A partir de quelle date la communauté internationale a-t-elle pris acte qu’un génocide était en train d’être commis au Rwanda ?

Le mot " génocide " apparaît pour la première fois dans la résolution 925 du 8 juin 1994 qui précise les modalités de mise en oeuvre de la résolution 918. Ce n’est que ce jour que le Conseil de sécurité prend " note avec la plus vive préoccupation des informations suivant lesquelles des actes de génocide ont été commis au Rwanda ". Auparavant on ne parlait que de " violences généralisées " (résolution 912 du 21 avril 1994) ou de " très nombreux massacres de civils " (résolution 918 du 17 mai 1994). L’hypocrisie la plus totale avait été atteinte dans la déclaration du Président du Conseil de sécurité du 30 avril 1994, dans laquelle le Conseil se déclarait atterré d’apprendre " le massacre de civils innocents à Kigali et dans d’autres régions du Rwanda " et évoquait " des attaques contre des civils sans défense ". Le mot de " génocide " était soigneusement évité mais on a eu cependant recours à sa définition juridique puisque le Conseil s’est cru obligé de rappeler " que l’élimination des membres d’un groupe ethnique avec l’intention de détruire ce groupe totalement ou partiellement constitue un crime qui tombe sous le coup du droit international ".

Il ne s’agit pas d’une simple querelle sémantique. L’emploi du terme de génocide aurait entraîné, en vertu de l’article VIII de la Convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, une obligation pour les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies de prendre " les mesures appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide ". Or la communauté internationale, et plus précisément les Etats-Unis, n’y étaient pas prêts. M. Herman Cohen a franchement reconnu devant la Mission que les Américains " ont longtemps refusé de reconnaître le génocide, pour échapper aux conséquences juridiques d’une telle reconnaissance ".

Il est faux de croire que les Nations Unies ne savaient pas ce qui se passait ; au contraire elles ne le savaient que trop, mais ne voulaient pas reconnaître la réalité, préférant pratiquer la politique de l’autruche.

Le Secrétaire général de l’ONU avait employé le mot de génocide pour la première fois le 4 mai 1994 dans une interview accordée à une télévision américaine, durant laquelle il avait déclaré " Here you have a real genocide, in Kigali ". Il l’a réutilisé le 25 mai 1994 dans une conférence de presse donnée à New York aux Nations Unies. Mais ce n’est que le 31 mai qu’il l’emploie pour la première fois par écrit dans l’un de ses rapports : " D’après les témoignages recueillis, il ne fait guère de doute qu’il y a génocide, puisque des communautés et des familles appartenant à un groupe ethnique particulier ont été victimes de massacres de grande ampleur ".

Il est vrai que reconnaître plus tôt le génocide aurait conduit également à établir les responsabilités et à remettre en cause la ligne politique du Conseil de sécurité, qui a longtemps préconisé la reprise des négociations entre les deux parties.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr