En 1885, la Conférence de Berlin attribua le Rwanda à l’Empire allemand. En 1900, les Pères blancs fondèrent les premières missions. L’action des Allemands consista principalement à raffermir l’autorité dynastique et à protéger l’installation des missionnaires.

En 1919, le Traité de Versailles donna à la Belgique mandat sur le Rwanda et le Burundi qui devinrent le Rwanda-Urundi. Le mandataire belge, choisissant l’administration indirecte, décida de moderniser le pays en adaptant les institutions locales au point de transformer totalement ces dernières. La royauté traditionnelle s’en trouva affaiblie et les administrateurs coloniaux choisirent de s’appuyer sur quelques lignées de l’entourage dynastique en faisant d’une fraction sociale privilégiée, une élite moderne, instruite et éduquée dans la religion chrétienne.

Durant la colonisation allemande, puis belge, l’imaginaire racial qui sous-tend l’histoire mythique propagée par les colonisateurs va profondément s’ancrer dans la société rwandaise. Il constitue l’élément structurant de l’organisation sociale et politique mise en place dans les années vingt et trente : " le travail de redéfinition des équilibres sociopolitiques des deux royaumes du Rwanda-Urundi opéré par la colonisation a consisté, dans un premier temps, à consolider et figer des hiérarchies sociales et économiques, jusque là largement différenciées voire fluides autour du seul critère d’identification " ethnique " puis, dans un second temps, à le reproduire au niveau des nouvelles positions sociales mises en place par la société coloniale "(8).

Ce processus de rigidification de la société rwandaise illustre parfaitement l’interaction entre histoire et historiographie : c’est essentiellement au nom de la coutume que l’on prétend restaurer, qu’ " une dichotomie rigide entre " seigneurs tutsis " et " serfs hutus " tend à prendre corps dans la vie sociale "(9). Cette dichotomie n’existait pas auparavant puisqu’un Hutu qui possédait plusieurs têtes de bétail pouvait, de ce fait, être " tutsifié ", de même que pouvaient se produire des phénomènes de " détutsification ".

Plus encore, l’ethnicisation de la société rwandaise, fruit d’une construction politique et institutionnelle élaborée par la puissance coloniale, est intériorisée par les Rwandais eux-mêmes : chez les uns, elle développe un complexe de supériorité alors que, chez les autres, un puissant sentiment de rancoeur et de haine s’installe. Il est symptomatique de constater à cet égard que l’élite hutue qui émerge dans les années cinquante développe un discours qui se situe totalement dans la ligne de ce que Mme Claudine Vidal qualifie dans ses écrits d’" histoire ressentiment ".


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr