’un téléphone portable dans un établissement pénitentiaire est un instrument qui sent le soufre. Mais techniquement il est assez simple de ne prévoir qu’une ligne vers le SAMU. Des solutions peuvent être imaginées. La difficulté tient au fait que l’imagination n’est pas au pouvoir dans les établissements.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Peut-être la télé-médecine serait-elle une solution ?

M. Pierre PRADIER : On pourrait l’imaginer ! Encore qu’à mon sens l’_il sur le malade ou les deux mains sur un ventre sont irremplaçables mais peut-être suis-je vieux style ? En revanche, on peut imaginer de la télé-médecine entre le médecin de l’établissement, le malade présent à la consultation et la consultation dans un service spécialisé de haute volée au C.H.U. dont pourrait relever la spécialité.

Les urgences se passent mal, je l’ai dit ! Faire sortir un malade, faire une " extraction " - quel terme ! - pour motifs de santé est un parcours du combattant. Il faut remonter la filière jusqu’au directeur de l’établissement, lequel entretient avec les forces de police, le commissariat ou la gendarmerie selon les cas, des rapports qui peuvent être plus ou moins bons selon les cas. La gendarmerie traîne un peu les pieds, elle maugrée... mais elle y va ! La police ? Il arrive assez fréquemment qu’un responsable rétorque que tel n’est pas son métier, qu’il y a d’autres urgences... Ce sont des palabres sans fin ! Certaines situations sont alors très difficiles surtout quand il y a réellement urgence !

Il me semble que sur ce sujet, des textes précis, ne prêtant pas à interprétation locale, pour commodité personnelle ou autre, doivent voir le jour et donner sans équivoque la conduite à tenir.

En ce qui concerne les centres hospitaliers interrégionaux, dans le droit fil de ce qui avait été décidé au départ - c’est-à-dire que les détenus doivent avoir droit à la même qualité de soins qu’à l’extérieur - il faudra que des unités d’hospitalisation réservées aux détenus soient implantées. Mais où ? Dans des centres hospitaliers universitaires parce que c’est là que se trouve toute la chaîne possible de la qualité : équipement du plateau technique, présence et compétence des praticiens. Huit centres de cette nature ont été prévus. Il sera toujours possible de discuter sur leur nombre, mais la vraie question sera celle de leur mode de fonctionnement et de leur implantation architecturale à l’intérieur du C.H.U. Où va-t-on les mettre ? Quid de la possibilité d’accès pour l’ensemble des personnels infirmiers et médicaux et en même temps du maintien des conditions de sécurité ? Il n’a échappé à personne et surtout pas à l’administration pénitentiaire que ce serait l’endroit rêvé pour que des évasions se produisent en nombre relativement abondant ! Il y a donc un vrai problème de mode de fonctionnement interne : l’architecture et les questions liées au personnel et à l’équipement seront très importantes.

S’agissant du centre médical de Fresnes, j’ai un peu honte mais je vous dis mon sentiment en deux mots et de façon un peu abrupte : " Fresnes, il faut le fermer ! " Il faut le fermer ou le modifier complètement dans son fonctionnement et peut-être même dans son architecture.

Ces bâtiments qui datent des années 50 ne sont conformes à rien architecturalement, ni le cubage, ni la façon dont sont disposés les lits, ni les salles d’opération, ni le service de radiologie, etc. On est là dans l’anormalité absolue.

En revanche, il y un ou deux services très prospères qui travaillent très bien. C’est en particulier le cas du service de réhabilitation, réadaptation, physiothérapie et rééducation fonctionnelle. Ce service est très prospère ; il travaille très bien avec des gens de très haute qualité. C’est probablement davantage vers un hôpital de moyen séjour, à vocation nationale, sur ces disciplines là - en particulier pour les rééducations qui risquent d’être un peu difficiles - que le centre de Fresnes pourrait trouver une sorte de sauvetage. Mais la question est assez difficile car, là encore, c’est un peu une Bastille. Je suis un peu vif dans mes propos mais le sujet mérite toute notre attention.

M. le Président : Sachez que nous sommes intéressés par tout document que vous pourriez nous faire parvenir.

M. Pierre PRADIER : Je pourrais vous transmettre le rapport que j’ai fait sur la condition carcérale en Europe lorsque j’étais parlementaire européen.

M. le Président : Je vous remercie beaucoup.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr