La publication il y a quelques mois du livre du docteur Véronique Vasseur, ancien médecin chef de la Santé à Paris, a constitué un électrochoc, en attirant l’attention de l’opinion publique sur la situation souvent extrêmement difficile des prisons en France.

Le groupe UDF a été le premier, à la suite de la publication de cet ouvrage, à saisir toute l’importance et l’urgence de cette question en demandant la constitution d’une commission d’enquête.

Il a été sur ce point rejoint par l’ensemble des groupes de l’Assemblée. La commission d’enquête qui s’est mise en place sous la présidence de M. Laurent Fabius puis de M. Louis Mermaz a procédé depuis le mois de février à une série d’auditions au cours desquelles les parlementaires membres ont pu rencontrer et dialoguer avec les intervenants du milieu carcéral.

Conscients par ailleurs de la nécessité de se rendre sur le terrain pour pleinement saisir la réalité du problème et des enjeux, les membres de la commission ont visité au cours des derniers mois la totalité des 187 prisons existantes en France. Enfin, ils ont souhaité connaître les expériences menées chez nos voisins et se sont donc rendus à l’étranger.

Au terme de ce long et riche travail, les députés du groupe UDF partagent les orientations définies dans le rapport de la commission.

Ils se félicitent tout particulièrement que le Parlement, en constituant une commission d’enquête, ait exercé sur ce sujet difficile toute l’étendue de son pouvoir de contrôle, inscrit dans la Constitution.

Ils souhaitent que la publication de ce rapport permette à l’opinion de prendre conscience véritablement de la réalité de la prison et qu’elle aboutisse à l’ouverture d’un large débat public, indispensable.

Ils veulent à cette occasion réaffirmer avec force un certain nombre de principes et d’objectifs qui doivent guider notre action future en direction des prisons et plus généralement du milieu carcéral.

En effet, il ressort des nombreuses auditions et visites effectuées que ce qui est en jeu, au-delà de la nécessaire préoccupation des conditions du respect des droits de l’homme en prison, c’est le sens donné à la sanction, à la fois pour le détenu, pour le personnel, les victimes et la société tout entière.

L’incarcération est une sanction se caractérisant par la privation de liberté. Elle répond à la nécessaire protection par l’Etat de l’ordre public et de la sécurité des citoyens. Elle est aussi une réponse pour les victimes et leurs familles.

A partir de ce constat, il faut s’interroger sur la signification de la mission de la prison. Celle-ci permet d’écarter un individu de la société en l’isolant, mais cette privation de liberté est, dans la majorité des cas, temporaire. Il se pose alors nécessairement la question de la sortie de prison pour cet homme ou cette femme et donc de sa réinsertion.

Cette réinsertion réussie constitue la meilleure des garanties pour assurer la sécurité des individus. C’est pourquoi, donner des moyens pour se réinsérer en prison, c’est aussi améliorer la protection de l’ordre public. Cette conviction, fruit de ce long travail de réflexion et de nos rencontres, nécessite de repenser en profondeur le sens et l’organisation de l’administration pénitentiaire car, en la matière, la France affiche un retard important.

Elle amène notamment à s’interroger sur la longueur de la peine, particulièrement pour les mineurs et les jeunes adultes pour lesquels la question de la réinsertion se pose avec encore plus d’acuité. La prison ne doit ni accélérer l’exclusion, ni entretenir une spirale de la délinquance.

En outre, elle conduit à souligner la nécessité d’établir, dans la perspective de cette sortie, un projet contractuel entre le détenu et l’administration pénitentiaire. En effet, derrière chaque détenu, il y a un homme et une femme, avec ses talents, ses difficultés, ses faiblesses.

Les députés du groupe UDF ont été particulièrement impressionnés par l’exemple du Canada où un véritable contrat est établi au moment de l’incarcération, comprenant notamment un plan de formation au sens large, pouvant aller de l’apprentissage de la lecture à des études supérieures.

Le personnel pénitentiaire joue un rôle essentiel dans ce projet d’exécution des peines. Les députés du groupe UDF souhaitent saluer le travail remarquable de ces personnes, qui exercent dans des conditions difficiles, une mission délicate. Leur rôle doit être repensé, car la multiplication des intervenants extérieurs les a parfois privés de leur mission essentielle de courroie de transmission entre les détenus et l’administration pénitentiaire. C’est pourquoi, il est indispensable qu’ils soient associés à toute réforme. En outre, ces personnels doivent pouvoir envisager une évolution de carrière, d’où la nécessité d’une formation continue, d’autant que le profil de la population carcérale évolue rapidement.

Dans le cadre d’un tel contrat, il incombera aux parlementaires de réfléchir à la libération conditionnelle. Bien qu’accueillie avec réserve dans l’opinion publique, elle apparaît comme une des solutions à la fois en terme de réinsertion du détenu et également pour régler le problème de la surpopulation carcérale et des risques qui en découlent. Evidemment, elle doit être précisément encadrée et faire l’objet de tous les aménagements nécessaires. Le travail de la commission d’enquête a d’ailleurs souligné la nécessité de mettre en _uvre une étude approfondie sur la récidive, qui fait aujourd’hui défaut, et qui nous permettait d’envisager de façon sans doute plus sereine les enjeux de l’incarcération, et de la sortie de prison.

Par ailleurs, la visite de plusieurs prisons a souligné la nécessité de réfléchir également à la spécialisation des établissements. En effet, certaines catégories de population, dont les malades psychotiques, n’ont pas leur place en prison, mais devraient être pris en charge dans des structures spécialisées, mieux à même de traiter leur cas. Le rôle du pénitentiaire n’est pas d’ordre sanitaire, mais judiciaire. Inversement, le système sanitaire doit trouver les voies et moyens propres à traiter et accueillir ces malades qui sont aussi des délinquants ou des criminels.

Cependant, ces réformes concernant l’exécution des peines et la réinsertion du détenu ne pourront rentrer en _uvre que si on y associe étroitement les victimes et leur famille. Ceux-ci ne doivent pas être oubliés. Elles doivent pouvoir être informées de l’exécution de la peine si elles le souhaitent, et sans doute consultées dans la perspective d’une libération conditionnelle. C’est pourquoi le Groupe UDF a insisté sur la nécessité de mentionner cet enjeu essentiel dans le rapport.

Enfin, la société doit également donner à l’individu qui a accompli sa peine la possibilité concrète de se réinsérer au regard des autres. Cette mise en place d’une réconciliation civile est indispensable car sinon nous ne pourrons pas aller vers une société de l’accueil des anciens détenus et c’est la récidive qui sera aggravée. On pourrait ainsi envisager l’effacement de la peine du casier judiciaire au bout d’un certain nombre d’années et en cas de non récidive.

Au terme du rappel de ces principes fondamentaux, les députés du Groupe UDF pensent que plusieurs réformes sont à envisager.

Tout d’abord, l’amélioration de la situation des établissements et des conditions de vie des détenus nécessite un véritable effort en matière de moyens affectés à l’administration pénitentiaire. Les députés du Groupe UDF sont favorables à l’adoption d’une loi de programmation pénitentiaire forte et immédiate.

L’objectif d’une réinsertion réussie passe par une amélioration des conditions de vie en prison. Leur indécence, particulièrement dans les maisons d’arrêt pour ceux en détention provisoire (donc présumés innocents) a été à l’origine de la création de la commission d’enquête.

La privation de liberté est la seule sanction légitime pour les détenus, et on ne doit pas y ajouter des conditions de détention particulièrement difficiles, sans parler du traumatisme de certains traitements dégradants.

En la matière, les députés du Groupe UDF ont pu constater que la taille des établissements joue un rôle important sur les conditions de vie des détenus : il faut des établissements à taille humaine. Ces établissements doivent également disposer de davantage d’autonomie. Le système français se caractérise par une forte centralisation, d’où une lourdeur administrative, synonyme souvent de lenteur en matière d’investissement, de remplacement de postes...

Les familles des détenus jouent également un rôle essentiel dans la manière dont l’incarcération est vécue, et donc dans la réinsertion. Les conditions de leur accueil sont encore trop inégales entre les différents établissements. Les députés du Groupe UDF sont favorables à l’expérimentation des unités de vie familiale, permettant au détenu d’accueillir et de partager des moments d’intimité avec sa famille.

Enfin, il nous faudra dans un avenir proche régler la question de la surpopulation carcérale. Non seulement, certaines personnes sont incarcérées alors qu’elles devraient sans doute être dans des centres spécialisés (malades psychotiques), mais pour d’autres l’incarcération ne constitue sans doute pas la réponse la plus appropriée. Le rapport mentionne la mise en place d’un numerus clausus.

En attendant de se prononcer sur le fond de cette proposition, il importe en tout état de cause de se donner les moyens de mettre véritablement en place une politique d’alternatives à l’incarcération. En effet, faute de moyens en personnel de contrôle, les tribunaux prononcent de moins en moins de peines de travail d’intérêt général ou de mise à l’épreuve. On constate pour la même raison une sous-utilisation des centres de semi-liberté.

Quant aux bracelets électroniques, déjà en place dans plusieurs pays, on ne peut que déplorer les retards pris en France pour leur expérimentation.

Pour toutes ces raisons et espérant qu’un large débat public s’engage sur tous ces enjeux et soit suivi de mesures effectives, les députés du Groupe UDF voteront les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur les prisons. Ils souhaitent également que la commission des lois soit saisie sur ce sujet, et qu’un suivi précis soit effectué, notamment avec la publication d’un rapport dans un an faisant état des mesures concrètes prises pour le personnel, les établissements et les détenus.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr