Lorsqu’en 1916, la Belgique occupa le Rwanda-Urundi à la suite de sa campagne est-africaine contre l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, les deux royaumes du Rwanda et du Burundi n’avaient fait l’objet que d’une administration marginale par Berlin depuis 1899. En 1914, il y avait en tout et pour tout six fonctionnaires allemands au Burundi et cinq au Rwanda, soit un total de onze fonctionnaires pour administrer un territoire qui fait le double de la Belgique. S’étant rendu compte que les royaumes mwami existants fonctionnaient comme des nations à part entière avant l’arrivée des Européens et, sans aucun doute, guidés par une pénurie de personnel colonial, les Allemands décidèrent dès le début de favoriser une politique de régime indirect. L’occupation se traduisit par des " traités " de protectorat négociés entre les Allemands et les mwami (Reyntjens, 1994). Le système politique existant qui était beaucoup plus fort et plus centralisé au Rwanda qu’au Burundi, allait donc jouer à plein (Louis, 1963).

La Belgique poursuivit cette politique : un décret du 6 avril 1917 disposait que " sous l’autorité du commissaire résident, les sultans (bami ) exercent leur pouvoir politique et judiciaire dans la mesure où il reste en accord avec les coutumes indigènes et avec les instructions du Commissaire royal " (Rumiya, 1992).

Après la Première Guerre mondiale, la Belgique reçut le Rwanda en mandat de la Société des Nations et, en 1946, ce pays devint un territoire belge sous tutelle des Nations Unies. Pendant les 40 années d’administration belge, comme dans la plupart des régimes coloniaux, on observe une désintégration, une distorsion ou une corruption des structures sociales et politiques indigènes avec toutes les conséquences qui en découlent. Par exemple, alors que la relation pré-coloniale indigène patron/dépendant était flexible et contenait un élément important de réciprocité, le colonisateur belge a en fait rigidifié le système en supprimant les obligations réciproques. En " renforçant " une institution rwandaise, le colonisateur a ainsi introduit le travail forcé et renforcé les divisions socio-économiques entre Tutsis et Hutus. On peut citer des exemples similaires de détournement d’autres institutions pré-coloniales. Balandier décrit ce phénomène comme suit : la tombée en désuétude des entités politiques traditionnelles, la détérioration générale consécutive à la dépolitisation, l’effondrement des systèmes traditionnels de contrôle du pouvoir, l’incompatibilité entre le système de pouvoir et l’autorité et, enfin, les abus de pouvoir (Balandier, 1978). L’intéressant ici, c’est la mesure dans laquelle ces développements ont affecté les relations inter-ethniques au Rwanda.

La thèse hamitique se généralisa parmi les fonctionnaires et les missionnaires européens actifs dans la région des Grands Lacs au début du siècle. Selon cette thèse, " tout ce qui a de la valeur en Afrique a été introduit par les Hamites, branche supposée de la race caucasienne " (Sanders, 1969). Lorsque le célèbre explorateur britannique John Speke arriva dans le royaume de Buganda (aujourd’hui l’Ouganda) qui était doté d’une organisation politique élaborée, il attribua cette civilisation à une race indigène de nomades pasteurs apparentés aux " Hamites " Galla (éthiopiens). L’attrait de cette hypothèse pour les Européens réside dans le fait qu’elle permet d’établir un lien entre les caractéristiques physiques et les capacités mentales : les " Hamites " étaient supposés être des leaders nés et avaient, en principe, droit à une histoire et à un futur presque aussi nobles que ceux de leurs " cousins " européens (Linden, 1977). Au Rwanda, les Hamites étaient les Tutsis : " ils ne ressemblent aux nègres que par leur couleur de peau " (Jamoulle, 1927) ; " avant de devenir des noirs, ils avaient le teint hâlé " (de Lacger, 1961) ; " sa stature est plus proche de celle d’un blanc que de celle d’un nègre en fait, il ne serait pas exagéré d’affirmer que c’est un Européen qui a la peau noire... " (Gahama, 1983). Cette thèse raciste a été déclinée sur d’innombrables registres mais elle se résume à considérer les Tutsis comme apparentés aux Européens, si bien que les Européens pourront facilement travailler avec eux. Cette thèse servait donc également la politique coloniale du diviser pour régner (Adekanye, 1995).

Vers la fin des années 1920, la thèse hamitique connut une utilisation qui allait modifier radicalement les relations interethniques au Rwanda. Dans le cadre d’un processus de réformes administratives (qui connut son apogée avec le Programme Voisin en 1926-1931), consistant notamment à regrouper et à agrandir le territoire des chefs (il ne restait plus dans le nouveau système que 40 chefs sur 200), il fut décidé d’accorder un traitement préférentiel aux Tutsis dans le recrutement des autorités politiques indigènes. Il semblerait que la position tranchée adoptée sur la question par Monseigneur Leon-Paul Classe, vicaire apostolique au Rwanda, eut une influence considérable. Dans une lettre datée du 21 septembre 1927, il écrivait à Georges Mortehan, le Commissaire belge résident, en ces termes :

" Si nous voulons être pratiques et défendre l’intérêt réel du pays, nous trouverons un élément remarquable de progrès en la personne des jeunes Mututsis [...] Demandez au Bahutu s’il préfère recevoir des ordres de personnes frustes ou de la bouche de nobles et la réponse sera claire : ils préféreront les Batutsis, et avec raison. Chefs nés, ils sont faits pour commander. [...] Voilà le secret qui leur a permis de s’implanter dans ce pays et de le tenir sous leur emprise " (de Lacger, 1961).

Face à ce qu’il considère comme des " hésitations et des atermoiements de l’administration coloniale concernant l’hégémonie traditionnelle des Batutsis bien-nés ", Monseigneur Classe adresse en 1930 une mise en garde sévère rédigée en ces termes :

" Le plus grand tort que le gouvernement pourrait se causer à lui-même et infliger au pays serait de supprimer la caste mututsie. Une telle révolution conduirait le pays tout droit à l’anarchie et à un communisme vicieusement anti-européen. Loin d’être un vecteur de progrès, ceci annihilerait toute action du gouvernement dès lors que ce dernier serait privé d’auxiliaires capables de compréhension et d’obéissance de par leur naissance. [...] Nous ne saurions avoir de chefs meilleurs, plus intelligents, plus actifs, plus capables de comprendre l’idée du progrès et plus susceptibles d’être acceptés par la population que les Batutsis " (Classe, 1930).

Le message du vicaire apostolique fut compris comme un fervent plaidoyer en faveur d’un monopole tutsi, du moins en principe. Son intervention mit fin aux " hésitations " et aux " atermoiements " de l’administration. Les chefs et assistants-chefs hutus furent démis de leurs fonctions et remplacés par des Tutsis. De plus, le pouvoir mena une politique vigoureuse protégeant et renforçant l’hégémonie tutsie. De ce fait, bien que les Hutus et même les Twas exerçaient traditionnellement une partie du pouvoir, fût-ce à des niveaux inférieurs, la " tutsification " des années 1930 conféra aux Tutsis un monopole du pouvoir politique et administratif. Conjuguée à l’abolition de la triple hiérarchie des chefs (chef d’armée, chef de bétail et chef de terre), cette politique ne fit qu’accentuer les divisions ethniques (Reyntjens, 1985). L’introduction de la carte d’identité en 1933 vint encore ajouter un peu d’huile sur le feu : chaque Rwandais était désormais enregistré (sur la base de critères assez arbitraires) comme Tutsi, Hutu ou Twa (Reyntjens, 1985).

Enfin, les possibilités des Hutus furent encore limitées davantage par la discrimination introduite dans les écoles catholiques, qui représentaient le système scolaire dominant pendant toute la période coloniale. Les Tutsis qui avaient résisté à la conversion furent inscrits de plus en plus nombreux dans les écoles des missions catholiques. Pour adapter et encourager davantage ce processus, l’Église ajusta sa politique d’enseignement en favorisant ouvertement les Tutsis et en discriminant les Hutus. À quelques exceptions près, les Hutus ne recevaient que l’éducation requise pour le travail à la mine et dans l’industrie (C. Newbury, 1988).

Bref, la monopolisation du pouvoir entre les mains des Tutsis constitua un facteur crucial et indiscutable de l’enracinement (" structuration ") du clivage ethnique. Cette intervention coloniale transforma les groupes en catégories politiques distinctes. Dans un certain sens, nous avons affaire ici à un cas d’ethnogenèse (Roosens, 1989) qui, dans le cas du Rwanda, allait immanquablement entraîner une réaction de la part des Hutus exclus du pouvoir. Le discours tutsi a tiré des conclusions démesurées des allégations d’ethnogenèse en soutenant qu’avant l’arrivée des Européens, le peuple du Rwanda (et du Burundi) était assez homogène et que par leur politique du diviser pour régner, les autorités coloniales ont délibérément introduit des clivages ethniques. Or, les groupes ethniques existaient avant la colonisation. La politique coloniale n’a fait que se greffer sur une fondation qui contenait déjà en elle les germes de conflits potentiels (Reyntjens, 1994).

À partir de la moitié des années 1950, les exigences politiques commencent à être formulées en termes ethniques au Rwanda. Des thèses opposées furent exprimées de manière assez stéréotypée dans trois documents principaux : d’une part, le Manifeste des Bahutus du 24 mars 1957 et, d’autre part, deux lettres des grands chefs tutsis (" Abagaragu b’ibwami bakuru ") (Nkundabagenzi, 1961). Replaçant le problème ethnique dans un contexte social, le Manifeste des Bahutus revendique l’émancipation des Hutus ainsi qu’un processus de démocratisation. Partant de la thèse colonialiste selon laquelle les Tutsis sont des étrangers et revendiquant que les Hutus (en majorité) sont les véritables citoyens du Rwanda et donc les dirigeants légitimes du Rwanda, le manifeste est une déclaration importante tant pour la révolution sociale de 1959 que pour l’accentuation du clivage ethnique. Ce document capital publié au départ sous le titre " Notes sur l’aspect social et le problème racial indigène au Rwanda " et destiné à influencer une mission des Nations Unies en visite dans le pays, a été rédigé par neuf intellectuels hutus. Parmi les signataires, Grégoire Kayibanda, le futur président. Ce manifeste s’attaquait à tout le concept de l’administration belge et soutenait que le problème fondamental du Rwanda est un conflit entre Hutus et Tutsis d’origine hamitique, donc étrangère (Dorsey, 1994 ; Prunier, 1995). Les deux lettres écrites par les grands chefs conservateurs (et qui n’exprimaient pas forcément le point de vue de l’ensemble de l’élite politique tutsie) rejetaient la participation hutue " parce que nos rois ont conquis le pays des Bahutus, tué leurs `petits’ rois et donc assujetti les Bahutus ; comment peuvent-ils alors se prétendre nos frères ? " (Reyntjens, 1994).

Lors de la création des partis politiques à la fin des années 1950, les structures politiques étaient déjà établies selon le clivage ethnique : le Parmehutu (Parti du mouvement de l’émancipation des Bahutus) et l’APROSOMA (Association pour la promotion sociale des masses) étaient principalement hutus tandis que l’UNAR (Union nationale rwandaise) et le RADER (Rassemblement démocratique rwandais) étaient essentiellement tutsis. Lors des élections législatives de septembre 1961, ce clivage fut confirmé : les partis hutus obtinrent environ 83 % des suffrages, ce qui correspond à peu près à la proportion de Hutus dans la population. En d’autres termes, une majorité démographique se doublait d’une majorité politique. À partir de 1965, consécutivement à l’élimination de l’opposition (élimination en partie physique, en partie par des moyens politiques), le Rwanda devient de facto un État dirigé par un parti unique monoethnique (hutu) par essence (Reyntjens, 1985).

Du règne du mwami Rwabugiri jusqu’à l’abolition de la monarchie en 1961, le royaume du Rwanda a été un État hautement organisé et stratifié. Les réformes communales de la période coloniale ne firent que renforcer cette situation. La dernière grande réforme communale qui remonte à 1960, confirmait une nouvelle fois la structure hyperorganisée de l’État rwandais. Le pays fut divisé en 10 préfectures elles-mêmes subdivisées en un certain nombre de communes. Celles-ci, au nombre de 143 au total, formaient la base du développement. Les communes étaient divisées chacune en 4 à 5 secteurs, eux-mêmes subdivisés en " cellules " (10 cellules par secteur). S’inspirant du modèle tanzanien, l’unité organisationnelle finale est la cellule de 10 ménages comprenant 80 personnes. Rares sont les pays africains à être aussi bien organisés et à utiliser leurs structures de manière aussi intensive que le Rwanda (Reyntjens, 1985)

Transition vers l’indépendance

La révolution de 1959-1961 soutenue par l’administration belge (Harroy, 1984 ; Logiest, 1988) conduit à l’abolition de la monarchie et à la suppression de toutes les structures politiques et administratives tutsies sur lesquelles la Belgique avait, pendant des décennies, basé sa politique d’administration indirecte. La révolte des paysans (Hutus) a été largement provoquée par l’intransigeance d’un parti conservateur et de l’élite administrative qui refusa platement toute démocratisation pourtant réclamée par une élite hutue émergente et par une contre-élite tutsie, nettement plus progressive que celle au pouvoir (Reyntjens, 1994). Bien qu’au départ, le nombre de victimes soit resté assez limité, les tentatives de l’élite tutsie traditionnelle au pouvoir visant à maintenir un règne autoritaire conduisirent à des chocs violents. Les Belges ont soutenu la révolte. L’abolition de la monarchie et l’émergence d’une élite hutue devinrent définitives en septembre 1961 lorsque 80% des électeurs se prononcèrent en faveur d’une république à l’occasion d’un référendum. Les résultats des élections législatives désignaient aussi clairement les partis à domination hutue comme les grands vainqueurs du scrutin.

