Les missions du mandat sont définies dans les " UN Guidelines for Governments contributing military personnel to UNAMIR ". Le " Concept of Operations " (idée de manoeuvre) est le paragraphe clé de tout document opérationnel militaire.

Il stipule :
" 8. Il s’agit d’établir et de maintenir un climat essentiel à l’établissement et au bon fonctionnement du gouvernement de transition.
9. b. To establish a weapons secure zone in and around Kigali through the deployment of a formed infantry battalion and military observers, to protect the international airport, to protect the RFP compound, to escort RFP government functionaries and to assist in the recovery of illegal arms from civilians.
9. c. To be prepared to employ formed UN troops for security of UN property and personnel anywhere in Rwanda until... "

L’application de ces directives est ensuite définie au niveau du QG Force, du QG Secteur et enfin de KIBAT.

La commission constate que le " concept d’Opérations " défini par l’ONU à New York n’était pas en rapport avec les moyens disponibles et qu’un tri réaliste n’a pas été réalisé ni au niveau de la Force, ni au niveau du secteur et à fortiori pas au niveau de KIBAT.

La " Kigali Weapon Secure Area " (KWSA)

La fonction de récupération des armes était une des tâches imparties au bataillon belge :

Le colonel Flament décrit cette tâche :

" Il s’agissait de boucler une région et de la fouiller. La " Kigali Weapon Secure Area " est une zone où il était interdit de faire entrer des armes. Nous fouillions le charroi sur la route vers le pont de Kabenge. Il n’est pas nécessaire, pour cela, de mettre en place un grand dispositif. Là où le bât a blessé, c’est dans notre capacité à faire comprendre à la population pourquoi nous étions là. " (512b)

Quant à la récupération des armes, le colonel Flament a déclaré :

" Le bataillon belge devait participer à l’opération de fouille. Le " cordon " était belge alors que le " search " était composé de gendarmes rwandais, d’observateurs de l’ONU ou des deux ensemble. On n’attendait donc pas que les Belges pratiquent directement les fouilles. " (513b)

En réalité, une seule récupération d’armes est réalisée le 5 janvier, en appui de la gendarmerie qui devait arrêter deux suspects. Participaient à l’action, un peloton de la 21e compagnie, les commandants de la compagnie, de KIBAT, du secteur. Aucune coordination préalable n’avait été possible, l’opération a consisté en une marche de nuit entre les huttes et une longue attente une fois sur place (514b).

On n’a jamais réussi à réaliser cette " Kigali Weapon Secure Area ", si ce n’est que très partiellement, alors qu’il s’agissait d’un objectif clairement défini dans le mandat. La commission s’est interrogée sur les raisons pour lesquelles la KWSA n’a jamais été réalisée.

L’une des raisons invoquées était l’absence de collaboration ou d’efficacité des partenaires rwandais.

Selon le lieutenant-colonel Briot :

" Différentes actions furent prises pour lutter contre le trafic d’armes mais la MINUAR ne pouvait agir seule, sans la collaboration de la gendarmerie rwandaise. " (515b)

Le lieutenant Nees, lui, déclare :

" À chaque point de contrôle, des gendarmes rwandais étaient présents. Souvent ces gendarmes ne parlaient que le kinyarwanda, ce qui entraînait parfois des problèmes de communication. J’avais l’impression que leurs attitudes lors de l’exécution de ces contrôles laissaient à désirer. " (516b)

Si, concernant la récupération des armes, la gendarmerie rwandaise s’est avérée contreproductrice, sinon inefficace, la collaboration avec le FPR à ce sujet n’a pas non plus été très efficace, selon le colonel Marchal :

" J’en ai fait personnellement l’expérience lors de la première négociation relative au protocole d’accord de la KWSA. En plus, lorsque j’allais me plaindre du non-respect des règles, le suivi était très lent. J’ai fait mener des actions ponctuelles de contrôle, mais elles étaient très difficiles à réaliser et je n’avais jamais l’assurance que le résultat annoncé était correct. (...) J’ai toujours été persuadé que, lorsque le FPR allait chercher du bois de chauffage dans le nord, c’était pour amener des armes. On a tout essayé pour contrôler cela, mais en vain.

Néanmoins, chaque fois que j’estimais que le FPR ne se conformait pas au protocole KWSA, je rédigeais une réclamation écrite. Je dois dire que, personnellement, je n’ai jamais eu de problème avec le FPR qui m’a toujours considéré comme neutre et n’a jamais entravé ma liberté de mouvement. " (517b)

Une autre explication réside dans l’attitude du général Dallaire. À la question de savoir qui lui a interdit de chercher les caches d’armes dont l’existence avait été révélée par un indicateur, le lieutenant Nees a répondu de la manière suivante :

" Une demande d’autorisation de procéder à une telle recherche a été faite par le truchement de la structure usuelle de commandement. J’ai vu des documents qui démontrent que le colonel Marchal a demandé l’autorisation de procéder à une telle recherche mais que celle-ci lui a été refusée par le général Dallaire.

Il était en tout cas clair que Kigali ne constituait pas une KWSA comme prévu dans les accords d’Arusha. " (518b)

Ces propos ont été confirmés par le colonel Marchal, qui fait référence aux conséquences des révélations de " Jean-Pierre ".

" Suite aux révélations de Jean-Pierre, un télex, dont je ne connais pas le contenu, a été envoyé à New York pour proposer une opération. L’ONU a répondu dès le lendemain qu’il ne fallait pas intervenir " (519b).

Les patrouilles de sécurité

Les premières patrouilles de sécurité se sont faites à pied.

Le commandant Noens déclare :

" De eerste patrouilles en dat is kenmerkend die wij te voet in Kigali hebben uitgevoerd, waren in sectieverband met de ene helft van de sectie aan de linkerkant van de weg en de andere aan de rechterkant, met het wapen in de arm ... zo hebben wij gepatrouilleerd en dat is " show the flag ".

Blijkbaar was dat te agressief. Daarom mochten wij onze patrouilles niet langer zo uitvoeren en moesten wij voortaan het geweer op de schouder dragen. De bevolking zag dus begin december " les Casques bleus ONU belges " gewapend door de straten trekken, een paar dagen later iets minder agressief, het geweer over de schouder. Ook dat was echter nog te agressief. In een tweede fase heeft men ons dan verplicht te patrouilleren met de loop van het geweer naar beneden. (...) Dat was in de kaarten spelen van bepaalde FAR-officieren die helemaal niet Belgisch gezind waren " (520b).

Les patrouilles furent même qualifiées par certains de patrouilles " Coca Cola ".

Le colonel Marchal s’est exprimé de la manière suivante :

" (...) Je précise qu’elles rentraient dans le cadre d’une politique d’information de la population. L’objectif était de recueillir les informations nécessaires par le biais de contacts avec les gens. De plus, j’avais demandé de faire des patrouilles à longue distance pour créer un climat de confiance (...) " (521b).

Notons qu’il y a eu des patrouilles de tout type, chaque fois accompagnées de gendarmes rwandais. Elles constituaient l’essentiel des activités, visant la dissuasion et l’acquisition de renseignements.

Les Road Blocks

Un seul a été réalisé, dans des circonstances particulières. Il s’agissait de bloquer, sur ordre des observateurs de l’ONU, la sortie est du CND, le Parlement rwandais, afin de pouvoir empêcher physiquement le FPR de quitter le CND sans escorte de ces observateurs. C’était une mission de jour uniquement qui nécessitait deux CVRT dont l’état était bien connu, et dont les équipages étaient de fortune (mécanicien faisant fonction de chef de char) (522b).


Source : Sénat de Belgique