Le Rwanda -comme le Burundi- fait partie de ces très rares Etats africains dont l’unité politique et culturelle prend sa source dans les monarchies des XVIIIème et XIXème siècles. L’histoire politique du Rwanda est d’abord marquée par l’établissement de la dynastie des Banyiginya, d’origine tutsie, au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

Le Mwami à la fois souverain et chef des armées défend les frontières de son royaume et s’assure de l’obéissance de ses troupes. Le XIXème siècle connaît la consolidation du pouvoir dynastique des Banyiginya sous le règne de Kigeri Rwabugiri.

En 1895, à sa mort, s’ouvre une sanglante crise de succession. Si certaines régions sont soumises à l’autorité du roi et de ses chefs, d’autres zones continuent de reconnaître l’autorité des chefs de clans hutus ou de leurs propres souverains -les Bahinza également Hutus- mais aussi de chefs de lignage tutsis. A la fin du siècle dernier, le Rwanda précolonial, en dépit d’une amorce d’unification centralisatrice, se présente donc encore comme une mosaïque de pouvoirs.

En 1892 et 1894, Oscar Baumann et Gustav Adolf von Götzen sont les premiers Européens à pénétrer dans un pays en pleine crise politique, dont l’unité nationale est sans doute établie, sans qu’existe, pour autant, de véritable unité territoriale. " Si la prééminence mystique du roi est à peu près reconnue sur une aire qui correspond grosso modo au pays actuel, l’autorité politique proprement dite s’exerce très inégalement : lointaine et souvent remise en cause dans les régions nordiques (Byumba, Ruhengeri, Gisenyi, Kibuye), qui continuent à être organisées selon un système clanique et se contentent de verser des tributs symboliques, en voie d’implantation à l’est (Kibungo) et au sud-ouest (Cyangugu), forte au centre et au sud (Kigali, Gitarama, Nyanza, Butare) "(7).

A l’époque, l’unité de base de la société rwandaise était le lignage regroupant les descendants, en ligne masculine, d’un ancêtre commun, chaque lignage étant représenté par un chef. L’organisation administrative du pays présentait un caractère féodal dans la mesure où la possession d’un fief (" igikingi ") dépendait du bon vouloir royal ou du chef d’armée qui vous l’attribuait. Les détenteurs de fiefs étaient des Tutsis issus pour la plupart des grands lignages d’origine princière. Toutefois dans les provinces du nord-ouest, dans la partie montagneuse du nord et dans certaines principautés, les chefs de lignage hutus, géraient eux-mêmes leur domaine, traitaient directement avec la cour et se contentaient, on l’a vu, d’acquitter leur tribut.

Lors de la colonisation, la puissance occidentale supprima les multiples fiefs créés par la royauté pour créer un commandement homogène de chefferies et sous-chefferies ; c’est ainsi que progressivement le roi et les chefs devinrent de simples agents d’exécution de l’administration territoriale.

Sur le plan économique, la possession de bovins représentait la richesse par excellence. " Rien ne surpasse la vache " disait un proverbe, même s’il existait aussi une richesse purement agricole.

Mais la monétarisation de l’économie finit peu à peu par supplanter les systèmes d’échanges et notamment le don de bétail, " l’inbuhake ", dont le but principal était l’obtention d’une protection politique. Les réformes politiques introduites par le mandataire belge firent perdre sa signification politique et sociale à " l’inbuhake " dont la pratique fut abolie en 1954.

La colonisation s’achevait donc, d’une part, avec la disparition de ces deux éléments caractéristiques de l’identité rwandaise -le fief (" igikingi ") et le don de bétail (" inbuhake ")- et, d’autre part, avec la mise en place d’un territoire administrativement centralisé et unifié.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr