4 août 1993
Le président du Rwanda et le président du FPR signent les accords de paix d’Arusha. Ces accords étaient le fruit d’un long processus de négociation qui s’est étendu du milieu de l’année 1992 jusqu’au 4 août 1993. Les accords d’Arusha formaient un ensemble, dont deux protocoles principaux relatifs au partage du pouvoir et un protocole militaire constituaient les éléments les plus importants. L’accord prévoyait l’installation d’un gouvernement de transition. En outre, les protocoles signés antérieurement entre les deux parties continuaient à faire partie de l’accord final. L’organisation d’élections libres devait former la clé de voûte du processus de démocratisation.
1º l’accord de cessez-le-feu du 12 juillet 1992
2º le protocole du 18 août 1992 relatif à l’État de droit
3º le protocole du 30 octobre 1992 et du 9 janvier 1993 relatif au partage du pouvoir
4º le protocole du 9 juin 1993 relatif au retour des réfugiés
5º le protocole du 3 août 1993 relatif à l’intégration des forces armées. Ce protocole, qui portait sur l’intégration des forces armées, prévoyait de faire appel à une " Force internationale neutre " (FIN) sous le commandement de l’ONU, laquelle aiderait à désarmer, démobiliser et fusionner les deux armées et à créer la nouvelle armée. Cette force contribuerait également à assurer la sécurité générale dans le pays, à protéger les expatriés et à poursuivre l’aide humanitaire
6º le protocole du 3 août 1993 relatif à diverses questions.
25 août 1993
Un représentant du FPR demande à la mission belge aux Nations Unies de veiller à un déploiement rapide de la FIN.
Cette démarche suit la demande commune du gouvernement rwandais et du FPR adressée au secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros Ghali.
8 septembre 1993
La mission belge auprès des Nations Unies est invitée de manière informelle à faire participer la Belgique à la force armée internationale. M. Cools a déclaré : " La Belgique est le premier pays sollicité " (43a). La Belgique est pressentie pour cette mission en raison des liens traditionnels qui existent entre elle et le Rwanda, de ses bons résultats aux cours d’opérations de paix antérieures et surtout parce que le FPR et le gouvernement rwandais ont insisté pour qu’elle prenne part à la mission de l’ONU. Le colonel Engelen a déclaré, lors de son audition du 16 avril : " À ma connaissance, l’initiative d’envoyer des paras belges émanait bien de l’ONU. C’est le major Martin qui m’en a personnellement fait part en m’expliquant que la Belgique était sollicitée, avec la priorité absolue, parce qu’elle était le seul pays à rencontrer tous les suffrages. L’ONU demandait 800 hommes. J’ai alors immédiatement envoyé mon rapport en Belgique en insistant pour que le général Charlier soit averti le premier. (..) La demande adressée à la Belgique, bien qu’informelle, était ferme " (44a).
Lors de la réunion du 5 mars 1997 de la commission spéciale, M. Leo Delcroix, l’ancien ministre de la Défense, interrogé à ce sujet, déclare qu’il était informé dès la deuxième quinzaine d’août, par le biais des Affaires étrangères, que la Belgique avait été invitée de manière informelle à participer à la FIN. Les Nations Unies demandaient 800 hommes.
M. Dehaene confirme la déclaration de M. Delcroix au cours de la même réunion de la commission spéciale : " En ce qui concerne le contingent envoyé au Rwanda, les premiers contacts à ce sujet furent noués au mois d’août entre le secrétaire général de l’ONU et notre ministre des Affaires étrangères " (45a).
À la suite de son entretien avec le major Martin, le colonel Engelen s’est informé sur la possibilité d’un commandement belge de l’opération.
Pour des raisons politiques, entre autre pour éviter au Rwanda que la MINUAR ne soit assimilée à la Belgique, le Gouvernement belge ne veut explicitement pas demander le commandement. Le chef de l’état-major a déploré cette décision lors de son audition.
10 septembre 1993
Willy Claes, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, informe le Conseil des ministres de la signature des accords d’Arusha. M. Claes communique également que le secrétaire général souhaite la présence d’un bataillon belge au Rwanda. On a demandé à la Belgique de fournir un bataillon de 800 hommes. Le débat sur cette question est porté à l’ordre du jour du Conseil des ministres du 17 septembre.
17 septembre 1993
Après délibération, le Conseil des ministres approuve le principe de la participation de la Belgique à un contingent armé international pour le Rwanda, mais décide que sa participation sera limitée. L’effectif demandé par l’ONU est jugé trop élevé. Pour des raisons politiques et budgétaires, le Conseil écarte l’idée d’une présence prépondérante de la Belgique à Kigali. Une participation éventuelle de la Belgique au Rwanda rendait la continuation d’une présence en Somalie pratiquement impossible.
22 septembre 1993
Le ministre de la Défense déclare que la Belgique pourra envoyer de 200 à 300 hommes seulement au Rwanda et non 800.
24 septembre 1993
Présentation du rapport du secrétaire général de l’ONU. Il propose un plan opérationnel " Une mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda " (MINUAR), qui doit soutenir les différentes étapes du processus de paix. La mission UNOMUR sera intégrée dans la MINUAR. Le mandat de cette dernière est défini avec précision. Il s’agit d’une opération où les deux parties doivent mettre en oeuvre le processus de paix. Les Nations Unies doivent seulement les y aider. La force de paix aura quatre missions :
contribuer à la sécurité à Kigali ;
surveiller le cessez-le-feu, y compris la création d’une zone démilitarisée et l’adoption de procédures de démobilisation ;
surveiller l’état de sécurité jusqu’aux élections ;
déminer.
La résolution qui sera ratifiée par le Conseil de sécurité prévoit que l’ONU doit uniquement contribuer à la sécurité et au désarmement, surveiller l’application du cessez-le-feu, enquêter sur la non-application du protocole, surveiller le retour des réfugiés, coordonner l’aide humanitaire et rapporter les incidents. Le mandat doit prendre fin au plus tard en décembre 1995. À la fin de la deuxième phase c’est-à-dire 90 jours après la formation d’un gouvernement , la MINUAR devrait compter un effectif de 2 548 hommes. À la fin de la démobilisation et de la fusion des armées, cet effectif devrait s’élever tout au plus à 1 240 hommes.
29 septembre 1993
Lettre du ministre des Affaires étrangères Willy Claes à Warren Christopher, le ministre des Affaires étrangères des États-Unis à l’époque, dans laquelle il plaide avec insistance pour un déploiement rapide d’une force internationale au Rwanda.
4 octobre 1993
Lors d’une visite dans notre pays, le président Habyarimana exprime le souhait de voir des Casques bleus de l’ONU arriver le plus rapidement possible dans son pays.
Le président déclare lors d’une conférence de presse que le ministre de la Défense Leo Delcroix ne lui a encore rien dit sur l’effectif que la Belgique compte affecter à la force de maintien de la paix.
5 octobre 1993
Le Conseil de sécurité de l’ONU décide de créer la MINUAR (résolution 872). Il décide d’envoyer 2 600 hommes au Rwanda.
8 octobre 1993
Le Conseil des ministres décide de fournir des troupes belges pour l’opération MINUAR. Cette décision est communiquée de manière informelle au secrétariat de l’ONU par le biais de la mission belge à New York. La communication à New York vise surtout à obtenir une demande formelle de participation de la Belgique.
Il est également décidé le 8 octobre d’envoyer une mission de reconnaissance au Rwanda. Cette décision est confirmée par le Conseil des ministres du 19 novembre (46a). On peut lire dans le procès-verbal du Conseil des ministres du 8 octobre 1993 que " le Conseil marque son accord sur l’envoi d’une mission de reconnaissance " (47a).
14 octobre 1993
L’ONU adresse à la Belgique une demande formelle de participation. Les Nations Unies demandent 1 bataillon, soit 800 hommes (48a). Les militaires belges seront déployés à Kigali (49a).
15 octobre 1993
Dans une note au ministre de la Défense, le lieutenant-général Charlier trouve bienvenue la décision de participer à l’opération au Rwanda. Dans la même note, il suggère que la participation à la force internationale au Rwanda offre un argument pour rejeter la demande d’une prolongation de la présence belge en Somalie (50a).
21 octobre 1993
Dans un dossier que l’état-major général a remis au ministre de la Défense, l’on recommande de répondre favorablement à la demande de l’ONU relative à l’envoi de 800 hommes au Rwanda dans le cadre de l’opération de l’ONU. La note est accompagnée d’une annexe où figure le coût d’une opération basée sur un effectif de 600 hommes.
25 octobre 1993
La mission de reconnaissance (Recce MINUAR) part pour le Rwanda. Le colonel Flament commandait un détachement de 25 hommes, dont 20 paracommandos.
31 octobre 1993
Fin de la mission de reconnaissance au Rwanda. Le rapport de cette mission (daté du 2 novembre 1993) est remis, ensemble avec une lettre du général Dallaire du 31 octobre 1993, dans laquelle il insiste pour un déployement rapide du contingent, au ministre de la Défense nationale le 10 novembre 1993. Dans un message qu’il adressera au ministre le 10 novembre, le lieutenant-général Charlier émet des réflexions critiques quant à la préparation des Casques bleus belges.
Le message était très spécifique et portait sur des points (procédures, commandement, armement) qui, par la suite, allaient causer des difficultés croissantes sur le terrain.
3 novembre 1993
Le ministre de la Défense Leo Delcroix reçoit une note émanant du lieutenant-général Charlier, chef de l’état-major. Dans sa note, celui-ci plaide pour un effectif de 600 hommes (51a). " En conclusion j’estime que le contingent que la Belgique enverra au Rwanda, sous le couvert de la MINUAR, doit être fort d’au moins 600 hommes ... " (52a). Cette proposition du commandement de l’armée était fondée sur le rapport de l’unité de reconnaissance belge au Rwanda.
8 novembre 1993
Le Conseil des ministres tenu le 8 novembre 1993 décide de convoquer le cabinet restreint en réunion spéciale pour le 10 novembre (53a).
10 novembre 1993
Lors de sa réunion spéciale du 10 novembre, le cabinet restreint se déclare disposé à envoyer deux compagnies de 150 hommes ainsi que les éléments d’appui nécessaires et le personnel d’état-major. Dans sa note au Premier ministre Jean-Luc Dehaene, M. Delcroix, ancien ministre de la Défense, formule sa proposition de la manière suivante :
envoi de deux compagnies ;
avec 50 à 70 hommes pour l’appui logistique (état-major 40, 15 à Djibouti et 15 au Kenya) ;
les deux compagnies à charge du budget de la Défense et le reste à charge du budget de la Coopération au développement ;
la Belgique revendique la zone du centre ainsi que la Quick Reaction Force (QRF) ;
le coût par personne est de 2,6 millions de francs par an (coût réaliste).
Nous retenons les éléments suivants des conclusions qui ont été formulées à l’époque par le Premier ministre à la suite de cette proposition :
impossibilité, pour des raisons tant politiques que financières, d’accéder à la proposition de l’état-major de l’armée ;
en ce qui concerne la proposition opérationnelle, le cabinet est disposé à envoyer 300 hommes + 70 hommes ;
M. Claes et M. Delcroix établissent les contacts nécessaires avec l’Autriche en vue d’obtenir une contribution de ce pays ;
aspects budgétaires ;
dans la mesure du possible, la décision sera mise en tête de l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres ;
si, pour une raison quelconque, l’état-major ne devait pas approuver la présente proposition, on renoncerait à participer à cette opération de l’ONU ;
une présence trop forte de la Belgique dans cette opération constituerait une erreur politique (54a).
12 novembre 1993
Dans une note au ministre de la Défense, le lieutenant-général Charlier proteste contre l’intention du Gouvernement de n’envoyer que deux compagnies à deux pelotons, soit 370 hommes. " Il s’agit finalement de la sécurité des soldats que nous enverrons là-bas, je me refuse de cautionner la faisabilité militaire de cette solution " (55a).
17 novembre 1993
De JS, à Evere, un fax a été envoyé au Ministère de la Défense nationale, à l’attention du ministre Léo Delcroix. Dans ce fax, une proposition de communication, par laquelle JS marquait son accord sur le chiffre de 450 militaires, était soumise au ministre pour le Conseil des ministres du 19 novembre.
19 novembre 1993
Le Gouvernement décide en définitive d’envoyer 370 hommes en se réservant la possibilité de porter l’effectif à 450 au cas où la sécurité des troupes l’exigerait. Nous lisons dans le compte rendu de la réunion du Conseil des ministres du 19 novembre 1993 que celui-ci a approuvé les points suivants :
participation, pour une durée d’un an, d’un détachement de 370 militaires à l’opération MINUAR ;
augmentation de l’effectif du détachement à 450 militaires au maximum si cela devait s’avérer indispensable pour la sécurité du personnel ;
dans l’attente de l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions statutaires en la matière, le personnel de l’opération MINUAR est soumis à un statut similaire à celui qui s’applique au personnel des opérations UNPROFOR et UNOSOM.
Les aspects budgétaires de cette opération sont assumés par :
la Coopération au développement versera un montant de 200 millions de francs sur le compte " Opérations humanitaires " de la Défense nationale ;
les sommes qui seront remboursées par l’ONU seront également versées sur ce compte ;
le solde du coût de l’opération sera financé dans le cadre de l’enveloppe de 98 milliards de francs du budget de la Défense nationale pour 1994, comme cela a été le cas jusqu’ici pour l’opération UNPROFOR en ex-Yougoslavie (56a).
Dans une communication faite à la presse, le Gouvernement et le ministre de la Défense nationale confirment que la Belgique participera à l’opération de maintien de la paix au Rwanda. Et le Gouvernement d’ajouter que les premiers éléments du détachement pour la MINUAR sont déjà partis à bord de cinq C-130 le 18 novembre, c’est-à-dire le jour avant que la décision ne soit prise (57a).
3.2.2. Sur le plan politique
Source : Sénat de Belgique
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