Les événements de 1959-62 : renversement de situation et confrontation

La plupart des observateurs s’accordent à dire que la transition révolutionnaire de la monarchie à domination tutsie vers la République dirigée par les Hutus, qui a duré de novembre 1959 à septembre 1961 et qui a connu son apogée le 1er juillet 1962 avec la déclaration d’indépendance, constitue une période cruciale pour comprendre la division ethnique du pays qui a suivi (Reyntjens, 1985 ; Lema, 1993 ; C. Newbury, 1988). Cette courte période de l’histoire, qui commença par la jacquerie de 1959, amena un renversement des rôles. Sous la pression de la vague de changement démocratique déferlant sur l’Afrique, les autorités belges cessèrent de soutenir l’aristocratie tutsie et accordèrent leur appui à la majorité hutue, retirèrent leur soutien au mwami , abandonnèrent leur politique d’administration indirecte et conduisirent en hâte le Rwanda (et le Burundi) à l’indépendance nationale. Ce processus, remarque Linden (1995), marque le début d’un cycle de turbulences du pouvoir dans lesquelles " la capture de l’État rwandais d’entre les mains des opposants politiques a été un jeu blanc violent dans lequel le vainqueur emporte tout ". La lutte pour le pouvoir dans une arène abandonnée par la puissance coloniale et son ancien allié, la monarchie traditionnelle, explique l’exacerbation des tensions ethniques. Alors que les Tutsis se considéraient déjà comme un groupe par leur position dominante dans la société coloniale, l’élite hutue émergente jugea nécessaire de susciter une conscience hutue des sous-privilégiés afin de réussir à battre en brèche le leadership indigène, de s’emparer de l’État vacant et de redresser les injustices résultant de l’histoire.

Vers la fin des années 50, les autorités belges s’intéressèrent subitement à la situation de la majorité constituée par les paysans hutus. L’Église catholique fit un changement de cap tout aussi radical comme en atteste la lettre pastorale de Monseigneur André Perraudin écrite à la fin des années 50, dans laquelle il adopte une attitude pro-hutue en affirmant que la discrimination sociale subie par les Hutus n’était plus compatible avec une saine organisation de la société rwandaise (Reyntjens, 1994).

Le 1er novembre 1959, des violences ethniques éclatent après que le leader du parti Parmehutu eut été molesté par des jeunes Tutsis. Les émeutes qui s’en suivirent menèrent à une vaste révolte des Hutus au cours de laquelle des centaines de Tutsis perdirent la vie. Le gouvernement belge réagit en envoyant des troupes belges. Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, les troupes belges ne tentèrent pas d’écraser la révolte hutue mais adoptèrent une politique pro-hutue dans les faits en installant une administration militaire et en désignant plus de 300 chefs et sous-chefs hutus pour remplacer les Tutsis renversés, tués ou en fuite depuis le début de la rébellion (C. Newbury, 1988 ; Prunier, 1995). Peu après, en mai 1960, les autorités belges confirmèrent leur nouvelle politique en créant une garde militaire territoriale indigène composée de 650 hommes et basée sur la répartition ethnique, à savoir 85 % de Hutus et 15 % de Tutsis.

Comme nous l’avons déjà dit, les rôles se sont inversés. Une nouvelle confirmation du changement fut donnée par les élections locales de juin-juillet 1960 qui créditèrent les partis politiques à domination tutsie de seulement 16 % des suffrages, traduisant ainsi une victoire hutue écrasante. Après les élections, 211 des 229 bourgmestres allaient être Hutus (C. Newbury, 1988). Dans cette situation et dans un contexte de chocs ethniques continuels, le mwami Kigeri V décida de quitter le Rwanda le 29 juin 1960, officiellement pour assister aux fêtes d’indépendance au Congo. Il n’allait cependant jamais regagner son pays.

La politique rwandaise de la Belgique a valu à cette dernière des critiques acerbes de la part de l’Assemblée générale des Nations Unies qui, de décembre 1960 à juin 1962, en appela à plusieurs reprises à une réconciliation avec le mwami et les représentants tutsis emprisonnés, tout en pressant la Belgique de préserver l’unité entre le Rwanda et le Burundi, mais en vain. Au contraire, les autorités belges renforcèrent le processus d’indépendance du Rwanda en lui accordant l’autonomie interne sous un gouvernement transitoire dirigé par le fondateur du Parmehutu , Grégoire Kayibanda, leader hutu de la région de Gitarama dans le centre du Rwanda. Pendant toute cette période, la confrontation entre Hutus et Tutsis continua mais ce fut l’escalade avec des morts, des expulsions ou des exils, surtout dans les rangs tutsis.

La transition entre la domination politique tutsie et la domination hutue a été scellée par les élections législatives du 25 septembre 1961 qui ont débouché sur une victoire écrasante des partis hutus. Le Parmehutu obtint pas moins de 78 % des suffrages, décrochant ainsi 35 sièges sur 44, tandis que l’UNAR (parti dominé par les Tutsis) n’obtenait que 17 % des suffrages et sept sièges. Un référendum simultané entraîna un rejet tout aussi massif de la monarchie pour lui préférer un système républicain de gouvernement. Après les élections, Grégoire Kayibanda fut élu président du nouveau parlement le 26 octobre 1961. Ce dernier nomma un gouvernement composé initialement de membres du Parmehutu , de l’UNAR et d’APROSOMA. Huit mois plus tard, le 1er juillet 1962, le Rwanda et le Burundi finirent par obtenir formellement leur indépendance en tant qu’États souverains, indépendance que l’Assemblée générale des Nations Unies n’approuva que du bout des lèvres.

