L’appréciation de la menace contre le KIBAT/la MINUAR au Rwanda

La commission a constaté qu’après l’installation de la MINUAR également, les Belges en général et les Casques bleus belges en particulier ont fait face à un climat antibelge en tout cas dans les milieux extrémistes hutu. Dans une première partie, la commission confirme les indications qui figurent dans le rapport du groupe ad hoc Rwanda. Dans une deuxième partie la commission prête son attention au témoignage de Mme Braeckman qui lui a fourni une importante indication complémentaire concernant la menace qui pesait sur les Casques bleus belges. Dans une troisième partie, la commission examine les informations apportées par l’informateur Jean-Pierre. Enfin, la commission signale les témoignages d’officiers, principalement ceux qui étaient chargés de recueillir et d’examiner les informations. La plupart de ces officiers ont apporté des éléments confirmant l’existence de menaces antibelges.

(1) Le rapport du groupe ad hoc Rwanda

Les auditions auxquelles la commission a procédé lui ont donné l’occasion d’approfondir les questions qui avaient déjà été traitées par le groupe ad hoc Rwanda dans son rapport à la Commission des Affaires étrangères. Dans ce rapport, le groupe ad hoc Rwanda a avancé deux thèses concrètes et examiné en fonction de celles-ci les télex, documents et rapports de l’armée disponibles. Le groupe ad hoc Rwanda a retenu les bulletins, télex et informations qui faisaient état de la montée d’un sentiment négatif à l’égard des Belges en général et de la participation d’unités militaires belges à la MINUAR en particulier. L’ambassade belge et la représentation militaire ont fourni les sources principales.

Comme la commission a pu le constater grâce aux informations qui avaient été rassemblées dans le rapport du groupe ad hoc Rwanda, la période comprise entre le déploiement de la MINUAR et le massacre des dix paras commandos belges, d’une part, et le retrait final des troupes belges, d’autre part, s’est déroulée sur fond de menaces, de projets d’assassinat et d’attentats. Dans son enquête sur les circonstances du massacre des paras commandos, la commission a examiné en détail les difficultés que les Casques bleus ont rencontrées au cours de l’exécution de leur mission. Les militaires belges ont-ils été gênés, pendant la mission de paix au Rwanda, par des actes antibelges commis par les Rwandais ? Les menaces et les attentats auxquels les militaires belges ont été exposés ainsi que l’assassinat des dix Casques bleus belges peuvent-ils être mis sur le compte des risques normaux d’une mission de maintien de la paix ?

(2) Le plan visant à empoisonner les Casques bleus belges.

Au cours des auditions, la commission a dès lors enregistré nombre de témoignages de militaires et de journalistes qui ont souligné qu’une menace planait sur les Belges au Rwanda. La plupart des déclarations confirment les constatations que le groupe ad hoc Rwanda a faites dans son rapport. Certains témoins y ont ajouté des faits marquants.

Mme Colette Braeckman, journaliste, a témoigné le 21 mars devant la commission. Elle a attiré l’attention de la commission en déclarant qu’il existait un scénario qui prévoyait l’empoisonnement des Casques bleus belges. Mme Braeckman avait recueilli cette information lors d’une rencontre avec le Premier ministre rwandais.

" Avant de me rendre à l’enterrement du président Ndadaye, je suis passée par Kigali et ai rencontré le colonel Leroy. Il m’a expliqué qu’il régnait un climat d’optimisme tel que les Casques bleus patrouillaient à pied. Dans les collines je partageais ce sentiment. Le même jour, le 5 décembre, j’ai reçu un appel du chef de cabinet du premier ministre, Mme Agathe, qui m’invitait à venir l’interviewer. Mme Agathe m’a reçue le lendemain matin et m’a expliqué que le climat était tendu, que RTLM multipliait les attaques contre les Belges et qu’elle-même avait reçu des menaces de mort. Elle m’a expliqué que ses services de renseignements avaient eu connaissance d’un plan prévoyant d’empoisonner une dizaine de militaires belges. C’est Mme Agathe qui a alors insisté pour me rencontrer et qui m’a fait part des menaces qui pesaient sur les Belges et sur elle-même. J’aurais dû publier cette information ... (28b). "

" Cette information ne correspondait pas au climat positif mais certains, dans le clan présidentiel, ne souhaitaient pas la présence belge et désiraient le départ de la MINUAR. Cette information était pour moi stupéfiante. Aussi me suis-je rendue chez le colonel Leroy. Mme Agathe m’a dit qu’elle avait également prévenu l’ambassadeur. Après l’enterrement, je suis repassée par Kigali et j’ai demandé à l’attaché de presse des Casques bleus, le lieutenant Pirard, quel usage avait été fait de l’information transmise. Il m’a répondu que toutes les mesures nécessaires, notamment sur le plan de l’approvisionnement et la préparation de la nourriture, avaient été prises. À Kigali, le 12 décembre, j’ai bavardé avec les derniers Français qui quittaient la ville et particulièrement avec un officier français. Il m’a dit qu’il souhaitait bien du plaisir à ses amis belges car ils allaient être pris entre deux forces ennemies. Le climat antibelge débutait " (29b).

La commission a bien entendu fait part au colonel Leroy, commandant de KIBAT I, de l’étrange récit concernant un plan d’empoisonnement. Le colonel le confirma avant d’ajouter : " Il faut situer tout cela dans le contexte africain. Vous devez tenter d’imaginer notre situation à l’époque : nous avions un stock d’aliments frais et les rations nécessaires ; nous connaissions la provenance des aliments et de l’eau et nous disposions de spécialistes en logistique au courant de tout ce qui concernait l’achat de rations alimentaires. Sur ce point, nous étions donc rassurés " (30b).

La commission constate que le colonel n’a envisagé de communiquer ce scénario meurtrier aux autorités belges ni à son commandant de secteur.

Mme Agathe avait déclaré selon Mme Braeckman avoir transmis l’information à l’ambassadeur M. Johan Swinnen, qui quant à lui affirme : " Je vous assure que le Premier ministre ne m’en a jamais parlé, sinon je l’aurais certainement signalé " (31b).

Le 13 janvier personne ne s’est plus souvenu de l’appel au secours de Mme Agathe.

Major Hock : " Nous savions qu’il y avait des menaces concernant des Casques bleus d’ailleurs reprises dans le document du lieutenant Nees, mais je n’avais jamais entendu parler d’un empoisonnement. Cela ne m’étonnerait pas car il s’agit d’une arme traditionnelle, que ce soit du côté tutsi ou hutu " (32b).

Le récit de Mme Braeckman appuie l’hypothèse selon laquelle l’on ne peut pas considérer le meurtre des dix paras comme le triste résultat d’un malheureux concours de circonstances. Son témoignage apporte, par contre, une nouvelle indication, que les événements du 7 avril 1994 font partie d’un plan prémédité qui prévoyait une fin tragique pour les Belges.

(3) Les informations de " Jean-Pierre "

Un mois après le " scénario de l’empoisonnement ", le capitaine Frank Claeys, qui, en tant que " Military Information Officer ", transmettait des informations au général Dallaire et aux colonels Marchal et Kesteloot, a dactylographié le télex annonçant que l’informateur " Jean-Pierre " a donné des indications à la MINUAR sur l’existence de caches d’armes secrètes et de formations paramilitaires pour les jeunes, ainsi que sur la présence de gendarmes en civil aux manifestations organisées par les Interahamwe, sur l’utilisation par ces derniers de matériel de communication appartenant à l’armée et sur l’existence d’un plan " pour tuer ou blesser des militaires belges afin de contraindre le détachement belge, voire la MINUAR, à se retirer ". Le capitaine Claeys confirma qu’il avait foi en la crédibilité de son informateur : " ... we werden door generaal Dallaire op 10 januari naar de heer Twagiramungu gestuurd. Deze gaf ons het telefoonnummer van de heer Jean-Pierre zonder zijn naam te geven. (...) Jean-Pierre zelf heeft nooit gesproken over enige financiële tegemoetkoming voor de informatie die hij gaf. Hij vroeg alleen voor hemzelf en zijn familie, dit wil zeggen zijn vrouw en zijn twee kinderen, een vrijgeleide. (...) Hij heeft ons uit eigen initiatief naar verscheidene opslagplaatsen gebracht. " (33b).

" Hij informeerde mij bijvoorbeeld over de lijsten van geregistreerde Tutsi’s. Hij heeft mij die echter nooit willen overhandigen. Het bestaan van die lijsten werd later bevestigd door de uitvoering van het plan. (...) Hij heeft ons de precieze plaatsen aangeduid waar wapenopslagplaatsen zich bevonden. (...) Hij heeft ons ook getoond langs waar de konvooien zouden rijden. (...) Verder vertelde hij ons altijd dat hij onder druk werd gezet door de partij om zo snel mogelijk de wapens en de munitie te verdelen. " (34b)

" Aangezien we Jean-Pierre echter geen vrijgeleide konden garanderen, kreeg ik de raad hem niet meer te ontmoeten. Ik ben hem op persoonlijke basis wel blijven ontmoeten. " (35b)

D’une part, nous constatons que le capitaine Claeys obtient des informations capitaine Claeys : " Al de informatie die hij op vrijwillige basis gaf was welkom. " (36b) dont la nature était telle que ceux qui les ont reçues les ont prises au sérieux, sans toutefois être disposés à accéder à la demande de protection. Capitaine Claeys : " À un moment donné, nous avons communiqué à New York que des informateurs nous avaient donné des informations intéressantes mais qu’ils demandaient, en contrepartie d’informations supplémentaires, une protection diplomatique. Nous n’avons jamais reçu de réponse de l’ONU à ce sujet " (37b). Même pas lorsqu’il s’est avéré que les renseignements concernant les caches d’armes étaient exacts.

Le colonel Marchal devait déclarer à ce sujet : " En ce qui concerne l’importance accordée aux renseignements fournis, je peux affirmer qu’après vérification, je n’avais plus aucun doute sur ce qui se préparait. Le nombre et la précision des détails obtenus indiquait qu’un plan était en phase d’exécution et que sa mise en pratique laissait présager un nombre énorme de victimes. Mon évaluation des pertes s’élevait à plusieurs dizaines de milliers de morts. " (38b) Le colonel Marchal ajoute : " Les contacts que j’ai eus avec Jean-Pierre ont été très révélateurs et ont fourni une base solide. " (39b)

Le capitaine Claeys : " ... heel die tijd die vertragende beweging van " wij kunnen geen garanties bieden " dus eigenlijk onrechtstreeks aan mij zeggen : " Die man is waarschijnlijk niet geloofwaardig genoeg om hem te steunen. " (40b). D’autre part, le capitaine allait continuer à voir son informateur jusqu’au 15 mars, et ce, avec l’aval tacite de ses supérieurs. Le capitaine Claeys : " , ... voor de UNO mag er niet aan intelligence worden gedaan. Vandaar dat men een gebrekkige term hanteert zoals military information officer. Wat ik officieel moest doen, lag heel ver van wat ik in werkelijkheid deed. Officieel moest ik briefings geven aan de nieuwe stafofficieren. " (41b) Le colonel Marchal était lui aussi au courant des choses. Le colonel Marchal : " Comme aucun pays n’avait répondu de manière positive à la demande d’asile politique, j’ai, dans son intérêt, rompu les contacts avec Jean-Pierre. " (42b)

Faustin Twagiramungu, qui avait introduit l’informateur à l’époque, nuança au cours de la réunion du 30 mai l’importance de " Jean-Pierre ". " Jean-Pierre était un chauffeur. Il a travaillé au MRND à ce titre. Il a été licencié par le MRND mais il est resté dans les Interahamwe. À moins qu’il n’y ait un autre Jean-Pierre. Ce genre de personnes visent à obtenir des avantages qu’on leur accorde soit pour la vente d’informations soit pour mentir. On vante à une certaine bravoure que, souvent ils n’ont pas. (...) Il était tutsi ... ces gens travaillaient avec les Interahamwe, même s’ils ne prenaient pas de décisions. " (43b)

Le général-major Verschoore du SGR qui n’était pas au courant de l’existence de Jean-Pierre et des renseignements qu’il fournissait, parmi lesquels figurait le plan d’assassinat des Casques bleus belges, déclara devant la commission que l’on accordait aux informations de Jean-Pierre " une valeur extrême. Elles étaient considérées comme très fiables. " (44b) Cette appréciation est diamétralement opposée à celle du major Hock qui déclara, au cours de la réunion du 21 mars, vouloir donner à Jean-Pierre la cote F6. " C’était un informateur de la MINUAR. En examinant le personnage d’un peu plus près, l’on constate qu’il appartenait initialement aux services de sécurité du président, lesquels avaient une réputation déplorable. Jean-Pierre était déserteur et l’on ne pouvait donc pas lui faire confiance à priori. Tout ce qu’il dit doit être vérifié. " (45b)

La commission constate que le major Hock considérait l’informateur comme étant peu crédible alors que le général Dallaire et la MINUAR l’avaient jugé très fiable.

La commission s’interroge plus particulièrement à propos de l’appréciation erronée qui a été faite des informations communiquées par Jean-Pierre sur la possibilité d’attentats contre les Casques bleus belges. Pourquoi n’a-t-on pas attribué aux informations sur le sort réservé aux Casques bleus belges la même valeur qu’aux informations qu’il avait communiquées concernant l’aspect " dépôts d’armes " qui s’étaient avérées sérieuses et fiables après vérification sur le terrain de la réalité des caches d’armes, ou aux moins demandé une enquête supplémentaire ?

(4) L’appréciation de la menace contre les Belges

Dans cette partie du rapport, la commission constate, à propos de la collecte et du traitement des informations relatives à la menace contre les Belges, que les informations ont rarement dépassé le bureau de celui qui les avait obtenus. Les personnes chargées d’une mission de renseignement n’étaient pas suffisamment bien formées et ne disposaient pas de moyens suffisants pour pouvoir mener correctement à bien leur travail.

La commission a également constaté que les informations récoltées ne circulaient ni au niveau du bataillon ni au niveau de la Force.

Dans les témoignages qu’ils ont donnés devant la commission, les officiers de renseignements, les officiers supérieurs et certains officiers qui accomplissaient leur mission au niveau de la compagnie ont parlé de signes inquiétants confirmant l’existence d’un climat antibelge, en tout cas dans les milieux extrémistes hutus.

Le colonel Dewez a déclaré : " Je n’ai jamais dit aux hommes qu’ils allaient en vacances ... ce bruit s’était certainement répandu entre eux en raison de la comparaison avec la Somalie ... à Kigali la vie était " normale ", ils pouvaient sortir, aller au restaurant le soir, ils pouvaient aller nager à la piscine du Méridien. " (46b)

Le lieutenant Lecomte : " ... je me rends compte maintenant que nous, sur place, nous n’avions que très peu d’informations concernant la menace qui pesait sur le détachement belge. (...) Si menace il y avait eu, nous ne serions pas sortis à Kigali toutes les nuits. Je pense que si une faute cruciale a été commise, c’est certainement dans le manque de distribution de l’information. " (47b)

Interrogé sur sa propre appréciation des sentiments antibelges au Rwanda, le capitaine Claeys a déclaré : " Met de anti-Belgische houding bedoel ik de anti-houding tegen de Belgische militairen omdat deze hun werk goed deden. (...) Dit was een hinderpaal voor de oppositie. (...) Voorspellen dat het provoceren en vermoorden van een aantal Belgische militairen tot gevolg zou hebben dat België zijn troepen zou terugtrekken lijkt mij twijfelachtig. De MRND moest dan zeer goed geïnformeerd zijn omtrent de reactie van de Belgische regering. (...) Het was dus pure speculatie. " (48b)

Dans son exposé devant la commission Uytterhoeven, le capitaine Claeys note que " les Rwandais étaient heureux que les Belges soient là. Le reproche qu’on faisait aux Belges découlait de la situation qui avait été créée en 1990, lorsque les Belges avaient quitté le pays sans soutenir le gouvernement. " (49b)

Interrogé sur la raison pour laquelle l’officier de renseignement a jugé les informations relatives au génocide plus fiables que celles qui avaient trait aux menaces à l’encontre des Belges, Claeys a répondu " Ik ging zowel overdag als ’s nachts ongewapend erop uit... Had men echt kwade bedoelingen tegen de Belgen gehad, dan had men alle Belgen die op straat liepen als burger of als militair op elk ogenblik van de dag kunnen kidnappen of vermoorden. " (50b) Pour la commission, il est clair qu’en l’occurrence, le sentiment de sécurité personnelle a influé sur l’appréciation de la situation. Le 2 juin 1995, le capitaine confirmera à l’auditeur général que : " Il y avait une attitude antibelge qui était exprimée via la radio qui émanait du mouvement hutu. Cette attitude n’aurait toutefois jamais pu laisser présager l’issue fatale. " Contrairement à ce qu’il a affirmé devant la commission, le capitaine a déclaré ce qui suit devant le tribunal militaire : " Il était notoire que ce qu’un Rwandais dit ne correspond pas à ce qu’il pense. Il fallait donc se méfier d’eux. Je n’aurais jamais remis mon arme. J’aurais convaincu mon interlocuteur de me la laisser en promettant de ne pas l’utiliser. " (51b)

Le lieutenant Nees, S2 KIBAT I : " Le 18 novembre, les premiers éléments de KIBAT sont partis au Rwanda. Entre les 3 et 11 novembre, nous avons reçu à titre de préparation une note générale du SGR où il n’était question que de généralités et nullement d’un climat antibelge. Quelques petites phrases mentionnaient toutefois l’existence de milices de jeunes. La deuxième partie des préparatifs consistait à inviter des personnes qui avaient été au Rwanda, je pense à des collaborateurs de la RTBF, de la Croix-Rouge et de Radio Vlaanderen. Nous avons obtenu plus de détails d’eux que par les notes du SGR. Nous avons entendu parler pour la première fois du " Réseau Zéro ". Je suis parti le 18 novembre. La population rwandaise était rassurée par notre présence. Nous avons vite constaté que la population et surtout les enfants étaient mal informés ou de manière unilatérale sur la venue de la MINUAR et sa mission. Nous avons noué les premiers contacts avec la population dans l’école des pères. Les élèves nous ont entre autres posé les questions suivantes : étions-nous venus pour combattre les ennemis des Hutus ? Étions-nous venus pour aider les Tutsis à prendre le pouvoir ? À mon sens, il n’était pas question d’un climat antibelge, mais bien de désinformation sur la venue de la MINUAR. Le renforcement du climat antibelge au cours des mois de décembre à février s’explique par le fait que l’homme de la rue n’a jamais reçu d’informations détaillées sur l’objectif de la MINUAR. Par contre, la RTLM pouvait diffuser sans restriction aucune de la propagande contre la Belgique dans presque tout le Rwanda. Il y a un élément important dont il faut tenir compte. Les personnes qui séjournaient dans les camps étaient très sensibles à cette propagande. La confiance initiale des Rwandais a également disparu progressivement. Dans la nuit du 16 au 17 novembre, un massacre eut lieu près de Ruhenge où il y eut 40 morts. Le général Dallaire a dit que l’on allait ouvrir une enquête. Plusieurs enquêtes ont effectivement été ouvertes, mais elles n’ont jamais donné de réponse adéquate à la question de savoir ce qui s’était passé. La confiance a disparu progressivement. Pour le citoyen rwandais, la MINUAR était synonyme de présence belge. C’est le KIBAT qui a introduit le bataillon FPR à Kigali. À partir de janvier, le nombre et le caractère des messages de la RTLM ont dès lors augmenté. À partir de ce moment-là, la radio profitait de chaque occasion pour discréditer la Belgique. Il y a eu une série d’incidents dans lesquels KIBAT est intervenu de façon correcte, alors que la RTLM a abusé de la situation. Je pense à l’hélicoptère belge qui aurait prétendument braqué des mitrailleuses sur la résidence présidentielle. Le 20 janvier, nous étions présents à une rencontre avec M. Twagiramungu. Les Belges étaient obligés de tirer en l’air pour évacuer M. Twagiramungu. À RTLM, on a dit que les militaires belges avaient tiré dans le tas et qu’il y avait eu des morts. Le 8 janvier, 300 membres d’une milice de la jeunesse ont provoqué les militaires belges. " (52b)

Partant de sa perception de militaire, le lieutenant Nees a cru discerner deux menaces réelles. Le lieutenant Nees : " Le 5 février, lors de l’installation du KWSA, une patrouille nocturne a remarqué de nombreux Rwandais armés autour de la maison du colonel Bagosora. La patrouille voulait intervenir mais, à ce moment-là, le colonel Bagosora est sorti et a ordonné à sa garde militaire de braquer ses armes sur les Belges. La deuxième menace était une fusillade aux confins de Kigali entre des milices ou des citoyens armés et les militaires belges d’une escorte. En dehors de ces deux incidents, il n’est pas vraiment question d’un climat antibelge. Par après la situation s’est néanmoins déteriorée. " (53b).

Le capitaine De Cuyper, qui a succédé au lieutenant Nees comme S2 au sein de Kibat II, n’a rien remarqué d’un climat antibelge dans la vie quotidienne au Rwanda. " En tant qu’officier belge de la Minuar, je n’ai pas rencontré de problèmes. En revanche, j’ai ressenti une certaine réticence. Dans certains milieux, proches du pouvoir, on considérait les Belges à Kigali comme des intrus un peu trop curieux. Lorsque je suis arrivé, je savais seulement, grâce aux informations contenues dans les dossiers du lieutenant Nees, que des événements s’étaient déroulés à Kigali. " (54b)

Dans un document du 7 février 1994, le lieutenant Nees a écrit qu’il fallait considérer l’attitude antibelge non pas comme hostile à l’égard des Casques bleus belges, mais comme faisant partie d’une politique délibérément dirigée contre les Belges. Et le lieutenant Nees de déclarer à ce sujet : " Oui, nous avons écrit cela, Il n’y a eu que quelques incidents déplorables. Les problèmes, notamment aux points de contrôle, étaient provoqués en général par les Rwandais. Les problèmes se produisaient durant les missions de patrouilles. Les autres incidents étaient provoqués par des personnes de la même tendance politique. Je me souviens d’un incident où j’étais moi-même à un poste de contrôle. Il y avait toujours, à chaque poste de contrôle, deux gendarmes rwandais qui contrôlaient les véhicules. Ces contrôles se déroulaient sans la moindre agressivité. À un certain moment, un véhicule a passé un poste de contrôle et les militaires belges ont dû s’esquiver. Je l’ai signalé au commandant du KIBAT et lui ai demandé si nous ne devions pas en informer le colonel Marchal. " (55b)

Pour la methode utilisée pour obtenir des information et le traitement, voir chapitre 3.3.3.

Le major Podevijn, qui était presque tous les jours en contact avec le capitaine Claeys, a déclaré devant la commission Uytterhoeven que dès le début de l’opération, le climat était hostile à la MINUAR et, surtout, aux Belges. " C’est parce que nous étions pro-FPR. En janvier-février, il y a eu de graves manifestations. En mars tout s’était apaisé. Puis, il y a eu l’explosion. Il y avait bien un risque potentiel de la part d’une partie de la population (les milices). Mais aucun signe ne laissait prévoir que la Gd. et les FAR entreprendraient quoi que ce soit contre les Belges de la MINUAR. " (56b)

Au cours de l’audition de la commission spéciale du 7 mars, le major répétera les propos suivants : " Une fois sur place, nous avons constaté qu’on publiait des pamphlets et des articles qui noircissaient les paras belges. Au début, jusqu’au 18 décembre, nous n’avons pas tellement remarqué l’hostilité. Plus tard, il y a eu des incidents impliquant des Belges. Il y eut, par exemple, la grenade dans le jardin du colonel Marchal ; on jeta des pierres contre une patrouille ; il y eut des coups de feu devant la maison de M. Booh Booh. On a également empêché le passage d’un véhicule d’escorte des paras belges lors des manifestations dans les environs du quartier général du général Dallaire. Tous ces incidents ont été rapportés .

Cela commença déjà le 6 décembre lorsqu’un inconnu est venu demander au quartier général des paras où les Belges étaient logés. Plus tard, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un poseur de bombes. Le 10 décembre, des partisans des Interahamwe ont traité de Tutsis des soldats de la MINUAR passant dans un minibus. Lors d’autres incidents, des grenades ont été jetées dans des maisons de familles de Tutsis. Des commerçants et des propriétaires de bars que fréquentaient des Belges ont été menacés. Des observateurs militaires de la MINUAR ont été attaqués et volés. Lorsque des Interahamwe manifestaient contre la MINUAR et les Belges, les gendarmes rwandais ou l’armée n’intervenaient guère. Ils regardaient tout simplement. Le 17 janvier, le SGR était informé du climat antibelge. On demanda d’effectuer une enquête à propos des menaces proférées contre la composante belge de la MINUAR. Une série d’incidents indiquait donc que quelque chose se passait. Nous savions que le MRND était opposé à notre présence. La RTLM menait également une campagne antibelge. On nous reprochait également de ne plus avoir voulu fournir d’armes en 1990 et d’être favorables au FPR. " (57b)

Le colonel Vincent, chef de la coopération militaire et conseiller militaire de l’ambassadeur Swinnen, était, avec les officiers de renseignements qui rassemblaient et transmettaient au commandement belge les données au niveau de KIBAT-MINUAR et au niveau du QG-MINUAR, une source très importante d’information du SGR pour le commandement de l’armée. Selon le colonel, il existait effectivement un climat antibelge (voir point précédent campagne antibelge et anti-MINUAR avant le 19 novembre 1993) mais il fallait le relativiser. Colonel Vincent : " Il était surtout une arme utilisée au niveau politique. Par contre, la population ne ressentait pas d’aversion particulière à l’égard des Belges. Une semaine avant les événements tragiques du mois d’avril, mon épouse faisait encore ses commissions au marché, sans difficultés. " (58b) Selon le colonel, il n’y avait pas d’attitude antibelge à l’égard de la communauté belge, mais bien à l’égard de la MINUAR, qui était le symbole des accords d’Arusha. Pour le prouver, le colonel relata l’incident du 8 janvier au cours duquel ses soldats et lui-même n’avaient rencontré aucun problème avec la population qui était pourtant particulièrement agitée.

Le colonel savait, de son propre aveu, qu’il y avait des " problèmes ", mais il n’a jamais rien remarqué, ni au sein de l’armée rwandaise ni au sein de la gendarmerie, concernant un plan de génocide. Il n’a rien remarqué concernant la préparation d’un attentat contre les Casques bleus belges. La coopération technique et militaire fonctionnait comme source de renseignements mais ne disposait pas de son propre réseau d’informations. Le colonel Vincent : " Nous nous contentions de rapporter à Bruxelles nos informations. " (59b) Le colonel Vincent précisa encore que la radio RTLM fut créée dans un cadre anti-MINUAR. " Quant à sa propagande, elle se situait en dessous du niveau des ragots du pire torchon. " (60b) C’est un point de vue que défendit aussi son collègue du CTM, le lieutenant colonel Duvivier. " RTLM émettait régulièrement des critiques vis-à-vis des Belges. Par exemple les Belges sont à la solde du FPR. À la mort du président, RTLM a diffusé : les Belges sont responsables de la mort du président. Ils ont proposé que dans chaque ville, il fallait tuer un Belge. " (61b)

Le lieutenant colonel Leroy, qui était commandant de KIBAT I, a admis devant la commission que l’opération comportait des risques mais qu’à son sens il n’y avait pas de menace directe. Si le colonel pensait que " selon lui il n’y avait pas de climat antibelge ", cela ne l’a pas empêché de déclarer ce qui suit : " Jusqu’à la date de mon départ, j’ai bien ressenti des provocations envers mes troupes, mais rien de plus. Mon rôle se limitait à tirer la sonnette d’alarme. Ce que j’ai fait en tant que militaire réagissant à un risque militaire. " (62b) Le 6 février, le colonel transmit un fax au C Ops, dont voici le texte : " 060850 feb 94, le véhic. milit. Du gén. Nzabimana franchit un CHP de la 11e Cie. Le gén. refusa de s’arrêter. Il dut le faire en raison du trafic, descendit et se mit à inciter, probablement dans sa langue, ceux qui assistaient à la scène à s’insurger contre le fait que les Mil(BE) osaient arrêter un Gen(RW). Le sec Comd et le Comd Cie le laissèrent poliment poursuivre sa route. Il s’agissait du énième incident avec des officiers supérieurs (RW) ou des membres de leurs familles. Avant que quelqu’un n’écrase volontairement un de mes hommes ou qu’une des parties n’ouvre le feu, j’ai demandé au Sector Comd de supprimer TOUS LES CHP qui avaient été prévus et de les remplacer par des patrouilles. Le Sector Comd acquiesça " (63b). Lorsqu’on l’interrogea sur les problèmes qui se posaient aux points de contrôle, le colonel déclara : " Dans la plupart des checkpoints, il y a danger lorsqu’il y a provocation. Ainsi, dans un des 152 checkpoints, un véhicule s’arrête et le passager ordonne à ses gardes de sécurité d’armer. Le chef de patrouille fait armer à son tour. Le ton baisse et, sur la carte remise par le passager, qui déclare qu’on entendra parler de lui, on lit Bagosora. J’ai informé le commandant de secteur et Bruxelles parce que c’était le énième incident qui se produisait dans le cadre de la mission de sécurité. Je ne me sentais pas équipé et entraîné pour y faire face. À la date du 1er mars, j’ai envoyé un message à Bruxelles demandant des directives, mais en vain, et je me suis refusé à appliquer les ordres, voulant à tout prix éviter de faire remplir par mes hommes des tâches de gendarmerie au lieu de tâches militaires. " (64b)

Au cours de la réunion du 13 mai 1997, le commandant Noens a déclaré à propos du colonel Bagosora : " Tijdens één van de nachtelijke patrouilles botste een bereden patrouille in een kleine straat op een 30 à 35 gewapende FAR-soldaten. Dat betekende een grove schending van de regels van de KWSA. Dat wordt aangekaart en nog eens besproken ter gelegenheid van de Veiligheidsconferentie van 15 februari, waaraan de minister van Landsverdediging, de Stafchef van de Rijkswacht en kolonel Bagosora deelnamen. Deze kolonel was in feite zowat de slechte geest van de groep, de meester provocateur van onze para’s. Met een brede smile op zijn gezicht verklaarde hij dat er geen enkele overtreding gebeurd was en dat zijn soldaten het volste recht hadden om daar te zijn, want zo zei hij, ik heb recht op vijf man en ik heb nog een reeks autoriteiten bij mij uitgenodigd die elk hun escorte hebben meegebracht. " (65b)

Dans sa déclaration devant la commission Uytterhoeven, le colonel Leroy affirme : " À partir du moment où une grenade explose dans le jardin du Comd Sect, il y avait menace. Dans l’attitude de Mil appartenant au régime en place, arrogance, provocation pour tester la composante belge de MINUAR. Pour ces raisons, mes Comd Cie ont demandé à pouvoir engager une balle dans le canon, ce qui fut refusé. " (66b)

À la question de savoir si les menaces spécifiques telles que les avaient rapportées le lieutenant Nees pouvaient être également qualifiées de telles par le colonel, ce dernier ne nia pas que ses Casques bleus étaient menacés. " Il y a certes eu des menaces contre les Belges, mais cela ne reflétait pas le climat général. J’ai régulièrement attiré l’attention du C Ops sur les dangers que nous courions à rechercher des armes ou à maintenir l’ordre public. Mais cela ne constitue pas un climat antibelge, c’est-à-dire s’appliquant à tous les Belges. La menace contre les Casques bleus belges aurait pu se cristalliser si nous avions continué à saisir des armes. Nous ne l’avons pas fait. " (67b)

Le colonel conclut la réunion du 24 mars en constatant : " Mon sentiment a été influencé par tout ce que j’ai lu et entendu depuis lors. Je ne suis plus le même homme que celui qui est revenu du Rwanda. À l’époque, j’étais persuadé qu’il n’y avait pas de menaces. "

Le colonel Leroy déclara en outre : " Il y avait effectivement des problèmes, mais ils n’étaient pas comparables aux problèmes réels qui se sont produits à KIBAT II. " (68b)

La commission a entendu le colonel Dewez, commandant de bataillon de KIBAT II, le 16 avril 1997. Aux dires du colonel, l’on n’a eu, dès le début de la mission, aucune vue de la situation au Rwanda. Selon le colonel Dewez : " Les informations que j’ai obtenues de l’état-major concernant la situation au Rwanda étaient d’ordre général. Pour avoir un témoignage plus vivant, je me suis adressé au Père Bouts, réputé pour sa connaissance du Rwanda. Il nous a donné un premier briefing et j’ai retenu la complexité de la situation aux niveaux politique, social et ethnique. Il y avait une rupture de dialogue évidente entre le pouvoir et la population et c’était le règne de la désinformation. " (69b)

" La question du sentiment antibelge ne me paraissait pas cruciale car la majorité de la population rwandaise souhaitait une intervention de l’ONU et se réjouissait de notre arrivée. Je les (les officiers) ai informés de la campagne antibelge et anti-MINUAR en insistant sur le fait que tout faux pas de leur part serait systématiquement exploité. " (70b)

Lors de sa dernière audition par la commission d’enquête le 30 juin, le colonel Dewez a une fois de plus reconstitué le briefing qu’il avait donné à ses hommes au début de l’opération à Kigali. " Je vous ai dit qu’un cours a été donné ... à tous les gradés, jusqu’au niveau de chef de peleton ... j’ai expliqué le fonctionnement général de l’ONU, des opérations de paix etc. Ensuite, le capitaine Choffray a poursuivi avec, notamment, les régles d’engagement. À l’issue de ce briefing, un document a été distribué à chaque compagnie. (...) ensuite, la mission de chaque compagnie consistait à transmettre ce briefing au sein de la compagnie vers les pelotons. (...) Un autre jour ... j’ai rassemblé les compagnies donc tous les soldats et je leur ai donné un briefing d’une heure environ. (...) Vous constaterez que j’indiquais que la mission allait être difficile et qu’il ne s’agissait pas du tout de vacances. Je n’ai jamais dit aux hommes qu’ils allaient en vacances ... ce bruit s’était certainement répandu entre eux en raison de la comparaison avec la Somalie. " (71b)

La commission a été troublée par la manière dont le colonel a été préparé pour sa mission de commandant de bataillon de KEBAT II. La commission s’interroge à propos du fait que le colonel devait chercher ses informations auprès de certaines personnes, comme le Père Boets, plutôt que de pouvoir se reposer sur ses autorités à qui revenait la responsabilité de l’informer adéquatement sur le milieu dans lequel il allait devoir opérer. Il est tout aussi étonnant que les informations aient été transmises de façon si imparfaite. Le colonel n’a pas été mis au courant des rapports du lieutenant Nees. Il n’a en outre pas pu confirmer s’il avait été mis au courant des informations fournies par Jean-Pierre. Il a toutefois pu faire davantage de clarté sur les renseignements que le colonel Leroy lui avait transmis. Le colonel Dewez déclare : " On y (au cours du briefing) a évoqué plus les menaces contre les opposants hutus et les hutus liés à la Belgique qu’envers les Belges eux-mêmes . (...) J’ai passé une semaine avec lui (le colonel Leroy) au Rwanda, à la fin du mois de janvier. Il m’a fait part des problèmes rencontrés, notamment du fait que le moindre incident était monté en épingle et que les soldats faisaient l’objet de provocations. De retour en Belgique, je ne m’attendais pas à recevoir plus d’informations du SGR (...) Il n’y a pas eu de document écrit au sujet de ce briefing. Je dispose simplement de mes propres notes dans mon carnet . (...) J’y ai noté, le 4 février, que la situation au Rwanda était délicate. Il y avait une campagne antibelge. Le moindre incident pouvait être exploité et pouvait avoir des répercussions directes dans les milieux politiques belges. Nous devions être absolument neutres et éviter tout excès. " (72b)

Contrairement au colonel Dewez, le colonel Balis était, lui, au courant des informations dont disposait le capitaine Claeys depuis janvier. Le colonel savait également que le capitaine Claeys continuait à rencontrer le fameux indicateur. Le colonel Balis, qui était, à l’origine, chargé d’élaborer un plan d’évacuation, a vivement critiqué la déficience du service de renseignements. Il a déclaré, à ce sujet : " Het is natuurlijk zo dat we heel veel geruchten, mededelingen, hadden, maar weinig concreets op papier. Volgens mij was dat misschien wel de grootste zwakte van de zending UNAMIR. (...) Het is mij direkt opgevallen dat de belangrijkste sectie in zo’n staf bestond uit één Belgische kapitein. Die man heeft dag en nacht gewerkt. Die heeft werkelijk schitterend werk gedaan, maar dat was veel te veel voor hem. Ik heb generaal Dallaire voorgesteld ... om mij toe te laten om een inlichtingencel op te richten met drie, vier of vijf officieren en vooral met enkele mensen die Rwandees kennen. (...) Het antwoord van New York was dat het niet wenselijk was een inlichtingencel op te richten omdat het inwinnen van inlichtingen een daad van agressie zou zijn. " (73b) Le colonel Balis : " Iedere inlichting was welgekomen, uiteraard, maar er waren heel alarmerende feiten. (...) Ik had ook geen enkele Afrika-ervaring. (...) Na drie tot vier maanden permanent te moeten horen dat ik er niet moest mee inzitten, dat de Arusha-akkoorden zouden worden uitgevoerd. " (74b) Le colonel Balis, qui a lu tous les " code cables " du général Dallaire et était donc même au courant de l’information de Jean-Pierre, ne s’est toutefois senti menacé personnellement qu’une seule fois suite à la manifestation de janvier. " ... tegen de middag werden de voorbijrijdende UNO-voertuigen gecontroleerd op de aanwezigheid van Belgen. Ik weet dat omdat ik zelf in zo’n voertuig zat. Gelukkig zat er een Bengalese chef aan het stuur en bleef mijn Belgische wimpel achter zijn schouder verborgen ... bij het zien van de Bengalezen riep de Rwandees luidkeels " Il n’y a pas de Belges, ils peuvent passer. " (75b) Bien que le colonel ne se soit pas senti personnellement menacé, il a convenu qu’il y avait des indices que la présence belge faisait l’objet de menaces. Tout comme il avait déjà déclaré devant la commission Uytterhoeven que les menaces n’étaient pas dirigées contre la MINUAR mais qu’il existait une controverse concernant la présence belge. Le colonel Balis a confirmé, devant la commission d’enquête parlementaire : " Anti-belgisch ? Ja, dat wisten we reeds voor we vertrokken. Het was ons niet onbekend dat het terugtrekken van de troepen in 1991 niet in dank was afgenomen door bepaalde groepen. " (76b)

Le colonel a déclaré qu’il avait quand même été très inquiet. " Le troisième jour que j’étais au Rwanda, j’ai entendu à la radio officielle un homme qui, d’une voix hystérique, déclarait : " Nous n’avons pas voulu les accords d’Arusha, ils nous ont été imposés et nous ne les accepterons jamais. " Et moi j’étais là avec mon béret bleu à participer à l’UNAMIR ! " (77b)

Le colonel Marchal, commandant de secteur de la MINUAR à Kigali, a été interrogé en détail par la commission au sujet de ce que l’on appelle le climat antibelge au Rwanda. Au début de sa première audition, le colonel a relativisé le sentiment antibelge. Il a estimé utile d’apporter une précision en affirmant : " Il existait un climat anti-MINUAR avec des poussées de fièvre qui se focalisaient sur les Belges. Un incident m’a paru significatif à cet égard : c’est le jet d’une pierre dans la porte vitrée des responsables de Radio Mille Collines. J’ai compris qu’il y avait danger pour la sécurité des militaires belges et des expatriés. " (78b)

Au cours de sa deuxième audition, le 14 mars, le colonel Marchal a été interrogé une deuxième fois concernant la manifestation du 8 janvier 1994. Il a déclaré : " Concernant le climat antibelge, je voudrais signaler que la manifestation du 8 janvier était la première du genre à Kigali. Si le détachement belge s’était engagé dans ce type d’opération, le climat antibelge aurait connu une poussée de fièvre. La manifestation du 8 janvier m’a inquiété car le mouvement de foule n’était pas à maîtriser. J’ai demandé des directives à l’état-major à Bruxelles... La réponse m’a été envoyée un mois plus tard. " (79b)

Même s’il lui était difficile d’évaluer les incidences de l’atmosphère anti-MINUAR et antibelge, le colonel Marchal a pris certaines mesures afin de diminuer les risques. " J’ai ainsi supprimé toutes les sorties nocturnes ainsi que les contrôles routiers. Un plan d’évacuation des expatriés a été minutieusement mis au point et j’ai personnellement tenu un " briefing " pour l’expliquer... J’ai également exprimé officiellement mes préoccupations au général Dallaire concernant les conséquences des émissions de Radio Mille Collines. " (80b) Le 14 mars, le colonel Marchal explique ses démarches auprès de l’ambassadeur : " Il était temps que Bruxelles se préoccupe du problème. " (81b)

Le major Maggen, qui était responsable, au quartier général de la Force, de la cellule de permanence chargée de réceptionner et d’expédier les messages, a résumé comme suit les premières impressions qu’il a eues de sa mission au Rwanda : " Op 4 december 1993 kwam ik aan in een land waar het zogezegd vrede was. Het eerste wat ik de generaal (Dallaire) hoorde zeggen was dat hij de pers weer eens had moeten vertellen dat de Belgen die waren toegekomen, blauwhelmen waren en geen Belgen. Er was dus inderdaad een kiem van anti-Belgische gevoelens op dat ogenblik. (...) Wat wij als Belgen onder de UNAMIR-vlag hebben gedaan, draaide voor ons niet goed uit. Wij hebben immers het anti-Belgische gevoel versterkt door dat bataljon van patriotten van het Noorden van het land over te brengen naar Kigali met Belgische vrachtwagens en onder Belgische escorte. (...) In Kigali escorteerden we permanent de VIP’s van de patriotten van het RPF. (...) Begin januari reeds had ik het gevoel dat het Arusha-verdrag het resultaat was van een oorlog die de huidige machthebbers hadden verloren. " (82b) (...) Le major Maggen : " Ik vermeld de verklaring van 8 januari, de tip in verband met de plannen van de Interhamawe ... voorts was er een speciale actie rond de wapendepots in Kigali, die erin bestond dat een speciale search-operatie zou worden uitgevoerd om de hand te leggen op de wapendepots. Dit waren geheime operaties waarvan enkel de generaal (Dallaire) en een beperkte kring van mensen, waartoe ikzelf niet behoorde, op de hoogte waren. " (83b) En résumé, le major, qui avait déclaré, en décrivant sa mission à Kigali, être responsable du suivi des incidents, de l’analyse des informations reçues et du rapport quotidien à adresser à New York par le biais du SITREP, n’apparaît vraiment pas comme bien informé.

Après avoir entendu les officiers supérieurs, la commission a invité une série d’officiers qui exerçaient leurs fonctions au niveau de la compagnie. Bien qu’elle leur ait surtout demandé d’apporter leur témoignage sur les événements tragiques du 7 avril, l’évacuation de l’école Don Bosco et le retrait, la commission a tenté de savoir, en marge de leur audition, comment ces officiers évaluaient la situation qui régnait avant les faits du 7 avril.

Le capitaine Lemaire, dans son audition devant la commission, a dénoncé la mauvaise exploitation des informations dont on disposait sur place. " Il semblerait qu’on connaissait le risque de génocide et le danger pour les Belges. " " En fait, tout allait mal depuis le début. Déjà lors de la constitution de la force, on n’a pas fait confiance aux militaires. "

Le capitaine, qui avait obtenu lui-même des informations relatives à des distributions d’armes et à l’imminence d’un bain de sang, a déclaré qu’il n’était pas informé du danger que représentait sa mission. " On nous a dit que le risque, pour nous, était limité. Jamais on ne nous a parlé de risques directs pour les Belges et la MINUAR sinon je n’aurais pas autorisé les sorties le soir. Si les officiers avaient su qu’un génocide se préparait, ils n’auraient pas autorisé tout cela. Nous nous sommes cependant rapidement rendus compte que les gendarmes jouaient avec la MINUAR et que le 1er Paras avait été muselé et trompé. C’est pour cela que nous n’avons plus communiqué aux gendarmes l’emplacement des check points ni les trajets des patrouilles. Cette décision a suscité leur mécontentement. " (84b)

Le 13 mai, la commission a entendu le capitaine Marchal. Le capitaine Marchal avait déjà longuement commenté, devant l’auditeur militaire, son expérience du climat qui régnait dans la période antérieure au 7 avril. " Après cette date (1er avril), il y avait une certaine tension qui se manifestait en ville par des grèves et des assassinats, que j’ai moi-même constatés. La population ne croyait plus dans la MINUAR, des soeurs me l’avaient rapporté. Journellement j’adressais au bataillon un rapport où je faisais part de mes observations. J’étais moi-même devenu méfiant envers les gendarmes et des Rwandais parce que j’avais constaté que, ce qui ne s’était jamais passé avant, lors d’assassinats politiques les gendarmes étaient avant nous sur place. " (85b)

Le capitaine a confirmé ce témoignage devant la commission. En tant que responsable du groupe du centre-ville, il avait en effet remarqué qu’à partir du 4 avril, l’armée et la gendarmerie étaient toujours sur place avant les Casques bleus. Le capitaine a hésité à en conclure qu’il existait un plan préétabli visant à provoquer le départ de la MINUAR pour permettre le génocide.

La commission constate que les informations disponibles n’ont pas été appréciées correctement alors même que la plupart des officiers étaient au courant des menaces qui pesaient sur les Belges en général et les soldats de leur propre détachement en particulier. La commission constate qu’alors que tout le monde a recueilli des indications non négligeables de l’existence d’une menace antibelge, ces informations n’ont pas été regroupées sur le terrain et qu’il n’y a eu pratiquement aucune communication entre les différents services à Kigali.

L’appréciation en Belgique de la menacecontre le KIBAT/la MINUAR

(1) Par les autorités militaires

La commission s’est également intéressée à la manière dont l’autorité militaire en Belgique a analysé et apprécié les flux d’informations qui lui parvenaient de Kigali. Dans ce cas aussi, la commission a constaté que les informations en provenance du Rwanda ont été interprétées de différentes façons. C’est ainsi que la commission constate que les informations recueillies au niveau de KIBAT par les services de renseignements du SGR en Belgique n’ont pas été appréciées à leur juste valeur. De plus, la commission constate les carences de communication interne entre l’état-majorgénéral et les services de renseignements militaires à Bruxelles.

Lors de la première audition du 28 février 1997, le lieutenant général Charlier avait déjà attiré l’attention sur le caractère antibelge du climat qui régnait au Rwanda (voir aussi le chapitre sur la menace au cours de la période qui a précédé la décision). D’après le lieutenant-général, le retrait des troupes belges en 1991 et la suppression des livraisons d’armes ont alimenté les sentiments hostiles à la Belgique. Un mois plus tard, au cours de sa seconde audition, l’ancien chef d’état-major a souligné que toutes les informations relatives à la campagne antibelge figuraient dans les documents du SGR. Ces documents ont été transmis au ministre. Le lieutenant général Charlier a déclaré que les informations négatives et positives se succédaient en alternance : " Au Rwanda les signaux négatifs étaient essentiellement des menaces verbales jusqu’au 6 avril, à l’exception d’un petit incident " (86b). Le lieutenant-général Charlier a également fait la comparaison avec les opérations antérieures en Slavonie et en Somalie où les incidents étaient plus graves. Le lieutenant-généralCharlier a pourtant déclaré : " Nous n’avons jamais sous-estimé les menaces. À chaque nouvelle information concernant des menaces, j’ai demandé au commandant sur place au Rwanda de confirmer l’information, de m’en donner son analyse et de m’expliquer les mesures prises. Il n’y a jamais eu de relâchement. Le retrait de KIBAT a été envisagé à trois reprises . (...) Nous avons encore envisagé ce retrait après le télégramme alarmant du colonel Marchal qui demandait des précisions sur ce qu’il devait faire en cas de généralisation des troubles. Si l’on envisageait l’évacuation de tous les Belges, je savais que nous enverrions des troupes mais je nepouvais pas envoyer ce message à un état-major de l’ONU. J’ai donc téléphoné au colonel Marchal car je craignais que son télégramme ne soit la conséquence de l’épuisement nerveux qui guette les officiers dans ce genre de situation. Le colonel Marchal s’est cependant dit prêt à continuer sa mission. Il l’a répété au ministre de la Défense lors de sa visite au mois de mars. " (87b)

Même si le lieutenant général a pu se faire une idée de la menace imminente qui pesait sur les Casques bleus belges grâce aux rapports du SGR, il a dû se passer des informations détaillées de Jean-Pierre. " J’ai découvert l’existence de Jean-Pierre dans lesrapports de la commission. " (88b) Et il n’a pas pu donner de réponse définitive à la question de savoir si le lieutenant général avait discuté avec le ministre de la Défense de la note de synthèse du 2 février 1994, dans laquelle est mentionné que l’on voulait tuer des Belges.

Au cours de la réunion du 21 avril, le lieutenant général a donné des informations au sujet de la visite à notre pays du général rwandais Ndindiliyimana. Le lieutenant général Charlier a déclaré à ce propos : " Je lui ai parlé des menaces contre les militaires belges. Selon lui, ces menaces étaient isolées. Je ne l’ai cependant pas cru. " (89b)

Le général Charlier prétend qu’il était déjà, au mois de mars, conscient des risques contre les Casques bleus belges.

Le général-major Verschoore, l’adjoint du général-major Delhotte, chargé de rassembler et d’analyser des informations pour le SGR, a, lui aussi, été invité à esquisser le climat qui régnait au Rwanda et, plus particulièrement, l’attitude adoptée à l’égard des Belges.

" Les renseignements rassemblés en septembre 1993 démontraient clairement que la situation au nord du Rwanda était extrêmement tendue. Le FPR occupait en effet une partie de cette région. Début 1994, il n’était pourtant pas question d’un climat antibelge.

Fin janvier, il y a eu des incidents avec les Interahamwe dans le but de déstabiliser le pays. Des agressions contre les Belges n’étaient donc pas exclues. Radio Mille Collines stigmatisait les Belges et la MINUAR. Toute opération militaire présente des risques semblables. Le SGR percevait quelques indications de troubles graves mais ne pouvait certainement pas conclure des informations reçues qu’un génocide se préparait " (90b).

" À partir de janvier, nous avons constaté un climat antibelge. Auparavant, il y avait déjà eu des incidents, mais à partir de janvier, le climat anti belge était plus prononcé au sein de certains groupes de la population et il y avait un risque " (91b). Dans son appréciation personnelle de la situation politique au Rwanda, le général-major situe les émissions de RTLM, les entraînements ainsi que la distribution d’armes à la fin décembre 1993, début janvier 1994.

" Les INSUMS présentent les faits, une analyse ainsi qu’une conclusion. Ma conclusion était que quelque chose se préparait " (92b). Bien que le général-major ait été conscient d’une menace contre les militaires belges en fonction des renseignements reçus de SGR, il affirme que le service de renseignements n’a pas pu prédire de quelle façon la situation évoluerait. " Nous n’avons jamais pensé à une attaque contre les militaires belges. Nous avons considéré les menaces comme de l’intimidation " (93b).

Le général-major Delhotte, qui a été entendu par la commission le 21 mars, a déclaré qu’il n’y avait pas de menace concrète, mais a également admis " que les faits étaient mieux connus du commandement local que du SGR. C’est ce commandement qui doit en premier lieu évaluer les faits " (94b). Il a ajouté que : " C’est le colonel Marchal qui a été informé par Jean-Pierre et nous connaissions ces informations par son entremise. " Le général-major Delhotte a interprété la situation de la façon suivante : " En décembre, on a encore organisé des activités de loisirs pour les paras. Si cela a pu se faire, c’est que la situation ne devait pas être tellement grave. " Les informations transmises notamment par le colonel Marchal et le major Podevijn indiquaient, selon le général-major, " qu’on ne ressentait pas de véritables problèmes. Toutefois, les Interahamwe ont provoqué des incidents dans le nord en décembre et dans le sud, près du Burundi, en janvier " (95b).

La commission constate que le général-major Delhotte considère que les nouvelles alarmantes en provenance de Kigali constituent un risque intrinsèque à ce genre de mission, alors que son adjoint général-major Verschoore, a décrit la situation du mois de janvier comme étant plus grave. La commission constate en outre que le général-major, qui est le chef du service de renseignements militaire, rend les troupes opérationnelles sur place responsables de l’appréciation de la menace, alors que ses services de renseignements étaient les mieux placés pour procéder à une analyse globale. Le général-major Delhotte s’est justifié en déclarant devant la commission qu’il n’appartient pas au SGR de donner de fausses alarmes, puisqu’ " à l’époque, les renseignements que nous possédions n’indiquaient pas une menace précise. Dès le début, il y a eu un peu de provocations et l’importance des Interahamwe a été exagérée ". Le général ajoute : " Les synthèses et les appréciations du SGR n’ont été contredites par aucune autorité locale. (...) Si le rapport n’avait pas été plausible, il y aurait eu un choc en retour du lieutenant-général Charlier " (96b).

Il est évident que la gravité de la menace qui pesait sur les Casques bleus belges n’a pas été mesurée de manière univoque. Les officiers présents sur le terrain connaissaient très bien les dangers. Par contre les officiers supérieurs en Belgique, qui en étaient informés et les ont appréciés d’une manière différente et en avaient une autre perception. En outre, l’on constate qu’au niveau du service de renseignement belge et de l’état-major, les avis étaient également partagés. C’est entre autres parce qu’il y avait eu des déficiences dans l’analyse et l’évaluation des informations qu’il y a eu des appréciations erronées et incomplètes au niveau de l’état-major, malgré le fait que celui-ci disposait de ces informations par d’autres canaux. La mauvaise interaction entre les divers services et échelons " aucun feed-back " , a affirmé le colonel Marchal a empêché une appréciation objective des signaux d’alarme.

(2) Les autorités politiques

a) Au Rwanda

La commission s’est intéressée à la manière dont leGouvernement belge a perçu les nombreuses informations alarmantes dont la plupart ont été transmisespar le représentant local, l’ambassadeur Swinnen.Dans le paragraphe visé, nous reprendrons les constatations que les responsables politiques ont faites aucours de la période qui va de l’installation de laMINUAR au drame du 7 avril 1994.

L’ambassadeur Swinnen, qui, en tant qu’auteur dutélex nº 32 du 13 janvier 1994, a communiqué à laBelgique un plan visant à tuer ou à blesser des militaires belges, maintient la conclusion qu’il a formulée aucours de sa première audition. Il affirmait ce qui suit :" C’est une question de gradation. À ce moment-là, nous ne pouvions pas parler d’un climat antibelge généralisé . " (97b) La commission s’est occupée des questions relatives à l’informateur Jean-Pierre et à la connaissance des menaces concrètes (voir supra), et s’est informée sur les initiatives que M. Swinnen avait prises pour mettre fin à la campagne antibelge. Concrètement, l’on a demandé à M. Swinnen s’il avait fait appel, pour ce faire, à ses collègues français. L’ambassadeur n’a pas répondu de manière approfondie à la dernière question, mais il a déclaré ce qui suit : " La propagande antibelge était surtout évoquée dans le cadre de nos inquiétudes au sujet du climatantipacifiste de certains milieux. J’ai abordé plusieurs fois ce problème, avec des résultats positifs " (98b).

La note que Johan Swinnen adresse, le 26 janvier 1994, au ministre Claes, et dans laquelle il fait le bilan des relations bilatérales avec le Rwanda au cours de 1993, complète utilement les nombreux télex et briefings qui ont été communiqués à Bruxelles. La note a été rédigée par le collaborateur diplomatique Philippe Colyn. Robert Schriewer, chef de la section coopération, est l’auteur de la partie relative à la coopérationau développement. Le chapitre consacré à la coopération technico-militaire avec le Rwanda est de la main du colonel Vincent, chef de la coopération technique et militaire et adjoint à l’ambassade en tant que conseiller militaire.

Dans le cadre de considérations politiques, l’ambassadeur écrit ce qui suit : " Les diatribes antibelges des extrémistes actifs au sein de la mouvance MRND-CDR, à l’occasion du déploiement de la MINUAR, nous accusant fallacieusement d’abandon du pays et de complicité avec le FPR, au contraire du véritable ami qu’est la France dont les troupes durent laisser la place à la MINUAR, ne peuvent que nous conforter dans la justesse de notre approche, d’autant que les extrémistes récusant le processus d’Arusha ne reçurent pas le soutien escompté au sein de la population .

Cette manipulation de l’opinion au détriment de l’image de la Belgique ne devrait cependant pas être négligée, pas plus que ne doit être sous-estimé le danger potentiel que représentent les milieux extrémistes, appuyés de plus par une partie de l’appareil d’État et par certains médias, ainsi que par des milices comme les Interahamwe, pour le processus de paix et d’ouverture politique préconisé et soutenu par notre diplomatie " (99b).

b) En Belgique

L’ambassadeur Swinnen a déclaré devant la commission que le cabinet des Affaires étrangères était son premier interlocuteur. En plus du cabinet, certains autres responsables gouvernementaux concernés et leurs départements et services ont également été informés de la situation politique au Rwanda. Dans ce chapitre, la commission constate que l’attitude de plus en plus négative à l’égard des Belges et de leur présence dans la MINUAR était un fait, du moins dans les milieux extrémistes. La commission confirme ce qui a été dit dans le rapport du groupe ad hoc , où l’on peut lire que : " En plus de cette menace spécifique, la MINUAR et les troupes belges de la MINUAR , bien qu’elles fussent envoyées au Rwanda dans le cadre d’une opération de " peacekeeping " et non pas de " peacemaking ", sont devenues la cible d’attaques et d’attentats de tous genres très vite après leur arrivée . "

Le premier incident a eu lieu le 2 décembre 1993, on a attaqué et mitraillé une patrouille de la MINUAR dans le nord du Rwanda.

La commission constate toutefois que l’évaluation des événements s’est faite d’une manière divergente, qu’ici aussi, la transmission d’informations aux cabinets depuis Kigali diffère et que la communication et l’interaction entre les différents cabinets, d’une part, et la collaboration avec les autorités militaires, d’autre part, étaient déficientes.

Interrogé à propos de l’attention que le Conseil des ministres a accordée aux nouvelles concernant les menaces lancées contre notre pays au cours de l’opération au Rwanda, le Premier ministre Dehaene a répondu comme suit, au cours de la séance du 26 juin : " Les opérations se font au niveau des départements concernés. Ils doivent voir s’il y a des éléments à transmettre au Conseil des ministres " (100b). À propos de la gravité de la menace, le Premier ministre a fait la déclaration suivante : " Il n’y a pas eu de communication dans ce sens à cette époque. " (...) " À l’ordre du jour du Conseil des ministres, il y a toujours le point communication du ministre des Affaires étrangères . " (...) " Régulièrement, le ministre des Affaires étrangères fait une communication générale et informe le Conseil des ministres sur certains points. " Le Premier ministre ajoute : " Il est vrai que M. Claes a régulièrement parlé, entre autres, des caches d’armes. Je travaille sur base de ce qui a été repris dans les notules. M. Claes a régulièrement parlé de deux choses, ses contacts avec les Nations unies pour renforcer le mandat et le fait que les caches d’armes étaient connues " (101b).

À la question de savoir ce que le Premier ministre Dehaene savait lui-même, au moment de l’opération, de la menace qui pesait sur les Casques bleus belges et si le ministre des Affaires étrangères avait parlé à l’époque, en Conseil des ministres, du télex du 11 janvier 1994 dans lequel il était question de l’information de Jean-Pierre concernant un éventuel plan d’extermination des Tutsis et un plan d’assassinat des Belges, le Premier ministre a répondu à ce sujet : " Over dit specifieke, niet in mijn bijzijn " (102b).

M. Leo Delcroix, l’ancien ministre de la Défense nationale, a nuancé l’importance des messages qui faisaient état de menaces contre les Casques bleus belges. Se fondant sur les informations auxquelles il avait eu accès à l’époque, l’ancien ministre a déclaré ce qui suit : " En Belgique, on était convaincu, à tous les niveaux, qu’il n’y avait pas de danger imminent. Certains informateurs, comme le colonel Vincent, entretenaient de bons contacts avec les autorités militaires et avec la gendarmerie rwandaise. Selon tous ces informateurs, nous bénéficiions de la crédibilité nécessaire. La vie des militaires belges n’a été mise en danger dans aucune situation. Avant le mois d’avril, il n’y a jamais eu ni de morts ni de blessés. La situation à Kigali ne fut pas perçue à Evere comme représentant un danger aigu. De plus, il y avait un grand nombre de journalistes et de cameramen belges à Kigali. Je ne les ai jamais entendu dire que la situation était dangereuse. Il y avait donc un noyau dur d’extrémistes dont nous avions sous-estimé la détermination. C’est pourquoi j’estime, comme le colonel Vincent, que le climat antibelge était surtout un instrument utilisé au niveau politique " (103b).

M. Delcroix situait l’attitude antibelge dans les milieux extrémistes et antipacifistes : " Dans les milieux extrémistes, il y avait effectivement des personnes qui ne souhaitaient pas de partage du pouvoir et qui boycottaient les accords d’Arusha. Elles exprimaient également leur mécontentement au sujet de l’attitude que la Belgique avait adoptée dans le passé. Il serait toutefois erroné d’attribuer cette opinion, que l’on trouvait dans des groupes extrémistes, à l’ensemble de la population de Kigali et du Rwanda " (104b).

Au cours de la réunion du 18 juin 1997, M. Delcroix sera d’accord pour reconnaître ce qui suit : " Op uw vraag wat er niet gefunctioneerd heeft, moet ik antwoorden dat wij allemaal, zowel de politici als de militairen hier, in New York en Kigali, een verkeerde inschatting hebben gemaakt van de krachten rond extremistische Hutufiguren "(105b).

Lors de l’opération au Rwanda, le ministre a pu se faire, sur la base des documents qui lui étaient transmis, une idée de l’ampleur de la menace qui pesait sur les Belges. " De meeste dreigementen stonden vermeld in de telexen van de ambassade. Daarnaast waren er ook vermeldingen in de SGR-verslagen. (...) Vooral de verslagen vanuit de ambassade verwoordden de dreigementen terwijl de SGR-verslagen een eerder relativerende toon hadden. (...) De bedreigingen werden dan ook gerelativeerd, zeker van militaire zijde "(106b).

Au cours de sa dernière audition par la commission, le 18 juin, M. Delcroix répétera ce qui suit : " Vooral de verslagen vanuit de ambassade verwoordden de dreigementen terwijl de SGR-verslagen een eerder relativerende toon hadden. Het kabinet en de generale staf hadden de indruk dat de bedreigingen eerder moesten worden geïnterpreteerd als aankondigingen. In negen van de tien gevallen kwam er van de aangekondigde actie niets in huis " (107b). Interrogé sur sa réaction face au rapport du 2 février 1994 qui faisait état d’attaques contre les troupes belges, l’ancien ministre Delcroix a répondu comme suit : " Men moet de documenten van de SGR altijd in hun totaliteit lezen. (...) Het belangrijkste in de documenten van de SGR is echter niet de informatie, niet het eerste gedeelte, maar wel het tweede, namelijk de commentaren. (...) De informatie die wordt aangehaald, moet men in een bredere context zetten. In het tweede deel wordt de informatie gerelativeerd. (...) Het is dus een beetje geven en nemen, zodat er bij het ontvangen van het document ook niet meteen algemeen alarm is geslagen. (...) Nog vóór de heer Hock zijn rapport had bezorgd, had kolonel Vincent reeds demarches gedaan bij de twee chefs van de generale staf. Zowel de heer Claes als ikzelf begonnen ons toen vragen te stellen over de impasse. In dezelfde periode werden ook de bezoeken vastgelegd. (...) We wilden kijken hoe ernstig de dreiging was en hoe de soldaten ter plaatse dit alles aanvoelden. Wij hebben de informatie dus genoteerd, maar noch door politici, noch door militairen, noch in Evere, noch in Kigali, werd er groot alarm geslagen (...) In Rwanda werd er aangekondigd dat er iets zou gebeuren, maar de bewuste datum ging voorbij zonder dat er echt iets gebeurde. Er werden dus zeer veel loze dreigingen geuit. (...) In Rwanda voelde men de situatie niet echt als bedreigend aan. Ook tijdens mijn bezoek hebben de militairen ter plaatse dat gezegd " (108b). " Dans l’ensemble, il y avait aussi bien des messages alarmants que des messages relativisants. Avec le recul, je constate qu’on a sous-estimé la situation "(109b).

M. Delcroix précise l’appréciation qu’il avait faite à l’époque des messages concernant une campagne antibelge et les risques que les Belges couraient au Rwanda en déclarant notamment qu’il ne se serait pas rendu à Kigali si le climat avait été antibelge. " Il ne nous serait pas venu à l’esprit de laisser une délégation de 65 personnes sur place pendant quatre jours, si nous avions su que cela représentait un grand danger pour nous en tant que Belges ou si nous nous étions attendus à des incidents sérieux ou à un génocide. Je ne me rappelle pas que les membres de la délégation aient eu le sentiment de se trouver dans une situation dangereuse. Le briefing à l’adresse des membres de la délégation précisait qu’il y avait eu quelques assassinats et des incidents au cours des semaines précédentes, que des armes avaient été distribuées à la population, qu’il y avait des camps d’entraînement pour les milices, qu’il y avait des incidents entre le FPR et le président, que les Casques bleus belges faisaient l’objet de critiques, que Dallaire connaissait insuffisamment l’Afrique et qu’il y avait des tensions au sein de la MINUAR "(110b).

Au cours de son séjour, M. Delcroix n’a pas davantage eu l’impression que les Belges couraient un danger particulier au Rwanda. À ce propos, M. Delcroix déclara ce qui suit : " Alle leden van onze delegatie (...) hebben daar in alle vrijheid kunnen rondlopen, ook ’s avonds. (...) Zo risicovol was de situatie dan ook weer niet. Er gebeurden uiteraard ook wel gewelddadigheden, zowat overal in Rwanda. Ook was het algemeen bekend dat er doodseskaders bestonden " (111b). " Ik herinner mij bijvoorbeeld een gesprek met mevrouw Agathe, de eerste minister. (...) Zij heeft gezegd dat er weliswaar vanuit beperkte hoek kritiek kwam op de Belgische militairen, maar dat dit streng beperkt bleef tot de CDR, MRND en de Interahamwe. Het was geen veralgemeend gevoel dat leefde in andere partijen of bij de bevolking "(112b).

Au cours de son séjour au Rwanda, M. Delcroix demandera néanmoins, lors d’un entretien avec le président, que celui-ci " mette fin aux menées anti-belges d’un émetteur radio qui opère manifestement dans son entourage . " " L’amour ne peut jamais venir d’un seul côté ", a dit M. Delcroix, qui a prétendu avoir dit, en privé, " ses quatre vérités à Habyarimana " (113b). Au cours de la réunion du 18 juin 1997, M. Delcroix a déclaré à ce sujet : " Nadat we daarover hadden gesproken hebben we over Radio Mille Collines gesproken, ik heb dat onderwerp aangebracht. Zowel voor onze militairen als voor de politieke en publieke opinie in België was het een steen des aanstoots dat die radio systematisch tegen de Belgen, de militairen en de diplomatie, op hatelijke wijze van leer trok. Ik heb hem gevraagd om zijn invloed aan te wenden om dat te temperen en terug in goede banen te leiden " (114b).

Interrogé à propos des mesures que le ministre avait prises après réception de la note du SGR du 2 février 1994, laquelle reprenait notamment les informations que contenait le télex nº 32 du 13 janvier 1994, M. Delcroix a répondu qu’il avait effectivement parlé de la note avec son cabinet : " Wellicht heb ik dat eerst beproken met mijn kabinetschef. Natuurlijk wordt dan de hele nota doorgenomen, ook het relativerend gedeelte. Wat ik wel weet is dat wij toen geen groot alarm hebben geblazen, dat wij zeker niet in paniek zijn geslagen vanuit de schrik dat de Belgische soldaten in acuut gevaar verkeerden. Dat was zeker niet het gevoel dat wij toen hadden . " (...) " Dat gevoel was er ook niet in Evere, op Quatre Bras of in New York. Waarschijnlijk hebben wij ons allemaal samen vergist, op al die verschillende plaatsen. " (115b)

En dépit des déclarations qu’il avait faites antérieurement, en 1996, pour le documentaire de la RTBF " Les oubliés de Kigali ", selon lesquelles il n’était pas au courant des informations qui avaient été livrées par Jean-Pierre et communiquées par le télex nº 32 : " Je ne pense pas que j’ai lu ce rapport. En tout cas, je ne m’en souviens pas et le général Dallaire ne nous en a pas non plus parlé directement " (116b), l’ancien ministre de la Défense nationale a dit, au cours de l’audition du 18 juin 1997 : " Ik vermoed van wel, zeker telex nummer 32 van 13 januari " (117b).

Cette information avait déjà été confirmée par le luitenant-général major Schellemans, l’ancien chef de cabinet de M. Delcroix, qui, le 12 mars 1997, avait fait la déclaration suivante devant la commission spéciale : " Pour autant que je me souvienne, le cabinet a reçu des messages d’un certain Jean-Pierre ... À mon avis, le ministre a lu ces messages " (118b). L’ancien chef de cabinet, qui rapportait au ministre les messages pertinents émanant des INTSUMS et INTREPS, a déclaré " Le ministre doit avoir vu la note en question du 11 janvier " (119b).

" J’ai effectivement vu les rapports de l’informateur en question. On n’en a pas fait de fiche, parce que le ministre recevait également les documents que j’avais reçus " (120b).

Le lieutenant-général Schellemans confirme l’appréciation de son ministre concernant l’importance des messages relatifs à la menace contre les Casques bleus belges.

Schellemans déclare : " Le cabinet était au courant des communiqués concernant des déclarations et des actions anti belges. Toutefois, ces communiqués n’ont jamais été jugés à ce point alarmants qu’on pouvait penser à des meurtres ou à un génocide. Nous étions informés des menaces, mais celles-ci n’étaient pas considérées comme très dangereuses. Contrairement à la Somalie, il n’y avait pas encore eu au Rwanda de morts ou de blessés parmi les Casques bleus belges. RTLM menaçait évidemment de mener des actions " (121b).

" Il y eut plusieurs briefings avec le ministre à différents échelons. Il n’y fut jamais question du climat antibelge . "

Par ailleurs, lors de sa deuxième audition, le vendredi 18 avril 1997, l’ancien ministre Willy Claes s’est attardé sur la question de savoir s’il existait ou non un climat antibelge au Rwanda après le 19 novembre 1993. Selon lui, " il y avait un danger, mais il n’est pas réaliste d’affirmer qu’il y avait un climat anti belge généralisé " (122b). Toujours d’après l’ancien ministre, les attaques visant les Belges devaient être attribuées à " un petit parti politique, le CDR, et des Interahamwe " (123b).

(3) Autres sources d’information

À l’appui des témoignages des officiers belges membres de la MINUAR et de ceux des hommes politiques, la commission constate que d’autres autorités ont également témoigné de l’exacerbation d’un climat anti belge, en tout cas dans des milieux extrémistes hutus dirigés contre la présence belge en général et contre la participation de Casques bleus belges à la MINUAR en particulier.

Interrogés à propos des menaces qui pesaient sur les Belges en général et sur les Casques bleus belges en particulier, une série de témoins ont confirmé l’existence de risques et de dangers pour eux. D’autres témoins ont souligné que la présence des troupes belges suscitait des sentiments ambigus.

Alison DesForges (Human Rights Watch), par contre, a affirmé dans son témoignage qu’il y avait bel et bien des indices montrant l’existence d’une campagne contre la participation de la Belgique à la MINUAR :

" Dès son installation au Rwanda, la MINUAR rencontra des difficultés. Un camion de la Croix-Rouge belge fut pris pour cible et, le 2 décembre, une première attaque prenait pour cibles les paras belges de la MINUAR (...).

C’est à cette époque que s’intensifie la propagande haineuse contre les Tutsis, les opposants politiques et les troupes belges de la MINUAR . Vous en avez sûrement déjà les preuves. Mais l’importance des caricatures pornographiques et violentes qui représentaient les militaires belges dans les journaux de l’époque apporte un élément supplémentaire. On trouve des références en abondance dans le travail de Jean-Pierre Chrétien et de ses collaborateurs " (124b).

Mme Astri Suhrke, rapporteuse du rapport " The joint evaluation of emergency assistance to Ruanda " :

" Les deux aspects antibelges et anti-MINUAR se sont exprimés. Différentes sources montrent clairement qu’il y avait un sentiment antibelge. Il est cependant difficile de démêler les deux types de sentiments "(125b).

Le général de brigade Leonidas Rusatira a rappelé, au cours de son audition devant la commission, le refus de la Belgique de livrer des armes en 1990.

" Effectivement, en 1990, j’ai été hostile au retrait de la Belgique, des troupes belges mais ce n’était pas hostile à la Belgique. Si donc je souhaitais qu’ils restent, ce n’est pas de l’hostilité. Chez les Rwandais, en général, le même sentiment régnait pour que la Belgique se retire. En 1990 ce n’était donc pas de l’hostilité puisqu’on voulait que la Belgique reste et qu’elle laisse passer nos munitions.

La décision de l’époque a été prise mais il est clair qu’on avait cherché des solutions de rechange pour faire rencontrer au Rwandais pour arrêter les combats et pour arrêter ainsi les soupçons du pays.

S’il y avait le rejet de cette solution, pourquoi la guerre s’arrête. Ce ne sont pas mes militaires qui auraient préféré la guerre, la solution que la Belgique était en train de chercher était, si elle avait été atteinte, la meilleure, malheureusement elle n’a pas réussi et la guerre a continué. "

" Il n’y avait pas de sentiment antibelge mais anti-MINUAR et chacun savait que les Casques bleus belges étaient le fer de lance de la Minuar . Sans eux, la MINUAR ne signifiait plus rien et les Rwandais retrouvaient leur liberté d’action. " (126b)

François-Xavier Nsanzuwera, ancien procureur de la République rwandaise, a nuancé l’existence d’une menace contre les Belges en signalant qu’" une campagne antibelge existait mais il ne s’agissait pas d’un climat généralisé "(127b).

À côté de cela, la commission a également noté le témoignage de Mme Rika De Backer, ancien ministre qui, selon ses dires, n’a pas perçu, de sentiments anti-belges :

" U mag toch niet vergeten dat ik net uit Rwanda was teruggekeerd en dat ik er had gesproken met mensen van de MRND, van de MDR, van de PSD, van de PL, en eigenlijk met zowat iedereen van laag tot hoog. Bij die gesprekken heb ik helemaal niet ontdekt dat er een grote antipathie zou hebben bestaan tegen de Belgische Blauwhelmen. (...) Ik was er dus heel gerust in dat de meeste mensen van de MNRD en de MDR op dat ogenblik niet tegen de blauwhelmen gekant waren. (...) Hoe hoger op de ladder van de verantwoordelijken, hoe minder kritiek er werd geuit op de Minuar en de Belgen . (...) Dat waren de eerste gegevens over wrijvingen tussen de Rwandese bevolking en de Minuar, waarvan ik toen kennis kreeg let wel, ik zeg wel degelijk de Minuar en niet de Belgen. Toen heb ik tevens ontdekt dat Radio Mille Collines ijverde voor de terugtrekking van de Minuar-troepen uit Kigali. (...) Toen ik daar was, waren ook minister Claes, minister Derycke en iets later minister Delcroix en oud-minister Wilfried Martens daar. Iedereen spreekt met iedereen. Als er al een duidelijk anti-Belgisch klimaat zou heersen, zouden deze personen dat toch zeggen. Niemand sprak hierover. (...) Een persoon als ambassadeur Swinnen gaat het toch niet in zijn hoofd halen van drie à vier ministers als je Martens erbij rekent naar Rwanda te roepen als daar inderdaad zo een anti-Belgisch klimaat heerst " (128b).


Source : Sénat de Belgique