17.1. À la fin de la guerre et du génocide le 18 juillet 1994, la situation au Rwanda était aussi lugubre que ce qu’on avait pu connaître ailleurs auparavant. Rarement un pays ou un peuple n’avait eu à faire face à autant d’obstacles apparemment insurmontables avec si peu de ressources. Selon une ONG, "les Rwandais ont traversé un cauchemar national qui défie presque l’entendement. Leur société est une société meurtrie par un génocide et qui a également connu la guerre civile, des déplacements massifs de réfugiés, une situation insurrectionnelle constante [après le génocide] [...] de profondes plaies physiques et psychologiques qui vont probablement mettre des décennies à cicatriser [...] et une économie si dévastée que le pays est maintenant l’un des deux pays les moins développés au monde[1]."

17.2. C’est dans ce contexte que le FPR victorieux mit en place son "gouvernement d’unité nationale". Il est difficile de croire qu’un autre gouvernement ait jamais été confronté à des défis aussi épineux. Sur tous les fronts, les obstacles étaient si énormes que n’importe lequel d’entre eux devait paraître insurmontable. Il fallait créer un nouvel appareil gouvernemental et réparer le tissu social en lambeaux. L’argent manquait et les fonds promis par le monde extérieur arrivaient au compte-gouttes la première année. Il fallait rebâtir l’infrastructure. L’économie avait besoin d’une reconstruction massive, ne serait-ce que pour retrouver sa situation antérieure déjà précaire. Il fallait transformer l’héritage de violence et la culture d’impunité et satisfaire les acteurs internationaux. Un système de justice pénale devait être rétabli pour que les coupables soient punis et pour dissuader les autres qui s’attendaient à ce que le repentir rende le pardon possible. Les femmes violées et les enfants traumatisés avaient des besoins physiques et psychologiques auxquels il fallait répondre sans tarder. Les tâches urgentes étaient innombrables, alors que juste de l’autre côté de la frontière, dans l’est du Zaïre, la némésis rôdait à nouveau et que dans le Sud-Ouest, sous la protection de la France, les génocidaires se regroupaient déjà pour un nouveau combat.

17.3. Le pays était dévasté. Sur les sept millions d’habitants qu’il comptait avant le génocide, près des trois quarts avaient été tués, déplacés ou avaient fui ; de 10 à 15 pour cent étaient morts, deux millions étaient déplacés à l’intérieur des frontières et deux autres millions étaient devenus des réfugiés[2]. La plupart de ceux qui restaient avaient énormément souffert. Ils avaient été torturés et blessés en grand nombre. De nombreuses femmes avaient été violées et humiliées et certaines avaient contracté le SIDA. L’UNICEF calcula par la suite que sur six enfants qui avaient survécu, cinq avaient été témoins du carnage[3]. Une nation entière avait été brutalisée et traumatisée. Selon leur propre expression, ils étaient devenus des "morts ambulants".

17.4. Même lorsqu’il semblait prospère, le pays était pauvre. Il s’était encore appauvri suite à l’effondrement économique et durant la guerre civile qui précéda le génocide. Maintenant, il était complètement dévasté. L’économie était en ruine. Le produit national brut avait diminué de 50 pour cent[4]. Le PNB par habitant avait chuté à 95 $, c’est-à-dire de 50 pour cent en un an ; l’inflation restait de 40 pour cent[5]. Plus de 70 pour cent des Rwandais vivaient sous le seuil de pauvreté[6]. Rien ne fonctionnait. C’était un pays sans État. L’argent manquait ; les génocidaires avaient fui en emportant toutes les réserves de caisse. Il n’y avait pas de banques. Les 30 000 soldats victorieux n’avaient pas été payés[7]. L’infrastructure était détruite. Il n’y avait plus de services. Il n’y avait pas d’eau, pas d’électricité, pas de téléphone. Il n’y avait pas d’organe de gouvernement, central ou local. Il n’y avait pas de système judiciaire pour faire appliquer la loi ou pour protéger le citoyen.

17.5. Quatre-vingt pour cent des troupeaux étaient perdus, les terres agricoles étaient abandonnées, la terre détruite par les mouvements de millions de personnes déplacées[8]. Les systèmes de soutien agricole étaient détruits et l’aide alimentaire nécessaire pour l’année 1995 se montait à plus de 65 millions de dollars[9]. De même, tous les systèmes d’éducation et de santé étaient à reconstruire. Malgré les politiques d’exclusion qui régissaient l’attribution des postes dans la politique et dans l’armée, les Tutsi avaient été surreprésentés parmi les professions libérales ; par conséquent, plus de 80 pour cent des professionnels de la santé avaient été tués durant le génocide[10]. Les réserves de médicaments avaient également été pillées. Les trois quarts de toutes les écoles primaires étaient endommagées, le matériel scolaire et les livres avaient été volés[11]. Plus de la moitié des enseignants étaient morts ou avaient fui[12].

17.6. Il y avait des corps en putréfaction partout ; dans les cours de récréation des écoles, dans les rues, et l’on n’avait ni le matériel ni le personnel pour les évacuer. Les hôpitaux, les églises et les écoles avaient été transformés en boucheries nauséabondes. Quelque 150 000 maisons, la plupart appartenant à des Tutsi, avaient été détruites[13].

17.7. Peu de gouvernements ont eu à faire face à autant de défis avec si peu de ressources. Sur tous les fronts, à l’intérieur comme à l’extérieur, se dessinaient des crises. Deux membres seulement du Conseil des ministres avaient une quelconque expérience du fonctionnement d’un gouvernement ; la plupart ne connaissaient rien de l’administration publique ou du gouvernement. La plupart des membres n’étaient jamais venus au Rwanda avant la guerre[14]. De nombreux Rwandais instruits ayant des métiers spécialisés ou des professions libérales étaient morts ou exilés ; ils étaient nombreux à avoir appuyé le génocide.

17.8. Dans la pratique, la victoire du FPR était un triomphe pour les Tutsi. Mais les Tutsi étaient maintenant, comme ils l’avaient toujours été, et d’ailleurs à l’instar des Hutu, loin de former une communauté unie et homogène - d’autant plus que les exilés commençaient à revenir très nombreux. Les membres du FPR vainqueur venaient surtout d’Ouganda et parlaient anglais. Il y avait bien sûr ceux qui avaient survécu et ceux qui, profondément déprimés et amers, réclamaient justice et réparation. Les Tutsi de la diaspora revinrent du monde entier, mais surtout des pays voisins, Ouganda, Zaïre, Tanzanie et Burundi ; ils revenaient au pays avec leur famille, même ceux qui l’avaient quitté 35 ans plus tôt et ceux qui étaient nés en exil et qui posaient pour la première fois le pied sur le sol rwandais.

17.9. Les chiffres étaient stupéfiants ; en novembre, quatre mois seulement après la fin du génocide, près de 750 000 personnes étaient revenues au pays, ce qui renflouait au moins la population Tutsi[15]. Chacun revenant avec ses biens, sa langue, son histoire, sa culture, ce fut un peuple Tutsi presque entièrement nouveau qui vit le jour après la guerre. Même l’armée devint de plus en plus disparate, de nombreux Tutsi rwandais indigènes s’engageant aux côtés des anciens exilés d’Ouganda. Cette diversité créa quelques difficultés supplémentaires, mais les anciens réfugiés rapportaient avec eux des vertus - compétence, talent, motivation et leadership - qui furent indispensables à la reconstruction du pays.

17.10. Les Hutu eux aussi étaient divisés. Quel qu’ait été leur rôle, ils vivaient dans la terreur d’être arrêtés ou tués par les nouveaux dirigeants. Nombre d’entre eux étaient traumatisés par le cauchemar dont ils avaient été témoins ou auquel ils avaient participé. Certains d’entre eux étaient innocents, d’autres n’avaient fait qu’obéir aux ordres, d’autres avaient tué avec enthousiasme. Certains étaient d’authentiques génocidaires. Certains étaient torturés par la culpabilité, d’autres voulaient seulement vivre une vie paisible et pour d’autres encore, les Tutsi étaient des étrangers et il était inacceptable qu’eux-mêmes, qui constituaient la Rubanda Nyamwinshi, le peuple majoritaire et autochtone, soient à nouveau gouvernés par un peuple étranger.

17.11. Les tensions sociales demeurèrent intenses. La méfiance régnait partout et la polarisation ethnique était totale. Le nouveau gouvernement d’unité nationale craignait nombre de ses citoyens et les citoyens craignaient les membres au pouvoir. Il était impossible d’estimer l’appui dont jouissait le FPR. Qui représentait-il exactement et comment cet appui pouvait-il s’exprimer ? Le tissu social du pays avait été déchiré. Les chances de coexistence paisible entre Hutu et Tutsi semblaient négligeables même après que le FPR eut insisté sur le fait que l’ethnicité ne comptait plus au Rwanda.

17.12. La situation rwandaise était sans précédent. Après le génocide contre les Tutsi, le nouveau gouvernement était largement contrôlé par les Tutsi, qui représentaient un très petit pourcentage de la population. Le pays où ils prirent le pouvoir était composé principalement de Hutu, dont un nombre inconnu avait peut-être pu participer au génocide.

17.13. Cette situation problématique en elle-même constituait un autre défi pour un gouvernement qui n’en avait guère besoin. En témoignage de sa légitimité, il prétendait suivre les préceptes établis dans la Constitution de 1991 consistant à mettre en place une structure politique multipartite et à mettre en oeuvre les Accords d’Arusha, qui établissaient une formule de partage du pouvoir. Peut-être, et pour ne surprendre personne, que ceci n’était vrai que dans la mesure où les accords du passé servaient les objectifs du FPR. Ainsi, par exemple, le FPR s’appropria unilatéralement des ministères qui auraient dû être attribués au MRND, l’ancien parti au pouvoir[16]. Et alors qu’Arusha ne prévoyait pas de vice-président, le nouveau gouvernement installa le général Paul Kagamé, qui avait été la tête pensante du FPR durant la guerre civile, aux deux postes clés de vice-président et de ministre de la Défense.

17.14. Le nouveau Président, Pasteur Bizumungu, est un Hutu qui a rejoint le FPR en août 1990, juste avant l’incursion. En fait, 16 des 22 ministres étaient Hutu et cinq seulement étaient des Tutsi du FPR[17]. Comme nous l’avons déjà précisé, la plupart des partis politiques s’étaient divisés avant le génocide entre sympathisants et opposants de l’intégrisme Hutu ; tout comme le gouvernement intérimaire d’avril à juillet avait été composé de sympathisants de l’extrémisme Hutu issus de ces partis, le nouvelle équipe gouvernementale provenait en grande partie de factions opposées à l’intégrisme Hutu. Il était évident que la composition du nouveau gouvernement reflétait la composition ethnique du pays, en dépit de la position officielle du gouvernement selon laquelle l’ethnicité ne serait plus un facteur dans la vie rwandaise ; dans le nouveau Rwanda, tous seraient des citoyens libres et égaux. Néanmoins, rares étaient ceux, et c’est encore vrai maintenant, à part les responsables du gouvernement, qui ne pensaient pas que le pouvoir réel, politique et militaire, était exercé par un petit groupe de "Tutsi du FPR". C’était un autre grand dilemme à concilier par le gouvernement : son engagement public à assurer l’unité nationale et son instinct privé - certainement compréhensible, surtout au cours des premières années qui ont suivi le génocide - de s’appuyer sur ceux en qui il avait le plus confiance.

17.15. Onze mois après l’assermentation du nouveau gouvernement, J.-D. Ntakirutimana, chef d’État-major Hutu de Faustin Twagiramungu, Premier ministre Hutu, démissionna du gouvernement. "Pendant 30 ans, expliqua-t-il, les Hutu ont été au pouvoir et le pouvoir appartient maintenant aux Tutsi assistés de quelques Hutu symboliques dont je faisais partie [...] Certains d’entre nous pensaient que la victoire du FPR nous permettrait d’instaurer un changement réel. Mais le FPR a simplement installé une nouvelle forme de pouvoir Tutsi [...] Les radicaux des deux côtés renforcent mutuellement leur antagonisme et l’attitude actuelle du FPR encourage la position des extrémistes Hutu dans les camps de réfugiés[18]." Un peu plus d’un mois plus tard, en août 1995, le Premier ministre lui-même remit sa démission, suivi le lendemain par quatre autres membres, notamment le ministre de l’Intérieur Seth Sendashonga, un autre Hutu du FPR[19]. Ces démissions de postes de haut niveau reflétaient que les ministres Hutu croyaient n’avoir qu’un rôle symbolique dans le gouvernement, un simple rôle de relations publiques pour le FPR aux yeux du monde[20].

17.16. Ces démissions firent beaucoup de bruit et vinrent ternir l’image du nouveau Rwanda que le gouvernement avait si rapidement essayé de promouvoir. Il continuait d’insister sur le respect des Accords d’Arusha alors qu’en fait, il ne respectait surtout les dispositions de l’accord que lorsqu’elles coïncidaient avec d’autres objectifs du FPR. Les cartes d’identité des citoyens ne portaient plus la mention d’ethnicité, ce qui symboliquement était un point important, mais qui à lui seul ne permettait pas de modifier les valeurs et les comportements ; ce vestige colonial avait été aboli à l’indépendance au Burundi, où le fait même de parler de Tutsi et de Hutu constituait une infraction, mais l’impact restait faible sur les relations ethniques. Pour remplacer l’ancienne idéologie simpliste de "peuple majoritaire" - le Rwanda était une démocratie parce qu’une administration Hutu avait gouverné un pays où les Hutu étaient le groupe ethnique majoritaire - la proposition actuelle et tout aussi simpliste était que l’on avait maintenant une vraie démocratie parce que le FPR prétendait partager le pouvoir dans un gouvernement d’unité nationale.

17.17. Il est vrai que même après ces démissions, les Hutu continuaient de figurer en majorité parmi les ministres. Mais en réalité, plusieurs observateurs étaient convaincus que seules les apparences étaient partagées et non pas l’essence du pouvoir. Ceux qui ont étudié l’exercice du pouvoir au Rwanda depuis la fin du génocide parlent d’un pouvoir parallèle contrôlant les processus décisionnels et prenant les décisions importantes[21]. Les titres ne sont pas toujours ce qu’ils paraissent ; sans une seule exception, tous les observateurs sont d’accord pour dire que celui qui fut le plus puissant au pays depuis juillet 1994 n’est pas le Président ni le Premier ministre, mais le vice-président et ministre de la Défense, le général Paul Kagamé, qui avait commandé les forces du FPR durant la guerre civile.

17.18. Le schéma semble évident. Dans les deux ans qui suivirent la victoire militaire et la formation du gouvernement, 15 des 22 chefs du personnel ministériel, 16 des 19 secrétaires permanents et 80 pour cent des bourgmestres du pays étaient des Tutsi du FPR.[22] Ainsi, malgré la présence d’une majorité de ministres Hutu, une surveillance étroite était exercée par des aides Tutsi. Durant la même période, à l’Université nationale de Butare, 95 pour cent des professeurs et 80 pour cent des étudiants étaient Tutsi.[23] La presque totalité des forces de police, des unités de défense locale et de l’armée étaient Tutsi. Six des onze préfets et 90 pour cent des juges formés alors pour le ministère de la Justice étaient Tutsi[24]. Même chose pour les dirigeants de la société civile, le FPR ayant décidé de confier à ses alliés tous les organismes sociaux importants[25].

17.19. En résumé, il n’était pas difficile pour les critiques du gouvernement - et ils étaient nombreux - d’avancer l’argument selon lequel le Rwanda après le génocide était remarquablement semblable au Rwanda jusqu’au génocide, les positions des deux groupes ethniques ayant simplement été inversées - une ethnocratie militaire était en charge, même si un Président Hutu et des ministres Hutu, tels que Seth Sendashonga et des membres du Parlement désigné fournissaient une feuille de figuier pour cacher la vérité nue. Dans ces circonstances, il est raisonnable de se poser la question de savoir dans quelle mesure la majorité des survivants Hutu ou Tutsi - qui avaient été écartés d’un gouvernement dont les figures dominantes avaient à peine mis le pied au Rwanda avant 1990 - estimaient que ce gouvernement les représentait réellement. Mais comme le Rwanda était à nouveau sous un gouvernement non élu s’appuyanté sur par l’armée à dominance Tutsi, il fallut s’en remettre aux conjectures pour savoir ce qu’était l’opinion publique.

17.20. Ces critiques envers le nouveau gouvernement étaient discutables. Mais la plus grande préoccupation du monde extérieur ne semblait pas liée au pouvoir exercé par des Tutsis. Pratiquement dès le début, le gouvernement fut soumis à de fortes pressions de l’Europe, de l’Amérique du Nord et du Secrétariat des Nations Unies pour qu’il prouve son engagement à la réconciliation de tous les Rwandais. Ces demandes étaient les conditions à remplir pour que soient accordés les prêts dont le pays avait désespérément besoin[26].

17.21. Le Rwanda pouvait à peine faire les premières tentatives de reconstruction sans aide étrangère. Nous avons vu que même durant les "bonnes années" 80, une grande partie du budget du pays dépendait fortement de fonds étrangers. Cette dépendance avait maintenant connu une croissance exponentielle. Le maintien de la paix, le déminage, la remise en état des hôpitaux et des écoles, les soins aux orphelins, la reconstruction de l’infrastructure, la préparation d’un tribunal pour les crimes de guerre - la liste était interminable et les caisses étaient vides. L’aide étrangère et l’assistance des organismes internationaux étaient indispensables. Mais au-delà des besoins évidents auxquels il fallait répondre, la "communauté internationale" avait également l’obligation morale de compenser sa responsabilité de n’avoir pu prévenir le génocide. Au Rwanda, il n’y avait pas d’équivalent au gouvernement allemand ou aux industriels allemands à qui réclamer des indemnisations. Les seuls à qui l’on pouvait adresser des demandes étaient les pays riches et les institutions financières internationales qu’ils contrôlaient. Allait-on instaurer un plan Marshall pour la région africaine des Grands Lacs ? La communauté internationale allait-elle indemniser le pays pour son refus d’intervenir et de sauver des centaines de milliers d’êtres humains innocents ? À ces deux possibilités, on allait répondre par un "non" catégorique.

17.22. Compte tenu des circonstances, les réactions furent variées, parfois modestes, parfois décevantes et là encore parfois scandaleuses. Certains firent preuve de bonne foi et même de générosité. Mais comparée aux besoins et à ce que le Rwanda était forcé de supporter dans le processus, la réponse du monde laissa beaucoup à désirer.

17.23. Par exemple, une aide financière avait été accordée pour la reconstruction ; mais le gouvernement du Rwanda n’y avait simplement pas accès. La Banque Mondiale avait mis de côté 140 millions de dollars pour le Rwanda ; mais le pays devait rembourser 4,5 millions de dollars d’arriérés avant que le nouveau crédit ne puisse être débloqué - même si ces arriérés étaient bien sûr un héritage du régime Habyarimana[27]. On avait rapidement trouvé près de 1,4 milliard de dollars pour l’aide humanitaire d’urgence pour les camps de réfugiés durant les six mois suivant la fin du conflit, mais il semblait impossible de trouver maintenant le montant ridicule réclamé par la Banque Mondiale[28]. On peut également penser, compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, que la Banque Mondiale aurait pu faire une dérogation et effacer cette somme dérisoire.

17.24. De la même façon, l’Union Européenne avait prévu des crédits spéciaux se chiffrant à près de 200 millions de dollars américains pour le Rwanda, mais les Français opposèrent leur veto pour empêcher le déblocage de ces fonds jusqu’à la fin de 1994 et la somme ne put être débloquée qu’en partie[29].

17.25. En janvier 1995, le gouvernement de Kigali se réunit à Genève pour la première d’une série de tables rondes qui devaient lui permettre de se présenter et d’exposer ses plans à la communauté internationale, dont les promesses de contribution se montèrent à un peu moins de 600 millions de dollars américains[30]. Une réunion de suivi eut lieu en juillet à Kigali. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement, "l’une des préoccupations du gouvernement concernait la lenteur des versements des contributions promises en janvier. La réticence des donateurs à débourser effectivement les fonds était déjà en train de compromettre la préparation des programmes et des budgets pour les activités prévues[31]." Concrètement, cela signifiait que 25 pour cent seulement du total des contributions promises avait en fait été versé[32]. En outre, un cinquième de la première partie des contributions effectivement versées servit à rembourser les arriérés de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement[33].

17.26. Puis une autre question se posa : à qui verser les fonds ? Les réponses différaient grandement. Pour le gouvernement du FPR, la question n’aurait même pas dû se poser. Mais pour les donateurs qui observaient le chaos et l’incertitude dans ce pays gouverné par un groupe inexpérimenté de militaires, la réponse était claire mais tout à fait différente. Aux yeux de Kigali, la prudence des prêteurs internationaux n’a fait qu’ajouter l’insulte à l’injure. La plus grande partie des fonds alla non pas au gouvernement, mais aux organisations non gouvernementales et aux organismes de l’ONU. Presque toute l’aide accordée au pays fut versée non pas aux autorités de Kigali, mais à diverses organisations internationales.

17.27. Dans le cadre de ce mécanisme de table ronde, la communauté internationale promit de verser quelque 2,9 milliards de dollars entre 1995 et 1998[34]. Mais dans ce monde raréfié, qui dit promesse ne dit pas engagement, et seulement 1,8 milliard de dollars, soit 62 pour cent des contributions promises, furent effectivement engagés[35]. Les choses sont loin de s’arrêter là, car les engagements doivent devenir des déboursements et, en 1998, le montant total des déboursements était de 1,17 milliard de dollars ; environ un tiers seulement des contributions promises autour de cette table finit par être distribué[36].

17.28. Les choses se sont déroulées de la même manière pour les engagements sectoriels. L’Union Européenne et la Banque Africaine de Développement avaient promis des contributions devant spécifiquement servir à rétablir l’agriculture pour l’exportation, mais il fallut attendre des mois pour que des fonds soient effectivement déboursés et, à la fin de 1995, 6,4 millions de dollars seulement avaient été versés[37]. L’aide promise pour le système de santé tarda également, en particulier au début, ce qui augmentait les tensions entre le gouvernement et les donateurs internationaux. Vingt millions de dollars avaient été promis pour reconstruire le système scolaire en janvier 1995 ; en mai, rien n’avait encore été déboursé[38]. En général, l’aide humanitaire continuait d’avoir préséance sur le rétablissement à long terme, beaucoup plus longtemps qu’il n’était nécessaire, en grande partie pour répondre aux intérêts des organismes d’aide et non pas à ceux du peuple rwandais.

17.29. Vers la fin de l’année, alors que le total des contributions promises se montait à 50 millions de dollars, 4 millions avaient été déboursés[39]. Boutros-Ghali avait conscience de l’effet que ce retard pouvait avoir à Kigali : "Nous savons parfaitement combien il est difficile pour le gouvernement d’entreprendre des activités de reconstruction du pays lorsqu’il souffre d’un manque sérieux de ressources de base, notamment de liquidités. Alors que la communauté internationale lui demande d’entreprendre ces activités, la frustration du gouvernement devient de plus en plus grande à cause de la lenteur de cette même communauté internationale à fournir les ressources nécessaires[40]."

17.30. La question du fardeau de la dette contractée par le régime Habyarimana est peut-être celle qui illustre le mieux la façon dont la communauté internationale traita le Rwanda après le génocide. Une grande partie de la dette avait servi à acheter les armes utilisées d’abord dans sa guerre contre le FPR, et plus tard contre des Tutsi innocents durant le génocide. Ces faits étaient bien établis. Nous avons noté plus haut que durant la dépression traversée par le Rwanda à la fin des années 80, un programme d’ajustement structurel (PAS) avait été négocié entre le gouvernement et les principales institutions financières internationales peu après la guerre civile de 1990. Or, les principales mesures du programme ne furent appliquées qu’après l’invasion du FPR, et ses clauses n’ont été ni révisées ni modifiées en fonction des nouvelles circonstances[41]. Les PAS imposent toujours de difficiles mesures d’austérité et les coupures financières se firent bientôt ressentir dans les écoles, les établissements de santé, le soutien à la production agricole et l’infrastructure, qui manquaient déjà tous de fonds, tandis que d’autres réformes économiques entraînaient l’effondrement des services publics, l’augmentation du chômage et une instabilité croissante du climat social.

17.31. Mais ces mesures cruelles touchaient exclusivement les dépenses non militaires ; celles-ci représentaient une proportion de plus en plus grande des revenus du gouvernement, notamment des prêts étrangers. Avec l’approbation du FMI, l’armée passa bientôt de 5 000 à près de 40 000 hommes, et ce, grâce à des fonds de l’extérieur[42]. La dette avait servi à payer la mobilisation pour la guerre. Après une mission au cours de laquelle ils examinèrent soigneusement tous les livres durant les années entre l’invasion et le génocide, deux spécialistes financiers internationaux conclurent que "dans leurs interventions financières, dans leurs dons et leurs prêts, les donateurs internationaux ont délibérément accepté de combler le déficit budgétaire de la défense et, ce faisant, de financer la guerre et en fin de compte les milices[43]." Autrement dit, la militarisation accrue qui mena au génocide a été financée par la dette étrangère en pleine connaissance de cause de la part de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international et de la part de nombreux donateurs multilatéraux et bilatéraux (nationaux). Cette dette se montait au total à près de un milliard de dollars lorsque le FPR arriva au pouvoir en juillet[44].

17.32. Pour ces auteurs, cette analyse soulève immanquablement la question qui suit : quelle est la responsabilité des donateurs envers les victimes du génocide qui ont péri des mains des soldats et des milices financés par la dette du gouvernement Habyarimana ? Mais cette question semble n’avoir jamais été posée à l’époque.

17.33. Par contre, ce qui est assez incroyable, le nouveau gouvernement fut tenu responsable envers ses bailleurs de fonds multilatéraux et nationaux de la dette encourue par ses prédécesseurs. Dans le monde de la finance internationale, on ne semblait pas penser, alors que l’hypothèse est humainement logique, que le Rwanda méritait un traitement spécial sans lequel il ne pourrait pas se rétablir et que la dette aurait pu être effacée plus ou moins automatiquement. Au lieu de recevoir de ceux qui n’avaient pas réussi à arrêter la tragédie de fortes sommes d’argent en guise de réparation, c’est en fait le Rwanda qui leur devait de l’argent. Cette dette étrangère continua d’augmenter d’année en année et, en 1999, on a estimé que la dette du Rwanda au reste du monde se montait à près de un milliard et demi de dollars[45]. Nous reviendrons sur cette question à la fin du rapport.

17.34. Alors que la toute première priorité du gouvernement FPR était de trouver des fonds pour reconstruire les structures fondamentales de la société, les éventuels donateurs étrangers restaient fixés sur les questions politiques. La revue londonienne Economist résuma l’hypocrisie de leur position : "Il serait pour le moins malhonnête [...] de la part des ministres de l’aide européens de continuer à rendre leur aide conditionnelle à la résolution de problèmes que l’aide elle-même permettrait de résoudre[46]."

17.35. Des élections anticipées furent demandées, comme si les nouveaux dirigeants rwandais étaient trop isolés pour savoir combien de dictateurs ces mêmes gouvernements avaient soutenu pendant tant de décennies. Les Accords d’Arusha, que le FPR respectait lorsque cela l’arrangeait, demandaient une période de transition de 22 mois sous un gouvernement de coalition avant que des élections puissent être tenues ; le FPR prolongea rapidement ce délai à cinq ans. En 1999, le délai fut à nouveau prolongé de quatre ans, aux deux occasions pour la même raison[47].

17.36. Le FPR faisait face et continue encore de faire face à un dilemme impossible : il est difficile d’imaginer qu’il puisse jamais gagner une élection libre. Bien que de nombreux Hutu ou Tutsi modérés aient occupé des postes importants au gouvernement, la plupart des observateurs estiment que le gouvernement est perçu par la majorité de la population Hutu comme une incarnation du pouvoir Tutsi[48]. Pour la même raison, de nombreux Hutu étaient naturellement en faveur d’élections anticipées, sachant bien que les partis dominés par les Hutu les gagneraient facilement. Dans le même ordre d’idées, quand le reste du monde se joignit à ceux qui réclamaient des élections anticipées, le FPR y vit également un appui implicite à l’opposition.

17.37. Il convient de souligner ici un autre problème sérieux auquel il est rarement fait allusion. Il est ironique de constater que l’extrémisme et la démagogie sont des éléments inhérents au processus d’élection libre. Nous avons maintes fois répété que les conflits ethniques n’explosent pas par hasard ; ils sont le fruit de machinations délibérées de fauteurs de troubles opportunistes cherchant à exploiter des sentiments ethniques dans leur propre intérêt. Pour les politiciens, la tentation d’avoir recours à ces tactiques serait certainement grande lors d’une élection dont le prix pourrait bien être l’accession au pouvoir. Les moyens d’empêcher les extrémistes d’injecter, même de façon subtile, leur poison dans un processus d’élection libre mériterait réflexion.

17.38. Compte tenu des événements de l’année précédente, la colère du FPR envers les Nations Unies lorsqu’il arriva au pouvoir était parfaitement compréhensible. L’attitude du Secrétaire général de l’ONU ne tarda pas à exacerber cette colère. D’un côté, Boutros-Ghali s’empressait d’exprimer des remords de ne pas être intervenu pour arrêter le génocide et de faire le mea culpa de la communauté internationale. Dans une entrevue accordée à la fin de mai au journal Le Monde, il déclarait : "Nous sommes tous responsables de cet échec, absolument tous, les grandes puissances, les pays africains, les ONG, la communauté internationale [...] C’est un génocide [...] Nous avons échoué [...] C’est un scandale[49]." Dans une entrevue au journal Time, il fit part de sa frustration envers les États-Unis en demandant : "Pourquoi font-ils plus de cas d’un seul dissident chinois que du Rwanda où de un quart à un demi-million de personnes ont été tuées[50] ?" Dans ses mémoires, il raconte avec angoisse que les ambassadeurs aux Nations Unies lui avaient dit lors de conversations privées durant le génocide que ses efforts pour renforcer la MINUAR étaient "inutiles" à cause de la détermination inflexible des États-Unis à ne pas s’engager. Ainsi, alors que près de un million de personnes se faisaient massacrer dans un génocide dont personne ne doutait, le Conseil de sécurité n’a pas bougé[51].

17.39. Pourtant, dans son rapport au Conseil de sécurité en novembre 1994, six mois plus tard et pas plus de quatre mois après l’investiture du gouvernement FPR, Boutros-Ghali fit quelques demandes inattendues au nouveau régime. Selon lui, la réconciliation nationale par le partage du pouvoir était la priorité essentielle du Rwanda. "Il est évident que la réconciliation nationale va exiger [...] une compréhension politique entre l’ancienne classe dirigeante du pays et le gouvernement actuel [...][52]." Mais le FPR, outre le rapatriement au Rwanda des réfugiés, voulait également que l’on fasse la distinction entre les vrais réfugiés et "l’ancienne classe dirigeante du pays", c’est-à-dire les chefs politiques et militaires dans les camps de l’est du Zaïre ; après tout, c’étaient les génocidaires et, comme nous le verrons, ils préparaient et lançaient déjà des attaques armées au Rwanda contre les survivants du génocide. Le Secrétaire général était prudent. On savait bien que les chefs de l’extrémisme Hutu ne se laisseraient pas facilement séparer de la majorité des réfugiés et qu’il faudrait faire usage de la force ; ce serait une entreprise risquée, complexe et très coûteuse[53]. Personne n’eut finalement la volonté de se lancer dans cette entreprise et les génocidaires purent continuer à espérer compromettre et déstabiliser le fragile gouvernement qui venait de s’installer à Kigali, avec des conséquences désastreuses à long terme pour le reste de l’Afrique.

17.40. Quant au rapatriement des réfugiés au Rwanda, Boutros-Ghali reconnaissait que les génocidaires les dissuadaient de retourner. "À la lumière de ce qui précède, déclara-t-il, l’ONU a demandé l’avis des dirigeants politiques et militaires dans les camps sur les conditions qui leur permettraient de donner aux réfugiés la liberté de choisir de retourner au Rwanda[54]." Ces conditions comprenaient "des négociations avec le nouveau gouvernement, la participation des dirigeants exilés à tous les processus de négociation, la participation des Nations Unies à titre de modérateur dans les négociations entre le gouvernement et les dirigeants en exil, [...] le partage du pouvoir, [...] l’organisation d’élections anticipées, des garanties de sécurité, en particulier pour le retour de tous les réfugiés et des garanties pour la restitution aux réfugiés de leurs biens[55]."

17.41. Comme un chercheur l’a observé, dans la période qui l’a précédé et pendant toute la période du génocide, le monde a fait preuve d’indifférence et d’inaction. Et maintenant, quelques mois seulement après l’événement, "trop nombreux sont ceux au sein de la communauté internationale qui pensent que les Rwandais devraient s’attaquer à la reconstruction de leur société et qui leur conseillent trop souvent d’arrêter de remuer le passé et de se concentrer sur l’avenir[56]." Un responsable des droits de l’homme aux Nations Unies ayant l’expérience des situations post-conflictuelles pouvait à peine croire le degré d’insensibilité et le manque de compréhension des organisations humanitaires et de développement. "Dans les six mois qui suivirent la fin du génocide, il était fréquent d’entendre les travailleurs de l’Aide au Rwanda dire que, oui bien sûr, le génocide avait eu lieu, mais qu’il était temps de passer à autre chose[57]."

