En raison de la surpopulation, il est difficile d’organiser en maison d’arrêt des activités collectives : promenades, sport, travail et formation. L’exercice de telles activités suppose d’ailleurs que le bâtiment ait été conçu en fonction d’un tel cahier des charges, ce qui n’est pas le cas des maisons d’arrêt les plus anciennes.

A) LES COURS DE PROMENADE : UN MINIMUM

Le régime " classique " de la " promenade " en maison d’arrêt est d’une heure le matin et d’une heure l’après-midi.

En général, les maisons d’arrêt du sud est de la France laissent les détenus dehors beaucoup plus longtemps. A Ajaccio, le temps laissé à la promenade est de cinq heures par jour. A Digne, les détenus ont la possibilité de passer trois heures à l’air libre. La commission a constaté que ces horaires étaient encore plus larges aux Baumettes.

Dans les maisons d’arrêt d’outre-mer, compte tenu de leur surpopulation massive, et de leurs conditions de détention particulièrement indignes, les détenus sont dehors pendant la quasi-totalité de la journée.

B) LE SPORT : DES TERRAINS INADAPTES ET DES MONITEURS EN NOMBRE INSUFFISANT

La pratique du sport en maison d’arrêt est étroitement liée à la taille des locaux et des terrains disponibles, mais également au nombre de moniteurs affectés à ces activités sportives.

Si le code de procédure pénale prévoit, explicitement, dans son article D. 359 que " le règlement intérieur de chaque établissement pénitentiaire doit réserver une partie de l’emploi du temps des détenus à l’exercice d’activités physiques ", l’organisation de ces activités semble poser un grand nombre de problèmes, en raison notamment de la surpopulation. Par exemple, il faut nécessairement deux moniteurs pour encadrer un groupe de vingt détenus.

Pour 53.000 détenus, on compte 220 surveillants-moniteurs, soit une moyenne d’à peine plus d’un moniteur par établissement pénitentiaire. L’apport de surveillants " faisant fonction " de moniteurs de sport pallie les nombreux postes restés vacants, tandis que les intervenants extérieurs, vacataires ou bénévoles, apportent une spécialisation sportive.

L’article D. 459-2 du code de procédure pénale rend compte de la difficulté d’organiser des activités sportives dans des locaux vétustes ou inadaptés : " sous réserve des contraintes architecturales, l’établissement doit être doté d’équipements sportifs de plein air et couverts, réglementaires et polyvalents, permettant l’organisation de séances et de rencontres sportives. Dans la mesure du possible, la localisation des terrains de sport est différente de celle des cours de promenade ".

La commission a constaté que les locaux ne permettaient pas l’exercice du sport dans de bonnes conditions. Seule la moitié des établissements pénitentiaires dispose de terrains dont la localisation est " différente " de celle des cours de promenade. Les 25 établissements pénitentiaires qui ne disposent d’aucune installation sont des maisons d’arrêt.

Dans le cadre des " centres pénitentiaires ", où coexistent maison d’arrêt et centre de détention, la priorité est une nouvelle fois donnée au centre de détention. L’exemple de Draguignan est parlant : les activités sportives sont de 2 h 30 par semaine en maison d’arrêt, de 3 heures par jour en centre de détention.

Cependant, des équipements de bonne qualité existent. A Fleury-Mérogis, votre commission a pu visiter le gymnase de la maison d’arrêt des femmes, construit par les détenues sous la direction d’un compagnon du tour de France. Les terrains de sport étant de taille suffisante, le football et l’athlétisme peuvent être pratiqués. Pour les jeunes détenus, du " kick boxing " est également proposé. Malgré les réticences des surveillants, la pratique de ce sport de combat semble avoir un effet apaisant.

En revanche, la maison d’arrêt de la Santé interdit les sports de combat.

Pour des raisons pratiques -son exercice ne nécessite que peu de place- et " culturelles " -la population pénale vit dans la religion de la " gonflette "- chaque maison d’arrêt dispose d’un local de musculation. La musculation est souvent le seul sport pratiqué en maison d’arrêt.

Les maisons d’arrêt de Gap et d’Avignon, par exemple, ne proposent que cette seule activité. Dans le cas d’Avignon, la pratique de la musculation concerne la moitié des détenus (150 sur 307).

La commission a pu constater, au cours de ses visites, que les appareils utilisés étaient généralement en bon état et souvent " sécurisés ", les haltères pouvant notamment être détournées de leur vocation.

En revanche, les salles sont souvent trop petites. A Toulon, certains appareils sont situés dans un couloir, faute de place.

C) LE TRAVAIL PENITENTIAIRE : DES SITUATIONS TRES DISPARATES

Les " prévenus " doivent être autorisés à travailler par le juge, ce qui représente une lourdeur administrative supplémentaire.

Il existe deux types de travail en détention, fondamentalement différents :

 le travail délégué à un concessionnaire privé ; les postes sont extensibles à volonté, en fonction de la demande des entreprises et du nombre de concessionnaires ;

 les postes de travail liés au fonctionnement des établissements et appelés " service général " : les fonctions de maintenance et d’hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage) nécessitent un nombre non négligeable de détenus. Les indigents et les pointeurs constituent l’essentiel des auxiliaires du service général.

La commission a pu constater que le travail pouvait être un moyen de réduire les conséquences de la surpopulation. L’exemple de la maison d’arrêt du Mans, où près de 100 détenus travaillent, sur un effectif total de 126, traduit le souci d’éviter que les détenus " ne se retrouvent sur les toits ". A la maison d’arrêt de Melun, 60 détenus sur 83 sont occupés.

Cependant, de tels taux d’occupation par le travail restent exceptionnels. A Nanterre, le pourcentage de travailleurs est de l’ordre de 22 %. A la Santé, il est de 30 %.

Certaines maisons d’arrêt -faute de partenariats avec des entreprises et aussi par manque de place pour installer des ateliers- ne peuvent proposer que les seuls postes du service général. Cette situation n’est pas forcément liée à la " taille " de la maison d’arrêt : celle de Cahors, avec moins de 60 détenus, dispose de 15 places en concession, alors que celle de Béziers, avec environ 100 détenus, n’en propose aucune.

Par ailleurs, d’autres maisons d’arrêt ne proposent que très peu de places par rapport au nombre de personnes susceptibles d’y être incarcérées : la maison d’arrêt de Toulouse n’a que 20 places de travail pour 477 détenus, celle d’Albi 7 places pour 90 détenus.

Dans les centres pénitentiaires, la priorité est accordée au centre de détention par rapport à la maison d’arrêt. Par exemple, le quartier maison d’arrêt hommes du centre pénitentiaire de Draguignan, malgré une capacité théorique de 136 personnes, ne propose aucun travail.
Les concessionnaires dans les maisons d’arrêt : l’exemple de la région pénitentiaire de Toulouse
Maisons d’arrêt sans concessionnaires

Albi (hommes) Aurillac, Perpignan (hommes), Béziers, Foix.

Maisons d’arrêt avec concessionnaires

Albi (femmes), Cahors, Nîmes, Perpignan (femmes), Tarbes, Villeneuve-lès-Maguelonne, Montauban, Carcassonne, Rodez, Toulouse.

Même si le travail est un " droit " en détention, selon l’article 720 du code de procédure pénale, il est difficile à organiser. Il faut, en effet, trouver suffisamment de partenariats, et d’entreprises concessionnaires41(*). Le travail nécessite des locaux, une surveillance qui n’est plus exactement de la même nature que la surveillance " traditionnelle ".

Les bâtiments anciens ne permettent pas de travailler dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité ; tout d’abord, dans un nombre important de maisons d’arrêt, le travail s’effectue en cellule dans des conditions souvent dignes d’un atelier clandestin ; ensuite, les ateliers ne sont souvent plus aux normes de sécurité incendie.

