Les risques de récidive sont étroitement liés à la manière dont auront été perçues par le détenu la durée de l’incarcération et sa responsabilisation face à l’acte commis. L’incarcération vécue comme un temps mort, une sanction arbitraire et mal comprise ne prépare pas la sortie dans des conditions favorables. Les actions d’insertion, sous la forme de travail pénal ou de formation professionnelle sont déterminantes ; longuement évoquées précédemment, il est inutile d’y revenir.

Plus novatrices, les actions menées pour repenser la durée de l’incarcération méritent d’être développées.

Le projet d’exécution des peines (PEP) mis en place en 1996 se veut une formalisation des étapes qui jalonnent le parcours pénitentiaire du condamné. Ce projet poursuit trois objectifs fondamentaux, qui sont d’impliquer le détenu dans le sens à donner à sa peine, d’améliorer l’individualisation administrative et judiciaire de la peine en proposant un cadre objectif, d’introduire un mode d’observation qui assure une meilleure connaissance du détenu pour accroître la sécurité des établissements et améliorer l’efficacité des actions visant à l’insertion. Il s’apparente donc au système canadien de plan correctionnel déjà évoqué.

Dix sites pilotes ont été retenus : Mauzac, Tarascon, Joux-la-Ville, Loos, Moulins, Melun, Nantes, Muret, Toul et Ducos ; il s’agit à chaque fois de centres de détention, sauf Nantes et Ducos qui sont centres pénitentiaires. Dans le cadre du projet PEP, sont remplis des supports d’observation, sous forme de fiches, cahiers ou notes, renseignés par les surveillants. Ces supports font l’objet de synthèses par les personnels gradés ou le surveillant référent PEP, éventuellement aidé par un psychologue.

La synthèse est intégrée au livret individuel du détenu mais n’a pas à être consultée ou communiquée au condamné.

L’expérience menée dans les dix sites a démontré que le PEP favorisait la prise de conscience de leur responsabilité par les condamnés et se traduisait par un travail de réflexion sur la gravité des faits, une meilleure incitation aux soins et un accroissement des versements opérés au profit des parties civiles.

Le PEP permettrait également un meilleur aménagement du temps de détention. Les parcours d’insertion sont mieux construits et les décisions d’orientation mieux préparées.

Enfin, le PEP favoriserait une meilleure observation de la population pénale, plus objective et de meilleure qualité. Les personnels ont une plus grande connaissance des détenus. L’observation se fait dans la durée. La mise en _uvre du PEP a notamment amélioré la prévention des incidents. Il a permis également d’initier une dynamique de concertation entre surveillants.

Les résultats tout à fait positifs dans les dix sites pilotes retenus plaident pour l’extension du système à l’ensemble des établissements pour peines. Néanmoins, là encore, la réussite du système bute devant l’indigence des moyens mis en _uvre. Au titre de la loi de finances pour 2000, c’est dix emplois qui ont ainsi été créés pour suivre l’expérience des PEP.

La généralisation du projet d’exécution de la peine changerait pourtant radicalement la philosophie de l’incarcération, conçue comme une véritable démarche vers la sortie. L’exemple canadien est, à cet égard, une nouvelle fois probant.

La réflexion sur la durée de l’incarcération doit également se pencher sur une conception dynamique de l’incarcération, définie en termes de paliers successifs, de plus en plus ouverts, jusqu’à la sortie finale.

La mise en place des centres pour peines aménagées (CPA) parait être un début de réponse à cette logique de régime progressif ; les CPA implantés en centre ville, visent à améliorer la prise en charge des courtes et moyennes peines à moins d’un an de la libération. Tournés vers la réinsertion et un retour rapide des personnes en milieu libre, ces établissements offrent un régime basé sur un apprentissage progressif de l’autonomie et une responsabilisation des condamnés, afin d’élaborer un projet de sortie. Ces CPA sont caractérisés par une coopération entre travailleurs sociaux, partenaires extérieurs et équipes surveillantes ; ces dernières exercent une mission comparable à celle existant dans les quartiers mineurs, davantage tournée vers l’animation et le tutorat.

La totalité du programme repose actuellement sur le réaménagement de deux établissements pénitentiaires classiques (Metz-Barrès et Les Baumettes) et la construction, dans un avenir plus ou moins proche, de dix centres.

La progressivité des régimes d’incarcération était un élément essentiel de la réforme " Amor " initiée en 1945 ; l’objectif fut néanmoins abandonné à la suite des événements dramatiques vécus dans le milieu des années 70. L’apaisement du climat pénitentiaire plaide pour une réactivation de la réflexion sur le sujet. Seule la progressivité des régimes de détention, avec la construction d’établissements adéquats est à même de préparer des projets de sortie réussis et de réduire en conséquence les taux de récidive.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr