Le code de procédure pénale énonce clairement que le détenu doit prendre connaissance du règlement de l’établissement pénitentiaire.

La réédition en 1999 d’un " Guide du détenu arrivant "43(*) représente un progrès considérable. Ce guide se présente sous la forme d’une série de questions/réponses, agrémentées d’illustrations. Les paragraphes sont organisés, pour chaque question, autour de quatre affirmations : " je peux ", " je ne peux pas ", " je dois ", " je ne dois pas ". Ce guide est normalement fourni à chaque personne écrouée et détaille les principales règles de la vie en détention. La commission a constaté que ce guide ne semblait pas systématiquement remis à chaque arrivant dans son paquetage.

Au-delà de cette avancée, il ne faut pas se cacher que l’égalité des détenus devant le service public pénitentiaire n’est qu’une fiction. Chaque établissement a ses spécificités propres, notamment en ce qui concerne les conditions de détention.

En vertu de l’obligation résultant de l’article D. 255 du code de procédure pénale, chaque établissement établit tout d’abord son propre règlement, qui est transmis pour approbation au directeur régional, après avoir été soumis pour avis au juge de l’application des peines.

Le directeur serait-il alors le " seul maître à bord " ?

Au-delà du document écrit que constitue le règlement, chaque établissement a son " esprit d’entreprise ". L’histoire d’un établissement pénitentiaire, le type de population pénale et le comportement des surveillants ont beaucoup d’importance : Clairvaux est une maison centrale " hantée " par les problèmes de sécurité. Fresnes est une maison d’arrêt " fière " (par rapport à Paris - la Santé ?, à Fleury-Mérogis ?) d’avoir su préserver une certaine " discipline ".

L’utilisation du téléphone est l’exemple cité par bon nombre d’intervenants, dont le premier président Canivet : certains établissements -même des maisons d’arrêt- permettent aux détenus de téléphoner, d’autres non, en raison de règles de sécurité qu’il reste à définir plus précisément.

Dans son dernier rapport sur la France44(*), le comité de prévention de la torture affirmait qu’" il va de soi que, dans l’intérêt des instructions judiciaires, il peut être nécessaire d’interdire à un prévenu des contacts avec le monde extérieur pendant un certain temps. De plus, dans certains cas, le magistrat instructeur pourrait soumettre les contacts téléphoniques à un contrôle approprié. Toutefois, interdire à tout prévenu pendant toute la durée de détention de tels contacts est, de l’avis du comité de prévention de la torture, injustifié. L’on ne peut du reste que noter qu’une telle approche s’éloigne de celle suivie dans d’autres pays européens. "

On pourrait également citer l’exemple des douches45(*) : des établissements visités par votre commission tentaient de se conformer, ou indiquaient se conformer strictement aux règles prévues par le décret du 8 décembre 199846(*). D’autres établissements ont précisé que la douche était accordée " à la demande ".

Les " rondes de nuit " sont également de nature très différente, selon les établissements. Selon l’article D. 272 du code de procédure pénale, ces rondes sont faites " suivant un horaire fixé et quotidiennement modifié par le chef de détention, sous l’autorité du chef d’établissement ". Dans certains établissements, les surveillants vérifient de manière très stricte, six fois dans la nuit, la " présence effective " des détenus, en allumant la lumière de la cellule. Dans d’autres établissements, il peut ne pas y avoir de ronde de nuit entre 1 heure et 5 heures du matin (exemple de la Santé), ce qui pose des problèmes de sécurité et laisse effectivement davantage de possibilités aux violences, dans le cadre d’une population entassée, mais peut également avoir pour conséquence d’augmenter la fréquence des suicides.

Le fait d’accorder une douche ou non, un parloir ou non, une heure de sport ou non, un déplacement en bibliothèque ou non, est souvent un enjeu de négociation entre le(s) surveillant(s) et le détenu.

La commission a par ailleurs constaté que des conditions matérielles de détention détestables allaient généralement de pair avec un assouplissement de la discipline.

L’usage de stupéfiants, l’utilisation de téléphones portables, les relations sexuelles au parloir, normalement interdits, sont parfois tolérés. Le " retour en arrière " apparaît alors impossible, comme le montre l’exemple de la maison d’arrêt de Borgo, en Corse.

Il reste que la conjonction d’un directeur de bonne volonté, d’un personnel motivé et d’une population pénale paisible peut donner -comme l’a indiqué Mme Martine Viallet devant votre commission- de très bons résultats.


Source : Assemblée nationale. http://www.senat.fr