Les détenus, en dehors des indigents, sont peu incités à travailler, pour des raisons financières. 30 % des revenus, à concurrence de 300 francs par mois, sont prélevés pour financer les frais d’entretien du détenu. Cette " dîme " est apparue choquante à la commission, car le détenu qui ne travaille pas, parce qu’il n’a pas de besoins financiers, n’aura pas, par définition, à s’acquitter d’une telle somme.

La rémunération des postes du service général est faible, mais très variable selon les maisons d’arrêt : 1.450 francs par mois en cuisine, 450, 600 ou 840 francs par mois pour les autres tâches.
L’inégalité de la rémunération des postes du service général
(hors cuisines)
La commission d’enquête a pu constater l’extrême diversité de la rémunération mensuelle des postes du service général.

Bourges : 595 francs

Bois d’Arcy : 801 francs

Nanterre : 840 francs

Osny : 850 francs

Blois : 1.020 francs

Selon l’administration pénitentiaire, la moyenne des rémunérations est de 740 francs.

En ateliers, la rémunération est à peine plus élevée : elle s’élève, dans la plupart des cas, entre 1.000 et 3.500 francs.

Un détenu pourra préférer attendre tranquillement la fin de sa détention et continuer à percevoir les " prébendes " de ses activités illicites (proxénétisme, trafic de stupéfiants).

A Loos-lès-Lille, la maison d’arrêt éprouve des difficultés pour inciter les détenus à travailler, que ce soit dans les ateliers ou dans les cuisines. Alors que les ateliers pourraient accueillir jusqu’à 100 détenus, seulement 60 y exercent une activité.

A la maison d’arrêt de la Santé, le travail se déroule entre 8 heures et 17 heures dans des ateliers exigus qui ne couvrent que 300 m2 de la superficie de l’établissement. Le travail en cellule consiste essentiellement à effectuer du petit conditionnement et de la mise sous pli de documents. Les rémunérations s’élèvent à 120 francs brut par jour.

Dans d’autres établissements, l’administration pénitentiaire aura, au contraire, du mal à " répondre à la demande ", notamment des entreprises qui travaillent à flux tendus.

D) LA FORMATION : UNE ACTIVITE LAISSEE POUR COMPTE DANS LA PLUPART DES MAISONS D’ARRET

Le détenu ne se trouvant en maison d’arrêt que pour un temps parfaitement indéfini, et parfois très court, il est difficile de lui proposer des formations, dont certaines s’inscrivent sur une durée longue, et notamment celle de l’année scolaire.

La priorité de l’éducation nationale est de repérer les illettrés, afin qu’ils puissent bénéficier d’un (ré)apprentissage de l’écriture et de la lecture. Mais l’enseignement est souvent en concurrence avec le travail.

Les caractéristiques du public pénitentiaire nécessitent un travail en tout petits groupes, afin de permettre un suivi individualisé de chacun.

Votre commission a pu se rendre compte du dévouement des professeurs des écoles chargés d’effectuer ces enseignements. Il n’en demeure pas moins que bon nombre de postes sont laissés vacants par l’éducation nationale.

Différentes associations, auditionnées par votre commission d’enquête, proposant notamment des cours par correspondance, relaient cet effort éducatif : GENEPI, Auxilia, ...

S’agissant des mineurs, la commission a constaté que l’éducation nationale, et même les associations, se dégageaient de leur mission : les quelques enseignants qui acceptent les conditions extrêmement difficiles de ces quartiers, tel celui sinistre de la prison Saint-Paul à Lyon, tentent vaille que vaille de se conformer à l’obligation scolaire en dispensant quelques notions fondamentales à cette population le plus souvent illettrée et sans repères.


Source : Assemblée nationale. http://www.senat.fr