A) LA PREDOMINANCE DES IMPERATIFS DE SECURITE

La question de la prédominance des impératifs de sécurité renvoie aux missions assignées à la prison, et principalement à celle, primordiale, d’assurer la garde des personnes placées en détention. Les termes utilisés par la loi du 22 juin 1987 sont d’ailleurs très clairs dans la hiérarchisation des principes : l’administration pénitentiaire participe à la sécurité publique ; elle favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire.

La mission de garde est donc clairement conçue par les textes législatifs comme prioritaire ; cette priorité est liée objectivement à l’impératif de protection de la société par une neutralisation immédiate du délinquant.

Il faut mettre au crédit de l’administration pénitentiaire que cette mission est bien remplie et que la prison répond à cet égard aux objectifs qui lui sont assignés :

" La mission de sécurité est plutôt bien remplie, selon les statistiques, puisque l’on compte moins de vingt évasions par an ces dernières années. Ce chiffre est stable et donc rassurant, même s’il convient de l’améliorer encore. " (Mme Martine Viallet, directrice de l’administration pénitentiaire)

Le taux d’évasion pour 10 000 détenus en 1996 est de 6,2 pour la France ; ce taux atteint 18 en Allemagne, 25 en Angleterre et Pays de Galles, 23 en Autriche, 108 en Norvège, 120 en Suède et 347 au Danemark. L’Italie, avec 3,9 évasions pour 10 000 détenus, la Pologne (4,2), la Finlande (1,5) et l’Espagne (0,9), obtiennent des résultats en termes de sécurité meilleurs que la France.

Affirmée par les textes, la prédominance de l’impératif de sécurité semble avoir été totalement intégrée et relever d’une véritable " culture pénitentiaire ".

Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler les termes du discours de Jean Foyer, garde des sceaux, aux directeurs régionaux des services pénitentiaires en 1964 : " par-dessus tout, chaque agent de l’administration pénitentiaire doit se souvenir à tout instant que la mission primordiale de son administration est d’assurer la garde des détenus qui lui sont confiés par décision judiciaire. L’évasion est la plus grande faute du service pénitentiaire. Elle est facteur de démoralisation, elle est cause de scandale. Tous les agents de cette administration doivent être dans une véritable angoisse de l’évasion, appliquer le règlement, et tout le règlement, bien plus encore appliquer leur intelligence, leur générosité, leur zèle au renforcement de la sécurité. "

Certes, beaucoup de chemin a été parcouru depuis. La prison des années 60 n’a plus grand chose à voir avec celle du XXIème siècle.

Pour autant, la crainte de l’évasion et des désordres semble toujours primer toute considération, y compris, bien sûr, celle de l’insertion :

" La difficulté vient du décalage formidable entre la théorie et la réalité du terrain. Il en résulte un gâchis extraordinaire des compétences. Quand les jeunes arrivent dans l’établissement, on leur dit d’oublier ce qu’ils ont appris en sciences humaines ou en psychologie. Le principal est que le détenu ne s’évade pas. De toute façon, le nouveau apprend très vite qu’il vaut mieux " dix pendus qu’un évadé ". La preuve en est qu’en cas d’évasion, le surveillant passe au conseil de discipline, alors que ce n’est pas le cas lorsqu’un suicide a lieu.

M. le Président : Ce que vous dites est terrible !

M. Désiré Derensy : C’est terrible, mais c’est la vérité. Il vaut mieux pour un surveillant un détenu qui se suicide ou qui tente de se suicider plutôt qu’un détenu qui s’évade, quelle que soit la dangerosité de l’un ou de l’autre. On comprend très vite ces choses. La règle est que le calme règne à l’étage, quitte à fermer les yeux. Il en résulte une certaine adaptation du règlement. " (M. Désiré Derensy, membre de l’union générale des syndicats pénitentiaires CGT)

Il faut rappeler à cet effet que l’article D.265 du code de procédure pénale rend le directeur d’établissement disciplinairement responsable des incidents ou évasions imputables à sa négligence ou à l’inobservation des règlements. Quand on ajoute à cette disposition celle de l’article D.268 qui enjoint au directeur de prendre toute disposition en vue de prévenir les évasions, notamment en ce qui concerne la disposition des locaux, la fermeture ou l’obturation des portes ou passages, le dégagement des couloirs ou chemins de ronde, on perçoit les responsabilités qui incombent au personnel pénitentiaire.

Il est difficile, pour un observateur extérieur, de déterminer exactement, dans un établissement, quel est le degré de contrainte exact impliqué par l’impératif sécuritaire et ce qui relève purement de la psychose de l’évasion. Il n’est en effet pas question de demander au personnel pénitentiaire de prendre le moindre risque sur le sujet, tant le regard de l’opinion publique est exigeant.

Il ne s’agit pas dès lors de prôner toute forme de laxisme en la matière ; il s’agit simplement de constater que l’impératif de sécurité conditionne largement l’exercice de tous les autres droits, y compris celui d’obtenir des conditions décentes de réinsertion.

Héritage historique et juridique, la culture sécuritaire correspond également à une évidence : la mission sécuritaire est une mission qui peut être évaluée et quantifiée ; elle répond à un " cahier des charges " précis auquel peut se référer le personnel pénitentiaire. La mission d’insertion relève d’objectifs beaucoup plus lointains sans qu’aucune norme n’ait jamais été édictée en la matière. La récidive est certes vécue au jour le jour par les surveillants qui voient souvent revenir à intervalles réguliers les mêmes délinquants. Elle n’est cependant pas directement vécue, faute d’objectifs aisément identifiables, comme un échec du système pénitentiaire dans son ensemble.

" Il est curieux de voir comment la mission de garde est bien déclinée en gestes professionnels - fouille, tenue des effectifs, etc. - et de ce fait évaluée, alors que la mission de réinsertion ne l’a jamais été. " (M. Jean-Marc Chauvet, directeur régional des services pénitentiaires de Paris)

Il semblerait dès lors qu’en l’absence d’évaluation claire des objectifs d’insertion, l’administration pénitentiaire se recentre sur cet impératif sécuritaire en alignant les régimes de détention sur des critères répondant à l’incarcération des détenus les plus dangereux ; ce recentrage résulte de l’impossibilité d’évaluer de manière approfondie la dangerosité des individus et d’en tirer les conséquences sur l’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires. Certes, la distinction entre établissements existe et l’affectation entre maison centrale et centre de détention national résulte théoriquement de critères liés à la dangerosité. En pratique, la distinction entre régimes n’est pas aussi évidente que cela ; en outre, elle ne s’applique qu’aux établissements pour peine. En maison d’arrêt, tous les détenus, qu’ils soient prévenus et donc présumés innocents, ou condamnés (en principe à de courtes peines) quelle que soit l’infraction commise ou supposée commise - vol de poule ou meurtres en série - sont soumis au régime d’incarcération le plus sévère, caractérisé par l’enfermement et des communications très réduites avec l’extérieur.

L’expérience canadienne paraît une fois de plus éclairante : chaque détenu nouvellement incarcéré fait l’objet d’une observation attentive afin de procéder à une évaluation de ses capacités et d’apprécier sa dangerosité. Cette évaluation détermine l’affectation en établissement et conditionne également le parcours d’insertion qui sera effectué : la durée d’incarcération n’est donc pas conçue comme une neutralisation du délinquant pendant un temps déterminé, mais comme une démarche progressive vers la sortie.

Trois niveaux de sécurité existent correspondant à des régimes de détention très différents :

 Les établissements à sécurité maximale, au nombre de huit, sont principalement conçus de manière à empêcher les évasions. Ceux qui y sont détenus représentent 11 % de la population carcérale canadienne ; ils font l’objet d’une surveillance étroite. L’unité spéciale de détention qui concerne environ 70 détenus et que la délégation de la commission a visitée, est encore plus sécuritaire et est réservée aux délinquants très violents.

 Les établissements à sécurité moyenne sont dotés d’un important dispositif de sécurité périmétrique mais à l’intérieur, les détenus sont plus libres de leurs mouvements. Ils abritent plus de la moitié des détenus (56,3 %).

 Enfin, les établissements à sécurité minimale, qui concernent 22,8 % de la population incarcérée, ne comprennent pas de dispositif visible de sécurité périmétrique ni interne.

Le classement du détenu est révisé périodiquement en fonction de son comportement.

Il n’y a plus, dans ce système, véritablement d’antagonisme entre sécurité et insertion : les deux principes répondent à une même logique de prévention de la récidive.

Le système français ne semble pas à même en l’occurrence de dépasser ce dilemme :

" L’administration pénitentiaire et les juges de l’application des peines répondent à des logiques différentes. Elles peuvent se rencontrer comme s’affronter. La logique d’un directeur d’établissement est une logique d’ordre et de sécurité. Il ne veut pas de problèmes. Il a aussi des besoins propres et recourt aux " classés ", les détenus qui travaillent au service général. La logique du juge de l’application des peines relève d’une logique d’individualisation. Le juge de l’application des peines peut estimer qu’une personne de caractère difficile et dont les relations avec les surveillants sont délicates - je prendrai l’exemple du jeune " beur " de banlieue qui a un rapport avec l’autorité ou au respect qu’on lui doit un peu difficile - a des potentialités de réinsertion si on l’aide vraiment. On peut donc se trouver face à des logiques complètement différentes. " (Mme Marie-Suzanne Pierrard, présidente de l’association nationale des juges de l’application des peines)

Il importe pourtant de comprendre que les deux critères ne sont pas antagoniques mais complémentaires : on ne gère pas une détention en fonction du simple objectif de sécurité, avec comme risque de rendre explosive l’atmosphère des prisons. La politique d’insertion participe donc également à une mission de sécurité, en permettant au détenu de se réapproprier son avenir au lieu de gérer du mieux qu’il le peut la frustration de l’instant. Elle est d’autant plus nécessaire que, tôt ou tard, la plupart des détenus sortiront ; l’objectif sécuritaire bien compris ne concerne pas que le détenu incarcéré ; il implique que l’on s’intéresse aussi à ce qu’il deviendra une fois rendu à la société.

B) UN CADRE CARCERAL QUI A PU APPARAITRE COMME ANTAGONIQUE AVEC L’OBJECTIF D’INSERTION

Les visites des établissements ont souvent été l’occasion de constater combien l’objectif d’insertion paraissait extrêmement lointain, compte tenu du cadre même de l’univers pénitentiaire.

L’article D.460 du code de procédure pénale rappelle pudiquement une évidence : " le service pénitentiaire d’insertion et de probation a pour mission de participer à la prévention des effets désocialisants de l’emprisonnement sur les détenus. "

La prison est en effet un monde où le détenu est totalement déresponsabilisé et infantilisé ; poursuivre une mission d’insertion dans ce cadre-là relève du défi dans la mesure où aucune démarche volontaire n’est demandée et rien, si ce n’est l’obéissance aux règles, n’est imposé.

Le détenu est nourri à heures fixes ; il n’a plus, depuis la loi du 22 juin 1987, l’obligation de travailler et conformément au principe selon lequel l’enfermement, c’est la privation de la liberté et rien d’autre, il n’est soumis à aucune obligation contraignante :

" Le constat de la déstructuration de la vie sociale est tout à fait réel. Les anciens pénitentiaires regrettent le temps où l’on obligeait les détenus à se lever à sept heures. On criait " fixe " quand un magistrat entrait dans une cellule, ce qui m’a toujours paru quelque peu dépassé, même il y a vingt ans. Le lit était fait au carré. Bref, l’encadrement était quelque peu militaire. L’évolution des idées a permis de l’éviter, à juste titre, sur un certain nombre de points. Cela dit, à l’heure actuelle, les visiteurs extérieurs ont parfois le sentiment inverse. On entre à neuf heures du matin dans des cellules doubles ou triples dans lesquelles deux ou trois détenus dorment et trouvent particulièrement indisposant cette intrusion à une heure aussi indue ! Les détenus peuvent refuser la promenade ou les activités. Cela participe de l’idée qui a été développée, à laquelle on peut ou non adhérer, selon laquelle la sanction réside uniquement dans la privation de liberté et que, pour le reste, le détenu doit avoir, dans une certaine mesure, les mêmes droits que ceux qu’il a à l’extérieur. Chez lui, il n’est pas obligé de se lever à sept heures le matin, ni de faire son lit, ni d’aller en promenade. En prison, il regarde la télévision vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est un choix, mais qui ne relève pas seulement de l’administration pénitentiaire. " (M. Philippe Maître, chef de l’inspection des services pénitentiaires)

Au nom des libertés individuelles, la tentation peut ainsi être grande pour les surveillants, les directeurs d’établissements, les travailleurs sociaux ou les médecins d’attendre la " demande ", laissant ainsi de côté les détenus les plus fragiles ou les plus dangereux. Il faut également reconnaître que l’apathie engendrée par la condition carcérale peut arranger le personnel pénitentiaire. Le détenu qui ne demande rien est, par définition, un détenu qui ne pose pas de problème :

" Il faudrait que la vie en prison puisse être la plus proche possible de la vie à l’extérieur et que les critères d’insertion soient les mêmes pour le travailleur social que pour l’administration pénitentiaire. Or on en est loin. Pour l’administration pénitentiaire, un bon détenu est un détenu qui ne fait pas de bruit, qui ne réclame rien, qui reste dans sa cellule. Dans ces conditions, sans rien faire d’autre, il bénéficiera du maximum de remises de peine, à savoir trois mois par an, trois mois supplémentaires au bout de la deuxième année et, régulièrement maintenant, pour calmer les tensions, trois mois de plus tous les 14 juillet. Cela tombe systématiquement, sans faire aucun effort.

Je ne suis pas du tout persuadé que ce soient de bons critères pour avoir des chances de s’insérer dans la société. Le détenu incarcéré doit garder son identité, il doit refuser d’entrer dans le moule de la machine, il doit exister. Dès que vous avez franchi la porte, que vous êtes devenu un matricule, vous n’existez plus, vous appartenez à la machine. C’est horrible. Aucun mot ne peut décrire cela. Quand vous vous retrouvez le soir enfermé, il n’y a plus de caïd, il n’y a plus rien, il n’y a plus que des gens qui pleurent. " (M. Jacques Lerouge, responsable de l’association d’aide aux personnes en voie de réinsertion - APERI)

Cette absence de contrainte est particulièrement frappante pour les mineurs et les jeunes adultes ; l’obligation scolaire est respectée en prison jusqu’à 16 ans. Au-delà, rien n’impose au jeune mineur une formation ou une scolarité. La prison ne permet donc pas à ces jeunes de se confronter à un cadre réellement structurant.

Il faut envisager la responsabilisation du détenu comme une démarche essentielle de l’insertion : sans cette responsabilisation, la prison est rapidement perçue par le détenu comme un cadre sécurisant, rassurant, alors que le monde extérieur est hostile et générateur d’angoisse.

Plusieurs établissements ont mis en avant la primauté de la responsabilisation en incitant les détenus à se confronter au monde extérieur : à la maison centrale de Poissy, des détenus travaillant dans le domaine de l’informatique ont envoyé des curriculum vitae aux entreprises afin de trouver de nouveaux concessionnaires. Au centre de détention de Caen, des détenus gèrent directement une association d’édition et d’imprimerie.

Ces expériences, isolées, mobilisent un nombre important de bénévoles et exigent l’implication dynamique des surveillants et des équipes d’encadrement. Elles ne paraissent de plus réalisables que dans les établissements pour peines : les maisons d’arrêt ne répondent pas aux mêmes impératifs en matière d’insertion. Les maisons d’arrêt sont en effet caractérisées par un très important renouvellement de la population pénale.

A titre d’exemple, en 1999, l’effectif de la maison d’arrêt de Nice, avec 1 426 entrées et 1 518 sorties, a été renouvelé près de 2,5 fois. La gestion du temps est donc totalement différente et il semble difficile de mettre en _uvre des actions sur le long terme.

" Il est impossible de penser à un amendement des détenus dans les maisons d’arrêt. Je rappelle qu’elles sont conçues pour contenir des présumés innocents et que si l’on y travaille, on ne peut certainement pas y recevoir une formation professionnelle. En outre, ne devraient s’y trouver que des personnes condamnées à de courtes peines dans le cadre de comparutions immédiates. Si l’on est cinq mois ou six mois en prison, il est inutile d’essayer de procéder à une réinsertion professionnelle car le temps fait défaut. " (M. Robert Badinter)

La responsabilisation du détenu signifie donc qu’il faut contraindre celui-ci à s’impliquer dans une démarche d’insertion. Mais cette contrainte ne peut être exigée que si l’administration pénitentiaire s’engage elle-même à offrir un cadre de détention le plus proche possible du cadre de vie extérieur. Actuellement, à la déresponsabilisation vient s’ajouter l’infantilisation.

" La prison, même si elle s’est largement ouverte sur l’extérieur, même si interviennent de plus en plus d’équipes pluridisciplinaires d’autres administrations, restera toujours, par définition, un milieu artificiel. Le rythme de vie, pour ne parler que de lui, restera nécessairement très éloigné de celui de l’extérieur même si pour déstructurer le moins possible, nous nous efforçons de faire en sorte que la journée du détenu se rapproche au mieux de celle des personnes libres.

Pour le week-end, il faut distinguer le samedi du dimanche ou des jours fériés en raison des parloirs. Mais, de manière générale, hormis les visites, le week-end est une période assez passive, pour ne pas dire morte. Il n’y a que peu d’activités, excepté sportives. La majorité du temps se passe en cellule et en cour de promenade pour des raisons essentiellement liées à un manque de moyens humains, puisque le taux de couverture du personnel, dont on sait déjà ce qu’il est en semaine, se trouve considérablement réduit le week-end.

En maison d’arrêt, la journée du détenu s’arrête vers 17 heures 30. La distribution du repas s’effectue vers 18 heures et, à partir de 18 heures 15, il n’y a plus d’ouverture de cellules, hormis pour les interventions d’urgence ou en cas d’appels particuliers.

En établissement pour peines, la journée est plus longue. Elle s’arrête néanmoins vers 19 heures au plus tard, puisque le service de nuit se met en place à 20 heures. Une réflexion avait été ouverte avec la création d’un groupe de travail sur le thème de la journée de détention. Que peut-on faire au cours d’une journée ? Ne faut-il pas diminuer le service de nuit pour que la fin de journée intervienne vers 22 heures ? Je considère que ce serait souhaitable dans un certain type d’établissements. " (M. Georges Vin, directeur du centre pénitentiaire des Baumettes)

Cette journée de détention, extrêmement courte, est liée aux contraintes des horaires de travail des personnels. Elle ne correspond absolument pas à ce qui peut exister à l’extérieur et contribue donc encore davantage à désocialiser le détenu ; elle a également pour inconvénient de laisser de grandes plages horaires dépourvues d’activités : le soir, à partir de 18 heures, le week-end, l’été. Le dés_uvrement rend la journée particulièrement pénible à passer et devient vite source de tension.

" La journée de détention est généralement de huit heures s’interrompant deux heures au moment du déjeuner. Cela signifie qu’entre le travail, la formation professionnelle, les activités sportives et de détente et les éventuelles consultations médicales, le détenu doit choisir. Soit il travaille, ce qui lui procure une rémunération, limitée d’ailleurs, car il ne peut travailler la journée entière, mais, dans ce cas, il ne peut être scolarisé et ne peut bénéficier des promenades. Inversement, si son choix se porte sur la formation professionnelle ou des études, il ne peut travailler. C’est là une première difficulté.

La seconde difficulté engendrée par la brièveté de la journée de détention tient dans le fait que, dès dix-sept ou dix-huit heures, les détenus ne sortent plus de leur cellule et ce jusqu’à sept ou huit heures le matin. Cette durée, notamment l’été, apparaît extrêmement longue. Il en résulte des tensions qui nuisent à la sécurité et posent des problèmes quant à notre responsabilité en matière de réinsertion.

La journée de détention est courte et nous souhaiterions renverser le système d’organisation en partant du " client " - ne soyez pas choqués du terme - en examinant les besoins que nous devons satisfaire pour sa réinsertion et pour couvrir ses différents besoins médicaux et déduire de ces besoins l’économie d’une journée de détention.

Aujourd’hui, compte tenu des difficultés auxquelles le personnel est confronté pour accomplir sa tâche, c’est le contraire qui se produit : c’est en fonction des contraintes qui pèsent sur le personnel que nous organisons la gestion de la détention, en conservant une organisation trop traditionnelle, héritée d’une époque où peu d’activités étaient organisées dans les établissements. Aussi, allons-nous lancer des travaux sur la nouvelle organisation du travail dans le cadre des négociations sur les 35 heures. C’est une occasion que nous souhaitons saisir pour tenter une amélioration de l’organisation et pour un meilleur service rendu, comme l’a annoncé récemment Mme la ministre aux organisations professionnelles. " (Mme Martine Viallet, directrice de l’administration pénitentiaire)

La réflexion sur la journée de détention doit dès lors s’intégrer dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le passage aux 35 heures. Elle doit également nécessairement rejoindre la réflexion sur les moyens impartis aux actions d’insertion et le renversement des priorités entre sécurité et insertion.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr