Après l’offensive généralisée du FPR le 8 février, l’armée rwandaise, totalement démoralisée, ne contrôle plus la situation. Le Général Dominique Delort est informé de l’arrivée à Kigali, le 22 février, du Colonel Didier Tauzin, accompagné d’une vingtaine d’officiers et spécialistes du 1er RPIMA, connu sous le nom de Chimère en raison du nom de la station de transmission de ce régiment.

Sur décision du Général Dominique Delort, le Colonel Didier Tauzin reçoit sous ses ordres la totalité des militaires du DAMI, soit 69 hommes au total. Le détachement Chimère regroupe donc le DAMI Panda, déjà présent, et le détachement venu en renfort avec le Colonel Didier Tauzin.

La mission du détachement Chimère consiste à :

 rehausser le niveau technique opérationnel de l’état-major des FAR et d’au moins deux commandements de secteurs ;

 participer à la sûreté éloignée du dispositif Noroît, chaque fois que la situation le nécessite ;

 compléter le niveau d’instruction des personnels des FAR sur les équipements scientifiques ;

 former les spécialistes des FAR sur les équipements nouveaux ;

 être en mesure de guider les appuis aériens.

D’après les documents recueillis par la Mission, l’objectif du détachement était d’encadrer indirectement une armée d’environ 20 000 hommes et de la commander indirectement.

Après un survol en hélicoptère des zones menacées, il est décidé d’envoyer une équipe d’officiers-conseillers auprès de l’état-major des FAR et une équipe de conseillers auprès de chacun des commandants de secteur (Ruhengeri, Rulindo, Byumba). Des éléments du DAMI Génie exercent une mission de conseil auprès des commandants de secteur en matière d’organisation défensive du terrain. Un DAMI Artillerie effectue une mission de conseil en vue de l’utilisation des batteries de 122D30 et de 105 mm.

Les trois équipes de secteurs, les DAMI Génie et Artillerie, opéreront à proximité souvent immédiate des contacts. On note toutefois l’absence de tout dommage, à l’exception d’un blessé léger lors d’un tir ennemi, qui a entraîné une riposte du côté français. S’agissant du bilan des actions de conseil aux FAR, on relève en premier lieu que la seule présence française a entraîné une reprise de confiance quasi-immédiate parmi ces dernières, et corollairement, face à cette " nouvelle pugnacité " des FAR, l’inquiétude du FPR, qui tentera en vain jusqu’au cessez-le-feu du 9 mars, d’améliorer ses positions. Le FPR, arrêté sur ses gains du 23 février 1993, ne progressera plus.

Dans le prolongement de ce qu’avait pu préconiser le Colonel Gilbert Canovas, le Colonel Didier Tauzin insiste à nouveau auprès des FAR sur la nécessité pour elles de prévoir une réserve stratégique, un recrutement de cadres, une réorganisation des unités et la création d’unités de renseignement. Il indique qu’à partir du 15 mars 1993, de nombreuses propositions sont faites au Chef d’état-major rwandais, qui les accepte, et que, dans le cadre de la coopération franco-rwandaise, des plans de défense et de contre-attaque sont élaborés.

Dès le 20 mars, l’armée rwandaise entreprend des réorganisations.

Un officier français estime que cette mission est sans doute la première application à grande échelle depuis 20 ans du concept d’assistance opérationnelle d’urgence et attribue ce mérite à la bonne connaissance du Rwanda par le 1er RPIMA. Il reconnaît également, dans ce contexte, le caractère indispensable de la présence d’éléments de Noroît, qui se révèle dissuasive pour le FPR et rassurante pour le DAMI en cas de difficultés.

La conclusion qu’il tire de cette expérience donne toutefois matière à réflexion. Le coût global (financier, humain, médiatique) de cette opération de stratégie indirecte lui paraît extrêmement faible en regard des résultats obtenus et en comparaison de ce qu’aurait été le coût d’un engagement direct contre le FPR.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr