19.5. À vrai dire, une intrusion de cette ampleur n’est jamais bienvenue et a toujours des effets dévastateurs dans un pays ; et plus le pays est pauvre, plus la situation est difficile. Il est certain que ce fut le cas pour la Tanzanie. Le pays avait de sérieuses difficultés économiques, même avant 1994[5]. Sur ce, arrivèrent les 250 000 premiers réfugiés du Rwanda et voici comment le ministre des Affaires étrangères décrivait cette arrivée : "L’afflux [...] créa des tensions dans les districts frontaliers qui accueillaient les réfugiés, entraîna une destruction écologique et environnementale, un épuisement des réserves, eut un effet dévastateur sur les services sociaux et sur l’infrastructure et créa une situation d’insécurité et d’instabilité dans les régions frontalières [...][6]."
19.6. Pourtant, la Tanzanie semble avoir surmonté la crise de manière exemplaire et donne l’impression d’avoir rapidement maîtrisé la situation. En cela, la présence d’un gouvernement efficace fut un élément critique, car il fut capable de résoudre les problèmes de sécurité tout en élaborant rapidement un cadre de politique raisonnable. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés fut chargé de la coordination globale de l’aide, et la présence dans la région de 20 organisations non gouvernementales d’aide (ONG) lui facilita considérablement la tâche[7]. Le coordonnateur du HCR dans la région a déclaré par la suite que "la coopération entre le HCR et les ONG dans cette situation d’urgence était presque parfaite. Nous avions l’énorme avantage d’être déjà sur place, tout comme les ONG, pour les accueillir. Nous avions travaillé ensemble sur un projet pour les réfugiés du Burundi et nous nous connaissions bien[8]."
19.7. Mais la Tanzanie devait subir plusieurs autres invasions pacifiques. Vers la fin du génocide, 300 000 autres Rwandais s’y réfugièrent et la plupart des camps reproduisaient les structures sociales qu’ils venaient de quitter, et sous le contrôle des mêmes chefs génocidaires[9]. Les miliciens étaient en liberté et pouvaient se livrer à des intimidations et à des meurtres à volonté. En mars, à cause de l’agitation au Burundi, 40 000 personnes cherchèrent à fuir en Tanzanie, qui cette fois en refoula la moitié, ferma la frontière et annonça son intention de rapatrier tous les réfugiés[10]. Les problèmes créés par ces afflux de réfugiés furent énormes, et la communauté internationale n’arrivait pas à fournir l’aide matérielle qui faisait cruellement défaut, alors que la Tanzanie n’était pas plus à l’origine de la crise que les pays des autres continents. Du point de vue de la Tanzanie, sa politique exemplaire de "portes ouvertes" destinée à offrir une aide temporaire aux réfugiés en fuite était en train de transformer le territoire en zone de trop-plein pour les conflits de ses voisins. Par sa position géographique, elle se retrouvait chargée d’un énorme fardeau que le reste du monde ne semblait pas prêt à partager[11].
19.8. Le pays ne devait donc pas tarder à statuer qu’il ne pouvait plus assumer seul cette responsabilité. En 1996, la Tanzanie instaura une politique de rapatriement forcé de tous les réfugiés rwandais sauf s’ils pouvaient faire la preuve que leur vie était en danger s’ils retournaient dans leur pays[12]. À la fin de l’année, près de 475 000 réfugiés étaient retournés au Rwanda[13]. Cette décision de la Tanzanie fut critiquée par les organisations des droits de l’homme, mais appuyée par le HCR. Les dirigeants tanzaniens ont toujours essayé depuis de faire comprendre à la communauté internationale la position ingrate de pays comme la Tanzanie elle-même, assez malheureuse de se trouver en ligne de front. Mais la volonté de partager ces fardeaux est complètement absente.
[5] Africa Information Afrique (AIA), "Tanzania : What rights for refugees ?", sur le site web gopher ://csf.colorado.edu/00/Themati.../950807.tan.Who_Will_Help_Refigees%09%09%02, 7 août 1995.
[6] Dr Bonaventure Rutinwa, "The Aftermath".16.
[7] Millwood, Étude 3, 152.
[8] Bonaventure Rutinwa, "The Tanzanian Government’s Response to the Rwandan Emergency", Journal of Refugee Studies, 9, no 3 (septembre 1996).
[9] Voir le graphique sur la population réfugiée dans Millwood, Étude 3, 33.
[10] Rutinwa, "The Tanzanian Government’s".
[11] Ibid.
[12] Rutinwa, "The Aftermath", 37.
[13] Rutinwa, "The Tanzanian Government’s".
Source : Organisation de l’Unité Africaine (OUA) : http://www.oau-oua.org
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter