S’il est vrai que le maintien de la paix en Afrique doit d’abord devenir l’affaire des Africains eux-mêmes, il ne saurait être question d’en tirer argument pour contester les responsabilités propres du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’autorisation de ce dernier reste en particulier indispensable pour l’emploi de la force.

La Mission ne conteste donc aucunement le principe de l’intervention de l’ONU dans la crise rwandaise, même si elle a dû faire un bilan sévère de ses faiblesses et de ses lenteurs.

Pour empêcher le renouvellement d’une telle tragédie, le renforcement et l’amélioration des modes d’action de l’ONU apparaissent donc prioritaires. Inversement, le Secrétaire général de l’ONU relève, dans son rapport d’avril 1998 sur la sécurité en Afrique, que l’échec de l’Organisation au Rwanda a eu des conséquences très lourdes sur le continent et qu’il y a répandu le sentiment d’une quasi-indifférence de la communauté internationale, qui mine actuellement encore la confiance dans les efforts de paix entrepris.

La mise en place de forces interafricaines, constituées avec l’appui de pays industrialisés en liaison avec l’OUA et l’ONU, devrait permettre au Conseil de sécurité de disposer des moyens d’intervention rapides, qui conditionnent l’efficacité de son action. Cette politique, présentée au paragraphe 4 ci-dessus, n’est actuellement contestée que par le Nigéria. Elle doit revêtir un caractère hautement prioritaire.

La Mission considère que, comme le souligne le Secrétaire général de l’ONU dans son rapport sur la sécurité en Afrique, la prévention des conflits offre les meilleures chances pour leur règlement pacifique. Il est probable qu’au Rwanda l’intervention tardive de l’ONU, à un moment où la dynamique du conflit devenait difficile à maîtriser, ainsi que les lenteurs dans la mise en place de la MINUAR I ont fortement compromis ses perspectives de succès.

Le déploiement de forces multinationales à titre préventif peut, à l’inverse, jouer un rôle déterminant dans l’évolution d’un conflit. La Mission interafricaine de surveillance des accords de Bangui peut en constituer un exemple. On notera qu’elle a permis le retrait des éléments français d’assistance opérationnelle, sans conséquences graves pour la stabilité du pays. Il n’en reste pas moins que la présence des Nations Unies reste sans doute nécessaire au-delà de la date prévue pour le retrait de l’actuelle mission (février 1999).

S’agissant du maintien de la paix, la Mission ne peut que relever les ambiguïtés ou les difficultés inhérentes au recours au chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Ce régime s’applique aux forces chargées de contrôler le processus de règlement d’un conflit après la cessation des hostilités. Il n’autorise pas l’emploi de la force, sauf légitime défense. La Mission considère, au vu des épreuves subies, notamment par le contingent belge de la MINUAR, qu’il apparaît indispensable de donner à nos forces, lorsqu’elles opèrent dans le cadre du chapitre VI, de réelles capacités d’autodéfense, voire de combat, de manière à leur permettre de faire face à tout changement de situation. Le Gouvernement français doit également être pleinement informé des orientations et décisions concernant nos forces, quand elles sont engagées dans une mission relevant du chapitre VI.

Des mécanismes appropriés d’analyse de la crise doivent être mis en place, dans une telle hypothèse, à la fois au niveau de l’ONU, au niveau régional (OUA par exemple) et dans le cadre national, de manière à prévoir une éventuelle aggravation de la situation, incompatible avec le maintien du régime du chapitre VI. Ces dispositifs paraissent avoir fait défaut au Rwanda dans les premiers mois de 1994.

En cas de dégradation brutale de la situation ou de survenance d’une crise violente, le recours au chapitre VII qui permet l’usage de la force doit être une condition de notre participation à une intervention de rétablissement de la paix. Dans une telle hypothèse, le mode d’intervention qui a fait la preuve de son efficacité est celui de la constitution d’une force sous commandement national ou international, sur demande du Conseil de sécurité. La responsabilité de la conduite des opérations appartient alors à un Etat pilote ou à une organisation régionale de défense.

Dans tous les cas, qu’il s’agisse du chapitre VII et, surtout du chapitre VI, le mandat doit être clair et correspondre strictement à l’objectif de la mission. Il importe de tirer la leçon du décalage intervenu dans la définition des tâches de maintien de la paix entre le mandat de la MINUAR I et le rôle de la force internationale neutre tel qu’il était prévu par les accords d’Arusha.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr