( Les circonstances de l’attentat contre l’avion présidentiel sont relativement simples. Le Général Juvénal Habyarimana s’était rendu à Dar Es-Salam pour une ultime réunion entre les présidents de la région des grands lacs, qui devait concerner le Burundi et au cours de laquelle seuls ont été abordés les problèmes du Rwanda, notamment la participation de la CDR aux nouvelles institutions.

M. Jacques Depaigne, Ambassadeur de France au Zaïre à cette époque, a fait observer que " l’absence du Maréchal Mobutu au sommet de Dar Es-Salam s’expliquait très bien et que, sur le moment, elle n’avait même pas posé de questions particulières. Le Maréchal ayant convoqué les deux principaux protagonistes, il avait fait, en quelque sorte, son " numéro ", ce qui devait lui suffire. De plus, la qualité de l’accueil qui lui aurait été réservé par ses autres collègues n’était pas suffisamment garantie pour qu’il pense devoir effectuer le déplacement ".

Il semble donc inexact de prétendre que le maréchal Mobutu aurait refusé de se rendre à Dar Es-Salam par crainte d’un complot ou de monter au dernier moment dans le Falcon 50 du Président Juvénal Habyarimana. Au retour, le 6 avril en fin d’après-midi, celui-ci a proposé au Président du Burundi, M. Cyprien Ntaryamira, dont l’appareil était en panne pour certains ou plus vétuste pour d’autres, de rentrer par le même avion.

Certains ont affirmé que la réunion de Dar Es-Salam aurait duré plus longtemps que prévu, ce qui aurait obligé le Président Juvénal Habyarimana à retarder son départ, alors que pour des raisons de sécurité, il avait formé le voeu de rentrer avant la tombée de la nuit. Selon M. Bernard Debré, le Président ougandais Museveni, allié du FPR, aurait retenu le Président burundais et " l’aurait convaincu de prendre l’avion du Président rwandais pour rejoindre Kigali (...) afin de venir le lendemain à Kampala " pour une autre réunion " qui ferait l’objet d’une avancée vers la paix (...) Museveni - d’une façon tout à fait anormale selon tous les participants à la conférence de Dar Es-Salam- retient encore le président du Burundi et c’est à la tombée de la nuit que l’avion quitte enfin Dar Es-Salam ". M. Jean-Christophe Belliard a indiqué qu’à son avis le Président du Burundi, Cyprien Ntaryamina, " était mort tout simplement parce que son avion était trop lent " et qu’il avait entendu " le Président Juvénal Habyarimana lui proposer de l’emmener, en ces termes : " Viens, ce sera plus rapide. Viens jusqu’à Kigali, ensuite je te prête mon avion jusqu’à Bujumbura. "

Il paraît donc certain que le retour des deux présidents dans le même avion a été décidé au dernier moment et que les auteurs de l’attentat n’ont pu en avoir connaissance à l’avance.

( A 20 heures 30, au moment où il abordait par l’est la piste d’atterrissage de l’aéroport de Kigali, l’avion a été atteint par un ou deux missiles antiaériens et s’est écrasé dans les jardins de la propriété même du Président Juvénal Habyarimana à proximité de l’aéroport.

M. Jean-Michel Marlaud a précisé devant la Mission qu’il avait été " informé de l’attentat vers 20 heures 30 par un appel téléphonique de M. Enoch Ruhigira, Directeur de cabinet du Président Juvénal Habyarimana ", qui seul s’était rendu à l’aéroport pour accueillir le Président Juvénal Habyarimana à son retour de Dar Es-Salam.

Par ailleurs, M. Ahmedou Ould-Abdallah a fait remarquer que, contrairement à la tradition, les corps constitués ne s’étaient pas rendus à l’aéroport pour accueillir le Président Juvénal Habyarimana à son retour et a insisté " sur cette entorse à une pratique institutionnalisée ". Il en a déduit que " ceux qui d’habitude invitaient les corps constitués savaient que l’avion n’arriverait jamais " à destination. L’argument manque cependant de pertinence, d’une part, parce que le retour précis du Président rwandais n’était pas connu à l’avance, il aurait même interrompu la réunion de Dar Es-Salam, d’autre part, parce que la non convocation des corps constitués pourrait justement laisser penser que les personnes en charge du protocole étaient au courant d’un complot.

L’ensemble des auteurs s’accordent sur le fait que les missiles ont été tirés à proximité d’un lieu appelé " la ferme ", situé sur la route reliant la colline de Masaka à la route principale Kigali-Rwamagana-Kibungo, à deux kilomètres environ du camp militaire de Kanombe. Cette zone densément peuplée, est le quartier de résidence de nombreux civils et militaires proches du régime. Le Lieutenant-Colonel Grégoire de Saint-Quentin, à l’époque Commandant, a souligné que cette colline, à proximité immédiate de la route qui menait à l’aéroport et très peuplée, était accessible à tous, et que la MINUAR y effectuait des patrouilles.

LES VICTIMES DIRECTES DE L’ATTENTAT

Le Président du Rwanda Juvénal Habyarimana
Le Président du Burundi Cyprien Ntaryamira
Deux Ministres du Burundi, Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi
Le Chef d’état-major des FAR, le Général Deogratias Nsabimana
Le major Thaddée Bagaragaza, responsable de la maison militaire du président rwandais
Le Colonel Elie Sagatwa, membre du secrétariat particulier du Président Juvénal Habyarimana, chef de cabinet militaire
L’équipage français :
M. Jacky Héraud (pilote)

M. Jean-Pierre Minoberry (copilote)

M. Jean-Michel Perrine (officier mécanicien)


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr