Ces derniers mois ont été l’occasion d’une prise de conscience sans précédent des dysfonctionnements du système pénitentiaire français. Les parlementaires ne pouvaient rester insensibles à l’émotion suscitée par les témoignages. C’est pourquoi le groupe Démocratie Libérale a été à l’initiative de la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la situation des prisons françaises.

Cependant, il ne faut pas se méprendre sur la signification de cette dernière. Sa démarche n’a pas été d’accuser mais de savoir, au-delà de toute considération de politique partisane. Elle n’a pas non plus entendu doubler l’inspection générale des services pénitentiaires. Sa mission était toute autre. Il ne s’agissait pas pour elle d’énumérer ou de faire le bilan d’éléments quantitatifs comme le nombre de prisons ou de détenus, ni de rentrer dans la querelle philosophique sans fin qui oppose sanction et réinsertion et qui ne représente qu’une caricature de débat.

Si tel avait été le cas, nous aurions pris le risque de mettre en retrait le rôle de la sanction alors même que l’opinion a aujourd’hui besoin d’être rassurée. Par conséquent, tout au long de nos travaux, nous n’avons entendu être ni sécuritaires ni laxistes. Notre objectif était de faire comprendre que la prison entre dans un schéma différent. Elle ne représente qu’un élément de la sanction.

La prison doit constituer une sanction intelligente dont on ne retire pas le caractère coercitif mais qui ne doit pas pour autant être facteur d’élimination. Les détenus ont, en effet, pour la plupart d’entre eux, vocation à se réinsérer et c’est la raison pour laquelle la peine de prison doit pouvoir être déclinée selon des modalités les plus diverses possibles dans l’application de la peine.

Cette commission d’enquête a donné lieu à un rapport complet, bien construit et particulièrement enrichissant, auquel le groupe Démocratie Libérale souscrit, mais deux faiblesses apparaissent cependant qui auraient pu donner lieu à un approfondissement et une réflexion supplémentaire.

La première concerne l’absence inacceptable des magistrats du milieu carcéral. Malgré les textes, ces derniers semblent totalement se désintéresser du sort des détenus. Une fois en prison, prétendre exercer un recours relève le plus souvent de la mission impossible, le monde carcéral étant presque totalement déjudiciarisé. Une fois le jugement prononcé, univers judiciaire et univers carcéral semblent étrangers l’un à l’autre, à l’exception peut-être du juge de l’application des peines, magistrat d’ailleurs insuffisamment valorisé.

Une réforme profonde des relations entre magistrats et prisons est donc impérative. Il est du devoir des magistrats du parquet d’exercer un contrôle précis, régulier et quotidien sur l’évolution des détenus, de même qu’il est important que les juges d’instruction suivent individuellement ceux dont ils ont eu à s’occuper. Le cordon ombilical du système pénitentiaire doit être maintenu avec les juges et ne pas de limiter à un simple rattachement administratif auprès d’une direction du ministère de la Justice.

La deuxième faiblesse concerne la partie relative aux mineurs. La France en est encore au stade où l’application de la peine aux mineurs relève d’expérimentations rares et coûteuses. La délinquance des mineurs est aujourd’hui un vrai sujet de société, un sujet à part entière auquel nous nous contentons de répondre par des expérimentations, par définition exceptionnelles. La France ne prend pas la mesure du problème grave qui se pose à elle.

Le bon sens et la justice exigent que les mineurs ne soient pas traités comme les majeurs et de cette observation, simple, doit découler une conclusion toute aussi évidente : il est nécessaire de mettre en place un système spécifique aux mineurs, dans lequel insertion et enseignement seraient liés et obligatoires, sans refuser l’éloignement et la sévérité des sanctions.

Il faut donc prendre à bras le corps le cas spécifique des mineurs et de ce que l’on appelle communément les mineurs majeurs, ce qui implique que la Chancellerie, l’Education nationale ou encore le ministère de la Jeunesse et des sports travaillent de concert pour mettre en place un système durable. C’est un système nouveau et une législation spéciale qu’il faut inventer.

Le rôle de la prison tient donc, à la fois de la sanction et de la réinsertion. Or par ailleurs, compte tenu de la diversité des réalités vécues dans chaque établissement, la déconcentration de leur organisation et la possibilité pour chaque chef d’établissement d’appliquer une réglementation souple et individualisée est nécessaire.

Outre ces remarques, la qualité du travail de la commission d’enquête mérite d’être saluée et le groupe Démocratie Libérale vote avec conviction le rapport auquel il aboutit. Mais il convient de ne pas s’arrêter là, une suite concrète doit lui être donnée, notamment sous la forme d’une grande loi pénitentiaire accompagnée de réels moyens financiers.

L’examen d’une future loi sera l’occasion de mener un débat d’envergure, à la fois politique et pédagogique afin d’expliquer la place de la prison dans l’échelle des peines et son rôle de sanction. Ce rapport ne doit pas être, en effet, interprété comme un moyen pour les pouvoirs publics de se dérober à leurs responsabilités. Cette grande loi devra, par ailleurs, être fondée sur des moyens et ne pas négliger les victimes.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr