14.78. En fin de compte, les politiciens, les administrateurs, les intellectuels et les médias ont tous "fait leur travail" selon l’euphémisme favori des génocidaires. Au début, seuls les Interahamwe et les soldats tuèrent des Tutsi, mais ils firent rapidement usage de leur autorité pour forcer les Hutu ordinaires à participer aux massacres. Lorsque le gouvernement national appela les Hutu à se soulever et à anéantir les Tutsi, des dizaines de milliers de gens ordinaires répondirent à l’appel. Plusieurs étaient des hommes jeunes, sans emploi, pauvres et sans domicile. D’autres étaient des réfugiés du Burundi, férocement anti-Tutsi. D’autres étaient des partisans du MRND, provenant des provinces du Nord-Ouest. Plusieurs Hutu ordinaires ne prirent part aux massacres que parce que leur vie était menacée, ou parce qu’ils obéissaient aux voix unies de leurs dirigeants, qui les incitaient à participer au génocide. Un grand nombre d’entre eux étaient attirés par les promesses de terres, de bétail ou de biens matériels qu’on leur faisait miroiter. Quelle qu’en soit la raison, le Hutu Power transforma une quantité énorme de gens, dans certains cas des communautés entières, en complices du génocide.

14.79. La question de la responsabilité continue de hanter le Rwanda jusqu’à ce jour. Un complice est-il coupable au même degré qu’un membre des Interahamwe ? Quelqu’un qui a tué sous la contrainte, dans le cadre d’une foule, qui ne faisait que suivre les ordres, qui n’a tué qu’une seule fois, qui n’a pas tué mais n’a rien fait pour faire cesser les meurtres - cette personne est-elle coupable de crime contre l’humanité ? Il y avait à ce moment six millions de Hutu au Rwanda, et nous savons que plusieurs soldats et miliciens ont tué beaucoup plus qu’un concitoyen chacun. Cela veut dire que des millions de Hutu n’ont tué personne, bien que plusieurs d’entre eux aient aidé à construire les barrages, à enterrer les morts ou à faire d’autres travaux. Toutes ces questions, à la fois complexes et sensibles, ont causé des dilemmes majeurs pour le Rwanda et le reste du monde depuis 1994, dans la recherche de la justice et de la réconciliation. Ce sont des sujets de la plus haute importance pour notre Groupe et nous reviendrons sur cette question centrale.


Source : Organisation de l’Unité Africaine (OUA) : http://www.oau-oua.org