Pendant les trois décennies suivantes, la jacquerie hutue de 1959 et les événements qui conduisirent à l’indépendance en 1962, constituèrent les principaux points de référence de la vie politique du Rwanda, positifs ou négatifs selon les craintes ou les espoirs des personnes concernées.

Pour quelle raison ces développements politiques ont-ils revêtu la forme d’une confrontation violente entre Hutus et Tutsi ? C. Newbury apporte un élément de réponse :

" le fait saillant est que la quasi-totalité de ceux qui contrôlaient l’État (avant 1959), les chefs et les sous-chefs, étaient Tutsis et c’est ici que le facteur ethnique prend toute son importance [...] Pour les leaders hutus, l’appel à la solidarité hutue devint le point de ralliement le plus efficace pour l’activité révolutionnaire. Bien que les Hutus fussent en mesure de distinguer et l’aient apparemment fait les différents types de Tutsis et leurs attitudes, le fait que les chefs et les autres agents africains de l’État étaient considérés comme des exploiteurs et que ceux-ci étaient très majoritairement Tutsis, fit la force de l’appel à la solidarité ethnique là où un appel à " tous les pauvres " aurait été moins écouté. La politique coloniale ayant à moult reprises pris pour cible la caste inférieure des Hutus au statut d’exclus, même les pauvres Tutsis n’ont pas subi les mêmes formes de discrimination que celles infligées aux Hutus. " (C . Newbury, 1988)

Trois conséquences de ce tournant crucial ont déterminé et continuent à déterminer les développements politiques au Rwanda.

1. Exil d’un grand nombre de Tutsis. Le nombre exact de réfugiés a fait l’objet de nombreux débats et a été utilisé à des fins de propagande. Tel fut le cas en particulier durant la crise d’octobre 1990 qui suivit l’incursion du FPR (Front patriotique rwandais) au départ de l’Ouganda. En fait, les réfugiés tutsis ont quitté le Rwanda lors des crises successives, plus spécialement en 1959-1961, 1963-1964 et en 1973. Au début des années 1990, leur nombre s’élevait à environ 600 000, y compris les descendants des premiers réfugiés (Guichaoua, 1992). Ce chiffre est contesté par de nombreuses personnes. Prunier établit cependant que ce chiffre est la meilleure estimation dont on dispose (Prunier, 1995). Ce chiffre est impressionnant puisqu’il correspond à environ 9 % de la population totale estimée du pays, soit la moitié de la population tutsie. Ils constituent un élément d’insécurité structurelle, d’autant que les communautés de réfugiés tutsis n’ont jamais accepté l’exil comme un fait accompli. Au contraire, ils ont toujours revendiqué leur appartenance au Rwanda et leur droit d’y retourner. Avant même l’indépendance, des groupes de réfugiés commencèrent à faire des incursions armées visant à tenter de récupérer leur ancienne position. Ces incursions étaient faciles à réaliser puisque la majorité des réfugiés résidaient dans les quatre pays voisins. Ces activités imputables à des groupes de réfugiés tutsis, les inyenzi (cafards) ne prirent fin qu’en 1967 (Reyntjens, 1994).

L’attitude officielle des gouvernements rwandais par rapport à ce problème a changé considérablement au fil des années. Au début des années 60, le gouvernement provisoire avait exprimé sa préoccupation en créant un Secrétariat d’État aux Réfugiés. Sous la Ière république (1962-1973), les réfugiés ont été invités à plusieurs reprises à regagner le Rwanda. Cet objectif n’a toutefois jamais été atteint. D’une part, les réfugiés tutsis n’ont jamais cru à la sincérité des changements d’attitude du gouvernement. D’autre part, les inyenzi faisaient des incursions à intervalles réguliers. Fin 1963, début 1964, une nouvelle vague de réfugiés quitta le Rwanda.

Sous la seconde république (à partir de 1973), la situation changea quelque peu (mais sans jamais disparaître) par suite d’une politique de pacification ethnique. Mais le régime en place dressa un nouvel obstacle en prétextant que le pays était surpeuplé et incapable de réintégrer un grand nombre de réfugiés. Les rapatriements massifs étaient donc exclus. Cette position fut soutenue par une déclaration du Comité central du MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) datée du 26 juillet 1986. De plus, le retour des réfugiés individuels était soumis à certaines conditions prêtant à de multiples interprétations. Il était par exemple prévu que le candidat au rapatriement devait " apporter la preuve qu’à son retour au pays, il serait capable de se prendre en charge " (Ndagijimana, 1990). Cette position, qui devint la position " définitive ", entraîna pour la première fois la tenue par les réfugiés d’une conférence internationale à Washington en août 1988. La position du gouvernement fut rejetée et l’on réaffirma le plein droit de retour au pays. À ce stade, on assistait, sans doute sans s’en rendre compte, à la genèse d’une confrontation imminente. La crise d’octobre 1990 fut donc essentiellement une crise des réfugiés, plongeant ses racines dans les événements de 1959-1962, renforcée par les développements politiques qui ont suivi au Rwanda et dans les États voisins, en particulier en Ouganda.

2. L’exclusion virtuelle de tous les Tutsis de la vie publique. Cette exclusion a deux origines : 1) les partis tutsis ont subi le même sort que les autres partis d’opposition (voir ci-dessous) et 2) les citoyens tutsis devinrent les victimes d’abus en tous genres. En fait, la révolte de novembre 1959 n’était que le début d’une série d’actions violentes dirigées contre les Tutsis. Les événements de 1959 causèrent plusieurs centaines de morts et ce nombre ne fit qu’augmenter graduellement au cours des crises successives. Les premières victimes politiques furent les chefs et les sous-chefs tutsis. Quelque 21 et 314 des 43 chefs et des 549 sous-chefs tutsis en poste début décembre 1959, furent éliminés par meurtre, explosion ou exil. Ils furent remplacés par les autorités hutues temporaires qui, six mois après la révolte, occupaient environ la moitié des postes. Aux élections municipales de juin-juillet 1960, les partis tutsis obtinrent 289 conseillers municipaux sur un total de 3 125, soit environ 9 % des sièges. Il convient toutefois d’observer que l’UNAR avait appelé ses membres à boycotter ces élections, ce qui risque d’avoir influencé les résultats en faveur des partis hutus.

L’élimination physique resta monnaie courante, surtout dans les périodes de tension politique, comme avant et pendant les élections municipales de 1960 et les élections législatives de septembre 1961. Mais l’estocade fut donnée fin 1963. Une attaque des inyenzi à Bugesera déclencha une nouvelle explosion de violence. Le nombre de Tutsis tués est estimé entre 5 000 et 8 000 rien que dans la préfecture de Gikongoro, soit 10 à 20 % de la population totale de Tutsis dans cette préfecture. La majorité des leaders tutsis restés au Rwanda ont été éliminés : 15 des principaux dirigeants ont été exécutés sur le champ sans aucune autre forme de procès. Ce fut la fin des deux partis tutsis, UNAR et RADER, et la fin de toute participation tutsie à la vie publique. Des crises moins graves allaient continuer à affecter la minorité ethnique. La dernière d’entre elles avant 1990 survint début 1973 et préluda au coup d’État du 5 juillet 1973 (Reyntjens, 1994).

3. Concentration de pouvoir et autoritarisme croissant. Comme dans bon nombre de pays africains, le Rwanda, après une période initiale de multipartisme, devint de facto un État à parti unique. L’opposition fut éliminée par une combinaison de diverses techniques telles que l’intimidation, les arrestations, la violence physique et, parfois, les négociations. La politique du Parmehutu avait pour but l’extinction des autres partis, tant hutus que tutsis. Dans un discours prononcé à l’occasion du premier anniversaire de l’indépendance, le président Grégoire Kayibanda indique déjà sa préférence pour " un parti majoritaire une majorité écrasante avec sur le côté une opposition mineure ". Il affirmait qu’une " prolifération des partis politiques distrairait la population, rendrait le progrès du pays incohérent et conduirait à une stagnation néfaste de la nation " (Chronique de politique étrangère , 1963).

Résultat : en 1965, le MDR-Parmehutu était le seul parti à présenter des candidats aux élections législatives et présidentielles. Sans être entièrement constitutionnalisé, ce parti se donna le nom de " Parti national ". Ayant éliminé l’opposition, la concentration du pouvoir au sein du parti commença à augmenter. C’est surtout à partir de 1968 que les nombreux conflits ou divisions au sein du gouvernement forcèrent le régime à se replier de plus en plus sur lui-même. En 1972, l’usurpation du pouvoir par un petit groupe de politiciens originaires de Gitarama, la région natale du président Grégoire Kayibanda dans le centre du Rwanda, était consommée (Reyntjens, 1985).

La II e République

Face au mécontentement exprimé surtout par les politiciens et les militaires du nord, le gouvernement de Grégoire Kayibanda finit par recourir à la tactique " ethnique ". En 1973, une vague de violence initialement à caractère ethnique éclate dans les écoles, dans l’administration et dans les entreprises. Psychologiquement, ces développements ont certainement été influencés (et facilités) par les événements sanglants de 1972 au Burundi où les Hutus ont été victimes d’un génocide (Commission des Droits de l’homme des Nations Unies, 1972). Il faut cependant rappeler que l’impulsion visant à expulser les Tutsis trouve son origine dans les cénacles du pouvoir qui ont essayé de détourner ainsi l’attention d’autres problèmes (Reyntjens, 1985). Pourtant, les politiciens de Gitarama perdirent de vue la dynamique qu’une telle politique pouvait engendrer dans une situation de contrôle précaire. La population commença donc à s’en prendre aux riches (pas uniquement aux Tutsis) ; les Hutus du nord commencèrent à pourchasser ceux du centre ; les politiciens du nord se détournèrent des écoles où tout avait commencé pour braquer leur attention sur les ministères et les entreprises où ils se sentaient sous-estimés ou frappés d’ostracisme. Comme certains politiciens du nord et en particulier le ministre de la Défense nationale, le général-major Juvénal Habyarimana, sentaient planer le risque d’une élimination physique, ce dernier décida une intervention armée avec une armée dans laquelle le nord a toujours, historiquement, occupé une position prédominante. Le régime de Grégoire Kayibanda fut renversé par le coup d’État du 5 juillet 1973 qui eut lieu sans aucune violence et qui fut accueilli avec satisfaction par la population (Reyntjens, 1994). Cette date marque le début de la IIe République sous le président Habyarimana.

Après une procédure judiciaire organisée dans le plus grand secret, une cour martiale prononça en juin 1974 la peine de mort à l’encontre de l’ancien président Grégoire Kayibanda et de sept autres dignitaires de l’ancien régime. Les autres furent condamnés à de longues peines d’emprisonnement.

La clémence accordée dans certains cas n’eut qu’une signification symbolique. En fait, pendant les années 1970, d’innombrables dignitaires de la Ire République périrent dans la tristement célèbre " section spéciale " de la prison de Ruhengeri alors que Grégoire Kayibanda, qui était assigné à résidence à Kavumu, mourut en 1976 après s’être vu refuser les soins médicaux nécessaires. Après la " révolution morale " de 1973, les militants de la " révolution sociale " de 1959 avaient disparu certains par la voie politique, d’autres par des moyens physiques. Le régime de la IIe République se réclamait cependant de l’ancien régime : " Soucieux de préserver les acquis de la Révolution sociale de 1959, le MRND a l’intention de mobiliser l’ensemble du peuple rwandais sous la bannière de la paix et de l’harmonie nationale en restaurant un climat de confiance entre les fils et les filles de la Nation " (MRND, 1985). Pourtant, la rupture avec la Ire République était nette.

À maints égards, la IIe République contrastait fortement avec la précédente. Pour commencer, nous assistons à une période de modernisation prononcée qui se manifeste par une ouverture sur le monde extérieur, une croissance urbaine, des investissements et la reprise des affaires. Alors que le régime de la Ire République vivait replié sur lui-même, celui de la IIe République adopta une politique d’ouverture du pays. On constate une augmentation soudaine du nombre de postes diplomatiques rwandais à l’étranger et de postes diplomatiques étrangers à Kigali. Le président Habyarimana fait des voyages fréquents et séduit. En 1979, Kigali accueille la sixième Conférence franco-africaine. Le Rwanda est cofondateur de la Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) en 1976 et de l’Organisation pour l’aménagement et le développement de la rivière Akagera (OBK) en 1977. D’importants investissements sont consentis au niveau de l’infrastructure (réseau routier et télécommunications). Avec une population de 15 000 habitants en 1965, Kigali est devenue une métropole comptant 250 000 habitants au début des années ’90 et nombre de petits centres se sont graduellement urbanisés grâce à l’extension du réseau électrique. Le développement de la mobilité lié à l’amélioration des investissements, des communications et de la formation n’est cependant pas toujours vecteur d’une ambition de contrôle social, de maintien de l’ordre et de " moralité " ni de lutte contre l’exode rural (Reyntjens, 1994).

En ce qui concerne le monde des affaires, l’austérité particulière de la Ire République a cédé la place à une éthique différente. Par exemple, tous les fonctionnaires sont autorisés sans restriction à participer à des entreprises privées. Sont également permises : la propriété d’habitations louées, l’acquisition de véhicules loués et les prises d’intérêts dans les entreprises économiques mixtes et commerciales (Instruction présidentielle nº C 556101 du 11 juin 1975). Ce phénomène fut moins marqué au Rwanda que partout ailleurs, mais le fait que le Rwanda n’était en définitive pas si différent entraîna un changement dans l’image que certains se faisaient du pays depuis la moitié des années ’80.

" Le mythe d’une " république égalitaire " s’était évaporé : une bourgeoisie quaternaire (militaires, administrations, affaires et technocratie) détourne à son profit une part importante du revenu national " (Bezy, 1990).

Graduellement, le lien entre la ville et les campagnes (qui avait toujours constitué un élément important d’équilibre et de cohésion) commença à s’effriter. Une personne interrogée par Hanssens décrit la situation comme suit :

" Alors que les dirigeants actuels sont toujours des " paysans " dans l’âme, les enfants des cadres ou des dignitaires vivent selon un modèle urbain et, lorsqu’ils seront au pouvoir, ils auront perdu tout contact avec la réalité. D’où un phénomène de zaïrisation du Rwanda, avec une élite contrainte de négliger les infrastructures sociales afin d’accroître son propre bien-être " (Hanssens, 1989).

Le processus de rupture entre une minorité citadine et la majorité rurale était déjà bien avancé au cours des années ’80. Newbury observe que les changements économiques des années ’80 ont eu pour résultat de creuser le fossé entre le riche et le pauvre mais aussi d’affirmer les intérêts de la classe au pouvoir (C. Newbury, 1991).

Enfin, il faut observer que l’accès au pouvoir et à la connaissance était réservé à de rares groupes régionaux du pays, à savoir ceux des préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri au nord. Cette concentration naquit en quelques années et se focalisa sur ces deux préfectures à la fin des années ’80. Bien que cela se constate à tous les niveaux, nous nous bornerons à citer trois exemples. Vers la moitié des années ’80, la préfecture de Gisenyi s’arrogea près d’un tiers des 85 postes les plus importants de la république ainsi que le leadership quasi exclusif de l’armée et des services de sécurité. Selon une étude remontant au début des années ’90, 33 institutions publiques sur un total de 68 étaient sous la direction de personnes originaires de Gisenyi (19 postes) et Ruhengeri (14 postes). Au cours de la période 1979-1986, les " indices de disparité " en matière de bourse d’études à l’étranger étaient de 1,83 en faveur de Gisenyi et 1,44 en faveur de Ruhengeri (la préfecture la plus délaissée étant Kibungo à l’est, avec un indice de 0,67). En 1990, le conflit ethnique était éclipsé ou même transcendé par un conflit régional et, au sein de la région dominante, par des antagonismes à petite échelle (par exemple, les préfectures de Gisenyi et de Ruhengeri étaient à couteaux tirés dans le nord, tandis qu’à Gisenyi même, Bushiru, patrie de Habyarimana, se livrait à une concurrence sans merci avec Bugoyi) (Reyntjens, 1994).

Malgré toutes les difficultés rencontrées sous la IIe République, une série de développements positifs ont vu le jour. En se basant uniquement sur l’augmentation du PIB par habitant, les performances économiques du Rwanda étaient plutôt bonnes si l’on tient compte de ses handicaps inhérents (pays enclavé, pression démographique, manque de matières premières) et certainement en comparaison avec ses voisins. Le tableau 1 représente la progression du Rwanda et celle de ses voisins dans les classements réalisés pour les rapports sur le développement mondial publiés par la Banque mondiale au cours de la période qui coïncide avec la IIe République.

Tableau 1. PIB par habitant au Rwanda et dans les pays voisins
Jaar

Année
Ranglijst

Classement

Rwanda
Burundi
Zaïre
Oeganda

Ouganda
Tanzania

Tanzanie
1976
7
11
16
33
25
1981
16
14
12
13
19
1985
18
11
9
niet besch.

inconnu
21
1990
19
11
12
13
2
Verschil. Différence
+12
0
 4
 20
 23

Source : Banque mondiale, Rapport sur le développement mondial, dans Reyntjens (1994)

En 15 ans, le Rwanda a donc amélioré sa position relative en passant de la dernière à la première position du classement tandis que le Burundi est resté stationnaire et que les autres pays voisins se sont appauvris, certains même fort. En d’autres termes, le Rwanda est passé de la position d’État le plus pauvre des 5 en 1976 à la position d’État le moins pauvre en 1990. Dans d’autres domaines tels que, par exemple, l’infrastructure, les progrès enregistrés sont tout aussi remarquables, avec un réseau routier qui peut être considéré comme un des meilleurs d’Afrique, un service postal fiable et des télécommunications fiables, un réseau de distribution d’eau correct, l’extension du réseau électrique, etc.

Au cours des années ’80, le Rwanda était considéré par la Banque mondiale et par d’autres instances comme une économie africaine florissante avec une dette modérée en comparaison avec celle des autres pays de ce continent, du moins jusqu’à la deuxième moitié de la décennie (en 1987, la dette du Rwanda s’élevait à 28 % du PIB, ce qui correspond à un des pourcentages les plus faibles d’Afrique). L’économie était en équilibre et la monnaie jouissait d’une assez grande stabilité dans la mesure où elle faisait office de monnaie forte dans la région.

Bien que loin d’être acceptable, la situation des droits de l’homme s’est également améliorée. Par exemple, le nombre de prisonniers politiques a diminué et des efforts ont été faits pour limiter et contrôler l’utilisation abusive et excessive des règles de prévention détentive et de restriction de la liberté de mouvement. De plus, il convient d’observer qu’entre la prise de pouvoir du général Habyarimana et la guerre d’octobre 1990, le pays n’a été la proie d’aucune violence ethnique majeure. On a souvent tendance à oublier aujourd’hui que le président Habyarimana était assez populaire chez les Tutsis de l’intérieur du pays et qu’il a même été accusé par certains Hutus de privilégier les Tutsis (Chrétien, 1993).


Source : Sénat de Belgique