Nous espérons que ce chapitre servira de contexte, mais non d’excuse, au nouveau gouvernement du Rwanda. Le FPR a soigneusement noté chaque affront, chaque humiliation et trahison, chaque injustice dont il a fait l’objet. L’héritage d’amertume qui s’était accumulé avant et durant le génocide à cause de l’indifférence internationale est maintenant devenu pour la nouvelle élite une source d’indignation profonde et durable. Le gouvernement et l’armée du FPR se sont rendus coupables de graves atteintes aux droits de l’homme au cours des quatre dernières années, ce que le Groupe condamne sans réserve. Ce comportement est inexcusable. Le génocide des Tutsi ne justifie en aucun cas le massacre de civils Hutu innocents. Mais nous comprenons que ce gouvernement a souvent agi en réaction à l’insondable incapacité de la communauté internationale depuis le génocide à désarmer les génocidaires. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que le Rwanda était abandonné par la communauté internationale.


[1] U.S. Committee for Refugees, "Life After Death", 4, 41-42.

[2] Millwood, Étude 1, 57 ; F. Reyntjens, "Estimation du nombre de personnes tuées au Rwanda en 1994", dans S. Marysse et F. Reyntjens (éd.), L’Afrique des grands lacs. Annuaire 1996-1997, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 179-186.

[3] UNICEF, "Exposure to War Related Violence Among Rwandan Children and Adolescent".

[4] Banque Mondiale, "Rwanda : Country Assistance Strategy - Progress Report", juin 1999.

[5] Millwood, Étude 4, 36.

[6] Banque Mondiale, "Rwanda : Country Assistance Strategy" ; Fonds monétaire international, "Rwanda : Enhanced Structural Adjustment Facility - Economic and Financial Policy Framework Paper for 1998/99 - 2000/2001".

[7] Millwood, Étude 1, 57.

[8] Millwood, Étude 4, 42.

[9] Ibid.

[10] Ibid., 13.

[11] Ibid., 50.

[12] Ibid., 56.

[13] Ibid., 13-56.

[14] Prunier, 300.

[15] Ibid., 325 ; Millwood, Étude 4, 16.

[16] Prunier, 329.

[17] Ibid., 300.

[18] Ibid., 368.

[19] Ibid.

[20] Ibid.

[21] Ibid., 330 ; Timothy Longman, "State, Civil Society and Genocide in Rwanda", dans Ethnicity, Conflict and Insecurity.

[22] Prunier, 329.

[23] Ibid.

[24] Ibid.

[25] Ibid., 369 ; Longman.

[26] Prunier, 334.

[27] Ibid., 328.

[28] Ibid.

[29] Millwood, Étude 4, 34 (note 12).

[30] PNUD, "Resource Mobilisation and External Aid Flow to Rwanda, 1995-1999".

[31] Ibid.

[32] Ibid.

[33] Millwood, Étude 4, 31.

[34] PNUD, "Resource Mobilization".

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Millwood, Étude 4, 46.

[38] Ibid., 58.

[39] Ibid., 14.

[40] Secrétaire général, "Report of the Secretary-General outlining three options for a possible peace-keeping operation to enhance security in camps for Rwandan refugees," 18 novembre 1994, S/1994/1308.

[41] Michel Chossudovsky et al., "Utilization".

[42] Ibid.

[43] Ibid.

[44] Ibid. ; Steve Kayizzi-Mugerwa, "Rwanda Looking Ahead, Country Economic Report" (Stockholm : Organisation suédoise pour le développement international, à paraître), 13.

[45] Kayizzi-Mugerwa.

[46] "Abandoned Rwanda", The Economist, 26 novembre 1994.

[47] Prunier, 331.

[48] Ibid.

[49] "Boutros Boutros-Ghali, "Un scandale dont tout le monde est responsable", Le Monde (France), 27 mai 1994.

[50] Time, 1er août 1994.

[51] Boutros-Ghali, Unvanquished.

[52] Secrétaire général, S/1994/1308, paragraphe 14.

[53] Secrétaire général, S/1994/1308.

[54] Ibid.

[55] Ibid.

[56] Howard Adelman, "The Use and Abuse of Refugees in Zaire", étude commanditée par le GIEP, 1999, 22.

[57] Mark Frohardt, "UN Human Rights Field Operation in Rwanda", cité dans Adelman, "Use and Abuse".


Source : Organisation de l’Unité Africaine (OUA) : http://www.oau-oua.org